La Cour de Cassation, Chambre Criminelle, en son audience publique tenue au Palais de Justice de Bangui, le 08 Décembre 2009, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le rapport de Monsieur José Christian LONDOUMON, Président de la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation et les conclusions de Monsieur Ab C, 1er Avocat Général près la Cour de Cassation ;
Statuant sur le pourvoi formé par Aa B, contre l’arrêt de la Cour d’Appel de Bouar, en date du 3 Mai 2006 qui, pour vol, l’a condamné à la peine de 15 mois d’emprisonnement assorti de sursis et 100.000 francs d’amende ;
Vu le mémoire produit ;
SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION, PRIS DE LA VIOLATION DES ARTICLES 30 ET SUIVANTS, 140 DU CODE DE PROCEDURE PENALE ET 227 DU CODE PENAL, en ce que le délit reproché à B Aa a été réglé selon la procédure du délit flagrant alors que les conditions de la flagrance ne sont pas réunies.
Attendu que B Aa a été traduit devant le Tribunal Correctionnel de Bouar selon la procédure du délit flagrant pour vol au préjudice de la SOCACIG.
Attendu qu’aux termes de l’article 30 a et d du Code de Procédure Pénale, il y a flagrance lorsque dans un temps voisin de l’action, la personne soupçonnée est poursuivie par la clameur publique ou est trouvée en possession d’objets, ou encore présente des traces ou indices laissant penser qu’elle a participé au crime ou au délit ;
Qu’il y a également délit flagrant sans aucune condition de temps, lorsque le crime ou le délit parait établi à la charge de la personne, soit par les dépositions unanimes de plusieurs témoins, soit par un aveu corroboré par des témoignages ou indices ;
Attendu que cette procédure suppose que B Aa ait été pris sur les faits, poursuivi par la clameur publique, trouvé en possession des objets
volés, ou encore présentait des indices laissant penser qu’il est l’auteur du vol ;
Attendu que dans le cas d’espèce, le vol a été commis dans la nuit du 24 au 25 Avril 2005, tandis que la procédure ayant abouti à l’arrestation puis à la condamnation de B Aa a été déclenchée le 6 Juillet de la même année, suite à une plainte du responsable déposée contre X ;
Que dès lors, la procédure de délit flagrant ne pouvait être engagée, et ce, d’autant plus qu’elle a été menée avec une négligence et dans une confusion incompréhensible ;
Attendu en effet que deux enquêtes menées par les services de gendarmerie et de police suite au vol se contredisent totalement ;
Que le suspect contre lequel le chef d’agence a déposé plainte, et qui a indiqué avec précision l’endroit où ont été cachées les cartouches de cigarettes volées et qui se trouvait sous main de police a été relâché purement et simplement sans que l’enquêteur ait éprouvé le besoin d’en savoir davantage, et sans que le Parquet de la République ne s’en émeuve ;
Que le procès-verbal de transport sur les lieux dressé par le juge d’Instruction commis à cet effet par le Tribunal contient des éléments contradictoires ;
Attendu qu’en confirmant le jugement critiqué, ainsi que la procédure suivie par le Parquet du Tribunal, alors que c’est l’annulation pure et simple de la procédure qui s’imposait pour fausse application de la loi, la Cour d’Appel a failli à sa mission, exposant ainsi sa décision à la censure ;
D’où il suit que l’arrêt doit être cassé sur ce point ;
SUR LE DEUXIEME MOYEN DE CASSATION PRIS DE L’EXCES DE POUVOIR
Sans intérêt ;
SUR LE TROISIEME MOYEN DE CASSATION PRIS DU DEFAUT, OBSCURITE OU INSUFFISANCE DE MOTIFS, en ce que la Cour d’Appel de Bouar a prétendu que toutes les clés de l’agence ont été remises par le Chef d’Agence au prévenu avant son départ à Bangui, ce que ce dernier conteste.
Attendu que pour confirmer le Jugement du Tribunal Correctionnel et démontrer que le vol n’a pas été commis par des personnes venant de l’extérieur, le juge d’Appel affirme ‘’qu’avant de se rendre à Bangui prendre part à une réunion commerciale, le Chef MOUSSAMOUNA-YIKA lui avait remis sur la base de la confiance, toutes les clés de l’Agence, y compris celles de son propre bureau avec tiroirs ou coffrets, d’où il était détenteur exclusif de tout pendant cette période’’ ;
Mais attendu que cette affirmation du juge n’est étayée par aucune pièce, aucune déposition des parties, même pas celle du Chef d’Agence, pourtant nommément cité par le juge ;
Qu’il devait d’autant plus s’expliquer sur cette affirmation, qui lui a servi de base pour assortir sa décision, ayant notamment déclaré :
‘’Attendu que ce vol de l’agence n’a été réalisé à l’aide d’aucune effraction extérieure ni intérieure contrairement aux allégations de B Aa ; que les coffres du bureau du Chef d’Agence … De même que ceux du magasinier… N’ont jamais été forcés, ni cassés…, etc…’’ ;
Attendu que l’obligation de motiver appartient à la catégorie des règles fondamentales du droit processuel que la Cour de Cassation rappelle toujours en sanctionnant sa violation ;
Que les motifs énoncés dans la décision ne satisfont à l’obligation de motiver que dans la mesure où ils apportent une justification suffisante de la décision, ce qui suppose qu’elle doit être précise et pertinente ;
Attendu qu’en se bornant à l’énoncé de simples affirmations non assorties de justification, le juge d’Appel n’a pas suffisamment motivé sa décision qu’il expose ainsi à la censure pour insuffisance de motifs ;
D’où il suit que la cassation est encourue ;
PAR CES MOTIFS
EN LA FORME : Déclare le pourvoi recevable ;
AU FOND : Casse et annule, en toutes ses dispositions, l’arrêt susvisé de la Cour d’Appel de Bouar du 3 Mai 2006, et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; renvoie la cause et les parties devant la Cour d’Appel de Bangui ;
Ainsi fait, jugé et prononcé par la Cour de Cassation, Chambre Criminelle, en son audience publique des jours, mois et an que dessus où siégeaient, Messieurs :
-José Christian LONDOUMON, Président ;
-Pamphile OUABOUI, Conseiller ;
-Etienne KOYAGUE, Conseiller ;
En présence de Monsieur Ac AdXA, 2ème Avocat Général près ladite Cour ;
Avec l’assistance de Maître Gilbert Jean MABA, Greffier.
En foi de quoi, le présent arrêt a été signé après lecture faite par le Président, les Conseillers et le Greffier