COUR DE JUSTICE
CHAMBRE JUDICIAIRE
ARRÊT N°003/CJ/CEMAC/CJ/07
Du 1°"/02/2007
AFFAIRE : Société PRICE
WATERHOUSE
(FIDAFRICA)
Décision COBAC n° D - 2006/133
(Requête aux fins de sursis à
exécution de ladite décision)
COMMUNAUTE ECONOMIQUE ET
MONETAIRE DE L’A AH
“ AU NOM DE LA COMMUNAUTE ‘
La Cour de Justice de la Communauté Economique
et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC), Chambre
Judiciaire, siégeant à X ( République du Tchad)
en audience publique le 1° février 2007, et composée de :
- M. ANTOINE MARADAS, Président,
M. Pierre KAMTOH, Juge Rapporteur,
M. DADJO GONI, Juge,
et Maître RAMADANE GOUNOUTCH, Greffier,
A RENDU L’ARRET SUIVANT :
Sur la requête introduite par la Société PRICE
WATERHOUSE SARL, ayant pour conseils la Société
Civile Professionnelle MBOCK — MBENDANG - NDOCK
LEN NGUEMHE, Avocats au Barreau du Cameroun et le
Cabinet Herbert SMITH, Avocats au Barreau de Paris, et
ayant élu domicile au Cabinet FIDAFRICA, BP. 1899
CONTRE
La Décision COBAC n° D — 2006/133 de la
Commission Bancaire de l’A AH (COBAC) ;
LA COUR
Vu le Traité instituant la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique
Centrale (CEMAC) du 16 mars 1994 ;
Vu l’Additif au Traité de la CEMAC relatif au système institutionnel et juridique
de la CEMAC ;
Vu la Convention du 5 juillet 1996 régissant la Cour de Justice de la CEMAC ;
vu les Actes Additionnels n°010/2006/CEMAC/CJ/CCE, et
n°11/2006/CEMAC/CJ/CCE des 13/07/2006 et 07/08/2006 portant nomination des
membres de la Cour de Justice ;
Vu l'Acte Additionnel n° 04/00/CEMAC/041-CCE du 14 décembre 2000
portant règles de procédure devant la Chambre judiciaire de la Cour de Justice de la
CEMAC ;
Vu les requêtes introduites le 4 décembre 2006 par la Société PRICE
WATERHOUSE SARL contre la décision COBAC n° D — 2006/133 du 21 août
2006 ;
Oui Monsieur Pierre KAMTOH, juge rapporteur ;
Oui les avocats de la requérante en leurs plaidoiries ;
Faits de la cause
Considérant que par requête enregistrée au greffe le 4 décembre 2006, la
Société Price Waterhouse représentée par la Société Civile Professionnelle (S)P)
MBOCK — MBENDANG — DOCK LEN — NGUEMHE, Avocats au Barreau du
CAMEROUN et le Cabinet Herbert SMITH LLP, Avocats au Barreau de Paris, a saisi
la Cour de Justice de la CEMAC d’un recours en annulation formé contre la décision
COBAC n° D — 2006/133 portant retrait de son agrément de Commissaire aux
Comptes titulaire de la banque Crédit Aa Y (CLC), pour violation
des dispositions de l’article 3 du Règlement n°04/03CEMAC/UMAC/COBAC du 14
mai 2003, relatif aux diligences des commissaires aux comptes des établissements
de crédit,
que par une autre requête du 4 décembre 2006 Price Waterhouse a demandé
à la Cour d’ordonner le sursis à l'exécution de la décision attaquée jusqu’à l’issue du
recours principal en annulation ;
Considérant que par l'organe de ses conseils Price Waterhouse soutient tant
dans ses requêtes, ses plaidoiries à l'audience que dans sa note en délibéré qu’elle
exerce depuis 1997 les fonctions de Commissaire aux Comptes titulaire avec le
Cabinet EKOKA, auprès du Crédit Aa Y,
que la décision attaquée lui reproche à tort la transgression de l’article 3 du
Règlement n°04/03/CEMAC/UMAC/COBAC précité qui fait obligation aux
commissaires aux comptes de s'assurer que les documents comptables des sociétés
qu’ils contrôlent donnent une image fidèles desdites sociétés,
que la COBAC allègue que les comptes du Crédit Aa Y
auraient ‘fait l'objet au cours de l’année 2003 de plusieurs manipulations en vue
d'améliorer le résultat de l’exercice qui a été ainsi porté à 3.785 millions de francs
CFA alors qu’il aurait dû s'établir à 1.445 millions de francs CFA,” et prétend que ces
anomalies auraient altéré sensiblement la sincérité des résultats extériorisés et
n’auraient fait l'objet d'aucune observation de la part des commissaires aux comptes
lors de la certification,
que pour lui éviter les conséquences graves et irréversibles de la décision
contestée et vouée à l’annulation, il y a urgence à ordonner le sursis à exécution,
que l’urgence invoquée résulterait selon la société PRICE WATERHOUSE,
tant des poursuites pénales entreprises contre son représentant M. C B
inculpé de détournement de deniers publics et de tromperie envers les associés et
renvoyé devant le tribunal de grande instance de Yaoundé où elle serait elle-même
appelée comme civilement responsable, que de l'atteinte irréparable que porterait
l'exécution provisoire de la décision COBAC à son image, sa réputation ayant été
construite au fil de nombreuses années de travail et des conséquences
exceptionnelles que subiraient l’entreprise, son personnel et leurs familles,
consécutivement à la baisse du volume d'activités et de son chiffre d’affaires,
qu’en effet le ‘principal actif de production” de cette société de prestation de
service intellectuelle” n’est constitué que des ressources humaines dont la perte des
revenus salariaux serait inéluctable en cas d'exécution provisoire,
qu’en revanche il n’y aurait aucune urgence à laisser exécuter provisoirement
la décision contestée, les intérêts de la banque n’étant pas menacés et l’ordre public
n’étant pas intéressé ;
Sur la compétence de la Cour
Considérant que la Chambre Judiciaire assure le contrôle juridictionnel du
fonctionnement et des activités de la Communauté, selon les articles 25 de l'Additif
au Traité de la CEMAC relatif au système institutionnel et juridique et 11 de la
Convention régissant la Cour de Justice,
qu’elle peut, ce faisant, statuer en dernier ressort sur des recours formés
contre les décisions des sanctions disciplinaires prises par la COBAC contre les
Etablissements de Crédit assujettis, leurs dirigeants et leurs commissaires aux
comptes, au sens des dispositions combinées des articles 18 de l'annexe à la
Convention portant création d’une Commission Bancaire de l’A AH et 2 et
4 de la Convention régissant la Cour de Justice,
qu’il convient de la déclarer compétente ;
Sur la recevabilité des requêtes
Considérant que la décision COBAC contestée a été notifiée à Price
Waterhouse par lettre de transmission n°613/DAJ/EB du 28 septembre 2006 signée
de M. AG Z, que la requête introductive d'instance est recevable
pour avoir été faite dans les délai et forme prescrits aux articles 11, 12 et suivants de
l’'Acte Additionnel n°04/00/CEMAC — 041 — CCE — CJ — 02 portant Règles de
procédure de la Chambre Judiciaire,
qu’introduite également dans les forme et délai prescrits aux articles 57 et 58
de l'acte précité portant Règles de procédure, la requête aux fins de sursis à
exécution est recevable ;
Sur le bien fondé de la demande du sursis à exécution
Considérant que les manquements imputés à la Société Price Waterhouse ne
porteraient que sur la certification des comptes clos au 31 décembre 2003 et audités
conjointement par les deux Commissaire aux comptes titulaires de la banque,
que l'exécution provisoire de la décision contestée entraînerait non seulement
son remplacement définitif au sein de la banque Crédit Aa Y mais
porterait encore gravement atteinte à sa crédibilité,
qu’en outre la mesure sollicitée n’est pas susceptible de nuire aux intérêts de
la banque,
qu'il y a donc urgence, en l'état du dossier, à surseoir à l'exécution de la
décision contestée,
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, en matière de droit communautaire,
Se déclare compétente,
Déclare les requêtes recevables en la forme,
Ordonne le sursis à l'exécution de la décision attaquée jusqu'à l'issue du
recours principal en annulation,
Ordonne la notification de la présente décision à l'Autorité Monétaire
Nationale,
Réserve les dépens.
Ainsi jugé et prononcé en audience publique à X, le premier février
deux mille sept.
Et ont signé le Président, les Juges et le Greffier.
ANTOINE MARADAS PIERRE KAMTOH DADJO GONI
PRESIDENT JUGE RAPPORTEUR
GREFFIER
Maître RAMADANE GOUNOUTCH
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