Pourvoi du sieur Padonou Loka contre un arrêt du 22 juin 1962 du Tribunal Supérieur de Droit Local du Dahomey.
Lorsque la convention qui lie les parties est une mise en gage, le créancier ne peut pas opposer le délai de prescription pour se déclarer propriétaire du terrain donné en gage par la collectivité.
a) Parce que ce délai est essentiellement révocable et sans limitation de durée et en vertu du simple remboursement de la somme prêtée ;
b) Parce que le prêteur n'a jamais accepté les offres de remboursement qui lui ont été faites.
Il ne peut être reproché à un arrêt d'avoir écarté du procès les discussions et décisions qui ne correspondent pas à, la requête initiale.
« Attendu que par requête en date du 16 août 1962, signée de Maître Haag, avocat-défenseur régulièrement inscrit au Dahomey, le sieur Akpana Padonou Loko s'est pourvu en annulation devant la Cour Suprême contre l'arrêt du 22 juin 1962 du Tribunal Supérieur de Droit Local du Dahomey.
Attendu que ce pourvoi est recevable malgré l'omission de la transcription du dernier alinéa de l'article 60 de la loi du 18 octobre 1961, dans l'exploit de signification du mémoire déposé à l'appui de la requête et le défaut de signification de celle-ci, ces nullités n'ayant pas été soulevées par le défendeur qui a conclu au fond.
Attendu qu'une contestation s'est élevée vers 1957 au village de Tohoué, canton Atlantique-Est, subdivision de Porto-Novo, entre les membres de la collectivité familiale Agbo et le sieur Akpana Padonou Loko, au sujet d'une palmeraie d'environ six hectares, que ce dernier déclarait avoir acquise d'un des membres décédés de la collectivité, celle-ci au contraire déclarant qu'elle avait été seulement mise en gage et demandant le déguerpissement de l'occupant contre remboursement de la créance.
Attendu que ce dernier apportait à l'appui de sa thèse un acte sous seing privé daté du 25 janvier 1955, en -double exemplaire, mais surchargé pour celui qu'il produit d'une mention « vendu » au lieu et place de « mise en gage auprès du » et des mentions vendeur et acheteur en regard des noms des parties.
Attendu que ni la juridiction de droit local -du deuxième degré, ni le Tribunal Supérieur de Droit Local du Dahomey à Cotonou statuant par évocation n'ont admis que cet acte constituait la preuve d'une vente et ont débouté Akpana Padonou Loko de ses prétentions à la propriété de la palmeraie.
Attendu qu'il y a lieu d'examinait au fond les moyens du pourvoi
Sur le premier moyen dans sa première branche : Irrégularité de la composition du tribunal supérieur ; non respect des dispositions de l'article 55 du décret du 3 décembre 1931, modifié par décret du 10 août 1943, prévoyant outre un président, deux fonctionnaires dit cadre des administrateurs des colonies et deux notables citoyens de statut personnel particulier.
Attendu que cette composition réduite prévue par l'in fine de l'article 55 a été valablement établie par l'arrêté n° 11 P.C.M./M.J.L. non pas du Chef de l'Etat comme l'indique à tort l'arrêt du 22 juin 1962, mais du Ministre de la justice et de la Législation.
Dans sa seconde branche, avoir fait siéger des assesseurs suppléants sans motif alors surtout qu'un assesseur suppléant ne peut siéger qu'à défaut d'assesseur titulaire dont l'absence est dûment constatée ;
Attendu qu'il ne pouvait être fait appel en qualité de membre fonctionnaire titulaire au sieur Bramoullé, désigné par l'arrêt susvisé et qui avait siégé dans la même affaire à l'instance inférieure et attendu que la désignation de l'assesseur coutumier suppléant en lieu et place du titulaire ne viole pas les dispositions légales, l'opportunité en restant à l'appréciation du Président.
Sur le deuxième moyen : Violation de l'article 17 du décret du 3 décembre 1931 aux termes duquel « en matière civile et commerciale, l'action se prescrit par trente ans lorsqu'elle est basée sur un acte authentique, par dix ans dans les autres cas ».
Attendu que le requérant fait état de la date de la convention en vertu de laquelle il s'est installé sur le terrain litigieux, laquelle convention est du 25 janvier 1944 et du fait qu'il est certain que cette convention a été connue dès 1951, que la prescription a donc commencé à courir du 25 janvier 1944 et que les héritiers ont laissé s'écouler le délai utile pour agir.
Attendu qu'il est constant que la convention dont il s'agit est une mise en gage, titre en vertu duquel l'occupation du sieur Akpana Padonou Loko ne pourrait faire courir le délai de prescription puisque essentiellement révocable et ceci sans limitation de durée en vertu du simple remboursement de la somme prêtée et que cette offre de remboursement n'a jamais été acceptée par lui (articles 311, 243 et 312 du tribunal coutumier du Dahomey).
Sur le troisième : Contradiction de motifs de l'arrêt du Tribunal Supérieur de Droit Local qui après avoir annulé tout le jugement frappé d'appel, n'en puise pas moins les éléments de sa conviction dans ladite décision.
Attendu que si l'arrêt a annulé le jugement qui lui était soumis, il n'a pas moins visé dans ses considérants les pièces de la procédure le jugement no 33 du Tribunal du deuxième degré de Porto-Novo en date du 26 novembre 1959 ; qu'il reprend l'analyse des pièces en disant « Attendu qu'il résulte des éléments de la cause que... » qu'il précise loin « Attendu qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer, au fond, à partir des éléments rassemblés, lors des débats, l'affaire étant en état d'être jugée » ; qu'il ne peut être reproché à l'arrêt d'avoir écarté du procès les discussions et décisions qui ne correspondaient pas à la requête initiale et de s'être appuyé sur les éléments propres au litige dont il a repris l'examen ».
Président : MATHIEU.
Procureur Général : AINANDOU.
Avocat : Me HAAG.