Vu le pourvoi formé le 23 mai 1961 au greffe de la Cour d'appel de Cotonou par le sieur A... B..., tendant à l'annulation d'un arrêt en date du 12 avril 1961 du Tribunal supérieur de Droit local du Dahomey rendu à son préjudice en faveur du sieur C... D... .
Par les moyens que ledit arrêt a violé la couture et les dispositions de l'article 17 du décret du 3 décembre 1931 ;
Ensemble le mémoire ampliatif en date du 18 avril 1964 enregistré au greffe de la Cour suprême le 19 suivant, déposé par Me Haag à l'appui du pourvoi du demandeur ;
Vu la transmission du dossier à la Cour suprême et la notification qui en a été faite au demandeur ;
Vu l'arrêt attaqué ;
Vu toutes les pièces produites et jointes au dossier ;
Vu la loi du 18 octobre 1961 organisant la Cour suprême ;
Ouï à l'audience du 15 juillet 1964 ;
Vu le président Geslin en son rapport ;
M. le procureur général Le Marquand, en ses conclusions ;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que par acte au greffe de la Cour d'appel de Cotonou en date du 23 mai 1961 le sieur A... B... s'est pourvu en annulation contre l'arrêt rendu le 12 avril 1961 dans la cause qui l'opposait au sieur C... D... .
Attendu que ce pourvoi fait dans les formes et délais de la loi du 8 juin 1960 est recevable ;
Vu le mémoire ampliatif déposé le 19 avril 1964 par Me Haag; avocat, conseil du sieur A... B... .
Sur le premier moyen pris de la violation de la coutume ;
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement rendu le 18 novembre 1960 au motif que la coutume djédjé, coutume des parties admettrait que les filles puissent hériter et disposer des terrains et ce conformément à la constitution, sans indiquer de quelle constitution il s'agit ; que de toute façon il n'existe aucun article dans la constitution abolissant les coutumes ;
La coutume Djédjé qui interdit aux femmes de recueillir une succession immobilière a pour but la protection de la famille. En effet la coutume ne veut pas que les immeubles sortent de la famille et comme les filles sont appelées à se marier à des étrangers on conçoit la légitimité de l'interdiction ; en admettant que les filles peuvent hériter et disposer librement des terrains, le Tribunal Supérieur de Droit local a violé une règle fondamentale de la coutume ;
Attendu que la couture Djédjé, qui est celle des parties a été définie explicitement par le Tribunal du 2ème degré ; la femme héritière d'un immeuble ne peut en disposer et le bien doit revenir aux plus proches à condition que ces derniers pourvoient à ses besoins - s'il ne le font pas, elle redevient libre de le vendre ;
Que c'est ce qu'à voulu dire le Tribunal supérieur de droit local quant il déclare que la coutume Djédjé admet que les filles peuvent hériter et disposer des terrains ;
Que l'argument tiré de la constitution est dans ces conditions surabondant ;
Qu'en conséquence le Tribunal Supérieur de Droit Local n'a pas violé la coutume en validant la vente faite par dame X ...;
Sur le 2ème moyen pris de la violation de l'article 17 du décret du 3 décembre 1931 ;
En ce que pour infirmer le jugement frappé d'appel, le Tribunal Supérieur de Droit Local a invoqué la prescription acquisitive qui aurait joué en faveur de C... D..., alors que l'article 17 vise la prescription de l'action et que le demandeur étant C... D... que c'est donc en violation de l'article 17 que le Tribunal a opposé la prescription au défendeur ;
Attendu que le Tribunal n'a invoqué la prescription de l'action considérée en droit local comme d'ordre public que pour écarter la revendication d'A... B... prétendant reprendre en qualité d'héritier une partie des parcelles dont dame X... avait disposé ;
Que dès lors ce moyen ne saurait être retenu ;
Par ces motifs :
REJETTE le pourvoi du sieur A... B...
Le condamne aux dépens de cassation.
Ordonne la notification du présent arrêt à Monsieur le Procureur général près la Cour d'appel de Cotonou et aux parties en cause.
Ainsi jugé et prononcé par la Cour suprême (chambre judiciaire) à l'audience publique du mercredi quinze juille mil neuf cen soixante quatre.
Où étaient présents : MM. Geslin, président - Boya et Kinde, conseillers - Le Marquand, procureur général et Larmaillard, greffier en chef.
Et ont signé :
Le président - Rapporteur : Y Gueslin -
Le Greffier en chef : J. Larmaillard