COUR DE JUSTICE
CHAMBRE JUDICIAIRE
ARRÊT N°004/2015 - 16
Du 04/02/2016
Affaire : Société FIRST TRUST SAVINGS AND LOAN S.A.
(Me BITANG à NGON)
B X
(Me DJIO André )
(Requête aux fins de sursis à exécution)
COMMUNAUTE ECONOMIQUE ET
MONETAIRE DE L’AFRIQUE CENTRALE
“ AU NOM DE LA COMMUNAUTE "
La Cour (Chambre Judiciaire) de Justice de la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC), siégeant en audience publique à N’Aa (République du Tchad) le quatre février deux mille seize et composée de :
A M. DADJO GONI, Président ;
- M. Georges TATY, Juge Rapporteur ;
= M. JUSTO ASUMU MOKUY, Juge ;
Assistée de Maître RAMADANE GOUNOUTCH, Greffier ;
A RENDU L'ARRET SUIVANT
ENTRE
La Société FIRST TRUST SAVING AND LOAN S.A. (1°" FIRST) dont le siège social est à Ab C A, prise en la personne de son représentant légal, assistée de Me BITANG à NGON, Avocat au Barreau du Cameroun ;
partie requérante, d’une part ;
Monsieur B X, représenté par Me DJIO André, Avocat au Barreau du Cameroun, ayant élu domicile auprès de Me MASRANGUE TRAHOGRA du Cabinet d'Avocats LEGIS TRAHOGRA, Avocat au Barreau du Tchad, BP. 6492 — N'Djaména ;
LA COUR
Vu la requête introduite par la Société FIRST TRUST SAVINGS enregistrée
au greffe le 13 août 2015, requête tendant à ce qu'il plaise à la Cour de constater
que la Cour d'Appel du Littoral à Ab C A à violé les règles relatives au
recours préjudiciel prévu à l’article 17 de la Convention régissant la Cour de Justice
de la CEMAC, et de rendre un arrêt donnant une interprétation exacte des articles
10, 177, 186, 187 et 189 du Règlement n°02/03/CEMAC/UMAC du 04 avril 2003
relatif aux systèmes, moyens et incidents de paiement, dans le cadre d’un litige
l’opposant à Mr. B X né d’un incident de paiement ;
Vu la requête du 12 août 2015 par laquelle la requérante demande à la Cour
d’ordonner le sursis à exécution de l'arrêt n°039/C du 20 mars 2015 rendu par la
Cour d’Appel du Littoral, jusqu’à ce qu’il soit statué sur le recours principal ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le Traité de la CEMAC ;
Vu l’Acte Additionnel n°006/CEMAC/041 — CCE —- CJ — 02 du 14 décembre
2000 de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement portant statut de la
Chambre Judiciaire de la Cour de Justice de la CEMAC ;
Vu l’Acte Additionnel n°004/CEMAC/041 — CCE — CJ — 02 du 14 décembre
2000 de la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement portant règlement de
procédure de la Chambre Judiciaire de la Cour de Justice de la CEMAC ;
Vu l’Acte Additionnel n°01 du 11 mai 2012 autorisant les membres de la Cour
en fin de mandat à rester en fonction jusqu’à l'installation de leurs remplaçants ;
Oui Monsieur Georges TATY, Juge Rapporteur, en son rapport ;
Oui les parties en leurs observations tant orales qu’écrites ;
Après en avoir délibéré conformément au droit communautaire ;
Faits de la cause
Selon la requérante, M. B X est un client de la Société FIRST
TRUST SAVINGS AND LOAN, et qu’à ce titre celui-ci a toujours bénéficié de tous les
services, notamment en matière de virements ;
Le 15 janvier 2004, sur instruction de son client, elle exécutait au profit de la
CREDIT CITY MORTAGE un ordre de revirement de 2.500 dollars ;
Le numéro du compte s'étant avéré inexact, elle était saisie par lettre de la
banque CREDIT CITY MORTAGE d’une demande de régularisation.
Ayant pris connaissance du contenu de cette correspondance et après avoirs
mis tout en œuvre pour localiser M. B X qui n’avait laissé aucune
adresse connue au Cameroun, elle créditait une fois les fonds rapatriés, les comptes
de celui-ci le 28 avril 2004.
Dès lors, elle crédite, une fois les fonds rapatriés, le compte de son client le 28
avril 2004.
Le 02 mars 2012, suivant exploit de Me KOUBEL, Huissier de justice à
Ab, M. B l’assignait devant le Tribunal de Grande Instance de Wouri en
paiement de dommages et intérêts d’un montant de 500.000.000 FCFA, au motif que
l’inexécution de l’ordre de virement lui aurait valu la perte de sa résidence
américaine.
Vidant sa saisine, le tribunal faisait droit à sa demande en la condamnant au
paiement de la somme globale de 249.678.050 FCFA tous préjudices confondus.
La Cour du littoral saisie infirmait partiellement ce jugement et statuant en
dernier ressort, ramenait la condamnation à la somme de 10.000.000 F CFA, au titre
du préjudice moral.
C’est dans ces conditions qu’elle a introduit devant la Cour de Justice de la
CEMAC un recours dirigé contre l’arrêt de la Cour d'Appel du Littoral, motif pris de ce
que statuant en dernier ressort, cette juridiction nationale n’aurait pas saisi la
juridiction communautaire d’un renvoi préjudiciel en interprétation des articles 10,
177, 186 et 189 du Règlement CEMAC/UMAC relatif au système, moyens et
incidents de paiement, comme l’article 17 de la Convention régissant ladite Cour lui
en faisait obligation.
Parallèlement à ce recours, elle a demandé qu’il soit ordonné le sursis à
exécution de l'arrêt querellé jusqu'à décision au principal, mettant en évidence le
préjudice irréparable qui résulterait de son exécution.
Me André DJIO réfute les arguments invoqués par la requérante et conclut au
rejet de la demande de sursis, au motif qu’elle relèverait plutôt de la compétence du
Président de la Cour Suprême du Cameroun qui a, dans le même litige opposant les
mêmes parties, rejeté une telle demande par ordonnance n°680 du 05 novembre
2015.
Motifs de l’arrêt
Considérant que la requérante a saisi la Cour de céans d’une demande de
sursis à exécution de l’arrêt n°039/CC du 20 mars 2015 rendu par la Cour d’Appel du
littoral à Ab ;
Considérant que l’article 57 du Règlement de procédure qui traite du sursis à
exécution dispose in fine :
° les recours formés devant la Chambre n’ont pas d'effet suspensif. Toutefois
la Chambre peut ordonner le sursis à exécution des actes contestés devant elle.”
Il ressort de l’analyse de ce texte que l'expression ‘’les actes contestés” doit
s'entendre de manière restrictive, en ce sens qu’elle ne concerne que les actes
unilatéraux pris par les institutions et les organes de la Communauté et qui sont
susceptibles d’être attaqués devant la Cour de Justice de la CEMAC ;
Considérant qu’il ressort des pièces versées au dossier que l'acte contesté est
un arrêt rendu le 20 mars 2015 par la Cour d'Appel du littoral de Ab ;
La Cour estime qu’une telle décision ayant un caractère juridictionnel de droit
interne n’est pas au nombre des actes qui entrent dans le champ d’application de
l’article 57 susvisé ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de droit
communautaire,
Se déclare incompétente pour ordonner le sursis à exécution d’un arrêt
rendu par la Cour d’Appel du Littoral,
Reserve les dépens.
Ainsi jugé et prononcé en audience publique à N’Aa, les jour, mois
et an que dessus.
Ont signé le Président, les Juges et le Greffier.
. M. DADJO GONI JUGE M. Georges RAPPORTEUR PB f( TATY " JUGE