ARRÊT
no. 143/2020
SOFIA, le 15 juillet 2021
AU NOM DU PEUPLE
La Cour suprême de cassation de la République de Bulgarie, première chambre civile, à son audience publique du huit décembre deux mille vingt, en formation de jugement :
PRESIDENT : DIANA TSENEVA
MEMBRES : BONKA DETCHEVA
VANIA ATANASSOVA
en présence de la greffière Daniela Nikova,
a entendu l’affaire civile no. 823/2020, rapportée par la juge D. Tseneva, et, avant de statuer, a considéré ce qui suit :
La procédure est ouverte au titre de l’art. 290 et suivants du Code de procédure civile (CPC).
Par son arrêt no. 247 du 05 novembre 2019, rendu dans l’affaire civile d’appel no. 494/2019, le Tribunal de grande instance de Lovetch a confirmé le jugement no. 147 du 02 mai 2019, affaire civile no. 75/2018 du Tribunal d’instance de Troyan, rejetant l’action introduite par S.P.K. à l’encontre d’UBB AD Sofia, S.M.S. et R.S.Ch., fondée sur l’art. 440, alinéa 1 du CPC, visant à établir, dans les relations entre les parties, que le débiteur dans la procédure d’exécution no. 247/2000 d’après le rôle du service des huissiers de justice près le Tribunal d’instance de Troyan, R.Ch. n’est pas propriétaire du premier étage du bâtiment identifiant .... d’après la Carte cadastrale et le registre cadastral (CCRC), adresse [localité], [rue], étage 1, ap. 1, d’une surface de 62 m2.
Par ordonnance no. 364 du 05 août 2020, l’arrêt d’appel a été admis en cassation sur le fondement de l’art. 280, alinéa 1, point 3 du CPC, sur le point de savoir si une saisie immobilière, pratiquée dans une procédure d’exécution d’un créancier déclaré, produit des effets par rapport au premier saisissant.
La demanderesse au pourvoi S.P.M. soutient que la juridiction d’appel n’a pas correctement appliqué la disposition de l’art. 457 du CPC, car le saisissant UBB AD n’a pas la qualité de saisissant déclaré et que par conséquent il ne peut jouir de la saisie immobilière inscrite au titre d’une autre procédure d’exécution, qui a été jointe à une procédure d’exécution formée par UBB AD l’encontre du débiteur R.Ch.
Dans sa réponse écrite au pourvoi en cassation, le défendeur au pourvoi UBB AD, ayant son siège et adresse administrative à Sofia, considère que l’arrêt d’appel est correct et motivé et qu’il y a lieu qu’il soit maintenu.
Les défendeurs au pourvoi R.S.Ch. et S.M.S. n’ont pas exprimé d’avis.
La Cour suprême de cassation, première chambre civile, avant de statuer, a considéré ce qui suit:
D’un point de vue factuel, en l’espèce, il est considéré comme établi que sur la base d’un titre exécutoire, délivré le 07 novembre 2000 dans l’affaire civile no. 545/2000 d’après le rôle du Tribunal d’instance de Troyan, le service des huissiers de justice près le Tribunal d’instance de Troyan a ouvert une procédure d’exécution no. 247/2000, avec comme saisissant UBB AD Sofia, et comme débiteur l’entreprise individuelle Roki – SL Radoslav Charkov, de recouvrement d’une créance liquide de la banque, ayant pour origine un contrat de prêt bancaire. La créance a été garantie par hypothèque contractuelle, constituée par R.Ch. en faveur de la banque sur un bien immobilier représentant un terrain d’une surface de 1 075 m2, situé dans la zone des villas de [localité], et le bâtiment d’habitation à deux étages avec garage y construit, représentant d’après le plan de lotissement du village la parcelle ...., division cadastrale .... . Une mise en demeure a été signifiée au débiteur, un inventaire et une évaluation du bien ont été effectués. Une vente publique du bien immobilier a été fixée du 06 octobre 2003 au 06 novembre 2003, qui a échoué faute d’acheteur.
Par décision no. 86 du 16 avril 2004, affaire civile no. 446/2003 d’après le rôle du Tribunal d’instance de Troyan, passée en force de chose jugée le 27 février 2006, il a été reconnu comme établi, par rapport au saisissant UBB AD Sofia et au débiteur R.Ch., que la moitié du bien immobilier décrit – terrain et bâti, était la propriété individuelle de L.I.Ch.
A la suite d’un partage judiciaire du 03 juillet 2006, affaire civile no. 186/2006 d’après le rôle du Tribunal d’instance de Troyan, le bien immobilier a été divisé entre les copropriétaires L.Ch. et R.Ch. ; L.Ch. a reçu en partage et est devenue propriétaire du terrain, représentant la parcelle ХІ de la division cadastrale 6 d’après le plan de [localité], avec le second étage de la villa massive à deux étage, ayant le statut d’un lot séparé, le garage et l’ensemble des améliorations réalisées dans le bien, et R.Ch. a reçu en partage et est devenu propriétaire du premier étage, ayant le statut d’un lot séparé.
Par contrat de donation, conclu par acte notarié no. ..., R.Ch. a cédé le premier étage à sa fille S.R.
Par contrat de vente, conclu par acte notarié no. ..., S.R. a cédé le bien à la demanderesse S.P.K.
Par acte du 20 mars 2006 de l’huissier public, à la procédure d’exécution no. 247/2000 ont été jointes les procédures d’exécution no. 192/2004 et no. 193/2004, ouvertes sur la base des procédures d’exécution no. 299/2001 et no. 354/2002, transmises par le service des huissiers de justice près le Tribunal d’instance de Lovetch, toutes deux ayant pour saisissant S.M.S. et pour débiteur R.Ch. Dans la procédure d’exécution no. 192/2004, le 12 novembre 2004, on a saisi le terrain, représentant la parcelle .... de la division cadastrale ..., avec le bâtiment massif à deux étages, le garage et le barbecue y construits. A la suite de la présentation d’une copie du jugement définitif, rendu dans laffaire civile no. 446/2003 par le Tribunal d’instance de Troyan, et du partage judiciaire, la procédure d’exécution a été dirigée vers le premier étage du bâtiment.
Durant la période de 2013 à 2017, plusieurs ventes publiques ont été fixées, mais ont échoué pour diverses raisons. La dernière vente publique a été fixée du 18 août 2017 au 18 septembre 2017. Par procès-verbal du 19 septembre 2017, A.K.A. a été déclaré acquéreur du bien immobilier ; par ordonnance d’attribution de la propriété du 28 septembre 2017, le bien immobilier lui a été attribué par l’huissier de justice.
Les faits ayant été ainsi établis en l’espèce, la juridiction d’appel a admis que les cessions effectuées après la saisie du bien le 12 novembre 2004, sont inopposables au premier saisissant et aux créanciers déclarés, compte tenu de l’argument de l’art. 453, alinéa 1 du CPC.
Sur le point de droit, pour lequel le pourvoi en cassation a été déclaré recevable, la présente formation de jugement admet comme suit :
Sur la base de la disposition de l’art. 452, alinéa 2 du CPC, les cessions du bien saisi, effectuées par le débiteur après l’inscription de la saisie immobilière, ont été déclarées nulles par rapport au saisissant et aux créanciers déclarés,.
La règle de la déclaration des créanciers a pour objectif d’empêcher la formation de procédures d’exécution parallèles à l’encontre d’un même débiteur, et de permettre la réalisation des créances liquides de ses créanciers, nées avant la répartition, par une seule exécution forcée, ce qui garantirait la satisfaction de leurs droits au titre de l’art. 133 et de l’art. 136 de la Loi sur les obligations et les contrats, lorsque la procédure d’exécution a pour objet un même bien.
Les préalables d’acquisition de la qualité de créancier déclaré et les effets de cela sont régis par la loi procédurale : chapitre 41 du CPC. A part la déclaration d’un créancier à sa demande (art. 456 du CPC), la loi prévoit également des hypothèses de déclaration de droit. Ainsi, conformément à l’art. 458 du CPC, l’Etat est toujours considéré comme un saisissant déclaré pour les créances publiques dues par le débiteur, dont le montant a été communiqué à l’huissier de justice avant la répartition. Sont considérés également comme déclarés de droit tous les créanciers, en faveur de qui on a admis une garantie par saisie ou saisie immobilière, ainsi que le créancier hypothécaire et le créancier gagiste, ou encore le créancier ayant un droit de rétention, lorsque la procédure d’exécution est dirigée contre l’objet de la garantie, respectivement contre le bien hypothéqué ou gagé.
Comme la déclaration d’un créancier constitue une intervention dans une procédure d’exécution d’autrui déjà ouverte, la disposition de l’art. 457 du CPC réglemente explicitement le statut procédural des saisissants déclarés : ils ont les mêmes droits que le premier saisissant et jouissent des actes procéduraux effectués avant leur déclaration en tant que créanciers. La logique de l’art. 457 du CPC exige que dans la procédure d’exécution le premier saisissant et les créanciers déclarés jouissent de droits égaux, y compris par rapport aux effets des saisies immobilières inscrites, et que les cessions effectuées par le débiteur leur soient inopposables à partir du moment de l’inscription de la première saisie immobilière et non à partir du moment de l’inscription d’une saisie immobilière au titre de l’art. 483 du CPC par le premier saisissant, ce qui correspondrait à l’objectif de la déclaration d’un créancier. L’argument en soutien à cette conclusion se trouve dans la disposition de l’art. 459, alinéa 1 du CPC, selon laquelle le créancier, en faveur duquel on a admis une garantie par saisie ou saisie immobilière, est considéré comme un saisissant déclaré, lorsque la procédure d’exécution est dirigée contre l’objet de la garantie. Admettre que, dans l’hypothèse d’une déclaration de créanciers, la saisie immobilière pratiquée par le créancier déclaré n’a des effets protecteurs que par rapport à lui, et non par rapport au premier saisissant et aux autres créanciers déclarés, signifierait priver de son sens le concept des créanciers déclarés.
En conclusion de ce qui a été exposé, la présente formation de jugement admet que la saisie immobilière inscrite par le créancier déclaré a des effets y compris par rapport au premier saisissant et aux autres créanciers déclarés, et qu’elle rend inopposables par rapport à eux les cessions effectuées par le débiteur après son inscription.
Etant donné ce qui précède, la juridiction d’appel a admis de manière justifiée et conforme à la loi que les cessions effectuées après l’inscription, le 12 novembre 2004, d’une saisie immobilière sur le bien, sont inopposables au premier saisissant et aux créanciers déclarés. L’arrêt d’appel n’étant pas entaché de motifs de cassation au sens de l’art. 281, point 3 du CPC, il y a lieu qu’il soit maintenu.
Eu égard à ce qui précède, la Cour
A RENDU L’ARRET SUIVANT :
MAINTIENT EN VIGUEUR l’arrêt no. 247 du 05 novembre 2019, rendu dans l’affaire civile d’appel no. 494/2019 par le Tribunal de grande instance de Lovetch.