Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... D... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 17 août 2023 par lequel la préfète de la Haute-Vienne a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2301533 du 28 novembre 2023, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 décembre 2023, Mme A..., représentée par Me Gaffet, doit être regardée comme demandant à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 28 novembre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 août 2023 par lequel la préfète de la Haute-Vienne a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Elle soutient que :
- l'arrêté du 17 août 2023 méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- il méconnaît également les articles 3-1 et 6 de la convention internationale des droits de l'enfant.
La requête a été communiquée au préfet de la Gironde, qui n'a pas produit d'observations en défense.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er février 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... épouse A..., ressortissante camerounaise, est entrée régulièrement sur le territoire français le 14 janvier 2022. Elle s'est vu délivrer un titre de séjour en tant qu'étranger malade d'une durée de neuf mois dont elle a sollicité le renouvellement. Par un arrêté du 17 août 2023, le préfet de la Haute-Vienne a rejeté cette demande de renouvellement et a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, en fixant le pays de destination. Mme A... relève appel du jugement du 28 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a fait l'objet depuis son entrée sur le territoire national de plusieurs hospitalisations psychiatriques pour un trouble schizo-affectif sévère, et suit un protocole de soins depuis juin 2023, son état de santé ayant justifié que lui soit délivré le 25 août 2022 un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 421-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle a donné naissance le 21 septembre 2022 à une fille, qui a été confiée par l'autorité judiciaire au conseil départemental de la Haute-Vienne, le 8 décembre 2022, en raison de l'incapacité de la mère à exercer la fonction parentale, et même au danger que son comportement ferait encourir à son enfant. Par une ordonnance du 18 janvier 2023, le juge des enfants du tribunal judiciaire de Limoges a ordonné une mesure d'assistance éducative en milieu ouvert d'une durée de six mois. Cette mesure a fait l'objet d'un renouvellement jusqu'au 31 juillet 2024 par une ordonnance du même juge en date du 18 juillet 2023, au constat qu'alors même que la situation évolue favorablement et qu'il est important que la mère de famille, " qui a pris conscience de sa maladie et des conséquences qu'elle peut avoir sur son comportement (hallucinations, débordements violents) ", puisse prendre son autonomie avec son enfant, " chacun est conscient de la nécessité qu'elle reste en France pour continuer à bénéficier de son suivi ", dont le renouvellement est préconisé par les services sociaux. En outre, Mme A..., qui produit une plainte déposée le 17 juin 2021 au commissariat central de Yaoundé à l'encontre du père de sa fille pour des violences conjugales, fait valoir que ni elle ni son enfant ne pourraient bénéficier au Cameroun d'un environnement familial favorable à une normalisation de la relation mère-enfant, à supposer même qu'elle puisse bénéficier dans ce pays d'un traitement approprié à son état de santé, dont le défaut, selon l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 2 juin 2023, est susceptible d'entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dans ces conditions, en prenant la mesure litigieuse, le préfet de la Haute-Vienne a méconnu les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 17 août 2023. Il convient donc d'annuler ce jugement et l'arrêté litigieux.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2301533 du tribunal administratif de Limoges du 28 novembre 2023 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 17 août 2023 est annulé.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... épouse A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de la Haute-Vienne.
Délibéré après l'audience du 25 juin 2024 à laquelle siégeaient :
M. Laurent Pouget, président,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juillet 2024.
La présidente-assesseure,
Marie-Pierre Beuve Dupuy
Le président-rapporteur,
Laurent C...
La greffière,
Chirine Michallet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N° 23BX03202