Arrêt no 15/86 du 27 Février 1986Source : SIJIP - Système d'informations juridiques, institutionnelles et politiques (A.I.F.)
Veuve Ai Am Af A Aa Ah et Al KpassèlokohintoCONTESTATION DE DROIT DE PROPRIETE - IRREGULARITE D'UN RAPPORT D'EXPERTISE (OUI) - NON RESPECT PAR L'EXPERT DE LA MISSION PRESCRITE PAR L'ARRET DE NOMINATION (OUI) - REJET DU RAPPORT D'EXPERTISE (OUI) - NOMINATION D'UN NOUVEL EXPERT (NON) - ELEMENTS FOURNIS PAR L'EXPERT SUFFISANTS POUR OBTENIR L'EVALUATION RECHERCHEE (OUI) - FIXATION PAR LA COUR DE NOUVELLES VALEURS COMPTE TENU DES ELEMENTS DU DOSSIER (OUI) - EXPULSION SUBORDONNEE AU REMBOURSEMENT DES FRAIS ENGAGES POUR AMELIORER LA PARCELLE LITIGIEUSE (OUI)
DOIT ÊTRE REJETÉ UN RAPPORT D'EXPERTISE QUI N'A PAS ÉTÉ RÉALISÉ SUR LA BASE EXACTE DE LA MISSION QUE L'ARRÊT DE NOMINATION A PRESCRITE. TOUTEFOIS, IL N'EST PAS NÉCESSAIRE DE DÉSIGNER UN NOUVEL EXPERT SI LES ÉLÉMENTS FOURNIS PAR LE RAPPORT CONTESTÉ PERMET À LA COUR DE PROCÉDER À L'ÉVALUATION RECHERCHÉE.
PAR AILLEURS, LA COUR DOIT METTRE UN TERME AU MAINTIEN TEMPORAIRE SUR LES LIEUX DE LA BÉNÉFICIAIRE DE LA PLUS-VALUE LIQUIDÉE AU JOUR DU REMBOURSEMENT. MAIS SON EXPULSION SUPPOSE QU'ON LUI A REMBOURSÉ LE MONTANT DE CETTE PLUS-VALUE.
Président : Alexandre DURANDGreffier : Genéviève GBEDOConseillers : An B Z ; Alexis ALIOUKPEAvocats : AMORIN ; ASSOGBA ; Agnès CAMPBELL
La Cour
Vu les pièces du dossier ;
Ouï les Conseils des parties en leurs conclusions ;
Ouï le Ministère public en son rapport à justice ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que l'arrêt no 7 du 20 Décembre 1984, civil contradictoire Avant-dire-droit entre veuve Ai Am Af née Y contre Aa Ah et Al Ad Ae a disposé ainsi qu'il suit :
Déclare irrecevable, l'action des héritiers Aa Ah tendant à voir retracter l'arrêt no 8 du 17 Mars 1983 comme ayant été parties à l'arrêt par représentation de leur père ;
Déclare par contre recevable l'action de veuve Ai Am née Massougbodji comme non partie à l'arrêt no 8 du 17 Mars 1983 ;
Dit que dans la situation conflictuelle les deux titres d'acquisition présentés par Ag Ad et Ai Am, le titre de dame Ad est préférable parce que antérieur en date ;
En conséquence, maintient l'arrêt no 8 du 17 Mars 1983 ;
Dit cependant que dame Ai Am née Massougbodji est constructeur de bonne foi ;
Ordonne son maintien dans les lieux jusqu'à la décision du fond ;
En avant dire droit, nomme MEHOU LOKO Marcel expert en bâtiment, rue des Cheminots BP 445 à Ab pour nous dire le montant de la somme dont le fond a augmenté de valeur, le coût des matériaux et le prix de la main-d'oeuvre estimé à la date du remboursement. Enjoint à Ai de donner à l'expert tous documents utiles... etc. Mets les frais d'expertise à la charge des deux parties dans la proportion d'un demi. Renvoi la cause à l'audience du 2 Mai 1985 ;
Attendu que l'expert a satisfait aux prescriptions de l'arrêt no 74 du 20 Décembre 1984 en disposant dans son rapport dans lequel il peut être relevé in fine :
Evaluation du montant des réalisations (Période 71-74)
Quantité des matériaux utilisés
Formellement nous pouvons retenir avec une marge confortable :
5 tonnes de ciment à 9.000 F/t soit 45.000 F
10 voyages de sable à 4.500 F/V soit 45.000 F
50 feuilles de tôle à 550 F /F soit 16.500 F
5 madriers à 4.200 F/unité soit 21.600 F
Menuiserie métallique à 35.000 F ;
Coût des réalisations, frais d'approche de transport et de main-d'oeuvre confondu à 230.000 F.
C'est le maximum que peuvent revendiquer ces réalisations à la période considérée.
Fait à Cotonou, le 24 Juillet 1985
L'Expert Aj X AH
Attendu que Me AMORIN pour Ai Am née Massougbodji, relativement au rapport d'expertise en conteste la régularité ; Qu'il expose qu'ayant constaté sur la parcelle litigieuse l'existence d'une cabane en bambous avec rajout le tout recouvert de tôles, un atelier de menuiserie couvert de tôles, une construction en maçonnerie recouverte de tôles servant de magasin laboratoire, une latrine en maçonnerie et un puits, l'expert décide arbitrairement de ne tenir compte que des seuls magasins laboratoires, expertiser tout ce qui est construit ou forgé sur la parcelle ; Qu'il omet par ailleurs d'évaluer le puits et la latrine ;
Que l'expert ne se donne pas la peine de préciser les bases de son estimation du tonnage de ciment et du nombre de voyage de sable ;
Que dans la totalisation des éléments de son calcul, il n'indique pas la part attribuée à la main-d'oeuvre ;
Que le propre d'une indemnisation est de permettre à la personne qui est bénéficiaire de se retrouver dans une situation équivalente à celle qu'elle avait, au moment de la survenance du fait ouvrant droit à dédommagement ;
Qu'en application de ce principe, c'est la valeur de remplacement de bâtiment qu'il convient de déterminer ;
Qu'il tombe sous le sens que la concluante ne pourra faire les mêmes constructions et forage aux prix indiqués alors que la tonne de ciment coûte aujourd'hui 35.000 F et la feuille de tôle entre 1500 F et 2000 F ;
Que pour un travail insuffisant, l'expertise demande 250.000 F d'honoraire soit 20 000F de plus que la valeur à laquelle il a estimé le fruit pour la concluante de son travail ;
Qu'il échet de rejeter le rapport déposé par l'expert Aj X AH et d'ordonner une nouvelle expertise, de rejeter également son état de frais ;
Attendu qu'en réplique, Me da SILVA conclut que les seuls travaux effectués sur la parcelle litigieuse et dignes de mention sont évalués à la somme de 230.000 F encore que cette évaluation est faite selon les dires dudit expert avec une marge confortable ;
Que cette évaluation a été faite sur les simples dires de dame Ai Am qui n'a produit à l'expert aucun document justificatif des dépenses engagées ;
Qu'il échet d'émettre en conséquence toutes réserves sur la véracité des dires de dame Ai ;
Que Ai affirme occuper les lieux depuis 1972 et encaisse les loyers, qu'il est constaté qu'en dehors du laboratoire occupé par son fils et la cabane en bambous par les gens de sa famille, la maison est occupée par un menuisier et un coordonnier ; Que les loyers perçus depuis lors couvrent largement les frais engagés pour la réalisation de deux pans de murs et du local dénommé Laboratoire ;
Que ces loyers ont été perçus au détriment de la concluante lui occasionnant ainsi un manque à gagner évident ;
Qu'il doit être alors constaté l'amortissement par Dame Ai des charges éventuelles qu'elle avait supportées concernant les améliorations apportées à la parcelle litigieuse.
Sur les conclusions du rapport de l'expertise :
Attendu qu'il échet de relever des conclusions du rapport que l'évaluation de l'expert est du jour des réalisations (période 71-74) contrairement à ce qui lui a été demandé, montant de la somme dont le fonds a augmenté de valeur, le coût des matériaux et le prix de la main-d'oeuvre estimés à la date de remboursement ;
Que cette contradiction suffit pour rejeter ce rapport, ainsi que sollicité par Me AMORIN ;
Mais attendu que la demande d'une nouvelle expertise suppose la création d'une charge supplémentaire aux parties alors que les éléments fournis par l'expert suffisent pour l'évaluation recherchée ;
Qu'ainsi reprenant cette évaluation au coût du jour il peut en être inféré les sommes suivantes :
5 tonnes de ciment à 35.000 F (tonne, transport, charge et décharge confondus) soit 175.000 F
10 voyages de sable à 9.000 F/voyage soit 90.000 F
50 feuilles de tôles à 2.000 F la tôle soit 100.000 F
5 madriers à 10.000 F/unité soit 50.000 F
Menuiserie métallique 70.000 F
Attendu qu'en tenant compte des chiffres de l'expert, le coût de réalisations est de 162.500 F qui ramènent les frais d'approche, transport et main-d'oeuvre à la somme de 230.000 - 162.500 = 67.500 F
Attendu qu'en valeur pondérée, les frais d'approche, de transport et de la main-d'oeuvre doivent être très peu différents au coût du jour à un minimum de 67.500 F x 2 = 135.000 F, outre la moitié des frais d'expertise ;
Qu'en conséquence, le coût actuel de réalisations, des frais d'approche, transport et main-d'oeuvre confondus équivalent à : 175.000 F + 90.000 F + 100.000 F + 50.000F + 70.000 F + 135.000 F + 125.000 F = 745.000 F chiffre à prendre en considération ;
Attendu que l'arrêt no 74 du 20 Décembre 1984 tout en déclarant recevable la tierce opposition de dame veuve Ai Am née Massougbodji a maintenu l'arrêt no 8 du 17 Mars 1983 ayant confirmé le jugement no 119 du 29 Juin 1977 du Tribunal de Première Instance de Cotonou dans sa partie ayant déclaré bonne, valable et parfaite la vente intervenue entre Ah Aa et Ae Ad et dans sa partie ayant ordonné l'expulsion de Ah Aa de tous ses biens et de tous occupants de son chef, du quart Nord-Ouest du lot 385 de Cotonou, sauf qu'après infirmation partielle, il a maintenu provisoirement la tierce opposante quoique ayant cause à titre particulier de Ah Aa sur les lieux jusqu'à l'évaluation des constructions qu'elle affirme avoir édifiées sur le fonds litigieux ;
Attendu que dès lors que les préalables ont été accomplis, il échet de mettre un terme au maintien temporaire de dame veuve Ai Am Af née Y dans les lieux et faisant application de l'article 555 alinéa 4 du Code Civil subordonner son expulsion au remboursement de la somme de 745.000 F productifs d'intérêts au taux légal pour compter du prononcé de l'arrêt si le retard dans le payement est imputable au débiteur de la créance ;
Par ces motifs :
Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en dernier ressort
Ensemble les arrêts no 8 du 17 Mars 1983 et no 74 du 20 Décembre 1984
Constate que l'expert dans l'éxécution de l'arrêt Avant-Dire-Droit no 74 du 20 Décembre 1984 n'a pas estimé les valeurs réclamées à la date du remboursement, ainsi que cela le lui avait été prescrit par ledit arrêt, mais les a estimées à la date des réalisations.
Fixe les valeurs nouvelles compte tenu des éléments du dossier à la somme de 745.000F à la date de l'arrêt
Met un terme au maintien temporaire sur les lieux de dame veuve Ai Af née Massougbodji
Ordonne son expulsion, de tous les biens et de tous occupants de son chef du quart Nord-Ouest du lot 385 de Cotonou
Subordonne l'expulsion au remboursement à dame veuve Ai Am née MASSOUGBODJI du montant de la plus-value ayant résulté des améliorations apportées par elle au fonds litigieux soit la somme de 745.000 F avec intérêt au taux légal pour compter du prononcé du présent arrêt si le défaut ou le retard dans le payement est imputable à Al Ad Ac Ae, ou à son représentant Ak AG C débiteur de la créance
Fais masse des dépens mais pour moitié à la charge de chaque partie
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la Cour d'Appel de Cotonou.