N° 9/CJA du Répertoire EXTRAIT DES MINUTES DU GREFFE DE LA
COUR SUPREME DE LA REPUBLIQUE DU
N° 71-1/CJA du Greffe DAHOMEY SEANT A COTONOU
Audience du 7 avril 1972 AU NOM DU PEUPLE DAHOMEEN
HOUINSSOU ACCLASSATO Frédéric LA COUR SUPREME
C/
1° ACCLASSATO Claude Bienvenu CHAMBRE JUDICIAIRE (Annulation)
2° COMLAN DEVOU
3° DAH DOVONOU
4° COSSI TETE
Vu la déclaration en date du 15 janvier 1971 faite au Greffe de la Cour d'Appel de Cotonou, par laquelle le sieur HOUINSOU ACCLASSATO Frédéric s'est pourvu en cassation contre l'arrêt n° 85 rendu le 16 décembre 1970 par la Chambre de Droit Local de la Cour d'Appel de Cotonou;
Vu la transmission du dossier à la Cour Suprême;
Vu l'arrêt attaqué;
Ensemble les mémoires ampliatif et en défense en date des 26 juin 1971 et 27 novembre 1971 de Maître BARTOLI, Conseil du sieur Frédéric ACCLASSATO et celui du sieur Bienvenu ACCLASSATO et consorts;
Vu toutes les pièces produites et jointes au dossier;
Vu l'ordonnance n° 21/PR du 26 avril 1966 organisant la Cour Suprême;
Ouï à l'audience publique du vendredi sept avril mil neuf cent soixante douze, Monsieur le Président MATHIEU en son rapport;
Monsieur le Procureur Général GBENOU en ses conclusions;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Attendu que par déclaration enregistrée le 15 janvier 1971 au Greffe de la Cour d'Appel de Cotonou, le sieur HOUINSOU ACCLASSATO Frédéric a élevé un pourvoi contre l'arrêt n° 85/70 rendu le 16 décembre 1970 par la Cour d'Appel de Cotonou (Chambre de Droit Local) ;
Que par bordereau n° 670/PG du 23/2/71 le Procureur Général près la Cour d'Appel transmettait avec deux autres le dossier de la procédure au Procureur Général près la Cour Suprême et il était enregistré arrivée au Greffe le 24/2/71;
Attendu que par lettre n° 235/GCS du 15 mars 1971 le Greffier en Chef près la Cour Suprême rappelait au requérant qu'il devait consigner et faire déposer ses moyens de cassation par ministère d'avocat dans les deux mois;
Attendu que notification était faite le 23 mars par le Chef de Sûreté Urbaine de Porto-Novo;
Que par lettre du 6 mai 1971 Maître BARTOLI informait la Cour de sa récente constitution et sollicitait un délai pour présenter les moyens du pourvoi;
Que cette constitution avait été d'ailleurs annoncée par une lettre datée du 30 avril, mais enregistrée arrivée le 10 mai au Greffe soit après la lettre de constitution enregistrée elle le 6 mai;
Attendu que par lettre n° 747/GCS du 28 mai, reçue le 1er juin en l'étude, le Greffier en Chef informait Maître BARTOLI qu'un délai supplémentaire de deux mois lui était accordé et que dès le 28 juin était enregistré arrivée le mémoire ampliatif;
Que par lettre n° 1064/GCS du 22 juillet 1971 copie de ce mémoire était adressée au défendeur ACCLASSATO Claude Bienvenu qui en reçut notification et remise le 15 août 1971 suivant procès-verbal n° 1582/CIA du Commissaire de Police du 1er Arrondissement de la ville de Cotonou;
Attendu que le sieur ACCLASSATO demande par lettre du 19 septembre enregistrée arrivée le 21, un délai supplémentaire de 1 mois pour répondre aux arguments au requérant;
Que sur accord (lettre n° 1343 du 23 novembre 1971 remise le 2 décembre par procès-verbal n° 2255/CIA, étaient enregistrés arrivée au Greffe le 1er décembre une lettre et un mémoire en défense rédigés par le sieur ACCLASSATO Claude Bienvenu;
EN LA FORME:
Attendu que la recevabilité ne pose pas de problème, la consignation a été effectuée dans les quinze jours de la notification et pour les mémoires les délais supplémentaires accordés ont été respectés;
AU FOND:
LES FAITS: Ils sont placés sous le signe de l'invraisemblance.
Invraisemblance que le membre lettré de la collectivité ACCLASSATO appelé pour libérer la cohérie d'une dette gagée sur une palmeraie que la famille ne voulait pas vendre au créancier gagiste, ait obtenu la vente à son profit de cette même palmeraie, et non la simple garantie du gage sur sa tête, mais plus invraisemblable encore qu'il n'ait pas fait procéder aux cérémonies coutumières de publicité de cette vente, qu'il n'ait pas établi d'acte de vente qu'il pouvait fort bien écrire lui-même, ses correspondances le prouvent; invraisemblable qu'ayant déclaré devant les juridictions qu'aucun acte n'a été établit, il prétend maintenant dans son mémoire ampliatif avoir retrouvé cet acte, et ne pas le produire; invraisemblable enfin le prix qu'il prétend avoir versé (17.000 francs en 1930) pour une palmeraie d'un hectare et demi;
Aussi, l'examen de la Cour Suprême se bornera t-il à constater qu'il ne se trouve pas dans l'arrêt de nullité d'ordre public le viciant irrémédiablement, le bien fondé de la décision au fond ne paraissant pas pouvoir être remis en question du fait que les modes de preuve de la vente ne sont pas réunis à la logique des choses;
LES MOYENS:
1er Moyen: Violation des articles 21 du Décret du 3 décembre 1931, 34, 46 et 54 de la loi du 9 décembre 1964, violation des règles de procédure, composition irrégulière de la Cour et défaut de mention de la consultation du notable représentant la coutume des parties;
en ce que l'arrêt entrepris indique que siège en qualité d'assesseur de la coutume fon un notable désigné d'office par le Président en l'absence d'assesseur de cette coutume officiellement nommé et que ses motifs ne portent aucune mention de la consultation de ce notable;
alors qu'aux termes des textes visés au moyen en cas de non représentation de la coutume des parties par l'un des assesseurs, c'est la juridiction toute entière qui doit inviter à siéger un notable de cette coutume et que la consultation de ce notable doit être mentionnée au jugement;
Attendu sur la première branche du moyen qu'il est de jurisprudence admise par la cour Suprême du Dahomey que toute contestation concernant la composition de la Cour doit être élevé devant la juridiction elle-même et n'est plus reçue si les parties n'y ont fait aucune allusion pendant les débats;
Attendu sur la deuxième branche qu'il eut été convenable en effet de mentionner en toutes lettres la consultation de l'assesseur coutumier mais que cette consultation est implicitement indiquée par la référence aux dispositions de la loi du 9 décembre 1964, du décret organique du 3 décembre 1931, et par l'indication que la Cour après en avoir délibéré conformément à la loi a statué;
Attendu d'autre part qu'il est fait référence à l'arrêt, avant-dire-droit n° 120/69 du 12/11/1969 de la Cour d'Appel qui n'a pas été produit au dossier, le Greffier en Chef n'étant pas tenu de le faire puisque le pourvoi ne le mentionnant pas;
Attendu que le moyen n'est donc pas fondé non plus en sa seconde branche;
Deuxième moyen: Violation des articles 54 de la loi du 9 décembre 1964, 24, 42 et 85 du décret du 3 décembre 1931, violation des règles de procédure et de preuve;
en ce que l'arrêt entrepris s'en est rapporté aux procès-verbaux d'audition des témoins n° 33 à 35 établis par le premier juge pour rechercher la preuve des allégations des parties et décider que le contrat intervenu était un contrat de gage;
alors qu'aux termes des textes visés aux moyens la procédure suivie devant la Cour est la même que celle du premier juge et que les parties et les témoins doivent être entendus comme précédemment;
Attendu que l'article 85 du décret organique s'applique également aux jugements rendus en appel par les tribunaux du deuxième degré. Que toutefois le jugement rendu en appel ne peut être frappé de nullité pour absence des mentions obligatoires qui devaient y figurer si sur ces points il se réfère au jugement rendu en première instance et que celui-ci comporte lesdites mentions;
Attendu que c'est la jurisprudence adoptée par la Cour Suprême et qu'elle ne prête plus à discussion;
Attendu que le moyen est à rejeter;
Troisième moyen: Violation de l'article 3 de la loi du 9 décembre 1964 et de l'article 17 du décret du 3 décembre 1931, violation de la loi, des règles de la prescription et insuffisance de motifs;
en ce que, pour rejeter le moyen tiré de la prescription décennale de l'article 17 présenté par le concluant, l'arrêt entrepris déclare que l'immeuble ayant fait l'objet d'un contrat de gage le concluant ne le détenait qu'à titre précaire et ne pouvait invoquer la prescription de l'action;
alors que ce moyen qui est d'ordre public tient non à la nature du contrat ou à la qualité des parties mais à la date à laquelle est né le litige et à la période qui s'est écoulée entre celle-ci et l'instance judiciaire et que, en l'espèce la contestation remontant à plus de dix ans le moyen présenté était donc recevable;
Attendu qu'il ressort de la demande même de Frédéric ACCLASSATO devant le Tribunal de conciliation que le conflit est né très exactement le 10 mai 1963 lorsque des tiers sont venus cueillir des régimes dans la palmeraie;
Que si l'on se réfère aux correspondances figurant au dossier côte 9 par exemple ce serait vers la date de la lettre (18 août 1961) que le même Frédéric s'était élevé contre des pourparlers de vente de cet immeuble par les membres de la collectivité;
Que par conséquent même si la Cour s'était trompée dans l'interprétation de la portée de l'article 17, il serait impossible de l'appliquer au vu de l'ancienneté du conflit;
Attendu par ailleurs qu'il n'y a pas lieu d'entrer dans la discussion de l'applicabilité de l'article 17 au bénéfice du possesseur gagiste;
Qu'il n'est pas du tout de la jurisprudence de la Cour Suprême qu'un créancier gagiste, possédant à ce titre, puisse invoquer l'article 17, surtout s'il est demandeur à l'action;
Attendu que le moyen n'étant pas susceptible d'amener une décision différente, il n'y a pas lieu de l'examiner plus avant;
Quatrième moyen: Violation des articles 6 et 85 du décret du 3 décembre 1931 et 3 de la loi du 9 décembre 1964, fausse application de la coutume, défaut d'énoncé et insuffisance de motifs;
en ce que l'arrêt déféré énonce qu'en coutume fon le créancier gagiste ne détient qu'à titre précaire et que la preuve de cette coutume se fait par tous les moyens;
alors que le demandeur invoquant une possession non contestée de plus de trente années et alléguant qu'il s'agissait d'une possession animus domini la Cour devait vérifier si la coutume des parties donnait un effet particulier à cette possession et si notamment elle était compatible avec la qualité de créancier gagiste détenant à titre précaire;
Attendu que la Cour ne s'est pas placée sur ce plan et a dit que d'après les éléments de la cause il y avait eu mise en gage et non vente et les conséquences de cette position découlaient logiquement de ce point tenu pour acquis: pas de possibilité de prescription puisque la possession ne pouvait avoir qu'un caractère précaire et non «animus domini» comme le prétend le requérant;
Attendu que le moyen est irrecevable;
PAR CES MOTIFS;
Accueille le pourvoi en la forme ;
Au fond le rejette
Condamne le requérant aux dépens.
Ordonne la notification du présent arrêt au Procureur Général près la Cour d'Appel ainsi qu'aux parties;
Ordonne la transmission en retour du dossier au Parquet Général près la Cour d'Appel de Cotonou;
Ainsi fait et délibéré par la Cour Suprême (Chambre Judiciaire) composée de Messieurs:
Edmond MATHIEU, Président de la Chambre Judiciaire, PRESIDENT;
Gaston FOURN et Frédéric HOUNDETON, CONSEILLERS.
Et prononcé à l'audience publique du vendredi sept avril mil neuf cent soixante douze, la Chambre étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de:
Grégoire GBENOU, PROCUREUR GENERAL;
Et de Maître Honoré GERO AMOUSOUGA, GREFFIER.
Et ont signé:
Le Président-Rapporteur Le Greffier en Chef
Edmond MATHIEU H. GERO AMOUSSOUGA