Vu la lettre en date du 9 mai 1969 du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et de la Législation, ordonnant au Procureur Général près la Cour Suprême de déférer à la Chambre Judiciaire de ladite Cour, le jugement du Tribunal de Première Instance de Cotonou en date du 8 janvier 1968 et d'en requérir l'annulation dans l'intérêt de la loi et de Paul GBODJA, et le renvoi du fond de l'affaire devant un autre Tribunal;
Vu la transmission du dossier à la Cour Suprême;
Vu l'ordre du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et de la Législation en date du 9 mai 1969;
Vu l'ordonnance n° 21/PR du 26 avril 1966, organisant la Cour Suprême, notamment en son article 87 alinéa 1er;
Ouï à l'audience publique du vendredi dix huit juillet mil neuf cent soixante neuf, Monsieur le Président MATHIEU en son rapport;
Monsieur le Procureur Général AÏNANDOU en ses conclusions écrites;
Ensemble tout ce qui précède;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Attendu que par jugement contradictoire du 8 janvier 1968, le Tribunal de 1ère Instance de Cotonou statuant en matière correctionnelle, dans la procédure suivie à l'encontre des nommés NOUKPOZOUNKOU, HOUNGA et JOLI AGBAKO KPOVIESSI du Chef de vol a condamné conjointement et solidairement KPOVIESSI Milouekpon et Paul GBODJA à payer la somme de cent mille francs à PEDRO Clémentine à titre de dommages-intérêts;
Attendu que Paul GBODJA a interjeté appel de la décision susvisée le 19 août 1968, mais que par arrêt du 10 janvier 1969, la Cour d'Appel l'a déclaré irrecevable comme ayant été formé hors délai;
Attendu que dès lors, le jugement du 8 janvier 1968 est définitif bien que l'une de ses dispositions soit contraire à la loi;
Attendu en effet que Paul GBODJA n'était pas partie au procès, n'étant venu à l'audience qu'à titre de témoin il y a eu violation de la loi, notamment des dispositions de l'article 348 du code de procédure pénale, étant donné qu'aucune pièce ne figure au dossier établissant que ledit GBODJA ait comparu volontairement à titre de civilement responsable ou qu'il ait été cité en cette qualité;
Attendu qu'il y a eu poursuite du chef de vol devant le Tribunal et que Paul GBODJA a été condamné comme civilement responsable d'un vol, ce qui est une hérésie juridique; qu'en réalité GBODJA a été condamné pour faits de vol sans avoir été cité ni inculpé comme auteur, co-auteur ou complice d'un vol;
Attendu qu'il s'agit là d'une erreur de droit à redresser, et s'agissant d'une condamnation illégale, d'une méconnaissance des règles fondamentales de la justice et du droit de la défense, qu'il échet d'annuler cette décision dans l'intérêt de GBODJA et l'intérêt de la loi afin que cette erreur ne subsiste dans les annales judiciaires;
Vu l'ordonnance n° 21/PR du 26 avril 1966 organisant la Cour Suprême qui dispose en son article 87 alinéa 1er: "Lorsque des décisions de justice contraires à la loi auront été rendues, elles pourront être annulées sur le pourvoi que le Procureur Général près la Cour Suprême, sans avoir à observer de délais, effectuera d'ordre du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et de la Législation;
PAR CES MOTIFS
Annule le jugement susvisé du Tribunal de 1ère Instance de Cotonou en date du 8 janvier 1968 dans l'intérêt de Paul GBODJA et dans l'intérêt de la loi;
Ordonne le renvoi de la procédure devant le Tribunal de 1ère Instance de Cotonou autrement composé;
Laisse les dépens à la charge du Trésor;
Ordonne la transmission du dossier ainsi qu'une expédition de l'arrêt à Mr le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et de la Législation aux fins énumérées dans la requête du 9 mai 1969;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour Suprême en son audience publique du vendredi dix huit juillet mil neuf cent soixante neuf, où étaient présents Messieurs:
Edmond MATHIEU, Président de Chambre Judiciaire PRESIDENT
Grégoire GBENOU et Corneille T. BOUSSARI, CONSEILLERS
Cyprien AÏNANDOU - PROCUREUR GENERAL
Honoré GERO AMOUSSOUGA - GREFFIER
Et ont signé:
LE PRESIDENT-RAPPORTEUR LE GREFFIER
E. MATHIEU. GERO AMOUSSOUGA