N°6/CJ DU REPERTOIRE
N°72-13/CJA DU GREFFE
ARRET DU 21 FEVRIER 1975
Albert HOUSSOU, Siméon HOUSSOU
C/
Damien NASCIMENTO
Vu la déclaration du 20 mars 1972 au Greffe de la Cour d'Appel de Cotonou, par laquelle Maître COADOU le BROZEC Avocat à la Cour s'est pourvu en cassation pour le compte de HOUSSOU Albert et Siméon contre l'Arrêt N°14/72 du 23 février 1972 rendu par la Chambre de Droit Local de la Cour d'Appel de Cotonou;
Vu la transmission du dossier à la Cour Suprême;
Vu l'arrêt attaqué;
Ensemble les mémoires ampliatif, en réponse et en réplique des 28 février, 21 avril et du 27 décembre 1973 de Maître COADOU Le BROZEC conseil des requérants, et de Damien NASCIMENTO défendeur au pourvoi;
Vu toutes les autres pièces produites et jointes au dossier;
Vu l'ordonnance N°21/PR du 26 avril 1966 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions à la Cour Suprême;
Ouï à l'audience publique du vendredi vingt et un février mil neuf cent soixante quinze, Monsieur le Conseiller Maurille CODJIA en son rapport;
Monsieur le Procureur Général Grégoire GBENOU en ses conclusions,
Et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Attendu par acte enregistré au Greffe COADOU Le BROZEC, Avocat, agissant pour le compte de HOUSSOU Albert et Siméon a formé pourvoi contre l'arrêt N°14/72 rendu le 23 février 1972 dans l'affaire de contestation immobilière entre ces derniers et le nommé NASCIMENTO Damien;
Attendu que transmission du dossier a été faite par le Parquet Général de la Cour d'Appel par bordereau du 20 juillet 1972 et enregistrement au Greffe de la Cour Suprême sous le N°455/GCS du 21 juillet 1972;
Attendu que par lettre N°255/GCS du 3 novembre 1972, le Greffier de la Cour notifiait au requérant les dispositions des articles 42 et 45 de l'ordonnance N°21/PR du 26 avril 1966. Que la consignation a été faite au Greffe le 23 novembre 1972;
Attendu que le 2 janvier 1973, le conseil des requérants sollicitait un délai supplémentaire de deux mois, qui li était accordé le 16 janvier 1973 par lettre N°34/GCS;
Que communication de cette réponse était adressée au Conseil de HOUSSOU par lettre N°534/GCS du 28 mai 1973;
Que le 29 novembre 1973, un délai supplémentaire était accordé au conseil de HOUSSOU pour une réplique éventuelle qui parvenait à la Cour le 31 décembre 1973 et était enregistrée sous le N°885/GCS;
Attendu que le requérant n'a pas donné suite à la lettre N°632/GCS du 13 juin 1974 l'invitant à produire les notes d'audience du 10 novembre 1971,
Qu'il y a lieu de passer outre et d'examiner l'affaire en l'état.
AU FOND
LES FAITS:
Albert et Siméon,S A HOUSSOU ont saisi le tribunal de première instance de Porto-Novo d'une requête en revendication d'un terrain sis à DJASSIN ZOUME;
Ce terrain aurait été cédé à leur père Jean S A HOUSSOU par le nommé KOUGBLENOU, par convention sous seings privés du 28 août 1925, et mesurait 435 (quatre cent trente cinq) mètres sans autre précision sur ses dimensions exactes;
Il auraient constaté que depuis quelque temps, des briques auraient été entreposées sur les lieux par un inconnu qui se révélait être le nommé NASCIMENTO Damien, demeurant à Porto-Novo;
Ce dernier, affirmait devant le tribunal de première instance l'avoir acquis auprès de Pascal OGOUBIYI, qui déclare l'avoir lui même acheté auprès de El Hadj Inoussa YESSOUFOU, lui même acquéreur de Kowonou HOUNTONDJI.
L'affaire étant peu éclaire, le Tribunal a ordonné un transport sur les lieux.
Il résulte des affirmations contradictoires des parties au cours de cette procédure que feu KOUGBLENOU avait fait dont à feu Jean HOUSSOU d'un lopin de terrain pour faire son commerce d'achat de noix et d'huile de palme;
Quand HOUSSOU a cessé d'acheter les produits, il a fait clôturer la parcelle et y a creusé un puits; ce terrain mesurait de l'est au sud, 14m, 10 27m, 14m, et 28m, 20.
Les HOUSSOU, évidemment prétendent que le terrain avait été vendu à leur père et donnent comme dimensions du nord-OUEST / 60m 30, 88m 35, 60m 70, 62m 60 et 67m 40;
Le terrain acheté par NASCIMENTO ne fait pas de celui décrit par les héritiers KOUGBLENOU et n'est pas revendiqué par eux.
A)-Il apparaît ainsi qu'il y a deux revendications des consorts HOUSSOU.
B) - Contre les héritiers KOUGBLENOU et contre NASCIMENTO dont ils affirment que l'acquisition fait parties de la parcelle achetée par leur père auprès de KOUGBLENOU.
Or, il est noter que la KOUGBLENOU ne prétendent pas que la parcelle achetée par NASCIMENTO ait fait partie de leur domaine familial; un des leurs, LEGBASSI LOKONON a même dit:''Je sais que les KOHONOU ont vendu au sieur YESSOUFOU Inoussa un terrain qui est la propriété de ses grands-parents.
Il est d'ailleurs à noter que la requête des consorts HOUSSOU ne concerne que la parcelle sur la quelle était entreposées des briques; c'est-à-dire celle vendue par les HOHONOU à El Hadj Inoussa YESSOUFOU revendue ensuite à OGOUBIYI, puis à NASCIMENTO.
Comme les propriétaires des lieux, les KOUGBLENOU n'ont pas vendu cette parcelle dans celle qui leur appartenait à l'origine. Devant la déclaration expresse de Albert AGOUMALO (P.V. de transport page 2) qu'il ne connaît pas les limites du terrain litigieux, le tribunal de Porto-Novo a jugé que la seule parcelle ayant appartenu aux requérants est celle indiquée par les propriétaires originaires SODJINOU et KOUKPO.
En conséquence, il a déclaré que la parcelle achetée par NASCIMENTO ne fait pas partie du lot litigieux.
Appel de dette décision a été interjeté par les consorts HOUSSOU qui devant la Cour, étendant l'objet de leur demande ont conclu à ce qu'il soit déclaré que leur propriété comprend non seulement celle qui leur a été attribuée et celle déclarée propriété de NASCIMENTO, mais tout un vaste lot de terrain de 16 à 20 ca dont les KOOGBLENOU se disent propriétaires.
Devant la Cour d'Appel, les consorts HOUSSOU ont multiplié les incidents en s'opposant à l'exécution à l'arrêt ADD qui avait demandé le levé topographique des lieux contestés en prétendant qu'il soit dressé un plan englobant beaucoup d'autres parcelles.
Or, lors du transport en première instance, AGOUMALO Albert, HOUSSOU avait déclaré qu'il ne se souvenait plus des limites du terrain qu'aurait acheté son père.
C'est dans ces conditions que la Cour d'Appel a purement et simplement confirmé par l'arrêt querellé le jugement de première instance.
II -LES MOYENS DU POURVOI
PREMIER MOYEN: Violation des articles 23 et 24 du décret organique que du 3 décembre 1931 en ce que l'arrêt attaqué n'a pas procédé à la tentative de conciliation prévue par ledit article.
DEUXIEME MOYEN: Violation des articles 6 et 85 du Même décret;
En ce que l'arrêt attaqué omis d'indiquer la coutume appliquée et son énoncé complet, alors qu'en l'espèce, les parties étant de coutumes goun et nagot, il y avait lieu d'appliquer celle généralement suivie à l'endroit où est appliqué le contrat.
TROISIEME MOYEN: Violation de l'article 83, insuffisance de motifs, violation des droits de la défense,
En ce que l'arrêt se contente d'affirmer que les appelants n'apportent pas la preuve de leurs droits sur l'immeuble litigieux, alors que sur six témoins entendus à l'audience, quatre leur sont favorables un vieil octogénaire, et que la Cour n'a pas cru devoir convoquer le géomètre expert pour l'interroger sur les travaux.
EXAMEN DES MOYENS:
Attendu sur le premier moyen pris de la violation des articles 23 et 24 du décret du 3 décembre 1931 en ce que l'arrêt déféré n'a pas procédé à la tentative de conciliation.
Attendu que le décret organisant la procédure en matière de doit local dispose qu'avant toute chose le tribunal de premier degré (première instance) dit tenter de concilier les parties.
Attendu qu'en son article 42 le même texte dit que devant le tribunal du 2ème degré siégeant comme juridiction d'appel, les règles posées pour 'instruction et le jugement des affaires sont les mêmes que devant le tribunal de premier degré.
Attendu en droit que la tentative de conciliation n'est faite qu'avant toute chose, c'est-à-dire avant toute instruction ou tout jugement de l'affaire.
Attendu que le décret organique n'a pas rendu obligatoire en cause d'Appel la tentative de conciliation et le respect de la procédure suivie devant le premier juge, doit se limiter à l'instruction et au jugement des affaires.
Attendu à fortiori que les dispositions de la loi de 1964 sur l'organisation judiciaire sont encore plus libérales sur la nécessité de la tentative de conciliation.
Attendu en conséquence que l'arrêt attaqué n'a pu violer une disposition qui ne lui était pas applicable.
SUR LE DEUXIEME MOYEN PRIS EN SES DEUX BRANCHES,
Violation des articles 6 et 85 du décret précité en ce que l'arrêt a omis d'indiquer et d'énoncer la coutume appliquée.
Attendu qu'en matière de droit traditionnel, la décision qui n'énonce aucune disposition coutumière ne saurait encourir la cassation si elle est motivée par des éléments de fait étrangers à toute motivée par des éléments de fait étrangers à toute application de la coutume et si les parties n'ont soulevé aucun moyen tiré des dispositions coutumières.
Attendu qu'il en est particulièrement ainsi lorsque la décision déférée est essentiellement basée sur les témoignages des voisins limitrophes ou sur des constatations matérielles.
Attendu que pour appliquer la coutume la plus généralement répandue dans le lieu où est intervenu un contrat la Cour doit en vertu du paragraphe 4 de l'article 6 préciser, constater d'abord un conflit de coutume et l'existence d'un contrat qui lie les parties antagonistes et ensuit un conflit de coutumes quant à l'application ou l'interprétation dudit contrat.
Attendu que ces deux conditions ne sont pas réunies lorsque chaque litigant se prévaut d'un contrat différent de celui de son antagoniste dont chacun demande la stricte application .
Attendu que tel est le cas de l'espèce où les consorts HOUSSOU se disent ayant- droit de KOUGBLENOU et NASCIMENTO, celui de OGOUBIYI.
Attendu qu'en se fondant exclusivement sur le témoignages de limitrophes et sur les constatations matérielles de l'expert désigné par elle, la Cour d'Appel loin d'avoir violé les principes sus énoncés, les a au contraire strictement appliqués.
Attendu qu'il s'ensuit que ce deuxième moyen doit être aussi rejeté comme non fondé.
Attendu sur le troisième moyen pris en ses deux branches défaut de motifs, violation des droits de la défense en ce que l'arrêt entrepris a déclaré que les appelants n'apportaient pas la preuve de leurs droits de propriété alors que sur six témoins entendus, quatre leur sont favorables dont un octogénaire qui a participé à la détermination des lieux d'une part, et que d'autre part la Cour n'a pas crû devoir entendre le géomètre expert sur l'exécution de sa mission.
Attendu sur la première branche du moyen qu'un témoignage est la déclaration faite en justice par une personne qui a vu ou entendu elle-même ce qui fait actuellement la matière du procès et constitué par les constatations directes que son auteur a pu faire.
Attendu que la Cour ayant fondé sa décision sur le témoignage exclusif des signataires de la convention dont se prévaut, la cohérie SA HOUSSOU, c'est à bon droit qu'elle a déclaré que celle-ci ne fait pas la preuve de ses droits sur la parcelle B, deux les trois personnes survivantes parmi lesdits signataires ayant affirmé que KOUGBLENOU n'a cédé à sa HOUSSOU qu'une petite parcelle de terrain, alors qu'il ne résulte du dossier aucune preuve de la participation directe de l'octogénaire MIGAN aux opérations qui ont abouti à la confection de l'acte de cession.
Attendu sur la seconde branche qu'il ne saurait être reproché à la Cour de n'avoir pas entendu le géomètre expert sur les incidents qui ne sont déroulés lors de l'exécution de sa mission dès lors que le requérant n'affirme ni ne prouve qu'il a conclu à cette audition.
Attendu qu'il suit que la Cour n'a violé aucun droit de la défense et que l'arrêt est suffisamment motivé et que le troisième moyen doit être rejeté.
PAR CES MOTIFS
EN LA FORME: Reçoit les consorts HOUSSOU en leur pourvoi,
AU FOND: Le rejette;
Les condamne aux dépens.
Ordonne la notification du présent arrêt au Procureur Général près la Cour d'Appel ainsi qu'aux parties.
Ordonne la transmission en retour du dossier au Parquet Général près la Cour d'Appel de Cotonou.
Ainsi fait et délibéré par la Cour Suprême (Chambre Judiciaire) composée de Monsieur:
Edmond MATHIEU, Président de la Chambre Judiciaire,
PRESIDENT
Maurille CODJIA et Elisabeth POGNON.....CONSEILLERS
Et prononcé à l'audience publique du vendredi vingt et un février mil neuf cent soixante quinze, la chambre étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de Monsieur:
Grégoire GBENOU.........PROCUREURR GENERAL
Et de Maître Pierre Victor AHEHEHINNOU...GREFFIER EN CHEF
Et ont signé:
LE PRESIDENT LE RAPPORTEUR LE GREFFIER
E. MATHIEU M. CODJIA P. V. AHEHEHINNOU