Propriété immobilière - Action en revendication - Moyens - Délai de l'action - Moyen soulevé pour la première fois en cassation - Composition irrégulière du tribunal - Rejet.
En principe, l'action en revendication d'un immeuble peut s'exercer tant que le défendeur ne justifie pas être lui-même devenu propriétaire d' immeuble revendiqué par d'autres règles de droit. Toutefois lorsque des faits patents ou actes d'une certaine importance, il peut être déduit que la personne qui se présente comme le véritable propriétaire d'un immeuble revendiqué a négligé de faire valoir son droit pendant le laps de temps prévu à l'article 17 du décret du 3 décembre 1931 (prescription trentenaire lorsque l'action est basée sur un acte
N°15/CJ A du 25-05-1973
CHODATON Louis et consorts
C/
-CLEGBAZA Richard
-Dame QUENUM Aline
née FANOU GNAHOUI
Vu la déclaration en date du 23 août 1971 faite au greffe de la Cour d'Appel de Cotonou, par laquelle Maître LAVAISSIERE, avocat à la Cour, s'est pourvu en cassation au nom et pour le compte des consorts CHODATON représentés par CHODATON Louis contre l'arrêt n°76/71 rendu le 14 juillet 1971 par la Chambre de Droit Local de la Cour d'Appel;
Vu la transmission du dossier à la Cour Suprême;
Vu l'arrêt attaqué;
Ensemble les mémoires ampliatif et en défense en date des 22 janvier et 15 avril 1972 des Maîtres BARTOLI et AMORIN, conseils des parties en cause, et le mémoire en défense du 4 avril 1972 du sieur CLEGBAZA Richard;
Vu toutes les pièces produites et jointes au dossier;
Vu l'Ordonnance n°21/PR du 26 avril 1966 portant Composition, Organisation, Fonctionnement et Attributions de la Cour Suprême;
Ouï à l'audience publique du vendredi vingt cinq mai mil neuf cent soixante treize, le Président MATHIEU en son rapport;
Ouï le Procureur Général Grégoire GBENOU en ses conclusions;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Attendu que par déclaration enregistrée au greffe de la Cour d'Appel sous le n°31 du 23/8/1971, Me DE LAVAISSIERE, Avocat près la Cour d'Appel, s'est pourvu en cassation au nom et pour le compte des consorts CHODATON représentés par CHODATON Louis contre l'arrêt n°76/71 rendu le 14 juillet 1971 ayant confirmé en toutes ses dispositions le jugement n°6 du 19 janvier 1970 du Tribunal de 1ère Instance de Ouidah statuant en matière de droit traditionnel;
Que par bordereau du 1er /12/1971 adressé au Procureur Général près la Cour Suprême, le Procureur Général près la Cour d'Appel transmettait parmi d'autres, le dossier de la procédure qui fut enregistré arrivée au greffe sous le n°761/6-GCS du 3/12/1971;
Que par lettre n°1460/GCS du 20/12/1971, le greffier en chef de la Cour Suprême faisait connaître à Me BARTOLI qu'il avait deux mois pour faire parvenir à la Cour ses moyens de cassation et lui rappelait les dispositions de l'article 45 de l'ordonnance n°21/PR du 26 avril 1966, le mettant en demeure d'avoir à consigner la somme de 5.000 francs sous peine de déchéance de son pourvoi dans le délai de 15 jours, le tout pour compter de la notification qui lui sera faite;
Que Me BARTOLI consignait la somme de 5.000 francs le 3/1/72, que le 22 janvier 1972, il faisait parvenir au Greffe son mémoire ampliatif en trois exemplaires enregistré sous le n°59/GCS du 24/1/72. Que ce mémoire ampliatif est communiqué avec remise de copie à CLEGBAZA Richard par lettre n°126/GCS du 10/2/1972 transmise au Commandant de la Brigade de Gendarmerie de Bohicon pour notification et remise à l'intéressé par lettre n°127/GCS également du 10/12/1972;
Que ce même document a été communiqué à la dame QUENUM Aline née GNAHOUI par lettre n°128/GCS du 10/2/1973 transmise au Commissaire Central de Police de Cotonou pour notification et remise par lettre n°129/GCS également du 10/2/1973;
Attendu qu'il ressort des procès-verbaux de Gendarmerie n°201 du 18/2/1972 enregistré arrivée au Greffe sous le n°189/GCS Du 8 mars 1972 et de Police n°258/CJA du 14/2/72 enregistré arrivée au greffe sous le n°132/GCS du 17/2/72 que toutes les notifications ont été faites conformément aux prescriptions de la loi;
Attendu que le sieur CLEGBAZA faisait parvenir à la Cour le 4 avril 1972 un mémoire en défense enregistré arrivée au greffe sous le n°267/GCS du 10/4/72; qu'il y a lieu de noter que ce dernier ne s'est pas pourvu contre l'arrêt alors qu'il rejette ses prétentions faute de preuve;
Attendu que Maître AMORIN, conseil de la dame QUENUM née FANOU GNAHOUI déposait le 15/4/1972 au Greffe son mémoire en défense enregistré sous le n°282/GCS du 17/4/1972;
Qu'après lecture du dossier de la procédure, le conseiller rapporteur a estimé que la parcelle de terre en litige ne peut pas être revendiquée par une ou plusieurs personnes agissant individuellement; qu'aussi le greffier en chef a-t-il fait parvenir aux conseils de chacune des parties les lettres n°504/GCS du 25 mai 1972 reçue en l'étude de Me AMORIN le 27, et 503/GCS du 25 mai 1972 reçue en l'étude de Me BARTOLI, le 29, pour leur demander de faire déposer les délibérations de conseil de famille ayant désigné leurs clients respectifs pour agir en justice;
Que le 23/7/1972 Maître BARTOLI déposait un procès-verbal de délibération de la famille CHODATON non homologué mais simplement légalisé et enregistrée au greffe sous le n°428/GCS;
Que le 1er/9/72 est arrivé au greffe et enregistré sous le n°53/GCS le procès-verbal de délibérations de la famille GNAHOUI, homologué par le Président du Tribunal de Ouidah assisté de son greffier sous le n°1414-RH/72 du 19 août 1972;
En la forme: Attendu qu'aucun problème ne se pose relativement à la recevabilité du pourvoi en la forme;
Les faits: Attendu qu'il résulte de l'arrêt confirmatif, les faits suivants:
Le 12/12/1967, les héritiers de Dah Cyprien FANOU GNAHOUI contestent aux consorts CHODATON représentés par CHODATON Louis la propriété d'une parcelle de terrain urbain dite «ADJIGUIDI Honto» sise à Ouidah - Selon les demandeurs, l'immeuble était la propriété personnelle de leur auteur et est revenu à la famille GNAHOUI depuis l'époque des rois. Ils allèguent que les défendeurs sont les petits fils de la dame GBEMESSI AININ de la famille ADJIGUIDI originaire du Nigéria et esclave de leur auteur GNAHOUI.
Quant aux CHODATON, il estimèrent d'abord que l'immeuble est une place publique où les féticheurs dépendant de CHODATON Jivêha, leur père, dansaient à la fin de leurs cérémonies coutumières, puis, ayant été informés de ce que l'Administration ne le considérait pas comme faisant partie du domaine communal, ils prétendirent qu'ils étaient en droit de le revendiquer au motif qu'il fait partie des terres reçues en concession par ADJIGUIDI 1er des GNAHOUI pour lesquels il était un simple réfugié du Nigéria, que pour le surplus la dame GBEMESSI AININ possédait au pied d'un iroko un fétiche personnel appelé Dan Houézé qui n'aurait pas pu être sur les lieux si l'immeuble n'appartenait pas aux ADJIGUIDI;
Au fond:
Attendu que le requérant appuie son pourvoi de six moyens, que la défenderesse soulève, préalablement à toute discussion de ces moyens, l'irrecevabilité du pourvoi pour défaut de qualité et d'intérêt - Défaut de mandat et prescription (article 17du décret du 3/12/1971);
1° LA FIN DE NON RECEVOIR TIRER DU DEFAUT DE QUALITE ET D'INTERET
Attendu que le défendeur au pourvoi ne saurait contester la recevabilité du pourvoi au motif que le demandeur n'aurait pas la qualité qu'il s'est attribuée, dès lors qu'il ressort de l'arrêt attaqué que ce défendeur avait déjà accepté devant les Juges du fond de plaider contre son adversaire pris en cette qualité; que les CHODATON» sont partie au procès et c'est comme telle que les GNAHOUI ont plaidé contre eux devant les juges du fond et obtenu gain de cause; que les GNAHOUI» sont mal venus à leur dénier la qualité qu'ils se sont attribuée au cours du procès et en laquelle la décision attaquée rejette leurs prétentions;
Attendu qu'il ne peut non plus être contesté que l'arrêt entrepris fait grief aux intérêts des «CHODATON» qui, parties au procès, ont succombé dans leurs prétentions;
2°- DEFAUT DE MANDAT
Attendu que les «CHODATON» ayant plaidé et conclu au procès dans lequel ils sont considérés comme partie n'ont pas à se munir d'un mandat spécial pour se pourvoir en cassation; qu'il n'apparaît pas du dossier qu'ils se sont présentés comme les mandataires des «ADJIGUIDI» mais que bien au contraire comme ayant un droit par eux-mêmes à défendre; que ni le défendeur (les GNAHOUI) ni les juges du fond ne les ont considérés comme des mandataires;
3°- PRESCRIPTION (Article 17 du décret du 3/12/1931)
Attendu qu'elle est invoquée pour la première fois devant la Cour Suprême; que dès lors la Cour d'Appel n'ayant pas été mise à même de vérifier les éléments de faits desquels elle peut se déduire, la Cour Suprême saisie de ce moyen nouveau, mélangé de fait et de droit doit le rejeter.
MOYEN DE CASSATION
A)- PREMIER MOYEN: Violation de l'article 17 du décret du 30 décembre 1931, violation de la loi et des règles de prescription;
En ce que l'arrêt entrepris a accueilli la demande de la défenderesse au pourvoi malgré qu'il ait été établi par les débats que ni elle ni ses mandants n'occupaient la parcelle et ce depuis plus de trente ans et que les derniers actes de possession émanaient de CHODATON et de son auteur;
Alors que le texte visé au moyen est d'ordre public et que même dans le silence des parties, le juge doit l'invoquer d'office;
Attendu qu'aux termes de l'article 17 du décret du 3 décembre 1931 «en matière civile et commerciale», l'action se prescrit par trente ans lorsqu'elle est basée sur un acte authentique, par dix ans dans les autres cas. L'exécution d'une décision judiciaire peut être poursuivie pendant trente ans».
Attendu que la prescription édictée par ledit article concerne essentiellement l'action, que dès lors, à défaut de toutes autres précisions du législateur, cette prescription ne va pas à l'encontre de la règle coutumière selon laquelle le droit de propriété immobilière ne se prescrit pas par le non-usage; qu'il en résulte qu'en principe l'action en revendication d'un immeuble peut s'exercer tant que le défendeur ne justifie pas être lui-même devenu propriétaire de l'immeuble revendiqué par application d'autres règles de droit; que toutefois lorsque des faits patents ou actes d'une certaine importance, il peut être déduit que la personne qui se présente comme le véritable propriétaire d'un immeuble revendiqué a négligé: de faire valoir son droit pendant le laps de temps prévu à l'article 17, les juges du fond peuvent lui opposer d'office ou sur la demande de la partie intéressée la prescription dudit article et que ce faisant, ils ne violent nullement la règle coutumière précitée; que vue sous cet angle, la prescription prévue à l'article 17, véritable arme placée dans la main des juges pour assurer la paix sociale, est à la fois extinctive et acquisitive et, limitée dans ce champ d'application, elle est générale et absolue c'est-à-dire qu'elle est d'ordre public;
Attendu qu'en l'espèce, l'immeuble revendiqué n'est habité ni par les CHODATON demandeur, ni par les GNAHOUI défendeur au présent pourvoi, mais , au fait, était considéré par les deux parties comme une place publique (la Commune de Ouidah l'avait choisi pour y édifier un groupe scolaire, ce à quoi elle renonça plus tard) jusqu'à ce que l'une d'elles s'avisa de le revendiquer, qu'alors on apprit qu'il pouvait faire l'objet d'appropriation privative, la Commune de Ouidah ne l'ayant pas intégré au domaine communal; que les faits de possession invoqués par les «CHODATON»datant d'avant l'intervention de la Commune de Ouidah sont contestés par les «GNAHOUI» émanant d'anciens esclaves de leur auteur; que ces faits sont vagues et imprécis; que quoiqu'il en soit il appartient aux CHODATON de mettre les juges du fond à même d'apprécier les faits patents et précis desquels ils peuvent déduire la prescription de l'article 17 du décret organique; que ne l'ayant pas fait, les CHODATON sont mal venus à critiquer l'arrêt entrepris sur le point de la non application de cette prescription; que la Cour saisie pour la première fois de ce moyen nouveau, mélangé de fait et de droit, doit le rejeter- d'où il suit que le premier moyen n'est pas fondé et doit être rejeté;
B/ DEUXIEME MOYEN: Violation des articles 83 du décret du 3 décembre 1931 et 3 de la loi du 9 décembre 1964, insuffisance de motifs;
En ce que l'arrêt entrepris constate que la dame QUENUM reconnaît que GNAHOUI a donné un terrain à ADJIGUIDI mais affirme qu'il s'agit d'un terrain différent de l'immeuble litigieux sans indiquer d'où il tire la preuve de la différence des situations alors que cet aveux faisait pleine foi contre ces auteurs et que la Cour ne pouvait l'écarter qu'en constatant qu'il visait un immeuble distinct, dont la situation ne permettait pas de le confondre avec le terrain litigieux et ce d'autant plus que QUENUM en invoquant le droit de leurs auteurs dont ADJIGUIDI et que la demanderesse avait commencé par affirmer qu'ADJIGUIDI n'avait jamais été propriétaire dans l'endroit.
Attendu qu'en réponse à ce moyen, il suffit de dire que la lecture du dossier et de l'arrêt entrepris révèle de façon non équivoque que l'immeuble revendiqué est différent de celui servant d'habitation aux «ADJIGUIDI»; que le requérant ne voit pas dans l'arrêt attaqué la preuve de la différence des situations alléguées par le demandeur parce qu'il ne veut tenir aucun compte des témoignages qui ne vont pas dans le sens de sa thèse (notamment les témoignages de ADJIGUIDI Baba, Chef de la Collectivité ADJIGUIDI tant devant le 1er Juge qu'en appel) alors que ces témoignages sont reproduits dans l'arrêt;
D'où il suit que ce moyen est également mal fondé et doit être rejeté.
C/ TROISIEME MOYEN: - Violation de l'article 5 du décret du 3 décembre 1931, fausse application de la loi et violation des règles de preuve,
En ce que l'arrêt critiqué a retenu comme une preuve essentielle du droit de la demanderesse intimée une pièce qualifiée procès-verbal de tentative de conciliation produite par elle et émanant selon ses dires de dix-sept notables du quartier pièce dans laquelle il était affirmé que le terrain était la propriété des héritiers GNAHOUI et que le défendeur et ses parents ne prouvaient pas le bien fondé de leur droit;
Alors qu'au terme du texte visé au moyen seul le chef de village ou le notable du quartier désigné à cet effet par la coutume est nanti d'un pouvoir de conciliation que lorsqu'il y parvient la preuve de la conciliation ne peut résulter que d'un acte sous seing privé dûment affirmé conformément aux dispositions du décret du 2 mai 1906 et que l'échec de la tentative ne peut donner lieu à un procès-verbal produit en preuve.
En sa première branche:
Attendu que le tribunal de conciliation de Ouidah saisi du litige a demandé au chef du quartier FONSARAME de tenter une conciliation en famille; que cette demande est contenue dans
la lettre 03/TC du 25 janvier 1958 adressée par le Président du Tribunal de Conciliation par Monsieur Placide ADJINACOU GNAHOUI, chef du quartier FONSARAME; que le requérant prétend que l'acte dressé par le chef du quartier entouré de 16 autres notables du quartier ne peut valoir moyens de preuve, ni être pris en considération par le juge du fond qu'en violation de l'article 5 du décret organique;
Attendu qu'aux termes de l'article 5 - «Le chef de village ou le notable du village, du quartier ou du groupe de tentes, désigné à cet effet par la coutume, est investi, en matière civile commerciale du pouvoir de concilier les parties. L'accord intervenu acquiert la force probante des actes sous seing privé lorsqu'il est constaté par le Commandant du cercle ou le chef de subdivision, en présence du conciliateur et des parties, dans les formes établies par le décret du 2 mai 1906 (1). S'il demeure à l'état de convention verbale il possède la valeur reconnue par la coutume aux conventions de cette nature, ce préliminaire de conciliation ne fait obstacle, en aucune cas, à l'engagement, ultérieur des instances.». Qu'on en déduit que le Chef de quartier, étant le premier notable de son quartier, fait partie de la liste des autorités désignées par la coutume pour concilier les parties; que le fait que le nommé Placide ADJINACOU GNAHOUI chef du quartier FONSRAME de Ouidah se soit fait assister d'autres notables du même quartier n'entamait en rien le pouvoir de conciliation qu'il détient de la coutume auquel le Tribunal de Conciliation de Ouidah a eu recours pour tenter d'éviter un déchaînement de passions devant les Tribunaux des membres d'une même famille;
Attendu que l'acte dressé par les notables en l'espèce, ne peut s'analyser que comme acte constatant l'échec de la tentative de conciliation et bien que l'article 5 ne le prévoit pas expressément, et bien de ce article ne l'interdit non plus qu'il va sans dire que la valeur juridique qui s'y attache n'est autre que celle d'un simple renseignement; que les juges du fond ne l'ont pas pris autrement; que le Tribunal de Première Instance de Ouidah ne le mentionne même pas dans sa décision et n'y fait nullement que si la Cour d'Appel ne mentionne dans l'arrêt attaqué; elle ne l'a fait que pour rappeler les déclarations constantes de certains témoins appelés en la cause.
En sa seconde branche:
Attendu que le document en cause n'émane pas de la plaignante, qu'il n'en est pas l'auteur et n'a pas à le communiquer; qu'il est la première des pièces établies par les autorités de conciliation et verser au dossier de la procédure dès l'ouverture de celle-ci; que les «CHODATON» ont eu tout loisir pour en prendre connaissance et le combattre; qu'il y a lieu de préciser qu'en matière coutumière la preuve est libre et se fait par tous moyens et que « le tribunal jouit d'un pouvoir quasi discrétionnaire quant à l'Administration des preuves.»
D'où il suit que le 3ème moyen n'est pas fondé et doit être rejeté;
D/ QUATRIEME MOYEN: Violation des articles 6 et 85 du décret du 3 décembre 1931 et 3 de la loi du 9 décembre 1964; fausse application et énoncé incomplet de la coutume;
En ce que l'arrêt déféré après avoir constaté que l'Aïeule des défendeurs avait installé sur les lieux un fétiche et que celui-ci avait été déplacé en 1934 à la suite de l'intention de construire manifestée par l'Administration décide que ce fétiche ne peut consolider le droit de l'installateur parce que ledit fétiche n'était plus présent sur le fonds au moment du procès sans énoncer la règle coutumière prévoyant qu'en cas de déplacement d'un fétiche le droit de celui qui l'avait installé disparaissant;
Alors que la coutume fon celle des parties, étant fixée en ce que celui qui place un fétiche sur un immeuble en est propriétaire, seul le propriétaire pouvant installer un fétiche, il appartenait à la Cour d'énoncer la règle coutumière sur ce point et sur la question de savoir si la coutume prévoyait qu'en cas de déplacement du fétiche le droit de son installation disparaissait , autrement dit , si ce droit ne subsistait que tant qu'étant présent, le fétiche d'où il s'en suit que l'arrêt qui n'a pas énoncé la règle fon même partiellement, ne permet pas à la Cour Suprême d'exercer son contrôle de légalité et de s'assurer que lorsque le fétiche ne se trouve plus sur les lieux au moment du procès, sa présence antérieure ne peut être invoquée comme preuve de la propriété.
En sa première branche
Attendu que l'arrêt critiqué stipule:
«Attendu que les dispositions de cet arrêt reste inapplicable dans le cas d'espèce, le fétiche Dan s'il a été présent sur le fond litigieux à un moment donné et ce du reste d'après les débats sur autorisation des GNAHOUI n'est plus présent sur le fond au moment du procès».
Attendu que la règle coutumière selon laquelle la présence d'un fétiche sur le fond consolide le droit de propriété de l'installateur du fétiche n'est qu'une simple présomption qui peut être détruite par tous moyens, qu'en l'espèce, l'arrêt relève que le fétiche qui avait été présent sur le fond litigieux l'avait été sur autorisation du véritable propriétaire.
D'où il suit que le 4ème moyen n'est pas fondé en toutes ses branches;
CINQUIEME MOYEN: - Violation des dispositions les articles 42 et 83 du décret du 3 décembre 1931 et 3 de la loi du 9 décembre 1964; violation de la loi, insuffisance de motifs et manque de base légale;
En ce que l'arrêt entrepris, après avoir retenu et rapporté certaines déclarations de témoins de la demanderesse, à écarter les témoignages favorables au concluant au motifs qu'il y a lieu de croire qu'il s'agissait de témoins préparés pour les besoins de la cause, aucun témoin n'ayant été favorable en première instance et ceux d'appel étant entendu pour la première fois;
Alors que les règles de l'instruction étant les mêmes pour les deux degré de juridiction et toute partie étant libre de faire entendre ses témoins à l'égard desquels aucun reproche n'ait prévu la Cour ne pouvait affirmer que les témoins des défendeurs appelant avaient été préparés par eux et ne pouvaient être retenus en preuve au seul motif qu'il n'avait pas déjà été entendu.
Attendu que les témoignages se pèsent et ne se comptent pas qu'on en déduit qu'on ne saurait reprocher à une juridiction de donner son avis ou ses appréciations sur les témoins qui se présentent devant elle; qu'en l'espèce la Cour d'Appel ne peut être censurer pour cet attendu qui est reproduit au moyen et qui exprime crûment un fait qu'elle constate; que ce «attendu» ne constitue nullement un motif support nécessaire du dispositif de l'arrêt entrepris.
D'où il suit que le cinquième moyen est à écarter;
F/ SIXIEME MOYEN: - Violation des articles 21 du décret du 3 décembre 1931, 34, 46 et 54 de la loi du 9 décembre 1964, violation des règles de procédure, composition irrégulière de la Cour et défaut de mention de la consultation du notable, représentant la coutume des parties;
En ce que l'arrêt critiqué indique qu'à siéger en qualité d'assesseur fon une personne désigner d'office par le Président en l'absence d'assesseur de cette coutume et que ces motifs ne portent aucune mention de la consultation de ce notable, alors qu'aux termes des textes visés au moyen c'est la juridiction toute entière qui doit inviter à siéger un notable de la coutume non représentée et que la consultation de notable doit être mentionné au jugement.
En sa première branche;
Attendu que ce moyen est soulevé pour la première fois devant la Cour Suprême; que celle-ci a déjà fixé sa jurisprudence selon laquelle toute irrégularité constatée dans la composition d'une juridiction doit être soulevée devant cette juridiction, faute de quoi la partie qui s'en plaint est irrecevable à la soulever pour la première fois en cassation.
En sa seconde branche:
Attendu que l'arrêt porte:
« siégeait Monsieur ZAMBA Ignace, assesseur de coutume fon..» que cette mention fait présumer que l'assesseur a été consulté par la Cour d'Appel; u'il appartient dès lors au requérant de rapporter la preuve du contraire; que cette preuve n'étant rapportée, il y a lieu de dire que l'arrêt critiqué a satisfait aux exigences de l'article 21 du décret organique;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé et doit être rejeté.
PAR CES MOTIFS
EN LA FORME:
Reçoit le pourvoi formé le 23 août 1971 contre l'arrêt n°76/71 du 14 juillet 1971;
AU FOND:
Le rejette;
Met les dépens à la charge du requérant;
Ordonne la notification du présent arrêt au Procureur Général près la Cour d'Appel de Cotonouainsi qu'aux parties ;
Ordonne la transmission en retour du dossier au Parquet Général près la Cour d'Appel
Ainsi fait et délibéré par la Cour Suprême (Chambre Judiciaire) composée de:
Edmond MATHIEU;Président de la Chambre judiciaire; Président
Corneille T. BOUSSARI et Maurille CODJIA Conseillers
Et prononcé à l'audience publique du vendredi vingt cinq mai mil neuf cent soixante treize, la Chambre étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de:
Grégoire GBENOU PROCUREUR GENERAL
Et de H. Géro AMOUSSOUGA GREFFIER EN CHEF
Et ont signé
Le Président Le Greffier
E. MATHIEU H. Géro AMOUSSOUGA