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Procédure - Défaut de constitution - Assistance judiciaire - Relevé de forclusion Prorogation de délai - Restitution de la consignation - immeuble coutumier indivis Répartition de la jouissance de la concession du maître - Jouissance non exclusive aux esclaves du maître libérés.
Doit être relevée de sa forclusion et la consignation restituée la requérante qui normalement forclose, a pu obtenir le bénéfice de l'assistance judiciaire.
Par ailleurs, le droit de jouissance reconnu aux descendants d'esclaves libérés sur la concession reçue du maître ne doit nullement exclure ceux du maître de la participation à la jouissance de cette dernière.
N°72-2/CJA 21-1-1977
AMAKA Taïrou Damala C/ YESSOUFOU Tidjani et 4 autres
La Cour,
Vu la déclaration du 8 Décembre 1971 au greffe de la Cour d'Appel de Cotonou, par laquelle Maître FELIHO conseil de la dame AMAKA Taïrou et autre a élevé un pourvoi en cassation contre les dispositions de l'Arrêt n°105 rendu le 1er Décembre 1971 par la Chambre de droit local de la Cour d'Appel de Cotonou;
Vu la transmission du dossier à la Cour Suprême;
Vu l'arrêt attaqué;
Ensemble les mémoires ampliatif et en défense des 19 décembre 1975 e 20 Avril 1976 des maîtres FELIHO et KEKE conseils des parties en cause;
Vu toutes les autres pièces produites et jointes au dossier;
Vu l'Ordonnance n°21/PR du 26 avril 1966 portant organisation, composition, fonctionnement et attribution de la Cour Suprême;
Ouï à l'audience publique du vendredi vingt et un janvier mil neuf cent soixante dix sept, le Président Edmond MATHIEU en son rapport;
Ouï le Procureur Général Grégoire GBENOU en ses conclusions;
Et après avoir délibéré conformément à la loi;
Attendu que par déclaration enregistrée le 8 décembre 1971 au greffe de la cour d'appel de Cotonou, Maître FELIHO, conseil de la dame AMAKA Taïrou et un autre a élevé un pourvoi en cassation contre l'arrêt n° 105 du 1er décembre 1974 rendu par la chambre de droit traditionnel de la cour d'appel de Cotonou;
Attendu que par bordereau n°225/PG du 26 -1- 1972, Procureur Général près la Cour d'Appel transmettait parmi d'autres le dossier de la procédure au Procureur Général près la Cour Suprême et qu'il était enregistré arrivée au Greffe le 31 janvier;
Attendu que par lettre n°193/GCS du 25 Février 1972, le Greffier en chef près la Cour Suprême rappelait à Me FELIHO auteur du pourvoi les dispositions de l'article 45 de l'Ordonnance n°21/PR du 26 avril 1966 lui prescrivait d'avoir à consigner dans les 15 jours et à déposer son mémoire dans les deux mois; lettre reçu le 1er Mars en l'étude;
Attendu que par lettre du 7 juin 1972 enregistrée arrivée le 9, l'étude BARTOLI informait la cour qu'elle n'était plus constituée par la dame AMAKA Taïrou Damala;
Attendu que par lettre du 20 juin 1972, le greffier en chef notifiait aux requérants ce désistement de Me BARTOLI et par notification de la même date, leur faisait sommation de consigner et de faire déposer leurs moyens dans le délai de deux mois;
Attendu que les pièces transmises au Commissaire Central de la ville de Porto-novo par n° 657/GCS du 20 Juin donnèrent lieu aux P.V. de notification aux intéressés avec soit transmis n° 956/CCP/SU du 24 Juillet 1972, arrivés au greffe le 21 Août 1972;
Attendu en l'audience de consignation, ni de réponse des requérants le rapporteur avait estimé qu'il avait lieu de les déclarer déchus de leur pourvoi en raison des dispositions impératives de l'article 45 de l'ordonnance 21/PR;
Attendu que l'affaire ayant été renvoyée au rôle général à l'audience du 26 Janvier 1973 à la demande de la requérant celle-ci fut avisée de nouveau par lettre n° 177/GCS du 16 Février 1973 du greffier en chef d'avoir à faire parvenir ses moyens de cassation par l'officier d'un avocat;
Qu'elle fit cependant parvenir le 12 Juillet 1973 un mémoire daté du même jour portant son nom en-tête et signé d'une empreinte digitale;
Attendu que par lettre n° 895/GCS du 23 Juillet 1973 objet du P.V. de remise en mains propres n° 1237/CCP/SU du 30-7-73 du Commissariat Central de Police de Porto-Novo, le Greffier en Chef lui rappelait encore une fois que le Ministère d'avocat était obligatoire pour suivre sur un pourvoi;
Attendu que sans réponse de sa part dans les délais impartis le rapporteur estimait de nouveau qu'il y avait lieu de la déclarer forclose;
Attendu qu'à la suite d'une procédure instruite sur demande d'assistance judiciaire de la nommée AMAKA Taïrou Damala, celle-ci lui fut accordé le 20 Juin 1973;
Attendu qu'elle reste donc seule en cause, que par ailleurs le co-requérant BOUSSARI Oloumondjo serait décédé d'après le P.V. 113/CCPSU du 16 janvier 1974 du Commissariat Central de la ville de Porto-Novo;
Attendu que par lettre du 18 Juillet 1974 le Bâtonnier de l'ordre des Avocats informe le Greffier en Chef, suite à la lettre de ce dernier du 11 Juillet, qu'il avait désigné Me FELIHO pour la défense des intérêts de l'assistée AMAKA Taïrou Damala;
Qu'en conséquence, par lettre n° 858/GCS du 24 Juillet 1974 le Greffier en Chef demanda au conseil désigné de lui faire connaître s'il acceptait sa désignation et dans l'affirmative de lui faire parvenir avant le 15 octobre 1974 son mémoire ampliatif;
Attendu que par lettre du 30 Septembre 1974, enregistrée arrivée au Greffe le 1-10-74, Maître FELIHO demanda de nouveaux délais pour cinq de ses dossiers dont celui sous rubrique;
Qu'un accord fut donné pour un délai de deux mois, notifié par lettre n° 1075/GCS du 7 Novembre 1974, reçue le 12 en l'étude. Qu'un rappel lui fut adressé par lettre n° 101/GCS du 12 février 1975 reçue le 13 en l'étude;
Attendu que le 14 Février 1975 était enregistrée arrivée une nouvelle demande de délai de deux mois, accordée et confirmée par lettre n° 197/GCS du 7 Mars 1975, reçue le 10 en l'étude;
Attendu que sans réponse encore, le rapporteur noté d'avoir en rappeler à Maître FELIHO qu'il avait été constituée au titre de l'assistance judiciaire et que la forclusion ne pouvait guère être prononcée;
Qu'enfin le 24 Décembre 1975 était enregistrée arrivée une lettre de Me FELIHO transmettant son mémoire;
Attendu qu'une copie en fut adressée aux défendeurs par lettre n° 52/GCS du 9 janvier 1976 au Commissaire Central de Porto-novo qui fit l'objet du P.V. de remise du 23 janvier 1976 au Camarade Tidjani Yessoufou et qui fit retour au greffe le 29 janvier;
Attendu que le 24 mars 1976 Maître KEKE conseil des défendeurs sollicite un délai supplémentaire, en raison des retards causés par la tenue du séminaire sur la reforme de la justice; délai qui lui fut accordé et que le 10 Mai 1975 était enregistrée la lettre de Me KEKE déposant son mémoire;
Attendu qu'il y a lieu de noter que le défenseur Tidjani Yessoufou convoqué au greffe s'était présenté le 8 Avril et avait confirmé la désignation du conseil par l'ensemble des défendeurs;
Attendu que la procédure est donc en etétait d'être examinée.
EN LA FORME: Attendu que la procédure est recevable en la forme puisque les délais bien que dépassés ont été admis par le rapporteur, dans l'intérêt de l'assisté judiciaire, à qui il conviendra en tout état de cause de restituer la somme consignée avant son obtention de l'assistance judiciaire.
AU FOND
LES FAITS:
Des dires mêmes de la requérante le 12 novembre 1969 à la barre du tribunal de droit Local du Premier degré de Porto-Novo, le roi Sodji prit en esclavage le nomme ELEWONLESSE, ce dernier parvient à obtenir sa liberté et mieux prit à son tour en esclavage le nommé OLOUMONDJO. Après quelque temps OLOUMONDJO a acheté aussi ses droits de liberté.
Après ce rappel historique non contesté, les dires varient, mais peuvent se résumer en ce ceci. OLOUMONDJO obtint de son ancien maître de demeurer auprès de lui et ces deux familles ne se séparent pas après la libération d'OLOUMONDJO.
La question est de savoir si le lieu où OLOUMONDJO vécut lui appartenait en propre (don du roi) ou s'il fut concédé par son maître au temps de la servitude et laissé en sa possession après l'octroi de sa liberté. La Cour, après annulation du premier jugement, a opiné en ce dernier sens, à cause de la présence dans les lieux d'autres anciens esclaves de la famille.
DEUX MOYENS SONT ARTICULES:
PREMIER MOYEN: Violation de l'article 85 du décret organique, dénaturation des termes du débat, insuffisance de motifs, ultra petite, manque de base légale.
En ce que la Cour d'appel a décidé d'attribuer à la dame AMINATA Tidjani la clef de la chambre qu'aurait occupée son père alors que l'action engagée par la dame AMAKA Taïrou Damala et le sieur BOUSSARI Oloumondjo tendait à les déclarer seule propriétaires de l'immeuble litigieux;
Attendu qu'il n'est que d'examiner le dossier et la position des parties devant les juridictions inférieures pour voir que la réclamation de la dame Aminatou TIDJANI, en réponse aux prétentions de la requérante portait bien sur la clef de la chambre qu'avait occupée son père (mémoire d'appel de Me BARTOLI page 5, déclaration de AMINATOU Tidjani au tribunal de droit local du 1er degré de Porto-Novo; jugement n° 3 du 7-1-1965 page 3);
Attendu que la Cour d'Appel le mentionne expressément en disant: «attendu que sans qu'il soit besoin d'analyser les autres chefs de nullité invoqués, la violation de l'article 24 du décret organique ayant consisté pour le 1er juge à excéder les termes de la demande principale et reconventionnelle suffit à emporter cette nullité dans la mesure où le 1er juge a opérer une répartition des cases entre les membres de la famille, alors que la demande principale consistait en l'attribution de la clef d'une chambre... qu'il échet d'annuler, d'évoquer et de statuer à nouveau.»
Attendu qu'avec la restriction que cette demande faisait plutôt l'objet de la demande reconventionnelle il apparaît que la Cour n'a pas statué ultra petita et a parfaitement motivé par ailleurs sa décision, ce qui apparaîtra de l'examen du second moyen;
Attendu que le premier moyen est donc à rejeter.
DEUXIEME MOYEN: Violation de l'article 85 du décret organique, des articles 252 et suivants du code de procédure civile, méconnaissance des règles de preuve, insuffisance de motifs et manque de base légal en ce que la Cour d'appel a dit que la concession litigieuse est maison indivise entre les familles ELEWONLESSE et OLOUMONDJO sans indiquer les preuves par les défendeurs au pourvoi de leur droit de propriété;
Alors que les demandeurs ont prouvé que l'immeuble litigieux n'a pu être transmis aux défendeurs par leur auteur;
Attendu que la Cour a rejeté l'argumentation de la requérante quant à l'inventaire des biens fournis à l'occasion d'un procès concernant la succession de DAOUDA Bakary, au motif que ce procès ne concerne pas la succession ELEWONLESSE .
Attendu d'autre part que la Cour a tiré argument du fait que les impôts fonciers payés par les uns et les autres apportaient une présomption de propriété en faveur de chacune des parties.
Mais attendu que l'argument qui semble avoir paru déterminant à la cour d'Appel pour l'amener à sa décision, est d'autres serviteurs d'ELEMONLESSE eurent à habiter la concession litigieuse, ce qui lui permet de s'appuyer sur les règles coutumières les plus constantes d'après lesquelles les descendants des esclaves ne pouvaient empêcher ceux du Maître de participer à la jouissance des biens reçus de ce dernier.
Attendu enfin que la Cour tient pour non prouvée la thèse de la requérante selon laquelle l'immeuble litigieux lui aurait été attribué non par son maître mais par le roi SODJI .
Attendu qu'ainsi la Cour a suffisamment motivé sa décision, lui a donné une base légale et n'a violé aucun article du décret du 31 Décembre 1931 du code de procédure civile, et que le moyen nous paraît inopérant;
Attendu en conclusion qu'il y a lieu à l'accueil du pourvoi en la forme;
A son rejet au fond
A la restitution à la requérante assistée judiciaire de l'amende consignée,
A l'imputation des dépens au Trésor Public,
PAR CES MOTIFS
DECIDE
Reçoit le pourvoi en la forme;
Au fond le rejette,
Ordonne la restitution à AMAKA Taïrou Damala de l'amende consignée.
Laisse les dépens à la charge du trésor.
Ordonne la notification du présent arrêt au Procureur Général près la Cour d'Appel de Cotonou, ainsi qu'aux parties;
Ordonne la transmission en retour du dossier au Parquet Général près la Cour d'Appel;
Ainsi fait et délibéré par la Cour Suprême (Chambre Judiciaire) composée des Camarades:
Edmond MATHIEU; Président de la Chambre Judiciaire, Président
Maurille CODJIA et Michel DASSI, Conseillers
Et prononcé à l'audience publique du vendredi vingt et un janvier mil neuf cent soixante dix sept, la Chambre étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de:
Grégoire GBENOU, PROCUREUR GENERAL
et de Pierre Victor AHEHEHINNOU, GREFFIER EN CHEF
Et ont signé
Le Président Le Greffier en Chef
E. MATHIEU P.V. AHEHEHINNOU