À COMMUNAUTE ECONOMIQUE ET
% MONETAIRE DE L’AFRIQUE CENTRALE
‘AU NOM DE LA COMMUNAUTE "
COUR DE JUSTICE La Cour (Chambre Judiciaire) de Justice de la
Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale CHAMBRE JUDICIAIRE
-——=———0 (CEMAC), siégeant en audience publique à N’A
ARRÊT N°007/CJ/CEMAC/CJ/07 (République du Tchad) le trente et un mai deux mille sept et Du 31/05/2007 composée de Messieurs :
Affaire : Z B Ab — Antoine MARADAS Président,
Baptiste - DADJO GONI PA Juge Rapporteur,
(Mes MUNA, MUNA et Associés JUSTO ASUMU MOKUY Juge,
et ALLAÏSSEM K. DJAÏBE)
Assistée de Maître RAMADANE GOUNOUTCH, c/ Greffier ;
La BEAC A RENDU L’ARRET SUIVANT
(Mes Thomas DINGAMGOTO et
Esther Gisèle BETAYENNE) ENTRE
(Requête aux fins de sursis à M. Z B Ab — Baptiste, représenté par
exécution des décisions les Avocats MUNA, MUNA et Associés au Barreau du
n°PSC/879/YA du 13/12/2006
Cameroun et Me ALLAÏSSEM K. DJAÏBE, Avocat au
et n°PSC/888/YA du
14/12/2006) Barreau du Tchad, BP. 1011 A, auprès duquel
domicile est élu,
Demandeur, d’une part ;
Et
La Banque des Etats de l'Afrique Centrale (BEAC),
ayant pour conseils Me Esther Gisèle BETAYENNE,
Avocate au Barreau du Cameroun et Me Thomas
DINGAMGOTO, Avocat au Barreau du Tchad, BP. 1003
A, auprès duquel domicile est élu,
Défenderesse, d’autre part ;
LA COUR
Vu le Traité instituant la CEMAC et l'Additif audit Traité relatif au système
institutionnel et juridique,
Vu la Convention du 5 juillet 1996 régissant la Cour de Justice de la CEMAC,
Vu les Actes Additionnels n°10/06/CEMAC/CJ/CCE du 13/07/2006 et
n°11/06/CEMAC/C/J/CEE du 07/08/2006 portant nomination des membres de la Cour
de Justice de la CEMAC,
Vu l’Acte Additionnel n°006/CEMAC/041 — CCE — CJ — 02 du 14 décembre
2000 portant Statut de la Chambre Judiciaire de la Cour de Justice de la CEMAC,
Vu l’Acte Additionnel n°004/CEMAC/041 — CCE — CJ — 02 du 14 décembre
2000 portant Règles de procédure de la Chambre Judiciaire de la Cour de Justice de
la CEMAC,
Vu la requête du sieur Z B Ab — Baptiste introduite à la
Chambre Judiciaire le 1° février 2007 demandant l'annulation des décisions
n°PSC/7879/YA du 13/12/2006 et n°PSC/888/YA du 14/12/2006,
Vu la requête aux fins de sursis à exécution desdites décisions introduite le 1°
février 2007 par le sieur Z B Ab — Baptiste,
Sur rapport du Juge DADJO GONI,
Oui les parties en leurs observations tant écrites qu'orales,
Après en avoir délibéré conformément au droit communautaire,
Attendu que par requête enregistrée au greffe le 1/02/2007, ASSIGA —
AHANDA Jean-Baptiste, Directeur Central de crédit, Services centraux de la Banque
des Etats de l'Afrique Centrale (BEAC), demeurant à Yaoundé, BP.1917, ayant pour
conseil Maîtres MUNA, MUNA et Associés, Avocats au Barreau du Cameroun,
demeurant à Yaoundé, BP. 307, tél. 223 55 74, fax. 222 66 85 et Maître ALLAÏSSEM
K. DJAÏBE, Avocat au Barreau du Tchad, demeurant à N’A, BP.1011, tél. 52
49 99, fax. 52 36 86, a saisi la Cour de Justice de la CEMAC d'un recours en
annulation des décisions n°PSC/879/YA du 13/12/2006 l’ayant rétrogradé de la
classe | échelon 3 à la classe || échelon 4 et n°PSC/888/YA du 14/12/2006 portant le
taux de gratification au titre du mois de décembre 2006 à 0%.
Attendu que par une autre requête enregistrée au greffe à la même date, le
requérant demande à la Cour d’ordonner le sursis à exécution des décisions
attaquées.
Il expose :
qu’étant haut cadre de l’administration camerounaise, il est depuis 1976 au
service des institutions de la sous région de l'Afrique Centrale où il a occupé à
la grande satisfaction de ses chefs les fonctions ci-après :
- Directeur Général Adjoint de la BDEAC de 1976 à 1983 ;
- à la BEAC comme :
1. Directeur Central des Etudes et de la Documentation de 1983 à 1990,
2. Directeur Central de l'Emission Monétaire de 1990 à 1995,
3. Directeur Central des Relations Extérieures de 1995 à 1998,
4. Directeur Central de l'Informatique de 1998 à 2006 ;
qu'au cours d'une réunion en date du 12/10/2006, le Chef du projet
Informatique a informé l'assistance de la disparition de 40 appareils informatiques du
magasin de sa Direction,
que Monsieur le Gouverneur de la BEAC lui a déclaré alors devant les
directeurs centraux et les conseillers : « cette fois-ci je ne vous raterai pas, je ne
vous louperai pas, vous me trouverez sur votre chemin. »,
mais qu’en date du 12/12/2006, il lui a présenté ses excuses pour les propos
tenus,
qu’il a par la suite été nommé Directeur Central de Crédit,
que le Gouverneur lui fait notifier néanmoins le 13/12/2006 les décisions
n°PSC/879/YA portant sa rétrogradation et n°PSC/888/YA du 14/12/2006 portant
annulation de sa gratification à partir du 1° janvier 2007,
que ces décisions ne visant qu'à ternir sa carrière, il a introduit son recours
dans les forme et délai prévus par les articles 11 et 12 de l'Acte Additionnel
n°04/00/CEMAC/041 — CCE — CJ — 02 portant règles de procédure de la Chambre
Judiciaire de la Cour de Justice de la CEMAC,
qu’il y a urgence car les décisions litigieuses suppriment ses droits sociaux
acquis durant toute sa carrière, ont de répercussions graves et immédiates sur sa
/
rémunération et ont des conséquences définitives sur sa carrière en général, sur sa
retraite en particulier et lui causent un préjudice irréversible,
que les démarches entreprises pour une solution à l'amiable sont demeurées
vaines,
qu’il y a urgence à ordonner le sursis desdites décisions ;
que la mesure sollicitée ne trouble ni la sécurité, ni la tranquillité publique,
qu’en outre les décisions litigieuses ont été prises en violation des dispositions
de l’article 19 alinéa 2 des Statuts des Agents d'Encadrement Supérieur de la BEAC
qui stipule que : « lorsqu’une sanction est envisagée, l'agent est informé des faits qui
lui sont reprochés. || dispose d'un délai de dix jours pour présenter par écrit ses
explications » ; ainsi que celles de l’article 19 alinéa 4 des mêmes statuts qui
disposent que les sanctions de second degré que sont le blocage de l'avancement
pour une durée n’excédant pas 5 ans, la rétrogradation et le licenciement « ne
peuvent être prononcées par le Gouverneur qu’après avis du Conseil de discipline,
compte non tenu des cas prévus à l’article 20 alinéa 8. »,
que ce faisant le Gouverneur de la BEAC a violé le principe du contradictoire,
qu'au surplus les décisions attaquées ne relèvent pas les faits qui lui sont
reprochés alors que les fautes servant de base à une décision de sanction contre un
agent devraient être précisées, et ne mentionnent nullement les textes juridiques leur
servant de fondement légal,
que manquant de fondement en fait et en droit elles doivent être annulées,
qu’il plaise à la Cour de :
- déclarer recevable son recours,
- dire et juger qu'il y a urgence et péril en la demeure,
- dire et juger que la violation du droit de la défense, le défaut de motivation
constituent des motifs d'annulation desdites décisions et ordonner le sursis
à exécution des décisions n°PSC/879/YA du 13/12/2006 et n°PSC/888/YA
du 14/12/2006 prise par Monsieur le Gouverneur de la BEAC.
Attendu que dans son mémoire en défense du 30 avril 2007, reçu à la même
date au greffe de la Cour, le Conseil de la BEAC soulève des exceptions aux fins de
non recevoir, avant tout débat au fond ;
Sur l’immunité de juridiction
Le conseil de la BEAC affirme que l’article 8 de l'accord de siège confère à
celle — ci une immunité de juridiction sous tous ses aspects,
qu’ainsi la Cour de Justice de la CEMAC est incompétente pour connaître de
cette action ;
que même si par extraordinaire la BEAC renonçait à son immunité de
juridiction, seul le tribunal arbitral prévu par l’article 16 de l’accord de siège
connaîtrait d'abord de ce litige et la Cour de Justice de la CEMAC nr’interviendrait
qu’en appel de la décision dudit tribunal arbitral ;
Sur l’incompétence de la Cour
La Banque soutient que c'est à tort que le requérant a fondé son recours sur
l’article 21 de la Convention régissant la Cour de Justice de la CEMAC qui dispose
que : « La Chambre Judiciaire connaît en premier et dernier ressort des litiges entre
la Communauté et ses agents »,
que par contre pour la résolution de leur différend de travail, les agents de la
BEAC ne peuvent pas être considérés comme des agents de la Communauté
(personne morale au sens de l’article 35 de l’Additif au Traité de la CEMAC ) ;
qu’en l'espèce la Cour de Justice ne peut être compétente qu'en respectant
les dispositions relatives au tribunal arbitral prévues dans l'accord du siège et non
l’article 21 de la Convention régissant la Cour de Justice de la CEMAC ;
- Sur le défaut de qualité du requérant
Le conseil de la BEAC déclare que la personne physique mentionnée dans
l’article 13 de l’Acte Additionnel n°04/00/CEMAC — 041 — CCE — CJ -02 portant
règlement de procédure de la Chambre Judiciaire de la Cour de Justice de la
CEMAC est celle qui n’est pas attachée à un organe de la Communauté par un
contrat de travail spécifique ;
que seules les dispositions du statut régissant les agents d'encadrement
supérieur de la BEAC lui sont applicables ;
que les dispositions de l'article 21 de la Convention régissant la Cour de
Justice de la CEMAC ne peuvent donc pas lui être appliquées et que la Cour ne
pourra que déclarer irrecevable ce recours pour défaut de qualité du requérant.
- Sur la violation de l’article 16 des règles de procédure de la Chambre
Judiciaire
ledit article dispose : « la requête doit, à peine d’irrecevabilité indiquer les
noms, prénoms et adresses des parties, l’objet de la demande, contenir l’exposé
sommaire du litige et les moyens invoqués à l’appui de la demande et être
accompagnée de l'acte attaqué » ;
qu'ainsi l'identification des parties est requise dans un recours à peine
d’irrecevabilité ;
que la requête ne mentionne pas cette identification et que cette omission
rend le recours irrecevable ;
que ce recours doit être déclaré irrecevable pour ce motif.
- Sur le défaut de conditions requises pour accorder le sursis à
exécution
La défenderesse affirme qu’il résulte tant de la jurisprudence constante que de
la doctrine qu’une demande de sursis à exécution d’une décision ne peut être fondée
que si :
1. la requête principale est recevable,
2. le préjudice subi est irréparable,
3. l'urgence caractérisée ;
que s'agissant du premier point, la requête aux fins d’annulation des décisions
attaquées doit être déclarée irrecevable aux vues des exceptions soulevées ci-
dessus ;
que s'agissant de la réparation du préjudice, la mise en œuvre de la
procédure interne devant la Commission Supérieure d'arbitrage permet au requérant
d’entrer dans ses droits ;
qu’en outre la BEAC étant solvable la décision sera exécutée en cas de
condamnation ;
que s'agissant de l'urgence, il faut relever que les faits en cause remontent à
décembre 2006 qu’elle n’est donc pas caractérisée,
que la BEAC conclut que la demande du sursis à exécution est inopportune et
irrecevable ;
qu’elle soutient subsidiairement que la suppression ou la réduction de la
gratification ne figurant pas dans la nomenclature des sanctions disciplinaires
définies, la décision de gratification n’est pas une mesure disciplinaire,
que la gratification n’est pas un élément du salaire car elle est accordée de
façon discrétionnaire par le Gouverneur ;
qu’elle n'est ni générale, ni constante, ni fixe et ne dépend uniquement que
de l’employeur ;
que le sursis ne se justifie donc pas sur ce point,
que la BEAC reconnaît le caractère disciplinaire de la décision de
rétrogradation mais déclare que contrairement aux allégations du requérant cette
décision a bien été motivée, que le requérant est le premier responsable de sa
direction et que sa défaillance a facilité des disparitions répétées des matériels et
équipements informatiques constatées en 2000, 2001 et 2006, qu’il a accusé de
carence dans sa manière de servir caractérisée par le non enregistrement des
entrées et sorties des matériels, l'absence des procès verbaux de passation de
service des responsables du magasin, l'absence d'inventaires périodiques des
stocks, l'inexistence des fiches des stocks, l'absence de contrôle périodique des
stocks par un responsable autre que le magasinier, ainsi qu'il ressort d’un rapport
d'inspection du contrôle général ;
que l'urgence sur ce point fait également défaut ;
qu’il plaise à la Cour de :
- déclarer les exceptions aux fins de non recevoir fondées,
- dire que les conditions de sursis à exécution ne sont pas réunies, et rejeter
la demande de sursis à exécution.
Discussion
Sur les exceptions aux fins de non recevoir soulevées par la défenderesse
- Sur l’immunité de juridiction
S'il est constant que l’article 8 de l'accord de siège entre le Cameroun et la
Banque des Etats de l'Afrique Centrale (BEAC) confère à celle-ci une immunité de
juridiction, il n'en reste pas moins vrai que cet accord ne porte que sur les relations
entre le Cameroun et la BEAC ; il résulte donc que l'immunité de juridiction qu'il
institue se limite aux juridictions camerounaises qui ne peuvent connaître d'un litige
contre cette Banque qu'en application des dispositions de l’article 16 dudit accord de
siège instituant un tribunal arbitral ;
Ce point est à rejeter comme mal fondé ;
- Sur l’incompétence de la Cour
Contrairement aux allégations de la défenderesse, il résulte des dispositions
de l’article 2 du Traité instituant la Communauté qu'elle est composée de 4
institutions et des organes dont la BEAC ; il s’en suit qu’un agent d’une institution ou
d'un organe est nécessairement un agent de la Communauté (CEMAC) ;
les dispositions de l’article 21 de la Convention régissant la Cour de Justice de
la CEMAC sont donc applicables au requérant ;
En conséquence la Cour est compétente à connaître de ce litige d’autant plus
que le requérant est un agent du régime international de la BEAC et partant de la
Communauté ;
Ce moyen est à rejeter ;
- Sur le défaut de qualité du requérant
La BEAC déclare que les dispositions de l’article 13 de l’Acte Additionnel
n°04/00/CEMAC/ - 041 — CCE — CJ - 02 portant règlement de procédure de la
Chambre Judiciaire concernent les personnes physiques autres que celles liées à un
organe de la Communauté par un contrat spécifique ;
Il est à relever que l’article 13 ci-dessus cité dispose que : « la Chambre
Judiciaire est saisie, soit par requête d’un Etat membre, du Secrétaire Exécutif, d’une
institution, d’un organe de la CEMAC et de toute personne physique ou morale
justifiant d’un intérêt certain et légitime, soit par notification d’un compromis, soit par
renvoi des juridictions nationales ou des organismes à fonction juridictionnelle.
Les personnes physiques ou morales requérantes doivent en outre jouir de la
capacité d’ester en justice » ; cet article ne fait pas de distinction entre personne
attachée à la Communauté par un contrat spécifique de travail et celle qui ne l’est
pas;
Il s’ensuit que le requérant est bien concerné par l'article 13 précité ;
- Sur la violation de l’article 16 des règles de procédure de la Chambre
Judiciaire
Il est à relever que l’article 16 de l'Acte Additionnel n°04/00/CEMAC — 041 —
CCE — CJ — 02 portant règlement de procédure de la Chambre Judiciaire de la Cour
de Justice de la CEMAC exige du requérant à peine d'irrecevabilité d'indiquer dans
sa requête entre autres les noms, prénoms et adresses des parties ;
Mais si l'adresse de la défenderesse n'apparaît pas tant dans la requête
introductive que dans son mémoire, il y a cependant lieu de relever que les
indications exigées à peine d'irrecevabilité ont pour but d'éviter toute confusion et
surtout de pouvoir contacter la partie en cause qui n'est autre que la BEAC en
l'espèce, la seule évocation de la Banque des Etats de l’Aa Ac XY) ou
de son Gouverneur suffit pour contacter l'unique Institut d'Emission de la sous
région ;
Sur les conditions requises pour accorder le sursis à exécution
- Sur la recevabilité du recours
Les décisions attaquées étant du 13/12/2006 et du 14/12/2006, la requête
introductive a été enregistrée au greffe le 1° /02/2007 ; que ce recours est introduit
conformément au délai de 2 mois prévu par l’article 12 de l’Acte Additionnel
n°04/00/CEMAC — 041 —- CCE — CJ - 02 portant règlement de procédure de la
Chambre Judiciaire ; il est donc recevable, d'autant plus qu’il a été introduit
conformément à l'article 57 de l’Acte Additionnel n°04 du règlement de procédure de
la Chambre Judiciaire qui dispose que « les recours formés devant la Chambre n'ont
pas d'effet suspensif. Toutefois la Chambre peut ordonner le sursis à exécution des
actes contestés devant elle » ;
- Sur le bien fondé du sursis à exécution
Attendu que si les décisions entreprises causent au requérant un préjudice
pécuniaire certain, ce préjudice ne saurait être considéré comme irréparable, la
Banque étant solvable ;
que la gravité évoquée de sa rétrogradation et ses répercussions sur sa
rémunération ne justifient pas l'urgence ;
qu'il convient de rejeter la demande de sursis à exécution formulée et de
réserver les dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard des parties, en matière de
droit communautaire,
déclare la requête du sursis à exécution recevable, mais mal fondée,
la rejette,
réserve les dépens.
Ainsi jugé et prononcé en audience publique à C, le trente et un mai
deux mille sept.
Et ont signé le Président, les Juges et le Greffier.
Maître RAMADANE GOUNOU'R
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