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13/09/2024 | FRANCE | N°24NT01678

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 4ème chambre, 13 septembre 2024, 24NT01678


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... E... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 15 avril 2024 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a prononcé son transfert auprès des autorités croates pour l'examen de sa demande d'asile ainsi que la décision du 29 avril 2024 par laquelle il a prononcé son assignation à résidence dans le département de la Sarthe pour une durée de quarante-cinq jours.



Par un jugement n° 2406880 du 16 mai 2024, la magistrate dési

gnée par le président du tribunal administratif de Nantes a annulé les arrêtés des 15 et 29 avril 202...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... E... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 15 avril 2024 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a prononcé son transfert auprès des autorités croates pour l'examen de sa demande d'asile ainsi que la décision du 29 avril 2024 par laquelle il a prononcé son assignation à résidence dans le département de la Sarthe pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2406880 du 16 mai 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a annulé les arrêtés des 15 et 29 avril 2024 du préfet de Maine-et-Loire (article 1er) et a enjoint à celui-ci de procéder à un nouvel examen de la situation de Mme E... (article 2).

Procédures devant la cour :

I. Par une requête n° 24NT01678, enregistrée le 5 juin 2024, le préfet de Maine-et-Loire demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 16 mai 2024 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme E... devant le tribunal administratif.

Il soutient que :

- le résumé de l'entretien individuel de Mme E... comporte le tampon " Préfecture de la Loire-Atlantique l'agent habilité ", avec les initiales de l'agent ayant mené l'entretien ;

- le fait que l'identité et la qualité de l'agent ayant conduit l'entretien ne figurent pas dans le résumé de l'entretien individuel, alors qu'aucune disposition du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ni aucune disposition nationale ne l'impose, n'a pas privé Mme E... de la garantie que constitue le bénéfice de cet entretien ;

- les entretiens sont saisis dans une application dont l'accès est réservé, par mot de passe personnel, à des agents qualifiés en vertu du droit national ;

- il ressort de l'arrêté portant délégation de signature du 28 février 2024 que le résumé d'entretien de Mme E... a été signé par un agent du bureau de l'asile qualifié en vertu du droit national ;

- il s'en rapporte à ses écritures de première instance pour justifier du rejet de la demande de Mme E....

II. Par une requête n° 24NT01680, enregistrée le 5 juin 2024, le préfet de Maine-et-Loire demande à la cour de surseoir à l'exécution du jugement du 16 mai 2024 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes.

Il soutient que :

- le résumé de l'entretien individuel de Mme E... comporte le tampon " Préfecture de la Loire-Atlantique l'agent habilité ", avec les initiales de l'agent ayant mené l'entretien ;

- le fait que l'identité et la qualité de l'agent ayant conduit l'entretien ne figurent pas dans le résumé de l'entretien individuel, alors qu'aucune disposition du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ni aucune disposition nationale ne l'impose, n'a pas privé Mme E... de la garantie que constitue le bénéfice de cet entretien ;

- les entretiens sont saisis dans une application dont l'accès est réservé, par mot de passe personnel, à des agents qualifiés en vertu du droit national ;

- il ressort de l'arrêté portant délégation de signature du 28 février 2024 que le résumé d'entretien de Mme E... a été signé par un agent du bureau de l'asile, qualifié en vertu du droit national.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Derlange, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., ressortissante russe, née le 22 mars 1992, a sollicité l'asile le 18 mars 2024. Par un arrêté du 15 avril 2024 le préfet de Maine-et-Loire a prononcé son transfert auprès des autorités croates pour l'examen de sa demande d'asile. Puis par un arrêté du 29 avril 2024 il a décidé son assignation à résidence, dans le département de la Sarthe, pour une durée de quarante-cinq jours. Le préfet de Maine-et-Loire relève appel du jugement du 16 mai 2024 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes, sur demande de Mme E..., a annulé ces arrêtés, au motif que le préfet avait méconnu l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, et lui a enjoint de réexaminer la situation administrative de l'intéressée. Par une requête distincte, il demande à la cour de surseoir à l'exécution du même jugement.

2. Les requêtes enregistrées sous les numéros 24NT01678 et 24NT01680, présentées par le préfet de Maine-et-Loire, sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les Etats membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'Etat membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ". S'il ne résulte ni de ces dispositions, ni d'aucun principe que devrait figurer sur le compte-rendu de l'entretien individuel la mention de l'identité de l'agent qui a mené l'entretien, il appartient à l'autorité administrative, en cas de contestation sur ce point, d'établir par tous moyens que l'entretien a bien, en application desdites dispositions été " mené par une personne qualifiée en vertu du droit national ".

4. Il ressort du résumé de l'entretien individuel mené avec Mme E... le 18 mars 2024 que cet entretien a été conduit par un agent de la préfecture de la Maine-et-Loire, dont les prénom, nom et fonctions sont précisés et qui y a apposé sa signature. Le préfet de Maine-et-Loire justifie du fait que ces informations correspondent à celles d'une secrétaire administrative qui disposait d'une délégation de signature en vertu d'un arrêté du 28 février 2024 au sein du bureau de l'asile de la préfecture de Maine-et-Loire. Dans ces conditions, faute de contestation plus précise de Mme E..., cet agent doit être regardé comme qualifié en vertu du droit national au sens de l'article 5 du règlement mentionné ci-dessus. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'entretien du 18 mars 2024 n'aurait pas été conduit en toute confidentialité. Il s'ensuit que le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que la magistrate désignée du tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté du 15 avril 2024 en retenant le moyen tiré de la violation des dispositions précitées de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013.

5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens développés en première instance par Mme E... à l'encontre des arrêtés contestés.

6. En premier lieu, par un arrêté du 28 février 2024 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet de Maine-et-Loire a donné délégation à M. Nicolas Brochard, secrétaire administratif de classe exceptionnelle, adjoint à la cheffe du pôle régional Dublin de la préfecture de Maine-et-Loire, signataire des arrêtés contestés, à l'effet de signer les décisions d'application du règlement " Dublin III " prises à l'égard des ressortissants étrangers, notamment les décisions de transfert et d'assignation à résidence, en cas d'absence ou d'empêchement de M. A... D..., directeur de l'immigration et des relations avec les usagers, et de Mme B... F..., cheffe du pôle. Il n'est ni établi ni même allégué que M. D... et Mme F... n'auraient pas été absents ou empêchés. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des arrêtés contestés doit être écarté.

7. En deuxième lieu, les arrêtés contestés des 15 et 29 avril 2024 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a prononcé le transfert en Croatie de Mme E... et a décidé son assignation à résidence, dans le département de la Sarthe, pour une durée de quarante-cinq jours comportent les éléments de droit et de fait qui les fondent. Il ne ressort pas de la motivation de ces arrêtés, ni des autres pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressée. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation des arrêtés contestés et du défaut d'examen particulier de la situation de Mme E... doivent être écartés.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Lorsque l'État membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge d'un demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), l'État membre requérant notifie à la personne concernée la décision de le transférer vers l'État membre responsable et, le cas échéant, la décision de ne pas examiner sa demande de protection internationale. (...) / 2. La décision visée au paragraphe 1 contient des informations sur les voies de recours disponibles, y compris sur le droit de demander un effet suspensif, le cas échéant, et sur les délais applicables à l'exercice de ces voies de recours et à la mise en œuvre du transfert et comporte, si nécessaire, des informations relatives au lieu et à la date auxquels la personne concernée doit se présenter si cette personne se rend par ses propres moyens dans l'État membre responsable. / Les États membres veillent à ce que des informations sur les personnes ou entités susceptibles de fournir une assistance juridique à la personne concernée soient communiquées à la personne concernée avec la décision visée au paragraphe 1, si ces informations ne lui ont pas encore été communiquées. / 3. Lorsque la personne concernée n'est pas assistée ou représentée par un conseil juridique ou un autre conseiller, les États membres l'informent des principaux éléments de la décision, ce qui comprend toujours des informations sur les voies de recours disponibles et sur les délais applicables à l'exercice de ces voies de recours, dans une langue que la personne concernée comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'elle la comprend. ".

9. Si Mme E... soutient que l'arrêté de transfert contesté ne lui a pas été notifié conformément aux dispositions précitées de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, il ressort des pièces du dossier, d'une part, qu'il lui a été notifié le 6 mai 2024 avec l'aide d'un interprète en langue russe, mais qu'elle a refusé de signer la notification qui lui a été remise et, d'autre part, que cet arrêté comporte la mention des voies et délais et diverses informations sur la procédure suivie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 26 précité du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui d'ailleurs ne précise pas les mentions qui seraient manquantes, doit être en tout état de cause écarté.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; /e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. (...) ".

11. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre l'ensemble des éléments d'information prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. La remise de ces éléments doit intervenir en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations. Eu égard à leur nature, la remise par l'autorité administrative de ces informations prévues par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

12. Il ressort des pièces du dossier que Mme E... s'est vu remettre, le 18 mars 2024, le jour même de l'enregistrement de sa demande d'asile en préfecture, et à l'occasion de l'entretien individuel, les brochures A et B conformes aux modèles figurant à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, en langue russe, qu'elle a déclaré comprendre, dont elle a signé les pages de garde et qui contiennent les informations prescrites par les dispositions précitées. Il ressort en outre du compte-rendu de son entretien du même jour, conduit avec l'aide d'un interprète en langue russe, qu'elle a déclaré " l'information sur les règlements communautaires m'a été remise " et " avoir compris la procédure engagée à son encontre ". Il ressort du compte-rendu de l'entretien du 18 mars 2024 que Mme E... a eu le temps de s'exprimer sur sa situation. Enfin, dès lors que l'information prescrite à l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 a été remise à Mme E... lors de l'introduction de sa demande d'asile et au plus tard lors de l'entretien qui a été conduit à cette occasion, elle n'est pas fondée à soutenir que cette information ne lui aurait pas été donnée en temps utile. Dans ces conditions, son droit à l'information résultant de l'article 4 précité du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 n'a pas été méconnu.

13. En cinquième et dernier lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 571-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'autorité administrative estime que l'examen d'une demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat qu'elle entend requérir, en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, il est procédé à l'enregistrement de la demande selon les modalités prévues au chapitre I du titre II (...) Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat. ".

14. Si Mme E... soutient qu'elle n'a pas été pris en charge correctement en Croatie et qu'elle y risque des violences compte tenu du fait que son ancien employeur qui veut la forcer à avoir une relation amoureuse se rend régulièrement dans ce pays, elle ne l'établit pas. Mme E... fait état de violences auxquelles seraient exposés les demandeurs d'asile en Croatie, mais les documents qu'elle produit à l'appui de ces affirmations ne permettent pas de tenir pour établi que sa propre demande d'asile serait exposée à un risque sérieux de ne pas être traitée par ces autorités dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors que la Croatie est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Les autres éléments présentés n'établissent pas qu'elle se trouvait à la date de l'arrêté contesté dans une situation de vulnérabilité exceptionnelle imposant d'instruire sa demande d'asile en France. Par ailleurs, alors que la décision de transfert litigieuse n'emporte pas éloignement vers la Russie, Mme E... ne peut utilement soutenir que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes aurait dû prendre en compte les risques auxquels elle serait exposée dans ce pays. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement, qu'elle méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou même les dispositions de l'article L. 571-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

15. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de Maine-et-Loire est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a annulé les arrêtés contestés. Dès lors, ce jugement doit être annulé et les conclusions de première instance de Mme E... doivent être rejetées.

Sur les conclusions aux fins de sursis à exécution :

16. Par le présent arrêt, la cour se prononce sur l'appel du préfet de Maine-et-Loire contre le jugement du 16 mai 2024. Par suite, les conclusions de la requête n° 24NT01680 aux fins de sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet et il n'y a pas lieu d'y statuer.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 24NT01680 à fin de sursis à exécution du jugement du 16 mai 2024 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes.

Article 2 : Le jugement du 16 mai 2024 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 3 : La demande présentée par Mme E... devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié Mme C... E..., à Me Bengono et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 27 août 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 septembre 2024.

Le rapporteur,

S. DERLANGE

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

Nos 24NT01678,24NT01680


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT01678
Date de la décision : 13/09/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: M. Stéphane DERLANGE
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : SELARL BENGONO

Origine de la décision
Date de l'import : 18/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-13;24nt01678 ?
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