LA COUR SUPRREME
CHAMBRE JUDICIAIRE
Vu le pourvoi en cassation formé au Greffe de la Cour Suprême le 10 octobre 1964 pour le sieur Géo Félix Agboton, par Me Bartoli, avocat-défenseur, contre un jugement en date du 24 juin 1964 du Tribunal de Première Instance de Cotonou, rendu sur appel d'un jugement du Tribunal du Travail de Cotonou intervenu entre le requérant et la Société SHELL, représentée par Me Katz, avocat-défenseur à Cotonou ;
Vu le jugement attaqué;
Vu les conclusions des parties;
Vu toutes les pièces produites et jointes an dossier;
Vu l'ordonnance n° 21 P.R. du 26 avril 1966, organisant la Cour Suprême;
Ouï à l'audience publique du samedi 24 juin 1967 Monsieur le Président Le Marquand en son rapport;
Monsieur le Procureur Général ad'hoc Denat en ses conclusions se rapportant à justice;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi.
Sur le premier moyen pris de la violation des articles 2 du décret du 22, juillet 1939, 200 de la loi du 15 décembre 1952, insuffisance de motifs, manque de base légale, dénaturation des conclusions et des termes du débat.
Attendu que Agboton Géo Félix, demandeur au pourvoi, fait grief au jugement entrepris d'avoir déclaré légitime son licenciement de l'emploi qu'il occupait à la Société SHELL en se basant sur le fait qu'il aurait vendu le même jour, le 15 octobre 1960, deux fûts de flintkote à un entrepreneur et à une société et n'aurait remboursé que la valeur -d'un seul fût, ce qui établissait une faute grave ;
Qu'en statuant de la sorte le Tribunal aurait dénaturé les faits de la cause, et que sa décision manquerait de base légale;
Attendu que le moyen produit n'est pas fondé en fait, car le Tribunal en se bornant à rapporter la thèse présentée lors des débats par le demandeur, a déclaré qu'Agboton avait vendu dans le courant du mois d'octobre 1960, et non le même jour, deux fûts de flintkote, l'un à un sieur Lazarri, de Lomé, l'autre à l'Entreprise C.A.C.E.C. de Cotonou;
Attendu qu'il en résulte que le premier moyen ne peut être accueilli ;
Sur le deuxième moyen pris de la violation de l'article 1315 du Code Civil, des articles 2 du décret du 22 juillet 1939 et 200 et 42 de la loi du 15 décembre 1952, insuffisance de motifs et violation des règles de la preuve.
Attendu que la première branche de ce moyen repose sur une prétendue violation de l'article 42 de la loi du 15 décembre 1952, portant Code du Travail en Afrique Occidentale, lequel dispose que « le jugement devra mentionner expressément le motif allégué par la partie qui aura rompu le contrat »;
Attendu que ce grief n'est pas fondé en fait;
Attendu que le jugement entrepris a strictement respecté les dispositions de l'article 42 de la loi du 15 décembre 1952 en mentionnant comme suit le motif de licenciement allégué par l'employeur :
« Attendu que la preuve est suffisamment rapportée, sinon d'un détournement, au moins d'un manquant de 15.040 francs dans la comptabilité d'Agboton... » ;
Attendu que la deuxième branche du second moyen produit au pourvoi repose sur la violation des règles de la preuve ;
Attendu qu'il résulte de l'examen de la procédure suivie devant le Tribunal de Première Instance que le demandeur n'a pas soulevé ce moyen, qu'il présente pour la première fois devant la Cour Suprême ;
Qu'il est de principe, les règles de la preuve n'étant public, que la Cour Suprême ne petit prendre en considération un moyen qui n'a pas été soumis au juge du fond;
Qu'ainsi, le second moyen doit être rejeté.
Sur le troisième moyen, pris de la violation des articles 40 § 2, 72 et 73 de la loi du 15 décembre 1952 et 1382 du Code Civil, fausse application de la loi;
Attendu que par ce moyen, le demandeur au pourvoi se borne à conclure que le seul fait établi à son encontre ne pouvait constituer la faute exigée par la loi, dont le sens et la portée ont été méconnus par le juge d'Appel, sans définir en quoi a consisté cette méconnaissance de la loi ;
Attendu qu'une semblable affirmation, faute d'être explicitée, ne peut être retenue par la Cour Suprême
Sur le quatrième moyen, pris de la violation des articles 40 § 2, 72 et 73 de la loi du 15 décembre 1952, 18 de la Convention Collective rendue applicable par arrêté n° 3162 du 16 novembre 1956 et 2 du décret du 22 juillet 1939, insuffisance et contradiction de motifs, fausse application de la loi et de la convention des parties.
Attendu qu'il est reproché au jugement attaqué d'avoir déclaré que le licenciement d'Agboton était justifié par une faute grave, et de lui avoir cependant accordé une indemnité de préavis, alors que la faute grave, selon la jurisprudence, dispense l'employeur du paiement de tout préavis et de toute indemnité ;
Attendu qu'il est de principe que le pourvoi en cassation n'est recevable que si la décision attaquée fait grief au demandeur;
Attendu qu'en l'espèce le demandeur n'a pas intérêt à la cassation du dispositif du jugement entrepris lui accordant une indemnité, qui, selon lui, ne lui était pas due, le Tribunal ayant retenti une faute grave, exclusive de cette indemnité;
Attendu que la Cour Suprême n'a pas à se prononcer sur un moyen de cassation soulevé par le demandeur s'il apparaît que ce dernier est dénué de tout intérêt à s'en prévaloir ;
PAR CES MOTIFS:
- Rejette le pourvoi formé contre le jugement no 208 rendu le 24 juin 1964 par le Tribunal de Première Instance de Cotonou.
Président : Me Louis IGNACIO-PINTO.
Rapporteur : Me Jean LE MARQUAND.
Avocats : Maîtres BARTOLI et KATZ.