Successions - Legs d'immeubles immatriculés appartenant à un indigène - Compétence juridictionnelle.
Procédure - Charge de la preuve - Règles - Limites.
Les tribunaux de droit local sont compétents pour connaître du règlement d'une succession comportant des immeubles immatriculés lorsque lesdits immeubles et les droits réels qui s'y rattachent sont en la possession d'indigènes ayant conservé leur statut.
Les règles qui gouvernent la répartition du fardeau de la preuve entre le demandeur et le défendeur ne sont pas des règles d'ordre public; il est loisible à l'une des parties de prendre à sa charge la preuve de tel ou tel fait, déchargeant par là-même la partie qui en avait le fardeau.
N° 3/CJA du 7 janvier 1972
- Françoise OSHO
- Bernadin OSHO
- Julien OSHO
C/
Ignace OSHO et consorts
Vu la déclaration en date du 8 septembre 1970 au Greffe de la Cour d'Appel de Cotonou, par laquelle Maître BARTOLI, Avocat à la Cour agissant au nom et pour le compte de Françoise OSHO et consorts, s'est pourvu en cassation contre l'arrêt n° 50/70 du 1er juillet 1970 de la Cour d'Appel de Cotonou (Chambre de droit local) ;
Vu la transmission du dossier à la Cour Suprême;
Vu l'arrêt attaqué;
Ensemble les mémoires ampliatif, en défense et réponse en date des 8 décembre 1970, 22 février 1971 et 16 avril 1971 des Maîtres BARTOLI et AMORIN, Conseils des parties en cause ;
Vu toutes les pièces produites et jointes au dossier;
Vu l'ordonnance n° 21/PR du 26 avril 1966 organisant la Cour Suprême;
Ouï à l'audience publique du vendredi sept janvier 1972, Monsieur le Conseiller HOUNDETON en son rapport;
Monsieur le Procureur Général GBENOU, en ses conclusions;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Attendu que par acte enregistré au Greffe de la Cour d'Appel de Cotonou sous le n° 11 du 8 septembre 1970, Me BARTOLI agissant au nom et pour le compte de Françoise OSHO et consorts s'est pourvu en cassation contre l'arrêt n° 50/70 rendu le 1er juillet 1970 par la Cour d'Appel statuant en matière de droit local que ledit pourvoi a été notifié à Me AMORIN, conseil des défendeurs Ignace OSHO et consorts par les soins du Greffier en Chef de la Cour d'Appel le 1er octobre 1970;
Attendu que par lettre n° 3129/PG du 26 octobre 1970, le Procureur Général près la Cour d'Appel transmettait au procureur Général près la cour Suprême parmi d'autres le dossier de la procédure qui fut enregistré au greffe de ladite Cour sous le n° 597/GCS du 28 octobre 1970;
Attendu que le Greffier en Chef près la Cour Suprême par lettre n° 100/GCS du 7 décembre 1970 invitait les requérants à procéder à la consignation de la somme de 5000 francs sous peine de déchéance dans les 15 jours et leur accorda pour déposer leur mémoire ampliatif un délai de deux mois, le tout à compter de la date de notification de ladite lettre;
Attendu que la consignation de 5.000 francs fut faite le 11 décembre 1970 tandis que le mémoire ampliatif était déposé le 19 décembre 1970 et enregistré le même jour sous le n° 579/GCS;
Attendu que le mémoire ampliatif de Me BARTOLI, conseil des requérants fut communiqué à Me AMORIN, conseil des défenseurs pour son mémoire en réplique par lettre n° 1080/GCS du Greffier en Chef de la Cour Suprême en date du 21 décembre 1970, reçue en l'étude de Me AMORIN par son clerc le même jour; que Me AMORIN fit parvenir son mémoire en défense le 4 mars 1971 enregistré au greffe sous le n° 158/GCS; que ce mémoire est ensuite communiqué à Me BARTOLI pour réplique par lettre n° 263/GCS du 15 mars 1971 et ce dernier déposa ses observations le 16 avril 1971 enregistré sous le n° 259/GCS;
En la forme
Attendu que le pourvoi est recevable, aucun problème ne s'élevant à ce sujet;
LES FAITS
Attendu qu'il résulte de l'arrêt confirmatif attaqué que la dame Françoise OSHO épouse SOTOMEY et les sieurs Bernardin et Julien OSHO ont saisi par requête en date du 4 mai 1966 le Tribunal de 1ère Instance de Cotonou statuant en matière de droit traditionnel aux fins de voir déclarer que l'immeuble, objet du titre foncier n° 368 de la ville de Cotonou propriété de leur feu père Marcellin OSHO décédé le 7 avril 1961 appartient par voie d'héritage indivisément à tous les descendants directs du défunt et non uniquement à Ignace et Nicodème OSHO comme ceux-ci le prétendent; que devant le Tribunal Ignace et Nicodème OSHO ont exhibé la copie du titre foncier n° 368 sur laquelle est collé un morceau de papier à la suite de l'inscription ci-après la signature de Marcellin OSHO:«à remettre à MM. Ignace et Nicodème comme héritage», en même temps que deux lettres manuscrites de Marcellin OSHO et portant la signature de celui-ci pour asseoir la conviction du Tribunal en ce qui concerne la sincérité du document; que les demandeurs ont contesté l'écrit et la signature du document et conclu à sa nullité et subsidiairement à ce qu'il plaise au Tribunal ordonner une expertise, offrant d'en assurer les frais; Que par jugement n° 166 Avant-dire-droit du 28 décembre 1966 le Tribunal déclarant cette demande d'expertise fondée, ordonne l'expertise à faire par le sieur Raymond CAZELLES expert près les Tribunaux de France; que ce jugement étant devenu définitif et les demandeurs n'ayant pas consigné les frais d'expertise, le Tribunal remit l'affaire au rôle et statuait par jugement n° 104 du 16 août 1967 qui attribua l'immeuble litigieux à Ignace et Nicodème OSHO et qui débouta les demandeurs de leurs prétentions; que appel est fait de cette décision le 17 août 1967; que la Cour d'Appel dans l'arrêt critiqué confirme la décision du premier juge aux motifs que la coutume Nagot autorisant le testament oral, l'auteur des parties a pu en faire un au profit de Ignace et Nicodème OSHO et débouta les appelants de leurs prétentions alors que ceux-ci demandaient à la cour l'application du décret du 26 juillet 1932 notamment ses articles 19 et 131;
AU FOND
Premier moyen: Violation des articles 19, 131, 134 et 140 du décret du 26 juillet 1932, fausse application et violation de la loi.
en ce que l'arrêt critiqué déclare que la coutume du défunt ne connaît que le testament oral et que cette disposition n'est pas contraire à l'article 134 du décret foncier ce texte prévoyant le cas ou un acte écrit préalable n'aurait pas été établi,
alors que l'article 19 édicte que les règles coutumières ne sont applicables que si elles ne sont pas contraires aux dispositions du décret, que celui-ci exige un acte écrit conforme aux dispositions du code civil et que l'article 134 ne régit pas la matière mais fixe les conditions de forme des décisions intervenant à propos des immeubles immatriculés en faisant obligation au Juge de mentionner le numéro du titre, l'identité des parties et leur capacité ce qui n'intéresserait pas la question posée à la Cour qui n'a donc pas légalement motivé sa décision sur ce point;
Attendu qu'aux termes de l'article 19 du décret du 26 juillet 1932 dit décret foncier «sont applicables» aux immeubles immatriculés et aux droits réels qui s'y rapportent, d'une façon générale, les dispositions du Code civil et les lois«françaises» et, spécialement, lorsque «lesdits immeubles et droits réels sont en la possession d'indigènes ayant conservé leur statut, les règles de droit coutumier local, en tout ce que ces dispositions et règles ont de non contraire au présent décret et sauf modifications ci-après établies»;
Attendu que pour apprécier la portée de cet article, il y a lieu de le rapprocher de l'article 131 du même décret visé au moyen; que selon cet article «Tous faits, conventions ou sentences ayant pour effet de constituer, transmettre, déclarer, modifier ou éteindre un droit réel immobilier d'en changer le titulaire ou les conditions d'existence; tous baux d'immeubles excédant trois années; toute quittance ou cession d'une somme équivalant à plus d'une année de loyer ou fermage non échu doivent, en vu de l'inscription, être constatés par écrit dans les formes déterminées par la loi»; que les autres articles 133, 134 et 140 visés au moyen ne sont que les applications de l'article 131 ci-dessus reproduit;
Attendu que la place des articles 19 et 131 dans l'agencement interne du décret du 26 juillet 1932 est symptomatique; qu'en effet tandis que l'article 19 commence le titre 1 chapitre II intitulé «Législation», l'article 131 ainsi que les articles 133, 134 et 140 qui en sont les applications sont inclus dans le titre II chapitre II intitulé «Publication des droits réels» et une section 1ère «De la formalité de l'inscription»;
qu'autant la lecture et la place de l'article 131 font penser au droit applicable, quant à la forme, à des actes relatifs aux immeubles immatriculés et aux droits réels qui s'y rapportent, autant la lecture et la place de l'article 19 font penser au droit applicable à ces mêmes actes, quant au fond, c'est-à-dire à leur valeur intrinsèque (cf 148 du même décret).
Attendu que la forme écrite est exigée par la loi en vue de l'inscription, ce que confirme s'il en est encore besoin les dispositions de l'article 141, que le non respect de cette forme n'entraîne que le rejet de la demande d'inscription et donc le défaut de publication de l'acte informe vis-à-vis de la loi et du droit réel immobilier qui en est l'objet; que le titulaire dudit droit ne peut l'opposer aux tiers; ceux-ci n'étant pas parties de l'acte. Attendu que l'acte informe n'est pas pour autant nul; que nulle part, il n'est dit que le conservateur de la propriété foncière doit, en rejetant la demande d'inscription, déclarer l'acte informe nul, ce n'est pas de sa compétence;
Attendu que la validité de l'acte informe vis-à-vis du décret foncier s'appréciera selon la loi du fond applicable et que celle-ci est précisée par l'article 1 ci-dessus reproduit; que l'article 19 contient une règle générale et une règle particulière applicable aux immeubles immatriculés et aux droits réels qui s'y rapportent que pour être appliqué, il suffit que l'une ou l'autre de ces deux règles n'ait rien de contraire au décret foncier; que la règle générale applicable prend en considération le droit de la personne qui en est titulaire et consiste en l'application des dispositions du code civil et des lois «françaises» alors que la règle particulière vise uniquement la personne, titulaire du droit et consiste en l'application de la règle coutumière locale; que cette dernière règle particulière justifie la jurisprudence selon laquelle les Tribunaux de droit local étaient compétents pour connaître du règlement d'une succession comportant des immeubles immatriculés; ce qui est le cas en l'espèce; que cette dualité de règles ne se retrouve pas dans la rédaction de l'article 19 de la nouvelle loi foncière du 14 août 1965; que toutefois celle-ci n'est applicable à l'espèce;
Attendu qu'en l'occurrence, Marcellin OSHO, auteur des parties, décédé le 7 avril 1961, date à laquelle sa succession s'est ouverte, avait conservé son statut (du moins personne ne l'a contesté) et avait en sa possession l'immeuble immatriculé au livre foncier de Cotonou sous le n° 368; qu'il en était propriétaire, la cour d'Appel l'a constaté; qu'en vertu de l'article 19 ci-dessus analysé, les actes relatifs à cet immeuble ou aux droits réels s'y rapportant, auxquels le decujus a souscrit et qui n'étaient pas établis en vue de l'inscription sont soumis quant au fond et même quant à la forme aux règles de droit local applicable; mais que ces actes n'ont de valeur «qu'inter parties», et sont inopposables aux tiers, étant entendu que les héritiers ne sont pas des tiers; que parmi ces actes, plus importants et plus fréquents sont ceux par lesquels une personne règle avant sa mort la dévolution de sa succession, c'est-à-dire les testaments; qu'il s'agissait en l'espèce de savoir si ce morceau de papier collé sur le titre foncier et portant l'inscription et la signature susmentionnées pouvait valoir testament ou si ne valant testament il pouvait avoir une valeur quelconque au regard de la loi notamment du décret du 26 juillet 1932; que la Cour d'Appel a, dans son arrêt critiqué, d'entrée, écarté l'application du droit moderne c'est-à-dire de la règle générale de l'article 19 du décret foncier et, du coup, mis à néant la thèse qu'ont soutenue les requérants devant elle et qu'ils soutiennent encore devant la Cour Suprême, thèse selon laquelle un écrit en la forme exigée par le décret foncier est obligatoire à peine de nullité; que compte tenu de l'analyse qui précède, la cour Suprême ne peut que partager le point de vue de la cour d'Appel;
Attendu que celle-ci devait ensuite rechercher si, au regard de la règle applicable qui se trouve être la règle de droit local c'est-à-dire la coutume nagot, coutume du decujus, le morceau de papier conservait une valeur quelconque; que de ses constatations et des déclarations faites devant elle, elle a déduit qu'il y avait legs selon la règle de droit applicable, que ce legs est valable, et qu'il est opposable aux cohéritiers que sont les requérants. Que ce faisant, la Cour d'Appel dans l'arrêt critiqué a fait une saine application de la loi et n'a violé aucun article du décret du 26 juillet 1932;
DEUXIEME MOYEN.- Violation des articles 3 de la loi du 9 décembre 1964, 1315 et 1323 du Cod. civ., violation de la loi, renversement de la charge de la preuve et insuffisance de motifs.
en ce que,après avoir admis que le légataire a la charge de la preuve la Cour a décidé que les concluants s'étaient engagés à rapporter la preuve de non authenticité du documents, et que cette preuve n'étant pas apportée il avait lieu de tenir la pièce dont s'agit pour écrite et signée par le défunt,
alors que, les demandeurs auxquels on opposait le pseudo-testament avaient désavoué l'écriture et la signature de leur auteur, que cette dénégation mettait à la charge des prétendus légataires la preuve de l'authenticité de l'écriture et que dans leurs écritures les concluants n'avaient pas accepté de décharger les légataires de la preuve qui leur incombait s'étant contentés de solliciter à titre subsidiaire une vérification de l'écriture d'où il s'ensuit que c'est en dénaturant leurs conclusions que l'arrêt entrepris admet qu'ils avaient pris la preuve en charge;
Attendu que les requérants ont en l'espèce la qualité de demandeur du fait que c'est eux qui ont par leur requête du 4 mai 1966, saisi le tribunal de première instance de Cotonou pour solliciter «qu'il plaise audit tribunal dire que feu Marcellin OSHO était propriétaire du titre foncier n° 368 de Cotonou» - que les enfants majeurs et mineurs de feu Marcellin OSHO et notamment les exposants ont qualité pour requérir la mutation du titre indivisement en leur nom; qu'il leur appartenait de rapporter la preuve de leurs prétentions (Actori incumbit probatio); mais qu'à l'audience du 30 juin 1966 du Tribunal de Cotonou, les défendeurs, les sieurs Ignace OSHO et Nicodème OSHO ont présenté pour leur défense la copie du titre foncier en cause sur laquelle est collé comme il est plus haut, le morceau
de papier portant l'inscription et la signature précitées; qu'à cette copie du titre foncier étaient jointes deux lettres écrites et signées selon eux de la main de feu Marcellin OSHO, leur auteur commun; que les demandeurs ont contesté tant l'écrit que la signature des pièces ainsi produites; qu'en vertu des articles 1323 et 1324 du Cod. Civ. Visés au moyen, il revenait aux défendeurs d'établir la sincérité de ces pièces; que cependant, sans attendre les éléments d'où résulterait cette sincérité ou la décision du tribunal relative à ces pièces, les demandeurs versaient aux débats un acte dit «autorisation» dactylographié portant une signature qui serait selon eux de feu Marcellin OSHO et qu'une fois encore sans attendre la décision du tribunal, ils conclurent le 15/7/66 à ce qu'il plaise audit tribunal;
«1°- de déclarer nulle (conformément à la coutume) la donation faite par feu Marcellin OSHO à Ignace et Nicodème»
«2°- A défaut de la nullité, de rendre un jugement avant-dire-droit ordonnant la vérification de l'écriture et la signature contestées» et par le même acte, s'engageaient à supporter les frais de l'expertise qui sera faite à la diligence du Président du Tribunal;
Attendu que l'ordre de formulation de ces deux conclusions était vicieux et que ce vice provenait de l'interprétation que font les requérants des articles 19 et 131 et suivants du décret du 26 juillet 1932 et de leur compréhension de l'article 278 du coutumier; que le tribunal de Cotonou ne s'y est pas trompé puisque par jugement avant-dire-droit n° 166 cette juridiction ordonne l'expertise demandée par les requérants en 2ème position; réservant pour le fond la réponse à la 1ère conclusion; mais attendu que les requérants n'ayant pas fait l'avance des frais d'expertise comme ils se sont engagés par écrit de le faire, l'expertise n'a pu avoir lieu et que le tribunal passa outre. Qu'en appel, la Cour d'Appel estimant que les requérants «s'étant engagés devant justice à rapporter la preuve de la non-authenticité du document, ils ont par là même déchargé du fardeau de la preuve Ignace et Nicodème»; que la Cour d'Appel ne peut être critiquée sur ce point; qu'en effet «les règles qui gouvernent la répartition du fardeau de la preuve entre le demandeur et le défendeur ne sont pas des règles d'ordre public» et qu'il est loisible à l'une des parties de prendre à sa charge la preuve de tel ou tel fait;
Que le fait de savoir si l'une des parties, a entendu intervertir les rôles et prendre sur lui la charge de prouver est une question de fait; qu'en l'espèce, les requérants, demandeurs devenus défendeurs en vertu des articles 1323 et 1324 du Code Civil se sont engagés par écrit (cf. conclusions du 15/7/66 précitées) à assumer les frais de l'expertise qu'ils demandent au tribunal d'ordonner; que l'expertise étant un moyen de preuve, les requérants ont librement accepté de le rapporter en s'offrant d'en assumer les frais aux lieu et place de la partie à laquelle incombait cette responsabilité; Attendu que dès lors que ce moyen de preuve n' a pas été rapporté et que la partie intéressée n'a proposé aucun autre moyen pour suppléer cette absence, les juges ne peuvent que tirer les conséquences que la loi prévoit savoir que le fait est tenu pour établi; qu'il en résulte que c'est à bon droit, que la Cour d'Appel a décidé dans l'arrêt critiqué que «cette preuve de non authenticité n'étant pas rapportée, il y a lieu de tenir pour écrit et signé de Marcellin OSHO le document apposé sur la copie du titre foncier n° 368»; Attendu qu'alors, répliquent les requérants, la Cour d'Appel aurait dû d'office procéder elle-même à la vérification de l'écriture; mais attendu qu'il appartient aux parties en cause de présenter les moyens de preuve qui leur semblent être appropriés et que si la possibilité est laissée au Juge d'ordonner d'office une mesure d'instruction, c'est à la condition que l'une des parties n'ait pas demandé la mesure d'instruction envisagée ou toute autre mesure d'instruction conduisant aux mêmes résultats; que le défaut de diligence ou la défaillance de la partie qui est demandé et obtenu une mesure d'instruction ne peut obliger le Juge à agir d'office, que celui-ci dispose d'un pouvoir souverain d'appréciation; que, quoiqu'il en soit, la vérification d'écriture se s'imposant pas à la Cour d'Appel dès lors qu'elle a tranché la question de savoir laquelle des deux législations, droit moderne ou droit local était applicable en vertu de l'article 19 du décret foncier et décidé à juste titre qu'en l'espèce, les règles de droit local étaient seules applicables et par conséquent la coutume du decujus; que le document contesté devenait alors un simple moyen de preuve insusceptible de servir seul de motif à l'arrêt critiqué, en un mot comme ledit la Cour d'Appel dans l'arrêt précité« (le document ne vient que conforter une disposition testamentaire valable)»;
Attendu qu'il en résulte que le deuxième moyen n'est pas non plus fondé et doit être écarté.
Troisième moyen: Violation des articles 85 du décret du 3 décembre 1931, 970 et 1315 Cod. Civ., 3 de la loi du 9 décembre 1964 et de la coutume, violation de la loi, des règles de la preuve, défaut de réponse aux conclusions des appelants et d'énoncé complet de la règle coutumière applicable, violation des droits de la défense;
en ce que d'une part l'arrêt entrepris affirme que Marcellin OSHO a respecté les règles de forme coutumière du testament oral, d'autre part que sa sour avait été témoin du testament que des collatéraux des légataires confirmaient la réalité du legs et, enfin, déclare que le document produit ne vient que conforter une disposition testamentaire valable suivant la coutume;
alors que, d'une part, la Cour a omis d'énoncer la règle coutumière fixant les conditions de forme du testament oral privant ainsi la cour suprême de son contrôle de légalité sur la régularité formelle du testament et notamment la qualité de témoin de la personne désignée par la Cour, d'autre part, là, n'ayant pas procédé à une mesure d'instruction, ni entendu au cours des débats le prétendu témoin du testament et les collatéraux désignés par elle, ne pouvait affirmer qu'ils confirmaient le legs, le Juge ne pouvant se fonder que les preuves régulièrement apportées devant lui et, enfin l'arrêt ne pouvait admettre que le document écrit produit par les défendeurs était recevable sans se prononcer sur les moyens tirés de la violation des dispositions légales sanctionnant les vices allégués par la nullité de l'acte;
Première branche:
Attendu qu'en se référant dans leurs conclusions en appel du 28/6/68 et dans leur mémoire ampliatif page à l'article 278 du coutumier selon lequel «Le testament n'existe pas chez les Sombas, non plus que la donation». «Il est rare dans les coutumes Fon, goun, Nagot»; ailleurs «il existe et se fait oralement devant deux témoins ou du chef de village (Bariba)», les requérants reconnaissent par là même la licéité du testament dans la coutume Nagot, et le caractère libre de sa forme; que c'est par suite d'une interprétation erronée du texte ci-dessus reproduit que les requérants persistent à soutenir qu'il exige pour la validité du testament en coutume nagot que celui-ci soit passé devant deux témoins; Attendu que quant aux reproches relatifs à l'absence de l'énoncé complet de la règle coutumière, l'arrêt ne le mérite nullement puisqu'il comporte un attendu, tel que celui-ci: «Attendu que feu Marcellin a respecté la forme orale du testament non imposée sous peine de nullité par la coutume.», duquel il résulte les éléments permettant à la Cour Suprême d'exercer son contrôle de légalité;
Attendu que de ce que la forme du testament est libre dans la coutume Nagot, le Juge retrouve son pouvoir souverain d'appréciation quant à la preuve; que celle-ci est rapportée par tous les moyens admis par la coutume Nagot et que parmi les moyens que la coutume Nagot admet figurent au premier rang les déclarations de proches parents, celles des cohéritiers, car les parents et les fils du decujus sont tenus au respect de ses dernières volontés et sont les plus aptes à recueillir celles-ci; Attendu que la Cour d'Appel a reposé son arrêt sur deux éléments: l'acte dit sommation interpellative et le relevé des notes d'audience du Tribunal de Cotonou;
Que la sommation interpellative du 11 novembre 1969 contient les déclarations de la nommée Safiatou OSHO, sour du feu Marcellin OSHO et tante des parties, recueillies par Me LIGAN, huissier requis par les défendeurs tandis que le relevé des note d'audience du Tribunal établi par le Greffier dudit tribuanl au mois de novembre 1967 porte mention à la première page que «sont d'accord avec les propos tenus par Ignace OSHO, les héritiers suivants:
1°- Mme KOUNASSO Cécile
2°- OSHO Laurent
3°- OSHO Maurice Nicodème
4°- Mme HOUNDIA Claire
5°- Mme ASSOULAMOU Léontine
6°- Mlle Josephine OSHO
7°- Mme HOUNGBO Denise
8°- Mlle Rosaline OSHO
que ces documents sont versés au dossier et communiqués aux requérants avant le prononcé de l'arrêt critiqué qui est intervenu le 1er juillet 1970 du moins les requérants le reconnaissent eux-mêmes et ont eu l'occasion de formuler leurs conclusions (cf. mémoire ampliatif du 8 décembre 1970 page 10 et mémoire en réponse du 16 avril 1971 page 8); que la contradiction a été instaurée entre les parties avant le prononcé de l'arrêt attaqué et qu'il ne peut dès lors être question de violation des droits de la défense;
Attendu que les actes précités sont des moyens de preuve ou à tout le moins des indices dont les juges du fond ont la souveraine appréciation; qu'ils ne peuvent être censurés à partir de tels documents dès lors que ceux-ci sont versés contradictoirement aux débats;
Attendu qu'enfin les juges du fond ne sont tenus de répondre ni aux conclusions constituant de simple dénégations ou affirmations qui n'apportent aux débats aucun élément contradictoire et qui sont contredites mêmes formellement par le droit, ni à des conclusions qui ne sont que des moyens dilatoires conçues dans le seul but de retarder l'issue du procès; qu'en effet la sommation interpellative et le relevé des notes d'audience étaient pour la Cour d'Appel d'appréciables sources d'indices qu'il ne suffit de dénier pour les voir écarter du débat et que la Cour d'Appel n'a pas l'obligation de motiver sa décision si elle décide d'en tenir compte;
3ème branche: Attendu qu'il est superflu de répondre à cette branche du moyen, les éléments de réponse étant contenus dans le développement des précédents moyens; que le troisième moyen est à écarter.
Quatrième moyen: Violation des articles 970 Cod. Civ. 19, 140 et 148 du décret du 26 juillet 1932 et 3 de la loi du 9 décembre 1964, violation de la loi, des règles de forme des testaments olographe, insuffisance de motifs et manque de base légale;
en ce que l'arrêt entrepris affirme que «il y a lieu de dire et juger que le legs portant sur l'immeuble immatriculé sous le n° 368 fait à Ignace et Nicodème OSHO par feu OSHO Marcellin est valable quant à la forme et quant à l'objet»;
alors que la loi exige que soient rigoureusement respectées les conditions de forme posées par le Code civil et le décret foncier et qu'en ce qui concerne le testament olographe elle prescrit soit écrit, daté et signé par son auteur et que les demandeurs invoquant le défaut de date et de signature de l'objet du legs et sollicitent la nullité la cour ne pouvait procéder par simple affirmation d'un fait contesté et devait énoncer les raisons pour lesquelles elle estimait que le legs remplissait les conditions de forme déterminées par la loi, ce qu'elle n'a pas fait;
Attendu qu'il est également superflu de répondre à ce moyen qui n'est que la reprise du 1er; que l'article 148 du décret du 26 juillet 1932 visé au moyen, en plus des articles indiqués au premier moyen, ne vient que préciser le champ d'application des règles de forme et celles de fond prescrites par ledit décret par la distinction de la forme extérieure de l'acte soumis à inscription de sa valeur intrinsèque; que le 4ème moyen doit être également rejeté comme non fondé.
PAR CES MOTIFS;
Accueille le pourvoi en la forme;
Le rejette au fond
Condamne les requérants aux dépens.
Ordonne la notification du présent arrêt au Procureur Général près la Cour d'Appel ainsi qu'aux parties;
Ordonne la transmission en retour du dossier au Parquet Général près la Cour d'Appel de Cotonou;
Ainsi fait et délibéré par la Cour Suprême (Chambre Judiciaire) composée de Messieurs:
Edmond MATHIEU, Président de la Chambre Judiciaire, PRESIDENT;
Gaston FOURN et Frédéric HOUNDETON, CONSEILLERS.
Et prononcé à l'audience publique du vendredi sept janvier mil neuf cent soixante douze, la Chambre étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de:
Monsieur Grégoire GBENOU, PROCUREUR GENERAL;
Et de Maître Honoré GERO AMOUSSOUGA, GREFFIER EN CHEF.
Et ont signé:
Le Président Le Rapporteur Le Greffier en Chef
E. MATHIEU F. HOUNDETON H. GERO AMOUSSOUGA