N° 4/CJC du Répertoire EXTRAIT DES MINUTES DU GREFFE DE LA
COUR SUPREME DE LA REPUBLIQUE DU
N° 74-5/CJC du Greffe DAHOMEY SEANT A COTONOU
Arrêt du 21 février 1975 AU NOM DU PEUPLE DAHOMEEN
TCHAOUNKA Victor COUR SUPREME
C/
Dame TCHAOUNKA Joséphine CHAMBRE JUDICIAIRE (Civil)
née de CAMPOS
Vu la déclaration en date du 16 novembre 1972 au greffe de la Cour d'Appel de Cotonou, par laquelle Maître PARAÏSO Augustin, Conseil du sieur TCHAOUNKA Victor, s'est pourvu en cassation contre l'arrêt n° 28/72 du 22 mars 1972 rendu par la Chambre de droit traditionnel de la Cour d'Appel de Cotonou ;
Vu la transmission du dossier à la Cour Suprême;
Vu l'arrêt attaqué;
Ensemble les mémoires ampliatif et en défense des 06 juin et 10 septembre 1974 de Maître PARAÏSO pour le requérant et de dame TCHAOUNKA Joséphine née de CAMPOS ;
Vu toutes les autres pièces produites et jointes au dossier;
Vu l'ordonnance n° 21/PR du 26 avril 1966 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour Suprême;
Ouï à l'audience publique du vendredi vingt et un février mil neuf cent soixante quinze, Monsieur le Président Edmond MATHIEU en son rapport;
Monsieur le Procureur Général Grégoire GBENOU en ses conclusions;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Attendu que par déclaration enregistrée le 16 novembre au greffe de la Cour d'Appel de Cotonou, Maître PARAÏSO, Conseil du sieur TCHAOUNKA, a élevé un pourvoi en cassation contre l'arrêt n° 28/72 rendu par la Chambre de droit traditionnel de la Cour d'Appel de Cotonou le 22 mars 1972;
Attendu que par bordereau n° 764/PG du 12 février 1974 le Procureur Général près la Cour d'Appel transmettait parmi d'autres le dossier de la procédure au Procureur Général près la Cour Suprême et qu'il était enregistré arrivée au Greffe le 14 février 1974;
Attendu qu'il est à noter que le requérant avait fait parvenir au Président de la Cour Suprême une lettre datée du 29 novembre 1972 lui demandant d'intervenir, qu'il lui fut répondu par lettre n° 1226/GCS du 14 décembre 1972, d'une part que le dossier de son recours en cassation n'était pas encore parvenu à la Cour Suprême (il ne sera enregistré arrivée que le 14 février 1974, comme précisé plus haut) d'autre part que la demande de désaveu de paternité qu'il formulait devait suivre un autre chemin;
Attendu que par lettre n° 210/GCS du 4 mars 1974, reçue en l'étude le 5, le Greffier en Chef près la Cour Suprême notifiait à Maître PARAÏSO, auteur du pourvoi d'avoir à consigner dans le délai de 15 jours et à déposer le mémoire ampliatif de ses moyens de cassation dans les deux mois;
Attendu que par lettre du 26 avril 1974, enregistrée arrivée le 29, il sollicitait un délai supplémentaire de 1 mois;
Qu'un accord lui fut donné et confirmé par lettre n° 422/GCS du 16 mai 1974 reçue le même jour en l'étude;
Qu'effectivement le 10 juin était enregistré arrivée son mémoire;
Attendu que par lettre n° 662/GCS du 24 juin 1974, transmise par le 663/GCS du même jour au Commissaire Central de Police de Porto-Novo, le Greffier en Chef communiquait copie du mémoire ampliatif à la défenderesse avec faculté d'y répondre dans les deux mois;
Que cette communication fit l'objet du P.V. de remise du 31 juillet 1974 du chef de la Sûreté Urbaine de Porto-Novo et que le 26 septembre était enregistré arrivée le mémoire en défense avec une pièce annexe;
Attendu que le dossier est en état d'être examiné;
EN LA FORME:
Attendu que la recevabilité ne pose pas de problème que les délais ont été respectés, la caution déposée;
AU FOND:
LES FAITS: Ils sont d'une attristante banalité, le militaire de la gendarmerie, maréchal des logis, TCHAOUNKA Victor avait épousé le 6 mai 1967, la demoiselle Joséphine de CAMPOS de laquelle il avait eu un enfant;
Il établit une situation parallèle en 1968 avec une autre femme de laquelle avait aussi eu un enfant alors qu'elle était collégienne, avant son mariage avec Joséphine de CAMPS. Cette dernière n'acceptait pas le partage «faisait du bruit» selon sa propre expression (cf son audition du 8 février 1969 à la gendarmerie);
Cela aboutit à un divorce prononcé aux torts exclusifs de l'épouse par jugement du 29 juillet 1969 au Tribunal de Première Instance de Porto-Novo;
Ce jugement statuant sur la garde des enfants confie au père la garde de Brigitte, l'aînée, et à la mère celle des deux derniers dont la jeune Chimène qui était née pendant l'instance et que le Tribunal prit soin d'attribuer au sieur TCHAOUNKA Victor;
Le Tribunal fixa à 1.000 francs par enfant en sus des allocations familiales le taux de la pension alimentaire des deux enfants confiés à la mère jusqu'à l'âge de 7 ans;
Les deux parties firent appel;
L'arrêt constata le décès de l'enfant Viou Gabriel. Il est à noter que la date du décès est curieusement fixée au 22 février 1971, en conformité d'ailleurs avec les mentions de l'extrait d'acte de décès n° 209 figurant au dossier, alors que dans son mémoire en cause d'appel daté du 18 novembre 1970, le sieur TCHAOUNKA Victor signale que cet enfant est «déjà mort le mois dernier»;
Il est à supposer que c'est le mari qui a déposé l'extrait de décès dans lequel le déclarant est désigné comme étant AGONGLO TCHAOUNKA et la date de déclaration, 25 février 1971. Il semble que le sieur TCHAOUNKA Victor ne peut s'en prendre qu'à lui de l'erreur commise, qui a, on le verra ses conséquences sur le chiffre de l'arriéré de pension dont la Cour le déclare redevable;
En effet, la dame de CAMPOS s'étant plainte du non versement de la presque totalité des mensualités qui lui étaient dues au titre de la pension alimentaire, la Cour a calculé l'arriéré à la date de l'arrêt pour la fille Chimène, et la date de décès déclaré pour Viou Gabriel;
Par ailleurs, l'arrêt partage les torts entre les conjoints en confirmant le divorce et les mesures de garde, sauf évidemment en ce qui concerne l'enfant décédé;
Mais à ce sujet, l'arrêt énonce par un motif spécial: «Attendu qu'aucun des époux n'a critiqué les mesures prises par le premier juge relativement à la garde des enfants et au taux de la pension alimentaire»;
Il apparaît que sur ce point il n'y a pas eu litige, et que la remise de l'enfant Chimène au père lorsqu'elle aura atteint 7 ans se devait d'être confirmée puisque non critiquée;
Nous avons vu par ailleurs que le sieur TCHAOUNKA Victor envisageait d'engager une action en désaveu de paternité, mais la Cour Suprême n'a pas à tenir compte de cette procédure dont rien d'ailleurs n'indique qu'elle a été entreprise à l'heure actuelle;
LES MOYENS DU POURVOI
Ils sont au nombre de deux
1er MOYEN: Violation des articles 6 et 85 du décret du 3 décembre 1931 et 3 de la loi du 9 décembre 1964, fausse application et défaut d'énoncé complet de la coutume,
en ce qu'il résultait des circonstances de la cause que les parties sont de coutume différente, Fon et Nagot et que dans le cas d'espèce, s'agissant de questions intéressant le mariage, le divorce et l'attribution de l'enfant, c'est la coutume qui a précisé à la négociation du contrat de mariage qui est applicable ou qu'il n'y a pas eu contrat, c'est la coutume de la femme;
Si l'on admet que la désignation de la coutume applicable constitue une question de fait souverainement appréciée par les juges du fond, encore faut-il conformément aux prescriptions de l'article 85 du décret organique que la règle coutumière soit complet (sic) pour permettre à la Cour Suprême de vérifier que l'application faite par la décision attaquée est conforme son contenu;
Attendu que le requérant donne une citation in extenso de l'article 6 prétendument violé et qu'il écrit; «en cas de conflit de coutume, il est statué». et qu'il reprend son moyen dans le 1er § intéressant le divorce;
Or attendu que si le premier jugement, sans faire état de conflit de coutume, a estimé que le comportement à l'époque avait été constitutif d'injures graves de nature à faire prononcer le divorce à ses torts, il s'est appuyé sur les deux coutumes Fon et Nagot pour estimer que l'enfant né d'une femme non divorcée a pour père le mari, il a par là même constaté qu'il n'y avait pas conflit de coutume;
Attendu de même que quand le premier juge a déclaré «Attendu que compte tenu de leur bas âge les enfants: Viou Gabriel Victorien et Bernadette-Scholastique-Chimène doivent être confiés à leur mère. par ces motifs. (les) confié à la garde de leur mère et ce, jusqu'à l'âge de 7 ans, le premier juge fait application motivée d'une coutume qui n'est le plus souvent citée que pour être récusée ;
Et qu'ainsi lorsque la Cour d'Appel constate:
1° «Attendu que les époux sont d'accord sur le principe du divorce»;
2° «Attendu qu'aucun des époux n'a critiqué la mesure prise par le premier juge relativement à la garde des enfants.
Il n'est plus nécessaire qu'elle en appelle à l'une ou l'autre des coutumes puisque non seulement elles ne sont pas en conflit mais encore elles ne sont pas en cause;
Attendu que les arguments étayant ce premier moyen ne sont pas en conséquence recevables;
DEUXIEME MOYEN:
tiré de la violation des articles 239 alinéa 1 du code civil et 3 de la loi du 9 décembre 1964 - violation de la loi - fausse application de la loi - défaut de base légale;
en ce quel'arrêt attaqué déclare:
Qu'il échet en conséquence d'accueillir la demande et de condamner TCHAOUNKA Victor à payer à la dame TCHAOUNKA Joséphine à titre de pension alimentaire:
1°)- pour l'enfant Bernadette Scholastique Chimène durant la période du 1er septembre 1969 au 1er mars 1972, soit 31 mois à 1.000 francs = 31.000 francs;
2°)- pour l'enfant Viou Gabriel Victorien durant la période du 1er septembre 1969 au 22 février 1971, date du décès de cet enfant, soit 18 mois à 1.000 francs;
soit au total 49.000 d'où il faut déduire 2.700 soit 49.700 et ce non compris le montant des allocations familiales perçues par le père pendant les périodes sus-visées;
alors qu'il résultait des attendus de la Cour que les demandes sont présentées pour la première fois devant la Cour, donc irrecevables, et qu'il est de jurisprudence constante que les pensions alimentaires ne s'aménagent pas;
Attendu que les pensions alimentaires sont dues dès qu'un tribunal les a déterminées et que la théorie définie au moyen ne les concerne pas dans le cas d'espèce;
Attendu que si la Cour d'Appel a parlé de demandes nouvelles présentées devant elle, ce n'est pas des arriérés de pension alimentaire qu'il s'agit comme l'exprime très précisément le motif de l'arrêt, mais des sommes d'un montant de 59.600 francs qui ne pouvaient être prises en considération;
Attendu qu'in fine de son mémoire le requérant critique l'attribution au père de la paternité de l'enfant prénommée Bernadette Scholastique Chimène au motif que la preuve de l'adultère dont le sieur TCHAOUNKA Victor accuse sa femme n'est pas rapportée alors que les débats ont suffisamment prouvé que le mari était absent durant la période de conception de l'enfant;
Attendu qu'on ne peut déterminer s'il s'agit là d'un troisième moyen ou si c'est une simple remarque du requérant;
Attendu qu'en tout cas, la Cour Suprême le renvoie à la détermination juridique de la notion d'absence durant la période de conception dont il n'a jamais offert de rapporter la preuve;
Attendu que le second moyen dans l'une et l'autre de ses branches ne peut être retenu et qu'il y a lieu après l'accueil du pourvoi en la forme, de le rejeter au fond en condamnant le requérant aux dépens;
PAR CES MOTIFS
Reçoit le pourvoi en la forme.
Au fond le rejette.
Condamne le requérant aux dépens.
Ordonne la notification du présent arrêt au Procureur Général près la Cour d'Appel de Cotonou ainsi qu'aux parties.
Ordonne la transmission en retour du dossier au Parquet Général près la Cour d'Appel de Cotonou.
Ainsi fait et délibéré par la Cour Suprême (Chambre Judiciaire) composée de Messieurs:
Edmond MATHIEU, Président de la Chambre Judiciaire, PRESIDENT
Maurille CODJIA et Elisabeth POGNON, CONSEILLERS
Et prononcé à l'audience publique du vendredi vingt et un février mil neuf cent soixante quinze, la Chambre étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de Monsieur:
Grégoire GBENOU, PROCUREUR GENERAL
Et de Maître Pierre Victor AHEHEHINNOU, GREFFIER
Et ont signé:
Le Président Le Greffier
E. MATHIEU P. V. AHEHEHINNOU