COMMUNAUTE ECONOMIQUE ET
MONETAIRE DE L’B C
COUR DE JUSTICE ‘" AU NOM DE LA COMMUNAUTE "
CHAMBRE JUDICIAIRE
-—— La Cour (Chambre Judiciaire) de Justice de la
ARRÊT N°003/CJ/CEMAC/CI/08 Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale Du 20/11/2008 (CEMAC), siégeant en audience publique à N’Ac
—_seuen==——== (République du Tchad) le vingt novembre deux mille huit et Affaire A X Ad
Aa composée de :
(Me Thomas DINGAMGOTO)
M. Antoine MARADAS, Président ;
c/ - JUSTO ASUMU MOKUY, Juge Rapporteur,
Mme Julienne ELENGA N'GAPORO, Juge,
Commission CEMAC
Assistée de Maître RAMADANE GOUNOUTCH, Greffier ;
(Requête aux fins d'annulation
de la Décision n°01/07 — UEAC A RENDU L'’ARRET SUIVANT
ENTRE
X Ad Aa, ayant pour conseil Maître
Thomas DINGAMGOTO, Avocat au Barreau du Tchad,
BP. 1003 N'Djaména, auprès duquel domicile est élu,
Demanderesse, d’une part ;
Et
La Commission de la Communauté Economique et
Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC), BP. 969
BANGUI (RCA), représentée par son conseiller juridique ;
Défenderesse, d'autre part ;
LA COUR
Vu le Traité instituant la CEMAC et l’Additif audit Traité relatif au système
institutionnel et juridique,
Vu la Convention du 5 juillet 1996 régissant la Cour de Justice de la CEMAC,
Vu l’Acte Additionnel n°006/CEMAC/041 — CCE — CJ — 02 du 14 décembre
2000 portant Statut de la Chambre Judiciaire de la Cour de Justice de la CEMAC,
Vu l'Acte Additionnel n°004/CEMAC/041 — CCE — CJ — 02 du 14 décembre
2000 portant Règles de procédure de la Chambre Judiciaire de la Cour de Justice de
la CEMAC,
vu les Actes Additionnels n°10/06/CEMAC/CJ/CCE du 13/07/2006,
n°11/06/CEMAC/CJ/CCE du 07/08/2006 et n°14/07 — CEMAC — 008 — CJ — CCE -
08 du 25/04/2007 portant nomination des membres de la Cour de Justice de la
CEMAC,
Vu la requête introduite le 11/10/2007 par Maître Thomas DINGAMGOTO
pour le compte de son client X Ad Aa,
Sur rapport du Juge JUSTO ASUMU MOKUY,
Oui le requérant en ses observations tant écrites qu’orales,
Après en avoir délibéré conformément au droit communautaire,
Par requête en date du 10/10/2007enregistrée au greffe le 11/10/2007 sous le
n°015 Maître Thomas DINGAMGOTO, Avocat à la Cour, BP. 1003 N'Djaména,
agissant au nom et pour le compte de Monsieur X Ad Aa a
saisi la Cour de Justice de la CEMAC d'un recours aux fins d'annulation de la
décision du Conseil des Ministres de la CEMAC n°01/07 — UEAC — CM — 15 du
19/03/2007 par laquelle le Conseil des Ministres opte pour l’exclusion de M.
X Ad Aa du corps des fonctionnaires de l'Ecole Inter — Etats
des Douanes de la CEMAC.
Le conseil du requérant expose :
- que M. X Ad Aa avait saisi la Cour aux fins
d’annulation de la décision n°72/CEMAC/EIED du 17/11/2005 prise par le
Directeur de l'Ecole Inter — Etats des Douanes le licenciant de ses
fonctions d’enseignant permanent à ladite Ecole, et ce après 6 ans de
service, pour violation de règles de procédure communautaire ;
- que statuant sur ce recours, la Cour de Justice de la CEMAC a, par arrêt
n°02/CJ/CEMAC/CJ/06 du 17/11/2006, déclaré nulle et de nul effet la
décision attaquée et a invité le Conseil d'administration, organe suprême
de l'E.l.E.D. de prendre toutes les mesures pour l'exécution dudit arrêt ;
- que lors de ces travaux à N'Djaména le 10/03/2007, le Conseil
d'administration a recommandé au Directeur de l'E.!.E.D la réintégration de
Monsieur X Ad Aa dans ses fonctions et la
négociation avec lui des modalités pratiques des paiements de ses
arriérés ; qu'à cet effet une équipe a été mise en place pour prendre
contact avec le requérant aux fins d’exécution de l'arrêt de la Cour ;
qu’alors que le requérant attendait de prendre contact avec l’équipe
constituée en vue de l'exécution des recommandations du Conseil
d'administration de l’École du 10/03/2007 à N'Djaména, une autre décision
n°01/07 — UEAC/CEMAC prise par le Conseil des Ministres en date du
19/03/2007 l’exclut du corps des fonctionnaires de l'Ecole ;
- qu’en date du 18/04/2007, le Directeur de l’E.l.E.D, ayant choisi d’exécuter
la décision du Conseil des Ministres au détriment de l'arrêt rendu par la
Cour de Justice de la CEMAC et les recommandations du Conseil
d'administration, a donné des instructions au service comptable et financier
de l'Ecole pour préparer le départ de l'intéressé.
Le requérant soutient que la décision prise par le Conseil des Ministres
constitue sans doute un licenciement et qu’en vertu de l'article 78 et suivants du
Règlement portant statut des fonctionnaires du Secrétariat Exécutif applicable aux
fonctionnaires de l’Ecole (article 16 du statut de l'Ecole), seul le Secrétaire Exécutif
est habilité à prononcer une telle sanction et ce après avoir observé une certaine
procédure ; qu'au regard donc de ces articles, le Conseil des Ministres est
incompétent pour prononcer une telle sanction à l'encontre d’un fonctionnaire de la
CEMAC et surtout à un personnel de l’E.l.E.D.
Le requérant dénonce par ailleurs la décision du Conseil des Ministres comme
insuffisamment motivée car évoquant simplement “ le seul souci de préserver le bon
fonctionnement de l'Ecole, ” que la prétendue faute grave à lui reprochée n’est pas
prouvée et que la décision est fondée sur des simples allégations sans démontrer en
quoi la présence du requérant au sein de l'Ecole risque de perturber son bon
fonctionnement. Il soutient que même s'il y a faute, le Conseil des Ministres devrait
s'adresser au Secrétariat Exécutif qui devrait se prononcer sur le cas, étant entendu
que le requérant est un fonctionnaire de la CEMAC au regard des articles 78 et 16
précités.
Le requérant signale avoir saisi le Conseil des Ministres en date du 28/052007
en recours gracieux l’invitant à rétracter sa décision ; mais que celui — ci a gardé
silence.
De tout ce qui précède, il conclut à la recevabilité de sa requête, à l'annulation
de la décision n°01/07 — UEAC — CM — 15 du 19/03/2007 l’excluant du corps des
fonctionnaires de l'E.l.E.D. et à sa réintégration dans ses fonctions.
La Commission de la CEMAC qui, par lettre n°046/CJ/CEMAC/CJ/G/07 du
29/10/2007 rappelée par celle n°01/CJ/CEMAC/CJ/JR du 17/01/2008, à été invitée à
présenter son mémoire en défense n'a pas donné suite ;
DISCUSION
Mr. X Ad Aa ancien fonctionnaire de l’ |.E.D a saisi
la Cour de Justice de la CEMAC aux fins d’annulation de la Décision N° 01/07-
UEAC-CM-15 du 19/03/07du Conseil des Ministres le relevant des corps des
fonctionnaires dudit organe de la Communauté, au motif que l'acte a été pris par un
organe incompétent.
Il convient de rappeler que le service du greffe de la Chambre a notifié la
requête du demandeur au service juridique de la Commission le 17 janvier 2008 aux
fins de conclusions en défense. Mais en raison du mutisme de la partie
défenderesse, Un rappel lui a été adressé le 18 juillet 2008 sans succès ;
La Cour doit se prononcer sur sa compétence à connaître de cette affaire, sur
la recevabilité de la demande et examiner la compétence du Conseil des Ministres à
prendre la Décision attaquée avant d'aborder le fond de cette affaire.
Sur la compétence de la cour
La compétence de la Cour ressort de la combinaison des articles 4 al.3, 21 de
la convention régissant la Cour de justice et 48 de l’Acte Additionnel portant statut de
la Chambre Judiciaire ; en vertu de celles ci : la Cour est juge en premier et dernier
ressort des litiges nés entre la CEMAC et les agents des institutions et organes à
l'exception de ceux régis par le contrat de droit local. Par conséquence la Chambre
Judiciaire connaît en premier et dernier ressort des litiges entre la Communauté et
ses agents.
Le requérant étant un fonctionnaire de la Communauté jusqu'à la date de son
licenciement, et le Conseil des Ministres un des principaux organes de la CEMAC,
donc la compétence de la Cour est retenue, conformément aux articles précités.
Sur la recevabilité
Après examen de la requête, l’article 13 du règlement de procédure relatif à la
présentation de la requête est bien respecté ainsi que l’article 12 dudit règlement
concernant le délai prescrit pour sa présentation devant la Chambre Judiciaire.
Après avoir constaté que le requérant avait présenté en date du 01/05/07 un recours
gracieux devant le Président en exercice du Conseil des Ministre et devant le silence
de celui-ci, le requérant a bien saisi la Cour dans le délai prévu, donc il y a lieu de
déclarer cette requête recevable en la forme.
Sur la compétence du Conseil des Ministres
à prendre la Décision attaquée
L’article 2 al.2 du Traité de la CEMAC dispose que les principaux organes de
la Communauté sont entre autres, le Conseil des Ministres de l'Union Economique
de l’B C, dans le même sens s'exprime l'article 1 al.2 de l’Additif au
Traité, qui dispose dans son titre || consacré au système institutionnel et juridique
de la Communauté que le Conseil des Ministres est l’un des organes de décision en
précisant ses compétences de l'article 8 à 11 respectivement développées dans la
Convention régissant l'Union Economique de l’B C. De l'examen de
tous ces textes, il ne ressort aucune action directe dudit organe contre les actes
disciplinaires des fonctionnaires de la Communauté.
Par contre l’article 4 al8 du statut de l'Ecole dispose que : le Conseil
d'administration nomme et révoque le personnel cadre de l’école.
En vertu de son article 16, le statut du personnel du Secrétariat exécutif
s'applique aux fonctionnaires de l'école.
L'article 76 du statut classe les sanctions à infliger aux fonctionnaires de la
Communauté entre sanctions mineures et sanctions majeures, le licenciement étant
considérée comme sanction majeure.
Et l'article 89 du statut précise : « Le licenciement est prononcé par le
Secrétariat Exécutif et notifié par écrit au fonctionnaire qui en fait l’objet ».
Il ressort de l'analyse de ses articles que les organes compétents pour
prononcer le licenciement d’un fonctionnaire cadre de la Communauté sont le
Conseil d’administration de l’organe et le Secrétaire Ab dans la mesure ou
l’article 6 du statut des fonctionnaires dispose clairement que les fonctionnaires sont
soumis a l'autorité du Secrétaire Exécutif de la Communauté.
Toutefois le Conseil des Ministres, en tant qu’organe de décision de la
Communauté peut initier une procédure devant le Conseil d’administration ou devant
le Secrétaire Exécutif tendant à obtenir le licenciement d’un fonctionnaire dont le
comportement a été mis en cause par le Conseil des Ministres.
De tout ce qui précède nous concluons à l’incompétence du Conseil des
Ministres à prendre la Décision attaquée,
Au Considérant que l’incompétence suppose un défaut de pouvoir matériel qui conduit à l'annulation de l’acte posé ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de droit communautaire,
En la forme :
- Se déclare compétente pour connaître de cette requête,
- Déclare recevable l’action du requérant ;
fond :
- Dit que le conseil des Ministres de l'UEAC est incompétent à prendre la
Décision attaquée ;
- Annule la Décision n°01/07/UEAC — CM — 15 du 19/03/2007 relevant un
fonctionnaire de l’École Inter — Etats des Douanes ;
- Demande que le requérant soit réintégré dans ses fonctions ;
- Ordonne la notification du présent arrêt au Directeur de l'Ecole Inter —
Etats des Douanes pour son application conformément aux textes en
vigueur ;
- Condamne la Commission de la CEMAC aux entiers dépens.
Ainsi jugé et prononcé en audience publique à N'Djamena, le vingt novembre
deux mille huit.
Et ont signé le Président, les Juges et le Greffier.
M. ANTOINE MARADAS
M. JUSTO ASUMU MOKUY Mme Julienne ELENGA N’GAPORO
JUGE RAPPORTEUR JUGE
Maître RAMAD