N° 42/CJ-CM du Répertoire ; N° 2016-012/CJ-CM du greffe ; Arrêt du 22 décembre 2017 ; ECOBANK-Bénin SA C/ Aa Ac de CAMPOS
Compétence de juridiction - Contestation en matière d’honoraires – Procédure de pourvoi en cassation contre la décision du Premier président de la Cour d’appel – Silence des dispositions du règlement n°5/CM/UEMOA relatif à l’harmonisation des règles régissant la profession d’avocat quant aux voies de recours extraordinaires dont est susceptible d’être l’objet de la décision du Premier président – Application automatique des dispositions du code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes relatives au pourvoi en cassation
Cas d’ouverture à cassation – Violation par fausse application et refus d’application - Cassation
Effet non rétroactif des lois de procédure
Recevabilité d’une action en justice – Point de départ
Dans le silence des dispositions du texte communautaire régissant la procédure de pourvoi en cassation contre la décision du Premier président de la Cour d’appel en matière de contestation d’honoraires d’avocat, il est fait application des dispositions du code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes relatives au pourvoi en cassation.
La violation de la loi par fausse application ou refus d’application est un cas d’ouverture à cassation.
Les lois de procédure sont d’application immédiate, elles n’ont point d’effet rétroactif.
La recevabilité d’une action s’apprécie à la date de la saisine.
La Cour,
Vu l’acte n° 02/2016 du 11 octobre 2016 du greffe de la cour d’appel de Cotonou par lequel ledit greffe certifie avoir reçu la correspondance en date à Cotonou de la même date par laquelle maître
Vincent TOHOZIN, conseil de la société ECOBANK-Bénin S.A., a déclaré se pourvoir en cassation contre les dispositions de l’arrêt n°2/CM rendu le 10 octobre 2016 par le premier président de cette cour ;
Vu la transmission du dossier à la Cour suprême ;
Vu l’arrêt attaqué ;
Vu la loi n° 2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour suprême ;
Vu la loi n° 2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour suprême ;
Vu la loi n° 2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes ;
Vu les pièces du dossier ;
Ouï à l’audience publique du vendredi 22 décembre 2017 le président Dieudonnée Amélie ASSIONVI épouse C en son rapport ;
Ouï l’avocat général Onésime Gérard MADODE en ses conclusions ;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que suivant l’acte n° 02/2016 du 11 octobre 2016 du greffe de la cour d’appel de Cotonou, ledit greffe certifie avoir reçu la correspondance en date à Cotonou de la même date par laquelle maître Vincent TOHOZIN, conseil de la société ECOBANK-Bénin S.A., a déclaré se pourvoir en cassation contre les dispositions de l’arrêt n°2/CM rendu le 10 octobre 2016 par le premier président de cette cour ;
Que par lettre n° 052/GCS du 04 janvier 2017, maître Vincent TOHOZIN a été mis en demeure d’avoir à consigner dans un délai de quinze (15) jours et à produire son mémoire ampliatif dans un délai de deux (02) mois conformément aux dispositions des articles 931 alinéa 1 et 933 du code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes ;
Que par requête en date du 8 février 2017, ledit conseil a saisi la haute Juridiction d’une demande d’abréviation des délais de procédure ;
Que faisant droit à sa demande, le président de la Cour suprême a pris l’ordonnance n° 2017-012/PCS/SG/CAB du 17 février 2017 qui a été notifiée aux parties par correspondances n°527 et 528/GCS du 21 février 2017 ;
Que les mémoires ampliatif et en défense ont été produits ;
Que le parquet général a produit ses conclusions qui ont été communiquées aux parties conformément aux dispositions de l’article 937 du code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes ;
Qu’en réplique aux conclusions du ministère public, maître Vincent TOHOZIN a produit ses observations par courrier en date du 30 août 2017 tandis que maître Yves KOSSOU, conseil de Ac Aa B, n’a pas réagi ;
En la forme
Sur la compétence de la Cour suprême
Attendu que Ac Aa de CAMPOS décline la compétence de la Cour suprême à connaître du présent pourvoi ;
Qu’il estime que le règlement n° 05/CM/UEMOA du 25 septembre 2014 relatif à l’harmonisation des règles régissant la profession d’avocat dans l’espace UEMOA, en ses dispositions relatives aux contestations en matière d’honoraires, n’a pas prévu de procédure de pourvoi en cassation contre la décision du premier président de la Cour d’appel à l’inverse de celles relatives à la procédure disciplinaire ;
Mais Attendu qu’en cas de silence d’une loi spéciale de procédure, les dispositions générales de la procédure de droit commun retrouvent application ;
Qu’en l’espèce, les dispositions du règlement n° 5/CM/UEMOA du 25 septembre 2014 relatif à l’harmonisation des règles régissant la profession d’avocat dans l’espace communautaire sont silencieuses quant aux voies de recours extraordinaires dont est susceptible d’être l’objet la décision du premier président de la Cour d’appel en matière de contestations d’honoraires ;
Qu’en conséquence, les dispositions de l’article 918 et suivants du code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes relatives au pourvoi en cassation s’appliquent;
Qu’il y a lieu de rejeter l’exception d’incompétence soulevée ;
Sur la recevabilité du pourvoi
Attendu que le pourvoi ayant été élevé dans les forme et délai légaux, il y a lieu de le déclarer recevable ;
Au fond
Faits et procédure
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que saisi d’un contentieux d’honoraires initié par la société ECOBANK-Bénin S.A, le bâtonnier de l’ordre des avocats du Bénin a, par décision n°02/15 du 17 novembre 2015, entre autres, rejeté comme non fondé le moyen d’irrecevabilité pour cause de prescription soulevé par Ac Aa de CAMPOS, dit que les procédures initiées aux fins de recouvrement de créances confiées à ce dernier forment un seul et même dossier, fixé le total des honoraires de Ac Aa de CAMPOS à la somme de cent trois millions neuf cent cinquante sept mille huit cent soixante et un (103 957 861) FCFA, lui a ordonné de restituer à la société ECOBANK-Bénin S.A la somme de cent dix sept millions seize mille deux cent vingt sept (117 016 227) FCFA puis, a ordonné la restitution sans condition par Ac Aa B à la société ECOBANK-Bénin S.A des pièces du dossier à lui confié sous astreinte comminatoire de un million (1 000 000) FCFA par jour de retard à compter de la notification de la décision ;
Que sur appel de Ac Aa de CAMPOS, le premier président de la cour d’appel a rendu le 10 octobre 2016 l’arrêt infirmatif n°02/CM ;
Que c’est cet arrêt qui fait l’objet du présent pourvoi ;
Discussion des moyens;
Sur le quatrième moyen tiré de la violation des articles 92 et 56 du règlement n° 5/CM/UEMOA du 25 septembre 2014 relatif à l’harmonisation des règles régissant la profession d’avocat dans l’espace UEMOA et des règles communautaires UEMOA sur la prescription en matière de contentieux d’honoraires
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué de la violation des articles 92 et 56 du règlement n° 5/CM/UEMOA du 25 septembre 2014 relatif à l’harmonisation des règles régissant la profession d’avocat dans l’espace UEMOA et des règles communautaires UEMOA sur la prescription en matière de contentieux d’honoraires en ce qu’il a déclaré irrecevable, pour cause de prescription le recours initié par ECOBANK Bénin X contre Ac Aa de CAMPOS suivant lettre de saisine du bâtonnier du 22 janvier 2014 aux motifs que « l’article 56 du règlement n° 5/CM/UEMOA du 25 septembre 2014 relatif à l’harmonisation des règles régissant la profession d’avocat dans l’espace UEMOA indique que toute contestation soulevée à l’expiration du délai de deux années suivant le versement de la provision ou de l’honoraire par le client est irrecevable ; que les règles contenues dans l’article 56 sont des règles de procédure ; que les règles de procédure en toute matière sont d’application immédiate ; qu’il y a lieu de déclarer irrecevable toute procédure contre l’exécution d’une convention vieille de sept (07) ans pendant que de nouvelles règles sont entrées en vigueur », alors que, selon le moyen, l’article 92 du règlement n° 5/CM/UEMOA du 25 septembre 2014 a prévu que ledit règlement entre en vigueur à partir du 1er janvier 2015 ; que ce texte, ne pouvait donc pas régir, en son article 56, un contentieux d’honoraires élevé depuis le 22 janvier 2014 soit 11 mois 22 jours avant son entrée en vigueur ;
Qu’en le faisant rétroagir à une situation antérieure à l’entrée en vigueur dudit règlement, le premier président de la cour d’appel a violé les textes sus rappelés à savoir l’article 56 par fausse application et l’article 92 par refus d’application ;
Attendu, en effet, que l’article 92 du règlement n° 5/CM/UEMOA du 25 septembre 2014 relatif à l’harmonisation des règles régissant la profession d’avocat dans l’espace UEMOA dispose que « … le présent règlement, qui entre en vigueur à compter du 1er janvier 2015, sera publié au bulletin officiel de l’UEMOA » ;
Que s’il est vrai que les lois de procédure sont d’application immédiate, elles n’ont point d’effets rétroactifs ;
Que de ce fait, la recevabilité d’une action en justice s’apprécie à la date de la saisine sous l’égide de la loi en vigueur ;
Qu’en se fondant sur l’article 56 du règlement UEMOA pour déclarer irrecevable pour cause de prescription l’action en contestation d’honoraires initiée bien avant la mise en vigueur dudit règlement aux motifs que « de nouvelles règles sont entrées en vigueur », le premier président de la cour d’appel a violé ledit article par fausse application et l’article 92 du même règlement par refus d’application ;
Que sa décision encourt cassation sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens soulevés ;
Par ces motifs
Reçoit en la forme le présent pourvoi ;
Au fond, casse et annule en toutes ses dispositions l’arrêt n°02/CM/016 rendu le 10 octobre 2016 par le premier président de la cour d’appel de Cotonou ;
Renvoie la cause et les parties devant la cour d’appel de Ab Apremier président) autrement composée ;
Met les frais à la charge de Ac Aa de CAMPOS
Ordonne la notification du présent arrêt au procureur général près la cour d’appel de Cotonou ainsi qu’aux parties ;
Ordonne la transmission en retour du dossier au procureur général près la cour d’appel de Cotonou ;
Ainsi fait et délibéré par la Cour suprême (chambre judiciaire) composée de :
Dieudonnée Amélie ASSIONVI épouse AMOUSSOU, président de la chambre judiciaire ;
PRESIDENT;
Innocent Sourou AVOGNON
et CONSEILLERS ;
Thérèse KOSSOU
Et prononcé à l’audience publique du vendredi vingt-deux décembre deux mille dix-sept, la Cour étant composée comme il est dit ci-dessus, en présence de :
Onésime Gérard MADODE, AVOCAT GENERAL ;
Djèwekpégo Paul ASSOGBA, GREFFIER ;
Et ont signé :
Le Président-Rapporteur. Le Greffier.
Dieudonnée Amélie ASSIONVI épouse AMOUSSOU Djèwekpégo Paul ASSOGBA