LA COUR Vu les pièces du dossier; Ouï les conseils des parties en leurs conclusions; Ouï le Ministère Public en ses réquisitions; Après en avoir délibéré conformément à la loi; Faits et Procédure Par un contrat du 26 octobre 2001, monsieur Louis Augustin f<, de CAMPOS, avocat de profession a été fait avocat du Port Autonome de Cotonou (PAC). N'ayant pas été payé pour ses diverses prestations, il adresse une note d'honoraires de 395 232 408, 563 F CFA au Port Autonome de Cotonou (PAC) le 15 octobre 2005. Consécutivement à ladite note, le Directeur du Port autonome de Cotonou (PAC) lui a versé deux acomptes d’un montant global de 50 000 000 FCFA. Mais le solde est resté impayé. Et par exploits des 5 et 20 octobre 2005, monsieur Louis Augustin Kokou de CAMPOS a donné sommation au Port Autonome de Cotonou (PAC) de lui payer le solde de ses honoraires soit la somme principale de deux cent soixante quinze millions deux cent neuf mille quarante deux (275 209 042) francs CFA. Outre les intérêts au taux légal, les émoluments d'encaissement et le coût des exploits. Cette première mise en demeure étant restée sans suite, il récidiva une autre également restée sans effet. Face à cette situation; monsieur Louis Augustin de CAMPOS a saisi le bâtonnier de l'ordre des Avocats pour être autorisé à poursuivre le recouvrement de ses honoraires comme le prescrivent les règles déontologiques de la profession d'avocat. A la faveur de l'interposition des bons offices du bâtonnier, le Port Autonome de Cotonou (PAC) a versé un troisième acompte de neuf millions francs CFA. Face à cette situation de réticence du Port Autonome de Cotonou (PAC), le bâtonnier a autorisé monsieur Louis Augustin de CAMPOS à poursuivre le recouvrement de ses honoraires en justice. Celui-ci a alors adressé à monsieur le Président du Tribunal de Première Instance de Cotonou une requête à fin de saisie conservatoire de créance et a obtenu l'ordonnance n0992/2005 du 14 novembre 2005 qui l'autorise à pratiquer saisie conservatoire sur les créances et avoirs du Port Autonome de Cotonou (PAC) dans les banques ou institutions financières. Monsieur Louis Augustin Kokou de CAMPOS a pratiqué saisie conservatoire autorisée: Par ordonnance de référé d'heure à heure, le Port Autonome de Cotonou (PAC) a saisi le juge des référés du Tribunal de Première Instance de Cotonou qui, par son ordonnance n°7 0/05 du 28 novembre 2005 a rétracté la décision de saisie et ordonné la mainlevée .des saisies pratiquées. Monsieur Louis Augustin Kokou de CAMPOS a relevé appel de l'ordonnance de rétractation. Ensuite, il a sollicité et obtenu une ordonnance abréviative de délai qu'il a signifiée avec assignation. Le Port Autonome de Cotonou (PAC) quant à lui formalise appel incident relativement à la même ordonnance de rétractation ; Prétentions et moyens des parties Monsieur Louis Augustin Kokou de CAMPOS demande que la Cour infirme en toutes ses dispositions l'ordonnance de rétractation de la décision de saisie conservatoire prise par le juge des référés du Tribunal de Première Instance de Cotonou; Au soutien de sa demande, il expose: Que pour accueillir la demande de rétractation, le premier juge a évoqué à tort l'article 54 de l'Acte Uniforme de l'OHADA relatif au recouvrement simplifié de créance et aux voies d'exécution en motivant d'une part que la créance en cause n'est pas liquide et ne peut donner
lieu à des mesures conservatoires sur les biens mobiliers du débiteur et, d'autre part, que le créancier, à savoir monsieur Louis Augustin Kokou de CAMPOS ne justifie pas de circonstances de nature à menacer le recouvrement de sa créance; Que ces conditions de certitude, de liquidité et de d'exigibilité ne sont reprises que s'il s'agit d'une saisie-vente ou d'une saisie attribution qui sont en d'autres termes des saisies exécutions; Que même si la liquidité de la créance était une condition nécessaire de la saisie conservatoire, le débiteur n'a jamais contesté ni le principal, ni le montant de la créance; Que la créance est liquide lorsqu'elle n'est pas sujette à une contestation sérieuse; Que la contestation après la saisie est un moyen dilatoire qui établit à titre surabondant la mauvaise foi du Port Autonome de Cotonou (PAC) ; Que la décision du premier juge doit être annulée en ce qu'il estime que la créance n'est pas liquide parce qu'elle est contestée ; Que la décision querellée encourt annulation pour violation de l'article 54 de l'Acte Uniforme relatif au recouvrement simplifié de créances et aux voies d'exécution; Le Port Autonome ce Cotonou (PAC) réplique aux prétentions et moyens de monsieur Louis Augustin Kokou de CAMPOS en soutenant : Que les saisies pratiquées par celui-ci les 18 et 22 novembre 2005, le sont en violation des dispositions de l'article 54 de l'Acte Uniforme précité; Que l'article 54 dudit Acte Uniforme exige pour pratiquer saisie conservatoire en plus d'une créance qui paraît fondée en son principe des circonstances de nature à menacer le recouvrement : Qu'en l'espèce, il n'existe aucun péril au recouvrement pouvant justifier les saisies pratiquées; Que la seconde condition exigée par l’article 54 précité doit être satisfaite et que la menace au recouvrement ne saurait découler du refus de donner suite aux lettres de relance lorsque le principe de créance a toujours été contesté; Que la doctrine, en prenant en compte cette seconde condition explique qu'elle traduit l'exigence d'un péril dans le recouvrement de la créance tels que le risque d'une insolvabilité imminente du débiteur saisi ou de grosses difficultés de celui-ci présentant un caractère permanent; Que c'est en faisant une juste application de ces dispositions que le premier juge a rétracté l'ordonnance de saisie et a ordonné mainlevée desdites saisies et que la Cour confirmera purement et simplement l'ordonnance querellée; Que, par ailleurs, la Cour constatera que l'acte de saisie du 18 novembre 2005 n'a point indiqué la forme du Port Autonome de Cotonou (PAC) et que l'acte du 22 novembre 2005 n'a indiqué ni la forme, ni le décompte des sommes à recouvrer encore que le montant marqué n'est point celui autorisé; Que l'article 77 de l'Acte Uniforme sus visé dispose: « Le créancier procède à la saisie au moyen d'un acte d'huissier ou d'un agent d'exécution signifié au tiers en respectant les dispositions des articles 54 et 55 ci-dessus» ; Que cet acte contient à peine de nullité l'énonciation des noms, prénoms et domicile du débiteur et du créancier saisissant ou, s'il s'agit de personnes morales, leurs dénominations, forme et siège sociale ... ; 4- Le décompte des sommes pour lesquelles la saisie est pratiquée; Que le défaut de ces mentions emporte d'office nullité des actes de saisie et mainlevée desdites saisies;
Motifs de la décision Attendu qu'il est constant au dossier que le Port Autonome de Cotonou (PAC) a signé le 26 février 2001 avec monsieur Louis Augustin Kokou de CAMPOS, une convention d'assistance juridique ayant pour objet l'assistance et la représentation du Port Autonome de Cotonou (PAC) devant les instances disciplinaires, administratives ou de conciliation jugées nécessaires et voulues par le Port Autonome de Cotonou (PAC), et en outre le suivi de toutes procédures juridiques et judiciaires; Attendu que monsieur Louis Augustin Kokou de CAMPOS a adressé le 15 octobre 2004 une note d'honoraires de 395232408,563 F CFA au Port Autonome de Cotonou (PAC) ; Que cette entreprise a payé deux (02) acomptes d'un montant global de cinquante millions (50 000 000) F CFA; Que les 11 avril 2005, 05 octobre 2005 et 20 octobre 2005, monsieur Louis Augustin Kokou de CAMPOS a adressé successivement au Port Autonome de Cotonou (PAC) des sommations de payer qui sont restées sans suite: Que monsieur Louis Augustin Kokou de CAMPOS, avocat a saisi le bâtonnier de l'ordre des Avocats, dans le respect des règles déontologiques de la profession, pour être autorisé à poursuivre le recouvrement de ses honoraires; Que monsieur Louis Augustin Kokou de CAMPOS réclame une créance principale de deux cent soixante six millions deux cent neuf mille quarante deux (266 209 042) F CFA; Attendu que monsieur Louis Augustin Kokou de CAMPOS reproche à l'ordonnance de rétractation entreprise de se fonder sur l'article 54 de l’Acte Uniforme précité pour exiger à tort que la créance, cause de la saisie conservatoire soit certaine, liquide, exigible et qu'il existe un péril dans son recouvrement : Attendu qu'aux termes dudit article: « Toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut, par requête, solliciter de la juridiction compétente du domicile ou du lieu où demeure le débiteur, l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur tous les biens mobiliers corporels ou incorporels de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances de nature à en menacer le recouvrement» ; Attendu que cette disposition, contrairement à la motivation du premier juge, n'exige pas pour justifier la saisie conservatoire, une créance certaine, liquide et exigible; Que cette disposition se contente d'une créance paraissant fondée en son principe; que le juge, pour ordonner la saisie conservatoire doit seulement rechercher l'existence d'une créance paraissant fondée en son principe et non un principe certain de créance; Attendu que dans le cas d'espèce, il existe une convention d'assistance juridique entre monsieur Louis Augustin Kokou de CAMPOS, appelant en la présente instance, et l'intimé, le Port Autonome de Cotonou que c'est sur les honoraires des prestations fournies par l'appelant que le contentieux de l'instance est élevé; Qu'il y a lieu de constater que l'appelant a une créance qui paraît fondée en son principe, que c'est à tort que le premier juge exigeant de la créance les qualités de certitude, de liquidité, d'exigibilité a pris l'ordonnance de rétractation et ordonné la mainlevée des saisies pratiquées; Que par ailleurs, il paraît pour le moins surprenant que le Port Autonome de Cotonou (PAC), après plusieurs sommations de payer de son créancier sans la moindre opposition expresse de sa part, en vienne à tirer d'une correspondance de monsieur Louis Augustin Kokou de CAMPOS, le principe d'une contestation de la créance pour soutenir sa demande de rétractation et de mainlevée de saisie; qu'aucune contestation de créance ne saurait résulter d'un acte accompli par autrui mais bien plutôt d'une action expresse et sans équivoque; Qu'à défaut d'un tel acte, il est évident que le Port Autonome de Cotonou (PAC) a lui-même reconnu la créance alléguée et c'est bien à tort que le premier juge a retenu une telle opposition comme motif de sa décision;
Attendu, en outre que les articles 82 et 83 de l'Acte Uniforme relatif au recouvrement simplifié de créance et aux voies d'exécution exige au créancier de signifier un acte de conversion de la saisie conservatoire en saisie attribution; Attendu, par ailleurs que le premier juge soutient que la condition de péril dans le recouvrement de la créance exigée par l'article 54 de l'Acte Uniforme susvisé n'existe pas dans le cas de la créance de monsieur Louis Augustin Kokou de CAMPOS, Attendu que la convention d'assistance juridique entre monsieur Louis Augustin Kokou de CAMPOS et le Port Autonome de Cotonou (PAC) a été signée le 26 février 2001 ; Que monsieur LouisAugustin Kokou de CAMPOS a adressé le 15.octobre 2004 sa note d'honoraires d’un montant de trois cent quatre vingt quinze millions deux cent trente deux mille quatre cent huit cinq cent soixante trois (395 232 408,563) F CFA et a demandé dans la même note le paiement de la moitié, le reste devant faire l'objet d'échelonnement; Que le solde dû à monsieur Louis Augustin Kokou de CAMPOS est demeuré impayé plus de dix (10) mois et il a adressé au Port Autonome de Cotonou (PAC) trois (03) sommations de payer respectivement les 11 avril 2005, 05 octobre 2005 et 20 octobre 2005 ; Que monsieur Louis Augustin Kokou de CAMPOS a fait adresser au Directeur Général du Port Autonome de Cotonou (PAC), par l'organe de son avocat, maître Luiz ANGELO, une lettre de mise en demeure en date du 09 novembre 2005 ; Que monsieur Louis Augustin Kokou de CAMPOS a saisi le bâtonnier de l'ordre des Avocats pour l'autoriser à poursuivre le recouvrement de ses honoraires, et que suite à cette saisine, le Port Autonome de Cotonou (PAC) a versé entre les mains du bâtonnier pour le compte de monsieur Louis Augustin Kokou de CAMPOS la somme de neuf millions (9 000 000) F CFA; Attendu que le silence gardé par le Port Autonome de Cotonou face aux successives sommations de payer et la lettre de mise en demeure expriment une absence de contestation de la créance et est une résistance à payer le solde des honoraires dû à monsieur Louis Augustin Kokou de CAMPOS; Qu'une telle résistance relativement à des honoraires qui sont des dettes alimentaires indispensables à la vie de la famille du créancier et à la bonne marche de son cabinet d'avocat lui crée un préjudice certain et constitue pour lui un péril en la demeure et une menace pour le recouvrement de sa créance; Qu'il échet par conséquent de dire que le premier juge a fait une mauvaise application de l'acte uniforme OHADA portant organisation des procédures de recouvrement et des voies d'exécution en rétractant l'ordonnance n° 992/2005 du 14 novembre 2005 ayant autorisé monsieur Louis Augustin Kokou de CAMPOS à pratiquer saisi conservatoire sur les créances et avoirs du Port Autonome (PAC). ; Attendu que le Port Autonome de Cotonou demande de déclarer nuls les actes de saisie au motif que celui du 18 novembre 2005 n'a pas indiqué la forme du Port Autonome de Cotonou et que celui du 22 novembre 2005 n'a indiqué ni la forme du Port Autonome de Cotonou, ni le décompte des sommes autorisées; Attendu que l'acte de saisie du 18 novembre 2005 porte l'inscription suivante « Le Port Autonome de Cotonou dont le siège social est dans l'enceinte du Port de Cotonou, BP 927, Tél 21 31 2890,21 31 5280 pris en la personne de son Directeur Général, monsieur Joseph LABIYI CHAFA, et ce pour deux cent quatre vingt trois millions six cent quatre vingt un mille deux cent quatre vingt sept (283 681 287) détaillée comme suit:
- 266 209 042 F CFA montant de la créance en principal - 17472245 F CFA les intérêts et frais provisoirement évalués » ; Que l'acte du 22 novembre 2005 porte quant à lui « Le Port Autonome de Cotonou (PAC) dont le siège est dans l'enceinte du Port de Cotonou ... et pour sûreté conservatoire de la somme francs CFA: quatre vingt douze millions huit cent trente trois mille neuf cent seize (92 833 916) représentant le solde du montant poursuivi en vertu de l'ordonnance précitée» ; Attendu que l'acte du 18 novembre 2005 n'a pas marqué la forme du Port Autonome de Cotonou mais en a indiqué suffisamment de coordonnées pour identifier le Port Autonome de Cotonou (PAC), à savoir dénomination, siège social lieu de situation exacte, boîte postale, numéros de téléphone, le nom de son Directeur Général et le détail de la somme de 283 681 287 francs pour sûreté conservatoire de laquelle la saisie est pratiquée; Que l'acte du 22 novembre 2005 qui est un complément de l'acte du 18 novembre 2005, reprend les mêmes indications et précise que c'est pour sûreté du solde du montant poursuivi en vertu de l'ordonnance précitée (il s'agit de l'ordonnance n0992/ 2005 rendue par le Président du Tribunal de Cotonou le 14 novembre 2005) ; Que les actes de saisie contiennent suffisamment d'indications permettant d'identifier l'entreprise débitrice, qu'ils n'encourent pas la nullité de l'article 77 de l'Acte Uniforme de l'OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution; Attendu que surabondamment aux termes de l'article 173 du code de procédure civile, aucune nullité d'exploit d'acte de procédure ne pourra être admise que s'il est justifié qu'elle nuit aux intérêts de la partie adverse et l'article 70 du même code décide plus particulièrement que la nullité de ce qui est prescrit à l'article 61 ancien, ne peut être que prononcé lorsqu'elle aura eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la défense ; Qu'en l'espèce, le Port Autonome de Cotonou (PAC) ne peut justifier d'aucun grief parce qu'il a comparu à temps devant le premier juge sans se tromper et qu'il a présenté ses moyens de défense et obtenu une ordonnance en sa faveur; Que la nullité soulevée par elle doit être rejetée pour défaut de grief; Attendu que même si elle avait subi un grief, elle n'est plus à cette étape de la procédure recevable à soulever une telle nullité puisque le moyen tiré de la nullité est un moyen nouveau jamais évoqué en première instance: Que conformément toujours à l'article 173 du code de procédure civile, la nullité est couverte si elle n'est pas proposée avant toute défense au fond; Qu'en l'espèce, c'est à la Cour d’appel que le Port Autonome de Cotonou (PAC) soulève pour la première fois la nullité des exploits pour n'avoir pas indiqué que le Port Autonome de Cotonou (PAC) est un établissement public: Qu'il n'est plus recevable en son exception parce qu’il y a déjà une décision sur le fond c'est- à-dire l'ordonnance querellée ; Qu'il en est de même des exploits dont la nullité est soulevée et sur lesquels le Port Autonome de Cotonou (PAC) n'est revenu qu'après avoir abordé largement le fond de sa plaidoirie; Qu'à l'audience du 09 janvier 2006 où le présent dossier a été évoqué et plaidé, le Port Autonome de Cotonou (PAC) a contesté la créance du sieur Louis Augustin Kokou de CAMPOS, plaidé le défaut de circonstances mettant en péril le recouvrement de la créance du sieur Louis Augustin Kokou de CAMPOS et enfin soulevé la nullité de la procédure tirée de l'article 77 suscité; Qu'il est donc établi que la prétendue nullité n'a pas été soulevée «in limine litis» et qu'il échet de le débouter de ce moyen sur l'article 77 sus cité;
Par ces motifs Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et commerciale, en cause d'appel et en dernier ressort ; En la forme Reçoit l'appel de monsieur Louis Augustin Kokou de CAMPOS; Reçoit l'appel incident du Port Autonome de Cotonou (PAC) ; Au fond Infirme en toutes ses dispositions l'ordonnance de rétractation n° 70/05-1ère C.Civ du 28 novembre 2005 rendue par le juge des référés du Tribunal de Première Instance de Cotonou; Evoquant et statuant à nouveau: Rétablit l'ordonnance n° 992/2005 du 14 novembre 2005 ayant autorisé monsieur Louis Augustin Kokou de CAMPOS à pratiquer saisie conservatoire sur les créances et avoirs du Port Autonome de Cotonou (PAC) ; Confirme les saisies pratiquées les 18 et 22 novembre 2005 sur les comptes bancaires et avoirs du Port Autonome de Cotonou (PAC) et en ordonne la continuation; Déboute le port Autonome de Cotonou (PAC) de ses prétentions; Condamne le Port Autonome de Cotonou (PAC) aux dépens. Et ont signé le Président et le Greffier. COMPOSITION DE LA COUR Président: Monsieur Cyriaque DOGUE Conseillers: - Monsieur Georges Constant AMOUSSOU - Monsieur Honoré AKPOMEY Ministère Public:Madame Séverine K. LAWSON Greffier: Monsieur Clément AHOUANDJINOU Monsieur Louis Augustin Kokou le CAMPOS Avocat: Mes Luiz ANGELO et Michel AGINKO Port Autonome de Cotonou Avocats: Me Antoine Marie Claret BEDIE
Observations de Joseph ISSA SAYEGH, Professeur La procédure de saisie conservatoire dont la Cour d’appel a eu connaître dans cette affaire était critiquée par le débiteur sur deux plans : la procédure n’était pas fondée et elle souffrait d’un vice de forme.
1/ Sur le point de savoir si la saisie conservatoire des biens et des avoirs du Port autonome de Cotonou (PAC) était justifiée, deux conditions étaient en cause : l’existence d’une créance en son principe ; la mise en péril de cette créance. Le principe de la créance était déduit de l’existence d’une convention de conseil et d’assistance passée entre les parties ; cette convention n’était pas contestée mais, apparemment, ne contenait pas d’indication du montant des honoraires de l’avocat créancier.
Ce montant n’apparaît que plus de trois ans après la signature de la convention, dans la note d’honoraires qui, sans faire l’objet de contestation de la part du PAC était, en outre, réglée par plusieurs acomptes loin de totaliser le montant des honoraires réclamés. On peut, de ces faits déduire qu’une créance existait, mais qu’elle fût déterminée avec exactitude en son montant pouvait laisser planer un doute qui, au demeurant, pouvait être dissipé par une taxation d’honoraires par le Président de l’Ordre des avocats, ce à quoi, semble-t-il, le PAC n’a pas recouru. L’attitude passive du PAC a pu, raisonnablement, constituer une reconnaissance de sa dette. La seconde condition, à savoir la mise en péril de la créance était-elle réalisée ? La cour d’appel répond affirmativement en jugeant « qu'une telle résistance relativement à des honoraires qui sont des dettes alimentaires indispensables à la vie de la famille du créancier et à la bonne marche de son cabinet d'avocat lui crée un préjudice certain et constitue pour lui un péril en la demeure et une menace pour le recouvrement de (sa) créance ». On peut sursauter devant cette affirmation pour deux raisons : des dettes d’honoraires ne peuvent être qualifiées d’alimentaires, un tel caractère ne pouvant être conféré que par la loi ; en outre, rien n’établit (si on s’en réfère à la motivation de l’arrêt) en quoi le fonctionnement du cabinet de l’avocat a été affecté par le défaut de cette somme. En conclusion et en réalité, l’exigence capitale de l’article AUPSRVE, la mise en péril du recouvrement de la créance, n’apparaît nullement des faits de l’espèce. Le seul péril encouru eût été l’insolvabilité ou la disparition du débiteur, tous faits non établis en l’espèce. 2/ Le vice de forme reproché à la procédure de saisie conservatoire tenait dans le fait que l’acte de saisie ne contenait aucune mention sur la nature de la personnalité morale du PAC qui était cependant indiquée par sa dénomination et son adresse exacte et avait été signifiée à son représentant légal. La cour d’appel a rejeté ce moyen en décidant que :
- en l'espèce, le Port Autonome de Cotonou (PAC) ne peut justifier d'aucun grief parce qu'il a comparu à temps devant le premier juge sans se tromper et qu'il a présenté ses moyens de défense et obtenu une ordonnance en sa faveur;
- que même s’il avait subi un grief, il n'est plus, à cette étape de la procédure, recevable à soulever une telle nullité puisque le moyen tiré de la nullité est un moyen nouveau jamais évoqué en première instance ;
qu'il n'est plus recevable en son exception parce qu’il y a déjà une décision sur le fond c'est-à-dire l'ordonnance querellée.
A ce propos, on peut noter que la jurisprudence est partagée entre une conception d’ordre public de la nullité sanctionnant les vices de forme des actes de procédure visés par l’acte uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement des créances et les voies d’exécution1et celle illustrée par la présente décision qui penche pour la nullité uniquement si l’irrégularité cause un préjudice au plaideur opposé à l’auteur de l’acte. Cette dernière attitude est plus rationnelle et raisonnable et devrait être préférée ; il reste à la CCJA à se prononcer soit à l’occasion d’un contentieux sur ce points (il n’en manque pas en la matière), soit à l’occasion d’un avis consultatif qui serait sollicité d’elle.
1 Voir Ohadata J-10-242 et Ohadata J-10-243, entre autres