Vu l'acte en date du 12 juin 1967, reçu au Greffe de la Cour d'Appel de Cotonou, au terme duquel Maître AMORIN, Avocat à la Cour, Conseil des nommés LAWSON Apollinaire et LAWSON Innocent, a déclaré au nom et pour le compte des susnommés qu'il représente, se pourvoir en cassation sur les intérêts civils contre l'arrêt n° 201 rendu le 9 juin 1967 par la Chambre Correctionnelle de la Cour d'Appel de Cotonou;
Vu la transmission du dossier à la Cour Suprême;
Vu l'arrêt attaqué;
Ensemble les mémoires ampliatif, en défense et de réplique déposés les 9/9-9-11-68 et 19-2-69 par Maîtres AMORIN et KATZ, conseils des parties en cause;
Vu les pièces produites et jointes au dossier;
Vu l'Ordonnance n° 21/PR du 26 avril 1966, organisant la Cour Suprême;
Ouï à l'audience publique du mercredi 23 juillet 1969, Monsieur le Président MATHIEU en son rapport;
Monsieur le Procureur Général AÏNANDOU en ses conclusions se rapportant à justice;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Attendu que par déclaration reçue le 12-6-1967 au Greffe de la Cour d'Appel de Cotonou, Maître AMORIN, Avocat-Défenseur à Cotonou, Conseil des parties civiles LAWSON Apollinaire et LAWSON Innocent, s'est pourvu en cassation au nom de ses clients contre l'arrêt n° 201 du 9 juin 1967 de la Cour d'Appel de Cotonou;
Attendu que par lettre n° 920/PG du 16 mars 1968, le Procureur Général près la Cour d'Appel a transmis parmi d'autres les dossiers au Procureur Général près la Cour Suprême où il a été enregistré le 19 sous le n° 181/G-CS;
Attendu que par lettre n° 574 du 19 avril 1968, le Greffier en Chef de la Cour Suprême rappelait à Maître AMORIN la nécessité de la consignation dans le délai de 15 jours et lui accordait deux mois pour le dépôt de son mémoire;
Que cette pièce ne parvenait à son destinataire que le 20-7-68 et que la consignation était effectuée le 22 juillet et que c'est le 18 septembre qu'était enregistré arrivée à la Cour, le mémoire ampliatif du pourvoi daté du 9-9-1968;
Attendu que GODONOU Paul accusait par P.V. n°1705/CIA du 19 octobre 1968 du Commissaire de Police du 4è Arrondissement de la Ville de Cotonou, la remise de la copie de ce mémoire et n'y donnait pas suite;
Que, par contre, Me KATZ informait la Cour de sa constitution pour la Société Hersent, laquelle n'a plus de siège au Dahomey et faisait parvenir au Greffe le 15-11-68 son mémoire en défense daté du 9-11-68;
Que cette pièce provoquait une réplique du 19 février 1969, arrivée le 26-2-69 du Conseil des requérants;
Attendu qu'il n'y a pas de contestation sur la recevabilité en la forme du pourvoi, qui a respecté les formes et délai de la loi et qu'il y a lieu de passer à son examen au fond;
Attendu que les faits de la cause se résument en une collision entre un camion appartenant à la Société Hersent et conduit par le chauffeur GODONOU Paul et un motocycle vespa conduit par Innocent LAWSON et ayant comme passager Apollinaire LAWSON, parent du premier;
Que, hors de tout témoignage, sauf ceux des précités, le dossier s'appuie sur le procès-verbal n°1123 du 30 août 1965 de la Brigade de Gendarmerie d'Abomey-Calavi, assorti d'un croquis des lieux ;
Attendu que ce document sera discuté par les parties civiles et fait l'objet de l'un des moyens du pourvoi: pour violation des articles 7 de la loi du 20 avril 1810 et 3 de la loi du 9 décembre 1964 - Défaut, insuffisance de motifs. Dénaturation des documents et conclusions en la cause - Violation de l'article 24 de l'arrêté Général n° 6138 du 24 juillet 1956 portant code de la route, en ce que, son motif explicite ou implicite et sans répondre aux conclusions formelles contraires développées devant elle et reprises dans la note en cours de délibéré du 25 mai 1967 démontrant l'impossible réalisation de l'hypothèse retenue par le procès-verbal de Gendarmerie, la Cour a disposé qu'il était constant que le point de choc se situait très exactement au milieu de la chaussé;
Attendu que le fait de répondre à des conclusions contestant une indication de procès-verbal de Gendarmerie sur le point de choc par l'adoption pure et simple des constatations de ce procès-verbal serait passible de la sanction de la Cour Suprême pour absence de motifs, si effectivement l'arrêt s'était borné à cela, mais attendu qu'il est certain que la Cour a tiré de l'examen des documents soumis la réponse à l'argumentation développée et n'a pas suivi aveuglement les indications du procès-verbal de Gendarmerie puisque c'est non seulement du relevé des deux petites traces "laissées sans doute par le guidon de la vespa" qu'elle déclare constant le point de choc au milieu de la chaussée, mais aussi du fait qu'on ne relève aucune trace de ripage ni de freinage, que de l'emplacement du véhicule arrête, il était inexact que ses roues droites se soient trouvées sur le bas-côté au moment du choc, mais bien à 60 cm du bord du bitume;
Attendu donc que la Cour a tenu compte de l'argumentation encore qu'hypothétique parties civiles sur le point de choc et ce point étant tenu pour constant, il en découlait logiquement que n'est pas recevable non plus le premier moyen en sa seconde branche qui reproche à la Cour d'avoir: "sans répondre aux conclusions des parties civiles sur les obligations particulières du véhicule de plus grand gabarit en cas de croisement entre véhicules de gabarit différents et sans énoncer aucun motif, à l'appui; décidé qu'il y avait partage de responsabilité et mis 80 % à la charge du conducteur de la vespa et 20 % seulement à la charge du prévenu, alors qu'il n'était pas allégué que la vespa avait empiété sur le couloir de circulation du camion, alors que l'application exacte de l'article 24 du code de la route excluait de toute façon toute possibilité de mettre la plus grande responsabilité à la charge du conducteur de la vespa; puisqu'il est bien évident que l'article 24 vise le cas d'insuffisance de largeur libre de la chaussé;
Attendu que le premier moyen étant rejeté, qu'il y a lieu d'examiner le 2è: violation des articles 7 de la loi du 20 avril 1810 et 3 de la loi du 9 décembre 1964: défaut, insuffisance de motifs manque de base légale, dénaturation des concluions;
En ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de réparation du préjudice moral au motif que cette demande n'était pas fondée en son principe, le préjudice moral étant la souffrances rencontrée à la suite de la mort d'u être cher;
Alors que la partie civile Apollinaire LAWSON avait bien défini le préjudice comme la souffrance morale attachée à la conscience de sa diminution physique, préjudice distinct du préjudice moral en cas de perte d'un être cher, alors qu'aucune loi ne principe de droit n'exclut la réparation du préjudice défini dans les conclusions de la partie civile;
Alors encore que l'arrêt ne donne aucun motif justifiant le rejet dans son principe de a demande spécifique présentée devant la Cour;
Attendu que la Cour a alloué une indemnité à l'intéressé pour préjudice esthétique et que l'on ne concevrait plus ce que couvre cette notion si en dehors du pretium doloris, de la réparation de l'incapacité permanente, elle ne s'appliquait pas justement à la réduction des avantages esthétiques et partant de la conscience qu'en à la victime, le psychisme intervenant en cette matière tout autant que es éléments physiques. Que d'ailleurs la Cour a nettement défini sa conception du préjudice moral et a suivi à ce propos l'ensemble de la doctrine et de la jurisprudence et n'était pas tenue à s'étendre sur une demande qu'elle a dite non applicable au cas d'espèce;
Attendu que le moyen est à rejeter;
Troisième moyen: Violation et fausse application de l'article 55 du code pénal. Violation de l'article 1382 du code civil. Violation des articles 7 de la loi du 20 avril 1810 et 3 de la loi Dahoméenne du 9 décembre 1964, défaut, insuffisance de motifs, manque de base légale;
En ce que, après avoir relevé une faute à la charge des conducteurs des véhicules entrés en collision et opéré un partage de responsabilité entre les deux, l'arrêt attaqué a réduit de 80 % les sommes allouées à la partie civile Apollinaire LAWSON, réduisant ainsi à 20 % le montant des condamnations prononcées contre le prévenu;
Alors que celui qui est déclaré coupable du fait dommageable est tenu pour la totalité à réparer le préjudice, sans distinguer s'il est ou non l'auteur unique du fait, même s'il n'est pas seul responsable, le partage de responsabilité ne pouvant affecter le montant de l'obligation, la répartition des responsabilités jouant seulement dans les rapports des codébiteurs entre eux et n'affectant pas le caractère de leur obligation au regard de la partie civile;
Alors encore qu'il importe peu que des co-auteurs soient demeurés hos de cause, soit par suite de décès, soit parce qu'ils n'ont pas été poursuivis;
Attendu qu'il est évident que la condamnation in solidum est un cas de pluralité d'auteurs est de tout repos pour la victime qui n'aura qu'à exécuter le plus solvable;
Que la jurisprudence citée a du poids, mais n'est plus assez récente pour traduire le mouvement dominant;
Attendu en effet, qu'on s'est rendu compte non seulement de la difficulté qu'il pouvait y avoir pour le condamné qui avait versé la totalité de l'indemnisation à récupérer sur les autres leur quote-part, mais de l'impossibilité de le faire dans certains cas par exemple lorsque l'employeur a une part de responsabilité dans le dommage et qu'il est couvert lui-même par la législation; dans d'autres cas lorsqu'une part de responsabilité revient à des éléments naturels (on ne peut être déclaré in solidum avec le vent) et qu'alors la pénalisation deviendrait injuste pour partie au moins;
Et que si le principe est encore proclamé par la doctrine et enseigné des décisions plus récentes le contestent "mais une telle condamnation est impossible si la proposition dans laquelle un des auteurs a concouru au dommage est déterminable" GV 2è section 19-4-1956 D 1956 - 538;
"Il faut que le quantum des réparations soit conforme au partage des responsabilités: Crm 22-2-1951 D 1951 400 - Crm. 14-4-1956 D 1957 - Sommaire 26.
Attendu d'ailleurs que dans le cas d'espèce, l'article 55 du code pénal ne pourrait s'appliquer puisqu'il n'y a pas pluralité de condamnés;
Attendu en définitive, que la Cour a fort bien vu qu'il n'y aurait pratiquement aucun espoir pour le civilement responsable de récupérer sur Innocent LAWSON, par ailleurs cousin de la victime principale et transporteur bénévole, les 80 % qui restent à sa charge si Apollinaire LAWSON veut l'actionner au civil.
Attendu que le moyen est à rejeter.
PAR CES MOTIFS
Reçoit le pourvoi en la forme.
Le rejette au fond.
Ordonne la notification en retour du dossier au Parquet Général de la Cour d'Appel.
Ainsi jugé et prononcé par la Cour Suprême (Chambre Judiciaire) en son audience publique du vendredi six juin mil neuf cent soixante neuf où étaient présents Messieurs:
Edmond MATHIEU; Président de la Chambre Judiciaire - PRESIDENT
Grégoire GBENOU et Corneille Taofiqui BOUSSARI - CONSEILLERS
Cyprien AÏNANDOU - PROCUREUR GENERAL
et Honoré GERO AMOUSSOUGA - GREFFIER
Et ont signé:
Et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Le Président-Rapporteur Le Greffier
E. MATHIEU H. GERO AMOUSSOUGA