Pourvoi en annulation formé par le sieur OUSSOU Adandjegbé contre un arrêt rendu le 15 Mars 1961 par le Tribunal Supérieur de Droit local.
Sur le premier moyen tiré de la violation des articles 23 et 83 du décret du 3/12/1931, défaut de préliminaire de conciliation t insuffisance de motifs.
En ce que le Tribunal d'Appel saisi de moyens écrits sur la nullité du jugement entrepris pour violation de la loi et notamment de l'article 23 du décret organique, a déclaré que s'il n'y avait pas eu tentative de conciliation avant les débats, le 1er juge avait cependant tenté de concilier les parties à la fin des débats et avant de prononcer son jugement; alors que l'article 23, dont les dispositions sont d'ordre public édicte que "Avant toute chose le Tribunal est tenu de tenter de concilier les parties; S'il réussit, il établit un procès-verbal de conciliation qui a force exécutoire; s'il n'y réussit pas, il instruit et juge l'affaire selon les règles posées ci-dessous".
Attendu qu'à l'audience du 26 Août 1960e le Tribunal, après avoir entendu les parties rendit un jugement ordonnant un transport sur les lieux et à l'audience du 9 Septembre 1960 après avoir rappelé les constatations effectuées lors de de transport, procéda à l'audition des témoins et procéda ensuite a la tentative de conciliation;
Attendu que saisi de la nullité de cette procédure, le Tribunal Supérieur de Droit Local estima que le report de la conciliation après los débats n'entraînait pas la nullité de la procédure pourvu qu'il n'ait pas ou pour effet de faire obstacle à la conciliation; qu'en l'espèce la tentative de conciliation ne pouvait raisonnablement être opérée avant la fin du transport sur les lieux dès lors que le demandeur ignorait si le terrain litigieux était ou non indivis et où il était situé.
Attendu qu'un pareil raisonnement aurait pu se concevoir si le Tribunal avait procédé à la tentative de concili ation à la fin du transport et sur les lieux litigieux mêmes, mais qu'en réalité il était retourné à son siège et avait conduit les débats jusqu'à leur conclusion normale avant de tenter de concilier les parties;
Que ce faisant il a violé les dispositions de l'article 23 du décret organique qui stipule : avant toute chose le Tribunal est tenu de tenter de concilier les parties;
Attendu que toute l'organisation judiciaire et la procédure créées par le décret du 3/12/1931 tendent à obtenir d'abord la conciliation des parties; que c'est dans ce but que le législateur a rédigé l'article 23 en termes impératifs ne prêtant a aucune équivoque et a défini la mission du Tribunal dans l'expression : ''avant toute chose, le Tribunal est tenu etc .."
Qu'il en résulte que c'est lorsque les parties comparaissent pour la 1ère fois et quelle que soit leur connaissance des faits et des lieux litigieux que le Tribunal doit faire cette tentative; qu'en la reportant à la fin des débats, le Tribunal du 2ème Degré et 1e Tribunal Supérieur de Droit Local qui a confirmé sa décision ont délibérément violé l'article 23;
Que ce moyen doit donc être accueilli;
Sur le 2ème moyen tiré de la violation de l'article 6 du même décret, méconnaissance de la coutume applicable en ce que le Tribunal Supérieur de Droit Local a déclaré que les coutumes en présence étant identique sur le point de droit à examiner, il suffirait que l'une d'elles fut applicable et qu'au surplus la coutme du lieu était la coutume djèdjè;
Alors que ni le 1er juge, ni le juge d'appel n'ont indiqué le lieu de contrat, indication qui pouvait seule permettre de déterminer la coutume généralement suivie et donc applicable, conformément à l'article 6 privant ainsi la Cour Suprême de tout moyen de contrôle;
Attendu cependant qu'aux termes de l'article 6 4ème e du décret du 3/l2/1931, il est statué "dans les questions concernant les contrats autres que celui de mariage selon la coutume la plus généralement suivie dans le lieu où est intervenu le contrat";
Qu'en décidant que c'est la coutume djèdjè qui est la coutume la plus généralement suivie dans le lieu du contrat le Tribunal qui avait tous les éléments d'identification des parties et des lieux litigieux a souverainement apprécié ce fait et son.appréciation échappe à la censure de la Cour Suprême;
Sur le 3ème moyen tiré de la violation de l'article 85 du décret organique: défaut de prestations de serment;
En ce que le Tribunal d'appel a rejeté le moyen de nullité tiré du défaut de prestation de serment par les témoins devant le 1er juge au motif que la coutume ne le prévoyait pas;
Alors que le premier juge ne mentionnait pas l'interdiction coutumière ainsi qu'il est de règle lorsque les témoins ne prêtent pas serment;
Attendu que toutes les mentions exigées par l'article 85 sont d'ordre public, que c'est à tort que le Tribunal Supérieur de Droit Local a rejetté ce moyen de nullité qui devait être accueilli;
Sur le 5ème moyen tiré de la violation de l'article 55 du même décret et du décret du 10 Août 1943;
En ce que le Tribunal Supérieur de Droit Local était composé du magistrat Président, d'un fonctionnaire et d'un assesseur coutumier au lieu de 2 assesseurs fonctionnaires et de 2 assesseurs coutumiers;
Attendu que par arrêtés des 29/12/1960 - 3 Août 1961 et 20/12/1961, le Président de la République du Dahomey a autorisé en raison des circonstances la formation réduite du Tribunal; que c'est en vertu de ces textes que le Tribunal Supérieur du Droit Local était composé seulement d'un Président, d'un assesseur fonctionnaire et d'un assesseur notable;
Qu'il n'y a eu donc aucune violation de l'article 55 du décret organique." (Cassation sur les premier et troisième moyens)
Président-Rapporteur: M. GESLIN
Procureur général: M. LE MARQUAND
Avocat : Me BARTOLI