Vente à réméré - Conditions - Pourvoi en cassation - Examen d'un deuxième pourvoi même affaire conditions.
Un second pourvoi formé sur un renvoi dans la même affaire ne fat pas obstacle à son examen par la cour suprême dès lors que le premier pourvoi n'avait pas fait l'objet de rejet. En cas de rejet, un second pourvoi n'est pas permis.
Se contredit l'arrêt qui, après avoir constaté que la coutume admet la vente à réméré, se fonde sur le caractère simulité du contrat. Pour conclure à la nullité de la convention de prêt à réméré.
N° 1 du 6 MARS 1970
Dame PADONOU Valentine
C/
Yaya Do REGO
Vu la déclaration de pourvoi en annulation faite le 10 Avril 1958 au greffe de la chambre d'annulation de l'AOF et du Togo à Dakar par maître Thomas , substituant maître Geni avocat défenseur à Dakar, agissant au nom et pour le compte de la dame PADONOU Valentine , contre l'arrêt rendu le 14 novembre 1957 par le Tribunal Supérieur de Droit Local du Dahomey séant à Cotonou , dans la cause opposant la demanderesse au pourvoi au sieur Yaya do REGO;
Vu la transmission du dossier à la Cour Suprême du Dahomey à Cotonou;
Vu l'arrêt attaqué;
Ensemble le mémoire ampliatif déposé le 27 Avril 1967 par Me BARTOLI, avocat à la cour,conseil de la demanderesse;
Vu toutes les pièces produites et jointes au dossier;
Vu l'ordonnance 21/PR DU 26 Avril 1966 organisant la Cour Suprême;
Ouï à l'audience publique du vendredi six mars mil neuf cent soixante dix;
Monsieur le Président MATHIEU en son rapport;
Monsieur le Procureur Général FOURN en ses conclusions;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Attendu que suivant acte reçu le 10 Avril 1958 au greffe de la chambre d'annulation de l'AOF et du Togo à Dakar, Maître THOMAS,substituant maître GENI,avocat-défenseur à Dakar agissant au nom et pour le compte de la dame PADONOU Valentine ,a déclaré se pourvoir en annulation contre l'arrêt rendu le 14 novembre 1957 par le Tribunal Supérieur de Droit Local du Dahomey séant à Cotonou dans la cause opposant la demanderesse au pourvoi au sieur Yaya do REGO;
Attendu que maître GENI a fait parvenir à la Chambre d'annulation de la Cour d'Appel de Dakar, daté du 5 Mars 1959, le mémoire ampliatif du pourvoi de la requérante.
Attendu que par arrêt N° 65 du 30 Juin 1960 la Chambre d'annulation s'est déclarée incompétente en raison de la création d'une chambre d'annulation dans l'Etat du Dahomey devenu indépendant et a renvoyé la cause et les parties devant cette juridiction.
Attendu qu'effectivement une loi N°60-8 a été prise le 8 Juin 1960 par le gouvernement dahoméen portant création d'une chambre d'annulation au Dahomey, dont l'article 2 stipule «Les pourvois ayant fait l'objet d'un arrêt d'incompétence de la Chambre d'annulation de Dakar depuis le transfert des attributions précédemment dévolues à la Cour d'Appel de Cotonou seront portés de plein droit devant la Chambre d'annulation de Cotonou .»
Considérant cependant que cette Chambre d'annulation n'a jamais été installé et que ses attributions ont été pour partie reprises par la loi N°61-42 du 18 Octobre 1960 organisant la Cour Suprême et que les affaires renvoyées pour incompétence par la Chambre d'annulation de Dakar se sont trouvées reprises par cette juridiction et que c'est ainsi que par lettre N° 2276/PG du 15 Juillet 1963, le Procureur Général près la Cour d'Appel de Dakar faisait parvenir au Procureur Général près la Cour Suprême de Cotonou le dossier de la présente procédure où il était enregistrée arrivé le 28 août 1963.
Attendu que par lettre du 9 mai 1967 maître BARTOLI faisait parvenir à la Cour Suprême copie du mémoire ampliatif de Me GENI daté du 5 Mars 1959 qui figurait d'ailleurs déjà au dossier .
Qu'en vue d'une reprise de la procédure le Greffier en Chef près la Cour Suprême adressait par lettre N°58 / GCS du 11 Janvier 1968 une mise en demeure à la dame PADONOU Valentine d'avoir à consigner la somme de 5.000 francs.
Que cette pièce était notifiée en l'étude de Me BARTOLI, conseil de la requérante le 25 Janvier 1968 selon P.V. N° 230 / CIA du commissariat de police du 1er arrondissement .
Que rappel étant fait directement à maître BARTOLI par lettre N° 700 du 7 Mai 1968, reçu le 8 Mai à l'étude .
Attendu que la consignation était effectuée le 9 Mai.
Qu'ainsi par lettre N° 767 du 22 Mai 1968 le Greffier en Chef près la Cour Suprême communiquait au défendeur Yaya do REGO copie du mémoire du conseil de la requérante et lui assignait un délai de deux mois pour sa défense.
Attendu que par lettre du 22 Juillet 1968 le défendeur accusait réception et demandait un délai supplémentaire pour lui permettre de régler une affaire présentant des liens de connexité avec la présente et pour laquelle il était cité devant le Tribunal de 1ère INSTANCE DE Porto-Novo pour le 30 Juillet 1968.
Qu'il signalait en même temps que maître FORTUNE était son avocat.
Attendu que par lettre du 28 Octobre 1968 le Greffier en Chef informait le défendeur Yaya do REGO qu'un sursis lui était accordé jusqu'au 1er décembre 1968, après quoi le dossier serait considéré comme en état.
Attendu que par lettre N° 3755/PG du 20 Novembre 1968 le Procureur Général près la Cour d'Appel transmettait au Procureur près la Cour Suprême une correspondance en date du 8 Novembre 1968 du sieur do REGO Yaya, parvenue par erreur au Parquet de la Cour d'Appel. Que cette lettre de sieur do REGO demandait un « ajournement temporaire » de son affaire faisant d'ailleurs référence à la lettre du 28 Octobre du Greffier en Chef lui accordant un délai jusqu'au 1er Décembre.
Attendu que par lettre N° 1853 DU 17 Décembre 1968 le Greffier en chef de la Cour Suprême informait Me FORTUNE, conseil DE Yaya do REGO qu'il lui était accordé un dernier délai jusqu'au 10 Février terme de rigueur.
Attendu que par lettre du 12 Mars 1969 enregistrée arrivée le 13, maître BARTOLI, conseil de la requérante demandait jugement.
Que par lettre N°392 du 15 Avril 1969 le Greffier en chef près la Cour Suprême demandait à maître FORTUNE de bien vouloir lui confirmer dans les 15 jours sa constitution pour Yaya do REGO.
Attendu que sans réponse au 13 Juin , il apparaît que nulle réplique ne sera donnée en mémoire ampliatif et qu'il y a lieu de passer à l'examen de l'affaire.
FAITS: En contre partie d'un prêt d'argent le sieur Yaya do REGO a vendu au réméré un immeuble à la dame PADONOU Valentine .
Advenue la date limite du rachat il a obtenu une prolongation du délai contre une notable augmentation de la somme à rembourser.
Puis il a assigné la dame PADONOU en restitution de l'immeuble dont elle avait pris possession et en réduction à ses justes proportions de la somme à rembourser.
Le Tribunal du deuxième degré de Porto-Novo ne le suivit pas et par jugement N°27 du 7/4/1950 décida qu'il devait verser pour récupérer son immeuble l'intégralité des 350.000francs promis faute de quoi la dame PADONOU deviendrait propriétaire définitive de l'immeuble et ce dans le délai d'appel.
Valentine PADONOU interjeta appel , tandis que par conclusion du 5 Décembre 1950 Yaya do REGO demandait confirmation du jugement .
Par arrêt N°5 du 23 Février 1951 le Tribunal Colonial d'appel annula ce jugement et par avant- dire droit ordonna une expertise et une enquête.
La même juridiction par arrêt N°70 du 19 Décembre 1952 déclarait que l'appelante était devenue propriétaire de l'immeuble à la date du 31 Juillet 1959 (date d'expiration du dernier délai accordé pour le rachat ).
Sur pourvoi en annulation, la Chambre d'annulation de Dakar par arrêt N°109 du 29/9/1959 annula l'arrêt pour violation des articles 83 et 85 du décret organique pour n'avoir pas énoncé de façon complète et précise les dispositions coutumière applicables à la vente à réméré et renvoya l'affaire devant le Tribunal Supérieur de Droit Local avec ordre de se conformer à ces indications.
Par arrêt N°39 du 14 novembre 1957 ledit Tribunal Supérieur de Droit Local rendit un arrêt dont le dispositif est le suivant:
Dit que la coutume de Porto-Novo admet la vente a réméré mais qu'en l'espèce les conventions des parties dissimulent un prêt usuraire. Dit que les conventions sont nulles comme ayant violé le décret du 9 Octobre 1936 d'ordre public. Autorise do REGO a reprendre la propriété et la jouissance des lieux , dès qu'il aura versé à la dame PADONOU la somme de 350.000 francs ou en cas de refus offre réelles dés qu'il aura consigné cette somme à la disposition de la dame PADONOU.
C'est l'arrêt incriminé.
Attendu que le recours pose tout d'abord une question de compétence , qu'en effet le conseil de la requérante dans son mémoire ampliatif du 5 Mars 1959 demande à la Chambre d'annulation de l'AOF:
1)De mettre à néant l'arrêt N° 39 du 13 Novembre 1957 pour violation flagrante des articles 6 et 7 du décret du 3 Décembre 1931.
2)Evoquant l'affaire au fond conformément aux dispositions de l'article 72 du décret du 3 Décembre 1931, de dire et juger que la convention de réméré, rédigée dans les formes du décret du 2 Mai 1906 est devenue exécutoire depuis le 11 Novembre 1948 ou subsidiaire à telle date qu'il plaira à la Chambre d'annulation de fixer compte tenu des éléments du dossier;dire et juger que madame Valentine PADONOU est définitivement propriétaire de l'immeuble litigieux, objet de la vente à réméré.
Attendu qu'il s'agit de savoir si la Cour Suprême du Dahomey est compétente pour examiner ce pourvoi et répondre à ses conclusions.
Sur le 1er point: mettre à néant l'arrêt du 14/11/1957;
attendu qu'il paraît bien que la Cour Suprême est compétente en vertu des dispositions de l'article 34 de l'ordonnance N°21/ PR du 26/4/1966.
(La chambre judiciaire se prononce sur les pourvois en cassation pour incompétence, violation de la loi ou de la coutume dirigée contre:
-Les arrêts et jugements rendus en dernier ressort par toutes les juridictions de l'ordre judiciaire.)
Attendu que l'affaire revient pour la seconde fois en annulation ne paraît pas être un obstacle à son examen par la Cour Suprême du fait que le premier pourvoi avait été accueilli. Qu'en effet l'article 85 de l'ordonnance organique stipule:«lorsqu'un pourvoi en cassation aura été rejeté, la partie qui l'aura fermé ne pourra plus se pourvoi dans la même affaire» , or ce n'est pas le cas.
Que par ailleurs l'article 84 dit: « les arrêts rendus par la Chambre Judiciaire s'imposent à la juridiction de renvoi » est spécifique de la Cour Suprême et ne s'appliquait pas à la Chambre d'annulation qui pouvait examiner deux fois les mêmes affaires.
Attendu en conséquence qu'il semble que rien ne s'oppose à l'examen du pourvoi quant à la demande d'annulation de l'arrêt du 14/11/1957.
Sur le 2eme point: Attendu qu'il en est tout autrement , le pourvoi d'évocation n'existant pas devant la Cour Suprême, qui par contre , ainsi que nous l'avons spécifié plus haut par la citation de l'article 84 impose sa décision à la juridiction de renvoi, et n'admet pas un second recours en cas de rejet.
Attendu qu'il paraît en conséquence que la Cour Suprême pourra accueillir le pourvoi de la forme, l'examiner sur l'annulation et dans l'affirmative renvoyer l'affaire devant la Cour d'Appel qui tient lieu actuellement de Juridiction Supérieure de Droit Local avec l'indication du sens de son arrêt.
SUR L'ANNULATION
Attendu que la requérante expose:
«Le Tribunal Supérieur de Droit Local, statuant en matière indigène dans les formes de décret organique du 3 Décembre1931, avait seulement la possibilité de dire si oui ou non la coutume prévoyait ce «contrat de gage».
Il a assuré lui-même que la coutume le prévoyait il constate que ce contrat , sous l'influence du droit français s'est altéré pour prendre la forme d'un contrat a réméré. En tout état de cause, Le Tribunal Supérieur de Droit Local ne pouvait apprécier le contrat intervenu entre les parties suivant le droit français .Attendu que la Cour Suprême lui en donne volontiers acte.
Mais attendu que la requérante continue: « Le Tribunal Supérieur de Droit Local ne pouvait, de plus fort, ainsi qu'il l'a fait après avoir jugé que le contrat litigieux était en réalité un contrat de prêt avec usure, légitimer en quelque sorte ce prêt à usure en condamnant le défendeur au pourvoi à rembourser à la dame PADONOU la somme de 350.000 Fr. Que le même arrêt usuraire , avant de pouvoir reprendre possession de l'immeuble litigieux».
Attendu encore une fois que la Cour Suprême lui en donne volontiers acte , et estime devoir mettre à néant le dit arrêt , mais pour de tous autres motifs que ceux de requérante; attendu en effet qu'il a contradiction flagrante de motifs dans l'arrêt incriminé:
Ou bien il y a vente à réméré reconnue par la coutume et la vente est définitive depuis la fin du délai ultime imparti à l'emprunteur.
Ou bien il y a contrat simulé , cachant un prêt usuraire et selon les dispositions d'ordre public des articles 1er alinéa 2 et 2 du décret du 9 Octobre1936 « portant répression de l'usure » il y a lieu de déclarer ce contrat nul de plein droit et annuler l'arrêt pour renvoi devant la Cour d' appel qui devra décider de la somme exacte dont do REGO se reconnaît débiteur et qui ne sera pas liée à la possession de l'immeuble dont il demeure incontestablement propriétaire.
Attendu que c'est cette alternative qu'il a lieu de laisser à la juridiction de renvoi le soin de trancher à la lumière les éléments de faits à puiser dans le dossier , avec la remarque que les éléments de faits à puiser dans le dossier, avec la remarque les conclusions du 17 Octobre 1957 de l'intimé do REGO Yaya auxquelles il n'a pas été répondu par l'arrêt , déterminaient exactement la seconde situation .
Attendu en conclusion qu'il y a lieu de prononcer la recevabilité du dossier en la forme quant à la demande d'annulation.
Et l'annulation de l'arrêt du 17/11/1957 pour contradiction de motifs, son renvoi devant la Cour d'Appel de Cotonou aux fins énoncées.
PAR CES MOTIFS
Reçoit le recours,
Annule et renvoie devant la Cour d'Appel aux fins énoncées aux motifs.
Condamne le défendeur aux dépens
Ordonne la notification du présent arrêt au Procureur Général près la Cour d'Appel et aux parties.
Ordonne la transmission en retour du dossier au Parquet Général de la Cour d'Appel .
Ainsi jugé et prononcé par la Cour Suprême (Chambre Judiciaire ) en son audience publique du vendredi six mars mil neuf cent soixante dix où étaient présents messieurs :
Edmond MATHIEUPrésident de la Chambre Judiciaire, PRESIDENT
Grégoire GBENOU ET Corneille Taofiqui BOUSSARI, CONSEILLERS
Gaston FOURN, PROCUREUR GENERAL
Et Honoré GERO AMOUSSOUGA, GREFFIER
Et ont signé:
Le Président - Rapporteur Le GREFFIER
E.MATHIEU H. GERO AMOUSSOUGA