N°8 du 25 NOVEMBRE 1970
MINISTERE PUBLIC
C/
MISSINHOUN Comlan Marcel
Vu la déclaration de pourvoi en cassation faite le 15 mars 1969 au Greffe de la Cour d'Appel, par le Substitut Général près ladite Cour, contre l'arrêt N°75 en date du 14 mars 1969 rendu par chambre correctionnelle de la Cour d'Appel de Cotonou; lequel arrêt a déclaré: irrecevable pour défaut de qualité l'appel interjeté le 10 octobre 1969 par la dame HOUINDO Bohounto simple témoin - relaxé le nommé MISSINHOUN Comlan Marcel Secrétaire du quartier Brésil demeurant à Ouidah au bénéfice du doute.
Vu la transmission du dossier à la Cour Suprême;
Vu l'arrêt attaqué;
Ensemble le rapport en date du 18 septembre 1969 de Monsieur le Procureur Général près la Cour d'Appel;
Vu toutes les pièces produites et jointes au dossier;
Vu l'ordonnance N°21/PR du 26 avril 1966 organisant la Cour Suprême;
Ouï à l'audience publique du mercredi vingt cinq novembre mil neuf cent soixante dix;
Monsieur le Président MATHIEU en son rapport
Monsieur le Procureur Général GBENOU en ses conclusions;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Attendu que par déclaration reçue le 15 mars 1969 au Greffe de la Cour d'Appel de Cotonou, le Substitut Général près la Cour d'Appel de Cotonou s'est pourvu en cassation au nom du Ministère public contre l'arrêt N°75 rendu le 14 mars 1969 par la Chambre Correctionnelle de la Cour d'Appel de Cotonou;
Que par acte d'huissier du 18 août 1969 le Procureur Général près la Cour d'Appel avait fait signifier ledit arrêt au sieur MISSINHOUN Comlan Marcel;
Attendu encore qu'on n'aperçoive pas la nécessité de cette opération, que les articles 94 - 599 n'imposent pas pour la régularité du pourvoi, qu'il est incontestable qu'elle ne peut lui nuire, le délai de trois jours pour se pourvoir ayan été respecté;
Attendu que par bordereau N°1821/PG du 12 mai 1969 le Procureur Général près la Cour d'Appel transmettait parmi d'autres le dossier de la procédure au Procureur Général près la Cour Suprême;
Attendu que par lettre N°680 du 23 juin 1969 le Greffier en Chef près la Cour Suprême priait le Procureur Général près la Cour d'Appel de faire parvenir ses moyens de cassation;
Que par lettre N°2430/PG du 8 juillet 1969 le Procureur Général près la Cour d'Appel demandait communication du dossier qui lui était communiqué par lettre N°877 du 7 août 1969;
Attendu le rapport contenant les moyens de cassation fut enregistré arrivée au Greffe de la Cour Suprême le 18 septembre 1969 et que sur prière du rapporteur deux autres exemplaires furent reçus le 29 novembre 1969;
Attendu que par lettre N°1113/GCS le Greffier en Chef transmettait au Commissaire de police de Ouidah pour être remis au sieur MISSINHOUN Comlan Marcel, défendeur, un exemplaire du mémoire. Que remise était faite par P.V. N°1420 PUO du 18 décembre 1969 ensemble avec une lettre N°1112 lui demandant de présenter ses observations dans le délai limite deux mois;
Qu'aucune suite n'étant parvenue, il y a lieu de passer à l'examen des moyens du Parquet Général;
FAITS:
Par lettre du 2 juin 1967 Maître HAAG, avocat à Cotonou, adressait au Procureur de la République à Ouidah, une lettre mentionnant comme objet: plainte avec constitution de parie civile contre Monsieur MISSINHOUN Marcel;
Après l'exposé des griefs cette lettre précisait encore: ''je déclare expressément me constituer partie civile et me réserve de chiffrer devant le tribunal le montant du préjudice que j'ai subi'';
Le Procureur sur le soit-transmis adressé au Commissaire de police de ouidah donnait instruction de recevoir la plainte par procès-verbal et procéder à l'enquête;
Par procès-verbal N°98/PUO/PJI du 24/7/1967 le Commissaire de police de ouidah entendait la dame HOUINDO Bohounto qui confirmait avoir fait rédiger la plainte et terminait: SIR: je porte plainte contre le nommé MISSINHOUN Marcel pour violences et voies de fait;
Attendu qu'il est évident que la question de sa constitution de partie civile ne lui a pas été posé;
Le Procureur de la République a poursuivi par citation direction et à l'audience du 5-10-67 du tribunal de première instance de Ouidah, la dame HOUINDO Bohounto qui avait reçu une citation à témoin, a prêté serment et après avoir donné son témoignage, n'a pas été interpellée sur sa constitution de partie civile, comme c'est le processus habituel lorsque le Parquet prend à son compte la poursuite après une plainte;
Attendu qu'il est évident que le Parquet a considéré la lettre du 2 juin 1967 de Maître HAAG comme une simple dénonciation de faits délicieux, puisqu'il a fait entendre la personne intéressée sur procès-verbal au lieu de transmettre la pièce au juge d'instruction avec ses réquisitions quant au dépôt du cautionnement qui d'ailleurs n'a pas été offert par le Conseil, et qui est un élément fondamental de la plainte avec constitution de partie civile, d'ailleurs adressée d'habituel directement au juge d'instruction;
Attendu que le fait encore que le Parquet ayant l'initiative de la citation directe, à la place de la plaignante citée elle-même en qualité de témoin, et le fait que le serment lui ait été imposé à la barre confirment que n'avait pas été retenue saa qualification de partie civile;
Que par ailleurs son silence tant au Commissariat de police qu'à l'audience sur sa réclamation de dommage-intérêts, le fait qu'elle ne se soit pas fait assister de son Conseil, ont pu expliquer que le Tribunal ait omis de lui poser la question de savoir si elle confirmait la constitution de partie civile annoncée par sa plainte;
Attendu qu'il n'en demeure pas moins que l'inaction tant du Ministère Public que tu Siège est blâmable et qu'il n'est que de se rapporter pour l'appréciation de leur attitude aux commentaires du Code de procédure pénale, article 85 à 91 jurisclasseur de procédure pénale, de la constitution de partie civile et ses effets: 5 - 1967 - page 9 Article 75;
(En cas de plainte écrite, la partie civile en puissance est en droit d'exiger du Ministère Public et du juge d'instruction qu'il soit statué sur les faits qu'elle allègue, toute autre attitude constituerait un déni de justice susceptible de conséquence disciplinaire et pénales ainsi que d'une prise à partie dirigée contre la magistrat demeuré passif.)
Attendu en ce qui concerne le bien fondé du pourvoi que les arguments avancés par le parquet général ne paraissent pas solides. Qu'ils se heurtent aux prescriptions formelles soulevées par la Cour qui si elle s'appuie à bon droit sur l'article 459 du code de procédure pénale déjà applicable, se réfère de toutes façons à des idées générales reçues sans discussion;
Attendu qu'un autre argument qui n'a pas été soulevé contre la position de partie civile de la dame HOUINDO consisterait à constater qui si elle pouvait être considérée comme ayant cette qualité, il faudrait logiquement lui faire supporter les frais du premier procès - en plus de ceux d'appel en cas d'échec sur ses prétentions, ce qui paraît pour le moins inique;
Attendu enfin qu'il n'est pas inutile de se souvenir que le rejet du pourvoi n'aboutira pas pour la plaignante à un déni de justice, puisque en toute hypothèse son appel ne pouvait être formulé que quant à ses intérêts civils et que pour ce faire la voie civile lui reste ouverte si on lui ferme la voie pénale;
Attendu en conséquence qu'il paraît opportun d'accueillir le pourvoi en la forme, de le rejeter au fond;
PAR CES MOTIFS
Reçoit le pourvoi en la forme;
Au fond le rejette.
Condamne la requérante au dépens
Ordonne la notification du présent arrêt au Procureur Général près la Cour d'Appel et au nommé MISSINHOUN Comlan Marcel;
Ordonne la transmission en retour du dossier au Parquet Général près la Cour d'Appel;
Ainsi fait et délibéré par la Cour Suprême (Chambre Judiciaire) composée de Messieurs:
Edmond MATHIEU, Président Chambre Judiciaire, PRESIDENT
Gaston FOURN et Frédéric HOUNDETON, CONSEILLERS
Et prononcé à l'audience publique du mercredi vingt cinq novembre mil neuf cent soixante dix, la Chambre étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de Monsieur:
Grégoire GBENOU, PROCUREUR GENERAL
Et de Maître Honoré GERO AMOUSSOUGA,GREFFIER EN CHEF;
Et ont signé:
LE PRESIDENT-RAPPORTEUR LE GREFFIER EN CHEF
E. MATHIEU H. GERO AMOUSSOUGA