Pourvoi de Yobodé Séverin contre un jugement rendu le 13 janvier 1965 par le Tribunal de Première Instance de Cotonou sur un jugement du Tribunal de Travail intervenu entre le demandeur et le sieur Adihou Antoine.
Sur la procédure. - Le désistement de l'appelant ne produit aucun effet tant qu'il n'a pas été accepté par l'intimé ; l'agrément du défendeur étant exigé pour que le requérant en cassation se voit donner acte sans frais de son désistement (voir article 57 de la loi du 23 juillet 1947 sur la Cour de Cassation).
Sur le fond. - Le reclassement et l'augmentation de salaire n'étant pas subordonnés à l'acceptation de l'employeur, ce dernier doit être averti par une réclamation fixant le point de départ de l'augmentation. Celle-ci, créant une situation nouvelle du travailleur au sein de l'entreprise et à laquelle l'employeur peut ne pas souscrire.
Attendu que la procédure suivie pour introduire le recours devant la Cour Suprême se présente comme suit .
Par lettre datée du 20 janvier 1965, enregistrée, arrivée le 21 janvier 1965, le sieur Yobodé Séverin, adresse au Président de la Cour Suprême une déclaration de pourvoi contre le jugement du 13 janvier 1965 du Tribunal de Première Instance de Cotonou, statuant en matière d'appel contre un jugement du Tribunal du Travail.
Il formule par lettre du 19 février 1965 une requête en assistance, laquelle assistance lui est accordée le 4 mai 1965, Me de Lavaissière est désigné en qualité de défendeur d'office, mais celui-ci s'étant récusé, c'est Me Katz que le Président du Bureau d'Assistance judiciaire désigne à sa place, le 19 juin 1965, en vertu de la procédure suivie dans les localités où le barreau n'est pas constitué, de qui était le cas à l'époque des faits.
Dès le 22 janvier 1965, le Greffier en Chef de la Cour Suprême avait rappelé au requérant les termes de l'article 52 de la loi du 18 octobre 1961, organisant la Cour Suprême et la nécessité de faire formaliser la requête par un avocat, de qui vraisemblablement avait amené le sieur Yobodé à demander l'assistance judiciaire.
Une fois désignée, Me Katz se présenta le 14 décembre 1965 au Greffe du Tribunal de Première Instance de Cotonou et déclara se pourvoir au nom de son client contre le jugement du 13 janvier 1965.
Le 25 mars 1966, elle fit signifier le jugement contradictoire et le 12 avril par acte n° 207 reçu au Greffe du Tribunal de Première Instance de Cotonou, formula un désistement de son pourvoi du 15 décembre 1965 et le même jour au même lieu par acte n° 208, fit enregistrer une nouvelle déclaration de pourvoi.
Elle expose dans la lettre de transmission de son mémoire ampliatif du 22 avril 1966 que ce désistement était motivé par le fait que la décision entreprise n'avait pas été signifiée préalablement au défendeur en pourvoi.
Attendu qu'il y a lieu d'examiner d'abord la recevabilité du pourvoi en la forme.
Qu'il faut remarquer que le texte organisant la procédure a changé deux fois au cours du déroulement chronologique de ce cas. Que le pourvoi formulé en premier lieu par le sieur Yobodé le 20 janvier 1965 se plaçait sous l'empire de la loi du 18 octobre 1961 ainsi que le rappelait le Greffier en Chef de la Cour Suprême.
Que les pourvois des 14 décembre 1965 et 12 avril 1966 se trouvent régis quant à eux par la loi n° 65-35 du 7 octobre 1965, publiée au Journ,al Officiel du 30 octobre 1965 et que c'est à la lumière de ce texte que doit être examinée la recevabilité du pourvoi définitif de Me Katz.
Attendu que sa précaution de formuler un nouveau pourvoi après signification de la décision attaquée révèle un souci de procédure que l'on rencontre assez généralement encore que l'interprétation de l'article 90 de la loi du 7 octobre 1965 (qui reprend avec deux délais et une rédaction différents l'article 70 de la loi du 18 octobre 1961 et sera repris sous une forme tout aussi ambiguë par l'article 93 du texte actuel) ne soit pas celle retenue par la Cour Suprême dans sa jurisprudence dominante.
Mais que cette surabondance de formalités ne saurait lui être reprochée.
Attendu que le Conseil du défendeur, quant à lui, soulève l'irrecevabilité du pourvoi n° 208 du 12 avril 1966, au prétexte qu'il est intervenu après le désistement sans réserve, du pourvoi initial du 13 décembre 1965 contre la même décision.
Qu'il est de doctrine bien reçue que le désistement de l'appelant ne produisant aucun effet tant qu'il n'a pas été accepté par l'intimé n'empêche pas l'appel incident en tout état de cause (Code de Procédure Civile s/article 403). De même, la loi du 23 juillet 1947, en son article 57, exige l'agrément du défendeur pour que le requérant en cassation se voit donner acte sans frais de son désistement.
Que, par conséquent, l'argument du défendeur est irrecevable d'autant que Me Katz n'a jamais déclaré procéder à un désistement d'action.
Attendu que le second argument du défendeur est que le demandeur n'avait pis préalablement saisi la commission de règlement prévue par la Convention Collective du Commerce du 16 novembre 1956 (article 24) pour le règlement des différends concernant la classification.
Attendu que cet argument paraît surprenant, qu'on ne voit pas en quoi une nullité de procédure, invoquée ici pourrait rendre le pourvoi irrecevable, alors que ce pourrait être un motif de cassation s'il n'était invoqué pour la première fois devant la Cour Suprême et que de toutes façons, il irait à l'encontre du but recherché par le défendeur qui est le rejet du pourvoi, donc la confirmation de la décision.
Attendu en conséquence qu'il y a lieu de déclarer le pourvoi irrecevable en la forme et de l'examiner au fond.
Au fond. - Attendu que le requérant développe un seul moyen violation de l'article 101 de la loi n° 52-132 du 15 décembre 1952 qui dispose que : (l'acceptation sans protestation ni réserve par le travailleur d'un bulletin de paye ne peut valoir renonciation de sa part au payement de tout ou partie du salaire, des indemnités et des Accessoires du travail qui lui sont dus en vertu des dispositions législatives réglementaires ou contractuelles.)
Alors que le jugement attaqué avait déclaré que nonobstant 1e caractère d'ordre public de la réglementation relative aux salaires, le travailleur est considéré comme ayant tacitement renoncé à faire valoir ses droits, s'il a pendant l'exécution du contrat, donné mois par mois son accord à l'application du barème proposé et s'il a perçu une rémunération au moins égal au salaire minimum interprofessionnel garanti.
Attendu, outre les circonstances particulières de l'affaire, le fait que Yobodé, se payait lui-même par prélèvement sur la caisse et n'avait formulé durant toute son activité professionnelle aucune réclamation de salaire et encore moins saisi la commission de règlement de l'article 24 (puisqu'on lui reproche de ne l'avoir pas fait même en cours d'instance, qu'il est de jurisprudence de la Cour Suprême de refuser le rappel des salaires antérieurement à la date de la première réclamation (Cour Suprême, 24 juillet 1968 : Etant donné que ni le reclassement , ni l'augmentation du salaire ne sont subordonnés à l'acceptation de l'employeur, qu'il est logique qu'à tout le moins ce dernier ait pu être averti de ce débours à prévoir dans sa comptabilité, par une réclamation fixant le point de départ de l'augmentation et provoquant une situation nouvelle à laquelle d'ailleurs il peut ne pas souscrire par une décision de licenciement mettant fin à une convention qu'il peut estimer lui être devenue désavantageuse.)
Attendu qu'il est évident que cette observation est tempérée par la nécessité que le salaire convenu ne soit pas inférieur au salaire minimum interprofessionnel garanti, ce qui n'est pas soutenu d'ailleurs.
Que par conséquent le moyen soulevé n'est pas admissible.
PAR CES MOTIFS:
Reçoit le pourvoi en la forme;
Le rejette.
Président-Rapporteur : Me MATHIEU.
Procureur Général : Me AINANDOU.
Avocats : MMes KATZ et AMORIN.