Vu la transmission du dossier à la Cour Suprême,
Vu l'arrêt attaqué;
Ensemble les mémoires ampliatifs, de défense, de réponse et de réplique déposés les 13/4/67; 5-7; 8-11-68, 9/1 et 26/2/69 par Me BARTOLI, Avocat à la Cour, Conseil du sieur Pierre SOUNOUVOU et le défendeur DOHOU Sabin;
Vu toutes les pièces produites et jointes au dossier;
Vu l'ordonnance n° 21/PR du 26 avril 1966 organisant la Cour Suprême;
Ouï à l'audience publique du vendredi six juin mil neuf cent soixante neuf, Monsieur le Président MATHIEU en son rapport;
Monsieur le Procureur Général AÏNANDOU en ses conclusions de rapportant à justice;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Attendu que par acte reçu le 27 janvier 1967 au Greffe de la Cour d'Appel de Cotonou, le sieur Pierre SOUNOUVOU a déclaré se pourvoir en cassation contre l'arrêt n° 3 du 17 janvier 1967 de la Cour d'Appel de Cotonou statuant en matière d'immatriculation, rendu entre le requérant et le sieur DOHOU Sabin;
Attendu que par lettre n° 626 du 20 février 1968, le Procureur Général près la Cour d'Appel transmettait parmi d'autres le dossier de la procédure au Procureur Général près la Cour Suprême qui se trouvait en possession depuis le 14-4-1947 du mémoire ampliatif de maître BARTOLI pour le requérant.
Qu'avisé le 8 avril 1968 d'avoir à déposer la consignation prévue par l'article 45 de l'ordonnance 21/PR, il s'en acquitta le 9 avril.
Attendu que suivit un échange de mémoires datés pour le requérant après celui du 13 avril 1967, des 8 novembre 1968 et 26 février 1969 et pour le défendeur des 5 juillet 1968 et 9 janvier 1969;
Attendu que s'agissant d'une procédure d'immatriculation, une question préjudicielle du pourvoi, ratione matériae se pose qu'il y a lieu de discuter et de trancher, le problème se posant apparemment pour la première fois devant la Cour Suprême.
Attendu en effet que par réquisition n° 3659 du 8 avril 1965, le sieur DOHOU Sabin sollicitait l'immatriculation d'un immeuble par ailleurs objet d'une contestation du sieur SOUNOUVOU Pierre devant les juridictions coutumières.
Que sur la procédure de l'immatriculation, le sieur SOUNOUVOU Pierre formait opposition entre les mains du conservateur de la propriété foncière de Cotonou par lettre du 22 septembre 1965 et déposait le 23 février 1966 sa requête introductive d'instance et ses pièces au Tribunal de première Instance de Cotonou qui rendit le 15 juin 1966 un jugement faisant droit à la demande de réduction de la surface à immatriculer.
Attendu que sur appel du 22 octobre 1966, la Cour d'Appel reforma ce jugement et rejeta l'opposition en ordonnant au conservateur de procéder à l'immatriculation requise par le sieur DOHOU.
Que c'est cet arrêt qui est incriminé.
Attendu que le requérant pose d'entrée le problème de la recevabilité de son pourvoi en indiquant que si l'article 115 de la loi du 14 août 1965 prévoit que les décisions rendues en matière d'immatriculation ne sont susceptibles de recours en cassation que sur pourvoi du Ministère Public dans le mois du prononcé de a décision, il se heurte aux dispositions de l'article 175 de l'ordonnance n° 21/PR du 26-4-1966 organisant la Cour Suprême, qui déclare abrogées toutes dispositions contraires aux siennes et comme les articles 40 et suivants, et 93 édictent que le pourvoi en cassation est recevable dans les deux mois de la signification sans que soit "précisé" le droit des parties à se pourvoir, il s'ensuit que les dispositions de l'article 115 sont contraires à celles de la loi organisant qui ont été abrogées.
Que l'ordonnance 21/PR vise bien la matière de l'immatriculation puisque l'article 82 cite cette matière parmi celles dont le pourvoi suspend l'exécution.
Attendu que le défendeur réplique que cette précision n'a rien de contraire à l'article 115 puisqu'il y est simplement indiqué que le pourvoi est suspensif, mais reste limité au Ministère Public.
Attendu que le requérant fait état de l'abrogation explicite de l'article 175 qui doit avoir une valeur absolue et pour effet de mettre à se pourvoir en cassation et en même temps quant au délai de 1 mois accordé au Ministère Public.
Attendu qu'il apparaît bien audacieux d'inférer de la simple énonciation générale de l'article 175 que toute procédure spéciale se trouve abrogée au Dahomey, d'autant que cet article prend bien soin de citer "notamment la loi n° 65-36 du 7 octobre 1965, portant statut des magistrats de la Cour Suprême" qui de ce fait est bien nettement abrogée.
Mais attendu que les dispositions contraires aux textes antérieurs abondent dans l'ordonnance n° 21/PR en particulier les différences existant quant aux formalités du pourvoi avec la loi organique n° 61-42 du 18 octobre 1961 et celle du 7 octobre 1965 qui sont des textes généraux. Mais qu'il est beaucoup plus difficile d'admettre l'abrogation implicite de toutes les procédures spéciales aussi longuement et minutieusement réglementées que celle concernant l'immatriculation foncière, d'autant que l'admission en ce qui le concerne de la procédure générale adoptée devant la Cour Suprême aboutirait à des inconséquences:
En particulier; l'article 93 indique qu'en matière civile, commerciale et sociale, le délai pour se pourvoir en cassation est de deux mois à compter de la signification de l'arrêt ou du jugement, ce qui, et la Cour Suprême n'a pas n'a pas manqué déjà de le déplorer, ouvre en pratique un délai indéfini pour le pourvoi au cas où ni l'une ni l'autre des parties n'a fait signifier la décision, ce que bien entendu le perdant se gardera de faire.
Qu'en l'espèce, l'article 116 fait obligation au conservateur de la propriété foncière de procéder à l'immatriculation lorsque le dossier lui est retourné avec un certificat négatif de recours délivré par le Greffier (il s'agit bien entendu du certificat négatif concernant le recours du ministère Public qui ne dispose que d'un mois pour y procéder).
Attendu que si le recours reste possible de façon illimitée, l'immatriculation ne pourra se faire, du moins avec la procédure mise au point par la loi n° 65-25 du 14 août 1965.
Autre inconvénient celui provenant de l'article 129 qui prévoit la suspension du délai de péremption des inscriptions hypothécaire pouvant crever l'immeuble à immatriculer. Il faut savoir de façon certaine à quelle date cesse cette suspension.
Attendu que par ailleurs l'impossibilité de venir en cassation sur cette procédure spéciale, hors les cas relevés par le Ministère Public de violation de la loi, ne peut se porter à la partie lésée de préjudice irrémédiable puisque l'article 179 ouvre à quiconque fait immatriculer en son nom un immeuble dont il sait n'être pas propriétaire, le risque d'être poursuivi pour stellionat avec les facilités offertes à la victime par la voie pénale.
Attendu qu'il apparaît en conséquence qu'il n'y a pas lieu de bouleverser les structures édifiées minutieusement par la loi portant organisation du régime de la propriété foncière au Dahomey et qu'il convient de déclarer irrecevable ratione materiae, le recours du sieur SOUNOUVOU Pierre.
PAR CES MOTIFS
Déclare le recours irrecevable en la forme.
Laisse les dépens à la charge du requérant.
Ordonne la notification du présent au Procureur Général près la Cour d'Appel de Cotonou et aux parties.
Ordonne la transmission en retour du dossier au Parquet Général de la Cour d'Appel.
Ainsi jugé et prononcé par la Cour Suprême (Chambre Judiciaire) en son audience publique du vendredi six juin mil neuf cent soixante neuf, où étaient présents Messieurs:
Edmond MATHIEU, Président de Chambre la Chambre Judiciaire PRESIDENT
Grégoire GBENOU et Corneille T. BOUSSARI, CONSEILLERS
Cyprien AÏNANDOU PROCUREUR GENERAL
et Honoré GERO AMOUSSOUGA - GREFFIER
Et ont signé:
LE PRESIDENT-RAPPORTEUR LE GREFFIER
Edmond MATHIEU H. GERO AMOUSSOUGA