Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) élevage de Durtal a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, d'annuler la décision du 1er septembre 2017 du chargé d'affaires techniques au sein de l'établissement secondaire de la société Enedis de
Saint-Brieuc ainsi que celle du responsable de l'agence de raccordement électrique de la direction générale de Bretagne de la société Enedis notifiée le 6 juillet 2018 et, d'autre part, d'enjoindre, sous astreinte, à cette société de déplacer la ligne haute tension et le pylône situés sur son exploitation agricole.
Par un jugement n° 1805075 du 4 décembre 2020 le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 4 février, 9 mars et 2 octobre 2021, l'EARL élevage de Durtal, représentée par Me Barrault, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 4 décembre 2020 ;
2°) d'enjoindre, sous astreinte, à la SA Enedis de déplacer le pylône en litige dans le délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de la S.A. Enedis une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
le jugement devra être confirmé en tant qu'il reconnaît l'emprise irrégulière ;
le poteau électrique en litige, qui est irrégulièrement implanté, est de nature à troubler la jouissance de son exploitation en rendant plus difficile l'accès des camions et à provoquer un risque sécuritaire dans le cadre de la configuration actuelle du hangar P1 ; la ligne électrique est implantée par rapport au silo en méconnaissance des distances de sécurité prévues à l'article
24 de l'arrêté du 17 mai 2001 fixant les conditions techniques auxquelles doivent satisfaire les distributions d'énergie électrique. En raison de ce risque sécuritaire relevé par l'inspecteur du travail, elle a cessé d'exploiter ce hangar. En outre, pour respecter les normes sanitaires, elle est dans l'obligation de déplacer ses silos, ce qu'elle ne peut faire en raison de l'implantation du poteau électrique qui empêche le déchargement des camions, de sorte qu'elle a été contrainte de cesser leur exploitation depuis le 31 décembre 2019 alors qu'elle ne dispose d'aucune autre solution de rechange ;
c'est, par suite, à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges n'ont pas fait droit à sa demande d'injonction de faire déplacer le poteau électrique dès lors que ce déplacement n'est pas de nature à entraîner une atteinte excessive à l'intérêt général et que la société Enedis ne justifie d'aucun risque d'interruption du service public, de difficultés financières ou techniques marquées ou d'un autre motif d'intérêt général susceptible de faire obstacle à une modification de l'implantation de l'ouvrage ;
la société Enedis s'était engagée, par la charte pour la sécurisation des livraisons d'aliments du bétail dans les silos et autres locaux de stockage en Bretagne à garantir une protection maximale autour des silos, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 16 juillet et 11 octobre 2021, la S.A. Enedis, représentée par la SCP Elghozi-Geanty-Gautier-Pennec, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'EARL élevage de Durtal la somme de 2 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
le code civil ;
le code de l'énergie ;
le code de procédure pénale ;
le code des relations entre le public et l'administration ;
la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie ;
le décret n° 67-886 du 6 octobre 1967 ;
l'arrêté du 17 mai 2001 fixant les conditions techniques auxquelles doivent satisfaire les distributions d'énergie électrique ;
le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
le rapport de M. L'hirondel, premier conseiller,
les conclusions de M. Pons, rapporteur public,
et les observations de Me Bourges-Bonnat, substituant Me Barrault, représentant l'EARL élevage de Durtal.
Une note en délibéré, présentée pour l'EARL élevage de Durtal, a été enregistrée le 20 janvier 2021.
Considérant ce qui suit :
1. L'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) élevage de Durtal, qui exerce une activité d'élevage de volailles à Crevin (Ille-et-Vilaine), a demandé à la société Enedis de déplacer un pylône supportant une ligne électrique à haute tension, implanté sur son exploitation en 1990. Par un courrier du 1er septembre 2017, la SA Enedis a rejeté cette demande. L'EARL a saisi le médiateur national de l'énergie qui a proposé, par une recommandation du 5 janvier 2018, de déplacer la ligne électrique à haute tension et le pylône litigieux en dehors de l'exploitation de l'EARL aux frais de la société Enedis. Par une décision non datée reçue le 6 juillet 2018, la société Enedis a refusé de suivre la proposition du médiateur national de l'énergie et a maintenu sa décision de refus. L'EARL élevage de Durtal relève appel du jugement du tribunal administratif de Rennes du 4 décembre 2020 qui a rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint à la société Enedis de déplacer ce poteau.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. Aux termes de l'article 2227 du code civil : " Le droit de propriété est imprescriptible. Sous cette réserve, les actions réelles immobilières se prescrivent par trente ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. ". Selon l'article 2228 du même code : " La prescription se compte par jours, et non par heures. ". L'article 2229 du même code énonce que : " Elle est acquise lorsque le dernier jour du terme est accompli ".
3. Il résulte du principe de sécurité juridique que le destinataire d'une décision administrative individuelle qui a reçu notification de cette décision ou en a eu connaissance dans des conditions telles que le délai de recours contentieux ne lui est pas opposable doit, s'il entend obtenir l'annulation ou la réformation de cette décision, saisir le juge dans un délai raisonnable, qui ne saurait, en règle générale et sauf circonstances particulières, excéder un an. Toutefois, cette règle ne trouve pas à s'appliquer aux recours tendant à ce que soit ordonnée la démolition ou le déplacement d'un ouvrage public dont il est allégué qu'il est irrégulièrement implanté qui, s'ils doivent être précédés d'une réclamation auprès de l'administration, ne tendent pas à l'annulation ou à la réformation de la décision rejetant tout ou partie de cette réclamation.
La prise en compte de la sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause indéfiniment des situations consolidées par l'effet du temps, est alors assurée par les règles de prescription telles que rappelées au point précédent. Par suite, la société Enedis n'est pas fondée à soutenir que la demande formée par l'EARL élevage de Durtal devant le tribunal administratif de Rennes serait irrecevable pour ne pas avoir été formé dans le délai raisonnable d'un an, alors même que la décision du responsable de l'agence de raccordement électrique de la direction générale de Bretagne de la société Enedis notifiée le 6 juillet 2018 serait purement confirmative de celle du 1er septembre 2017, aucune de ces deux décisions ne portant, au surplus, la mention des voies et délais de recours.
4. Il résulte de ce qui précède que la fin de non-recevoir opposée par la société Enedis doit être écartée.
Sur l'irrégularité de l'emprise :
5. Lorsqu'il est saisi d'une demande tendant à ce que soit ordonnée la démolition d'un ouvrage public dont il est allégué qu'il est irrégulièrement implanté par un requérant qui estime subir un préjudice du fait de l'implantation de cet ouvrage et qui en a demandé sans succès la démolition à l'administration, il appartient au juge administratif, juge de plein contentieux, de déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, si l'ouvrage est irrégulièrement implanté, puis, si tel est le cas, de rechercher, d'abord, si eu égard notamment à la nature de l'irrégularité, une régularisation appropriée est possible, puis, dans la négative, de prendre en considération, d'une part les inconvénients que la présence de l'ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence, notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d'assiette de l'ouvrage, d'autre part, les conséquences de la démolition pour l'intérêt général et d'apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n'entraîne pas une atteinte excessive à l'intérêt général.
6. Aux termes de l'article L. 323-3 du code de l'énergie, reprenant les dispositions du premier et du deuxième alinéa de l'article 12 de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie : " Les travaux nécessaires à l'établissement et à l'entretien des ouvrages de la concession de transport ou de distribution d'électricité peuvent être, sur demande du concédant ou du concessionnaire, déclarés d'utilité publique par l'autorité administrative (...) ". Selon l'article L. 323-4 du même code, reprenant les dispositions du troisième alinéa de l'article 12 de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie : " La déclaration d'utilité publique investit le concessionnaire, pour l'exécution des travaux déclarés d'utilité publique, de tous les droits que les lois et règlements confèrent à l'administration en matière de travaux publics.
Le concessionnaire demeure, dans le même temps, soumis à toutes les obligations qui dérivent, pour l'administration, de ces lois et règlements. / La déclaration d'utilité publique confère, en outre, au concessionnaire le droit : / 1° D'établir à demeure des supports et ancrages pour conducteurs aériens d'électricité, soit à l'extérieur des murs ou façades donnant sur la voie publique, soit sur les toits et terrasses des bâtiments, à la condition qu'on y puisse accéder par l'extérieur, étant spécifié que ce droit ne pourra être exercé que sous les conditions prescrites, tant au point de vue de la sécurité qu'au point de vue de la commodité des habitants, par les décrets en Conseil d'Etat prévus à l'article L. 323-11. Ces décrets doivent limiter l'exercice de ce droit au cas de courants électriques tels que la présence de ces conducteurs d'électricité à proximité des bâtiments ne soient pas de nature à présenter, nonobstant les précautions prises conformément aux décrets des dangers graves pour les personnes ou les bâtiments (...) ". L'article 1er du décret du 6 octobre 1967 portant règlement d'administration publique pour l'application de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie et de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique énonce que : " Une convention passée entre le concessionnaire et le propriétaire ayant pour objet la reconnaissance des servitudes d'appui, de passage, d'ébranchage ou d'abattage prévues au troisième alinéa de l'article 12 de la loi du 15 juin 1906 susvisée peut remplacer les formalités prévues au quatrième alinéa dudit article.
/ Cette convention produit, tant à l'égard des propriétaires et de leurs ayants droit que des tiers, les effets de l'approbation du projet de détail des tracés par le préfet, qu'elle intervienne en prévision de la déclaration d'utilité publique des travaux ou après cette déclaration, ou, en l'absence de déclaration d'utilité publique, par application de l'article 298 de la loi du 13 juillet 1925 susvisée. ".
7. Il résulte de la combinaison des dispositions mentionnées au point précédent que les servitudes mentionnées par l'article 12 de la loi du 15 juin 1906, codifié aux articles
L. 323-3 et suivants du code de l'énergie, ne peuvent être instituées qu'après l'enquête publique prévue par l'article 52 du décret du 29 juillet 1927 par une déclaration d'utilité publique ou par la convention passée entre le concessionnaire et le propriétaire prévue par l'article 1er du décret du 6 octobre 1967.
8. Il résulte de l'instruction que le poteau électrique supportant la ligne de haute tension dont l'EARL élevage de Durtal demande le déplacement est situé sur sa propriété à l'entrée de son exploitation agricole. Il n'est pas contesté que ce poteau a été installé en 1990 sans qu'aucune convention de servitude autorisant cette installation n'ait été conclue avec les propriétaires successifs de la parcelle. La double circonstance que le poteau était déjà installé depuis près de 25 ans lors de l'immatriculation de l'EARL élevage de Durtal au registre du commerce et des sociétés et qu'elle ne s'était pas plainte jusque-là de la présence de cet ouvrage ne peut valoir acceptation de l'emprise. Il s'ensuit qu'en l'absence de déclaration d'utilité publique ou de la convention passée entre le concessionnaire et le propriétaire prévue par l'article 1er du décret du 6 octobre 1967, le poteau litigieux ne peut être regardé comme ayant été implanté régulièrement sur le terrain de la société requérante.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
En ce qui concerne la régularisation de l'implantation de l'ouvrage litigieux :
9. Ainsi qu'il est dit au point 5, il appartient au juge administratif, juge de plein contentieux, de déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, lorsque l'ouvrage est irrégulièrement implanté, de rechercher, d'abord, si eu égard notamment à la nature de l'irrégularité, une régularisation appropriée est possible. Le juge ne peut déduire le caractère régularisable d'un ouvrage public irrégulièrement implanté, qui fait obstacle à ce que soit ordonnée sa démolition, de la seule possibilité pour son propriétaire, compte tenu de l'intérêt général qui s'attache à l'ouvrage en cause, de le faire déclarer d'utilité publique et d'obtenir ainsi la propriété de son terrain d'assiette par voie d'expropriation, mais est tenu de rechercher si une procédure d'expropriation avait été envisagée et était susceptible d'aboutir.
10. Il résulte de l'instruction que l'EARL élevage de Durtal s'oppose à conclure une convention de servitude pour le maintien du poteau litigieux. Il ne résulte pas, par ailleurs, de cette même instruction et n'est pas même soutenu que la société Enedis a envisagé de recourir à une procédure d'expropriation. Par suite, il ne résulte pas de l'instruction qu'une régularisation appropriée de l'implantation du poteau électrique en litige soit possible.
En ce qui concerne les conclusions à fin de déplacement du pylône :
13. Il résulte de l'instruction, notamment du procès-verbal de constat de l'huissier du 10 octobre 2019, du rapport de l'inspectrice du travail du 2 décembre 2019 et de la recommandation émise le 15 janvier 2018 par le médiateur national de l'énergie, que le poteau en litige est implanté sur le terrain constituant l'assiette de l'exploitation de la société requérante. Il est situé à proximité d'un accès routier servant à l'exploitation d'un bâtiment d'élevage à côté duquel se trouvent deux silos. Selon les documents précités, qui sont tous concordants, l'exploitation agricole se fait livrer de l'alimentation pour les volailles par des camions équipés d'une vis d'alimentation. Pour déverser leur marchandise dans le silo qui a une hauteur de 7,70 mètres, les camions sont obligés de déployer la vis d'alimentation jusqu'à une hauteur de 8 mètres, pouvant atteindre 11,30 mètres alors que la ligne à haute tension est à une hauteur de 9 mètres. L'inspectrice du travail a relevé, dans son rapport et après visite des lieux, qu'en cas d'oubli du repli du bras au départ du camion, il existe un risque réel de heurt entre la vis et la ligne ou de création d'un arc électrique, entraînant un risque d'accident mortel pour les travailleurs. En outre, pour pouvoir décharger leur marchandise, les camions doivent stationner à environ 3,60 mètres de la ligne électrique. L'implantation du poteau en litige méconnaît dans ces conditions les dispositions de l'article 24 de l'arrêté du 17 mai 2001 fixant les conditions techniques auxquelles doivent satisfaire les distributions d'énergie électrique et selon lesquelles " à proximité des silos effectivement desservis en vrac par des engins de manutention non installés à demeure, et notamment ceux affectés dans les exploitations agricoles au stockage des produits agricoles ou de produits nécessaires à l'agriculture, la distance de base au-dessus du sol ne doit pas être inférieure à H + 5 mètres, H étant la hauteur de la partie supérieure de l'ouverture de remplissage de ces silos ". En raison du danger présenté par la proximité de la ligne électrique, l'inspectrice du travail a procédé, sur le fondement de l'article 40 du code de procédure pénale, à un signalement auprès du procureur de la République pour mise en danger de la vie d'autrui, procédure dans laquelle la gérante de l'EARL élevage de Durtal a été entendue par les services de la gendarmerie. Enfin, selon l'attestation de l'expert-comptable, la fermeture d'un poulailler en raison de la proximité du poteau électrique ferait perdre à l'EARL une marge brute annuelle estimée à 22 302 euros. Si la société Enedis entend remettre en cause le bien-fondé des appréciations portées dans les documents précités, elle ne se réfère qu'à la hauteur des camions sans prendre en compte, ainsi que le mentionne au demeurant le médiateur national de l'énergie, la circonstance que ces camions doivent utiliser une vis d'alimentation pour desservir le silo. La circonstance que ces camions sont à l'arrêt au moment de décharger leur marchandise est sans incidence dès lors, ainsi que l'a noté l'inspectrice du travail, il existe un risque réel de heurt au départ des véhicules.
14. Au surplus, il résulte également de l'instruction qu'à la suite d'une inspection en biosécurité des élevages de volailles réalisée par la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations le 14 juin 2019, l'EARL élevage de Durtal a été mise en demeure de repositionner les silos desservant un de ses bâtiments. La société requérante a pour projet d'installer ces silos en bordure de son terrain et à proximité de la route, ce qui lui est interdit du fait de la présence du pylône électrique en litige.
15. Il résulte de ce qui précède que la présence de ce pylône constitue un danger avéré pour la sécurité des travailleurs venant approvisionner l'exploitation et occasionne pour l'EARL élevage de Durtal un trouble de jouissance en ne pouvant notamment pas choisir librement l'emplacement qui lui paraît le plus adapté pour implanter les installations qui lui sont nécessaires.
16. Pour refuser de déplacer l'ouvrage en litige, la société Enedis fait valoir que cet ouvrage à vocation à desservir une pluralité d'usagers dans un large périmètre et que les travaux de démantèlement et de reconstruction de la ligne, consistant, en l'espèce, à en un enfouissement qu'elle chiffre à 47 418,16 euros TTC, provoqueront inévitablement des coupures temporaires d'alimentation électrique pour les particuliers, les services publics et les entreprises. La société intimée n'établit pas, toutefois, la durée, ni l'importance de ces coupures d'électricité, ni le nombre des usagers ainsi que les entreprises et services qui seraient affectés par les travaux, ni même que ces travaux auraient une incidence sur la continuité du service public. Elle ne fait pas non plus état de difficultés techniques particulières pour enfouir la ligne ou d'un autre motif d'intérêt général susceptible de faire obstacle au déplacement de l'ouvrage. Dans ces conditions, elle n'établit pas que le coût de ces travaux, au regard de l'irrégularité de l'emprise et des préjudices subis par l'EARL élevage de Durtal, serait excessif.
17. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, au regard des désagréments résultant de l'implantation irrégulière de l'ouvrage et du caractère insuffisant des éléments apportés par la société Enedis quant aux inconvénients de son transfert, l'enfouissement de la ligne ne saurait être regardé comme portant une atteinte excessive à l'intérêt général. Par suite, il y a lieu d'enjoindre à la société Enedis de déplacer le pylône électrique irrégulièrement implanté sur le terrain de l'EARL élevage de Durtal dans un délai de six mois. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée.
18. Il résulte de tout ce qui précède que l'EARL élevage de Durtal est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint à la société Enedis de déplacer ce pylône électrique.
Sur les frais liés au litige :
19. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'EARL élevage de Durtal qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Enedis demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société Enedis une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'EARL élevage de Durtal et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 4 décembre 2020 est annulé.
Article 2 : Il est enjoint à la société Enedis de procéder à l'enfouissement du pylône électrique irrégulièrement implanté sur le terrain de l'EARL élevage de Durtal dans un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : la société Enedis versera à l'EARL élevage de Durtal la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la société Enedis tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'exploitation agricole à responsabilité limitée élevage de Durtal et à la société Enedis.
Délibéré après l'audience du 20 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Salvi, président,
- Mme Brisson, présidente-assesseure,
- M. L'hirondel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 février 2022.
Le rapporteur,
M. L'HIRONDELLe président,
D. SALVI
La greffière
A. MARTIN
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°21NT00329 2
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