CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. KARL ROEMER,
PRÉSENTÉES LE 18 NOVEMBRE 1971 ( 1 )
Monsieur le Président,
Messieurs les Juges,
L'affaire qui nous occupe aujourd'hui oppose pour la première fois une institution des Communautés à un État membre sur des questions se rapportant au droit de l'Euratom. Avant de procéder à son examen, nous rappellerons tout d'abord les faits dont elle procède.
En même temps qu'ils fondaient la Communauté économique européenne, les États signataires convenaient d'unir leurs forces dans le domaine du développement de l'énergie atomique. Dans l'ordre juridique qu'ils ont créé à cette fin, le traité instituant la Communauté européenne de l'énergie atomique, nous relèverons tout d'abord l'article 2, d, aux termes duquel, pour l'accomplissement de sa mission, la Communauté doit, dans les conditions prévues au traité, «veiller à l'approvisionnement régulier et
équitable de tous les utilisateurs de la Communauté en minerais et combustibles nucléaires». Le titre II, chapitre VI, du traité contient les règles détaillées relatives à la réalisation de cet objectif, sur les particularités desquelles nous ne nous arrêterons pas dans le présent contexte. Nous dirons seulement que ces règles se caractérisent par une centralisation obligatoire des offres et des demandes de minerais, de matières brutes et de matières fissiles spéciales. Cette centralisation a lieu
par l'intermédiaire d'un organe commercial: l'Agence d'approvisionnement, un établissement de droit public doté de la personnalité juridique et jouissant de l'autonomie financière, dont les activités sont soumises au contrôle de la Commission. L'Agence possède un droit d'option pour l'acquisition des produits mentionnés à l'article 197 du traité: dans des conditions bien déterminées, tout producteur de la Communauté est tenu de lui offrir les matières qu'il élabore. L'Agence a également le droit
exclusif de conclure avec les utilisateurs de la Communauté des contrats portant sur la fourniture de ces matières, qu'elles soient produites dans la Communauté ou à l'extérieur de celle-ci. Ces règles visent à garantir l'égal accès des utilisateurs de la Communauté à ces matières.
L'Agence d'approvisionnement a commencé d'assumer ses fonctions le 1er juin 1960, conformément à une décision de la Commission du 5 mai 1960. Outre les dispositions du titre II, chapitre VI, du traité, l'agence est régie par des statuts, arrêtés le 6 novembre 1958 par le Conseil. Selon ces derniers, l'Agence fonctionne suivant des règles commerciales, mais n'exerce cependant aucune activité lucrative. Ces statuts règlent en outre les modalités de la constitution, par le Conseil, d'un Comité
consultatif composé de représentants des producteurs et des utilisateurs ainsi que d'experts. Les «modalités relatives à la confrontation des offres et des demandes de minerais, matières brutes et matières fissiles spéciales» sont régies par un règlement d'application du 5 mai 1960 arrêté par la Commission par décision du 5 mai 1960. Nous reviendrons par la suite à cette réglementation afin d'en examiner les détails. Pour l'instant, nous nous bornerons à citer encore, parmi les nombreuses
dispositions du traité intéressant le cas d'espèce, l'article 70, aux termes duquel les États membres facilitent l'activité de la Communauté dans le domaine de la prospection et des réserves de minerais au moyen de rapports qu'ils sont tenus d'adresser annuellement à la Commission pour leurs territoires respectifs.
L'évolution de ce domaine nouveau ne pouvait manifestement pas être prévue avec certitude lors de l'établissement du texte du traité. C'est ce qui explique pourquoi le chapitre VI du titre II contient, à l'article 76, alinéa 2, une disposition finale aux termes de laquelle «à l'issue d'une période de sept ans à compter de l'entrée en vigueur du traité, le Conseil peut confirmer l'ensemble de ces dispositions. A défaut de confirmation, de nouvelles dispositions relatives à l'objet du présent chapitre
sont arrêtées conformément à la procédure déterminée à l'alinéa précécent». C'est principalement l'interprétation de cette disposition qui se trouve au centre du débat.
Comme nous l'avons appris au cours de la procédure, la Commission a soumis au Conseil, dès novembre 1964, une proposition de modification du chapitre VI du traité. Celui-ci en a délibéré au début de 1965 et le Parlement, lui aussi, en a été saisi. Toutefois, cette procédure n'a abouti ni à une confirmation des dispositions des règles du traité dans leur version originale, ni à l'adoption de dispositions nouvelles. Cette situation persiste encore aujourd'hui; le Conseil n'a toujours pas mené ses
délibérations à leur terme et, malgré l'apparence d'une activité intense, la fin des négociations n'est pas en vue. De là proviennent les difficultés qui font l'objet de l'affaire soumise à votre appréciation.
Le gouvernement français estime, en effet, que la validité des dispositions du titre II, chapitre VI, du traité Euratom était limitée à un laps de temps de sept années. Comme ces dispositions n'ont pas été confirmées avant l'expiration de cette période, ou peu de temps après celle-ci, il prétend que seule l'adoption de nouvelles dispositions est possible désormais. En attendant, les dispositions du traité ne seraient plus applicables; il faudrait considérer, au contraire, que le traité comporte une
lacune dans ce domaine. Dès l'année 1964, le gouvernement français a attiré l'attention de ses partenaires sur cette possibilité d'interprétation et, en tout cas, sur l'état d'incertitude de la situation juridique dans ce domaine (entre autres, lors de la réunion du Conseil de ministres du 28 novembre 1964). Conformément à cette opinion juridique, il a informé en novembre 1965 les entreprises françaises, tant publiques que privées, de ce que les dispositions du chapitre VI n'étaient plus applicables
(cela résulte de la lettre qu'une entreprise française a adressée le 10 septembre 1970 à l'Agence d'approvisionnement). Le Commissariat français à l'énergie atomique a réglé son comportement en conséquence. Comme la Commission l'a affirmé, cette institution «concentre en son sein un faisceau d'attributions qui en font (…) l'instrument privilégié du développement des applications de l'énergie atomique sous leurs aspects les plus divers» et elle est «à la fois très près du gouvernement et, pour ainsi
dire, mêlée à lui, et cependant dotée d'une grande liberté d'action» (voir l'ordonnance no 45-2563, du 18 octobre 1945, instituant un Commissariat à l'énergie atomique). Cette institution a effectivement conclu directement, à l'insu de l'Agence d'approvisionnement (et cela en 1968), des contrats portant sur l'importation d'uranium enrichi et de plutonium ainsi que des contrats relatifs à la fourniture d'uranium enrichi. De même, le Commissariat n'a pas notifié à l'Agence l'existence d'un engagement
portant sur le façonnage de matières importées d'Afrique du Sud et il ne lui a pas communiqué les quantités faisant l'objet du transfert en question. En outre, après 1964, la République française n'a plus adressé à la Commission de rapport annuel sur le développement de la prospection et de la production, les réserves probables et les investissements miniers effectués ou envisagés sur le territoire français.
Après que la Commission eût été informée de ces transactions par des rapports de contrôle, sa direction générale «Energie» a adressé, le 24 avril 1969, une lettre au Commissariat français à l'énergie atomique. Dans cette lettre, la direction générale soutenait que la conclusion directe de contrats d'importation et de fourniture constituait un manquement aux dispositions du chapitre VI du titre deuxième du traité Euratom, qui étaient toujours en vigueur. Dans une lettre adressée le 30 mai 1969 à la
direction générale «Énergie», le Commissariat à l'énergie atomique a répondu qu'à son avis le chapitre en question était devenu caduc à partir du 1er janvier 1965 ; cette opinion a d'ailleurs été réaffirmée dans une lettre que le Comité technique interministériel pour les questions d'Euratom a adressée le 5 janvier 1970 au directeur général de l'Agence d'approvisionnement.
Cette prise de position a amené la Commission, qui était toujours convaincue de ce que le chapitre VI restait en vigueur après le 1er janvier 1965, du moins à titre précaire, à engager la procédure prévue à l'article 141 du traité Euratom en vue de la constatation d'un manquement au traité. Dans une lettre du 12 mars 1970 au ministre français des affaires étrangères, le président de la Commission a indiqué les divers manquements aux dispositions du traité Euratom dont la République française s'était
rendue coupable aux yeux de la Commission et il a invité cet État à présenter ses observations à ce sujet. Le gouvernement français a fait connaître ses observations, par lettre du 20 mai 1970 de la représentation permanente de la France, au président de la Commission. Dans ce document, le gouvernement français a déclaré s'en tenir à l'attitude de principe qu'il avait déjà prise antérieurement. En outre, il a pris position sur les divers griefs que la Commission avait articulés à son endroit. Enfin,
il a soutenu que les dispositions en cause du traité Euratom avaient été, dès l'origine, inadaptées à la situation de fait et que, partant, leur application n'avait été que purement formelle.
Toujours convaincue de la non-pertinence de la position du gouvernement français, le 14 octobre 1970, la Commission a émis un avis motivé, conformément à l'article 141 du traité Euratom. Elle y a analysé de nouveau les manquements commis par le gouvernement français et a tenté de réfuter point par point l'argumentation de celui-ci. La Commission a conclu en invitant ce dernier à prendre les mesures nécessaires pour se conformer à son avis dans les 45 jours.
Le gouvernement français ne s'étant pas rendu à cette invitation, la Commission a saisi la Cour le 11 mars 1971. La Commission continue de soutenir qu'eu égard aux instructions déjà citées, que le gouvernement français a adressées aux entreprises publiques et privées opérant dans le secteur nucléaire et en raison aussi du fait que la République française est responsable de l'activité du Commissariat français à l'énergie atomique, la République française a commis une série de manquements au traité
Euratom. C'est en ce sens qu'est formulée sa demande en constatation.
De son côté, le gouvernement français estime le recours irrecevable. Il considère en outre qu'il doit en tout cas être rejeté comme non fondé.
Que faut-il penser de ce litige? C'est ce que nous allons examiner maintenant en suivant pour l'essentiel le plan que les parties ont adopté dans l'exposé de leurs arguments respectifs, et cela, même si cette méthode ne permet pas de séparer nettement la recevabilité du bien-fondé.
1. C'est cependant un problème de recevabilité qu'il nous faut aborder en premier lieu, étant donné que ce problème se distingue nettement du fond du litige. Il s'agit de l'opinion, exprimée pour la promière fois par le gouvernement français dans la duplique, que le recours aurait été introduit tardivement. Pour le gouvernement français, cette conclusion résulte de ce qu'il a affirmé dès l'année 1965 que les dispositions auxquelles il est accusé aujourd'hui d'avoir manqué étaient dénuées de toute
validité. De même, par la suite, il a régulièrement donné à entendre, à la fois par des déclarations et par des actes, que cette opinion n'avait pas varié (refus d'adresser les rapports visés par l'article 70, abstention de présenter des candidats pour le Comité consultatif, réserves formulées au sujet du budget de 1967, réserves émises au sujet d'un règlement de la Commission, arrêté sur la base de l'article 74). La Commission aurait par conséquent pu soumettre plus tôt la position du
gouvernement français à votre appréciation; elle aurait pu tenter d'obtenir une mise au point de la situation juridique par le truchement d'un recours; en revanche, il serait inadmissible de saisir aujourd'hui la Cour au sujet d'une situation qui dure depuis cinq ans déjà.
Que penser de cette objection? Il est à noter tout d'abord que la Commission vous demande principalement de constater l'existence de manquements qui auraient été commis en 1968 et consistant en la conclusion de contrats d'importation et de fournitures sans la participation de l'Agence d'approvisionnement d'Euratom. Ce sont ces actes qui ont manifestement déterminé la Commission à agir, en raison de leurs incidences particulièrement sensibles sur le fonctionnement du système communautaire
d'approvisionnement. Or, si nous faisons courir les délais à partir de la découverte de ces manquements, si nous tenons compte de ce que la Commission a réagi pour la première fois dès avril 1969 et, enfin, si nous considérons la procédure dans son ensemble, c'est-à-dire aussi le laps de temps nécessaire à l'application de la procédure préalable, nous voyons qu'il ne saurait guère être question d'un retard inadmissible dans l'introduction de l'instance juridictionnelle.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier non plus — et cela paraît tout aussi important — que l'article 141 du traité Euratom ne prévoit aucun délai pour l'application d'une procédure en constatation d'un manquement au traité. Il existe à cela de bonnes raisons, qui sont parfaitement justifiées. En effet, cette procédure revêt un caractère particulièrement radical; il s'agit de l'«ultima ratio», comme vous l'avez affirmé un jour à propos de la procédure analogue de l'article 88 du traité CECA (cf.
affaire 20-59, Recueil, 1960-VI, p. 692). Dès lors, il ne serait pas raisonnable de la déclencher immédiatement en toute occasion, car un recours excessif à cette procédure risquerait d'en réduire l'efficacité, laquelle est de toute manière limitée par suite de l'absence de toute sanction. En outre, par la force des choses, cette procédure met en jeu dans une certaine mesure le prestige de l'Etat membre intéressé, et cela, bien qu'il s'agisse seulement d'une procédure objective, destinée à faire
la lumière sur une situation juridique déterminée et n'impliquant aucune appréciation d'ordre moral.
Telles sont les raisons pour lesquelles il paraît opportun d'exclure tout automatisme dans sa mise en œuvre, toute contrainte pour son engagement et de laisser plutôt à la Commission le pouvoir de décider discrétionnairement de l'opportunité ainsi que du moment où elle doit être engagée. Plusieurs considérations peuvent jouer en l'occurrence: par exemple, le fait que des tentatives sont faites en vue de réaliser un arrangement à l'amiable (tentatives qui peuvent prendre beaucoup de temps) ou —
comme en l'espèce — le fait que les premières manifestations de l'attitude négative du gouvernement français à l'endroit de la validité des dispositions du traité Euratom en matière d'approvisionnement ont eu seulement des répercussions relativement réduites qui n'étaient pas de nature à justifier l'ouverture d'une procédure juridictionnelle; le fait, encore, que la Communauté traversait en 1965 et au-delà une crise grave dont l'apaisement ne devait pas être entravé par l'ouverture de litiges de
rang mineur, et aussi, par la suite, le fait que de nouvelles dispositions dans le domaine en question étaient envisagées pour un proche avenir. Aussi longtemps que de telles considérations ont pu entrer en ligne de compte, nous pouvons à tout le moins admettre que la Commission a exercé ses attributions d'une manière correcte et écarter la thèse selon laquelle un retard illicite aurait été apporté dans la mise en œuvre de la procédure.
Pour toutes ces raisons, vous ne sauriez non plus songer à appliquer au présent cas votre jurisprudence dans l'affaire 59-70: il s'agit des constatations que vous avez été amenés à faire dans un recours en carence formé par un État membre, constatations suivant lesquelles la Commission doit être saisie dans un délai raisonnable après que l'événement déclenchant l'introduction de la procédure contentieuse a été connu, à peine de déchéance du droit de recours. Nous avons déjà indiqué précédemment
que, par principe, nous estimions que de telles considérations n'étaient pas pertinentes. Notre attitude n'a pas varié dans l'intervalle et nous persistons toujours à croire qu'il ne paraît pas indiqué d'introduire, par la voie jurisprudentielle, des délais dans le système de protection juridictionnelle, alors que ces derniers y ont eux-mêmes renoncé. Indépendamment de cela, nous ferons encore observer ici que la diversité des situations interdit d'appliquer à la présente espèce les
constatations de l'arrêt 59-70. En effet, ce qui caractérisait cette dernière affaire, c'était le fait qu'il s'agissait d'un recours en carence dirigé contre une institution, mais en raison du comportement d'un tiers (comme vous le savez, il s'agissait de mesures gouvernementales en faveur de l'économie d'un État membre dont il fallait naturellement prendre les intérêts en considération), et ce qui importe en outre, c'est que, pour apprécier la capacité à agir de l'État membre requérant, il
était possible de faire état de son obligation de coopérer avec les institutions de la Communauté, inscrite dans l'article 86 du traité CECA. Il ne nous paraît guère nécessaire de souligner que de telles considérations ne sont, à l'évidence, pas applicables dans le cadre de la présente affaire.
Étant donné que l'article 141 du traité Euratom ne fixe aucun délai pour la mise en œuvre de la procédure qu'il prévoit et comme, d'autre part, les faits de l'espèce n'autorisent pas à soutenir que la Commission a abusé de son pouvoir dans le choix du moment auquel elle a entamé cette procédure, il nous faut admettre que le grief soulevé par le gouvernement français, selon lequel le recours aurait été introduit tardivement, ne doit pas affecter la recevabilité du recours.
2. Le principal argument que le gouvernement français oppose au recours et auquel nous arrivons maintenant est le suivant: les dispositions du chapitre VI du traité Euratom n'étaient plus valables à l'époque où se situe l'inobservation que la Commission lui reproche. A cet égard, le gouvernement français se réfère à l'article 76, alinéa 2, c'est-à-dire à la disposition finale du chapitre VI. A son avis, il résulte de cette disposition que la décision relative aux règles applicables dans le domaine
de l'approvisionnement devait être prise avant l'expiration du délai de sept ans à compter de l'entrée en vigueur du traité, donc avant de 1er janvier 1965, afin qu'au cas où les dispositions initialement applicables ne seraient pas confirmées, des règles nouvelles puissent entrer en vigueur le 1er janvier 1965. A la rigueur, toujours selon le gouvernement français, on pourrait dire qu'il était encore possible de confirmer les anciennes dispositions pendant une brève période après l'expiration
du délai de sept ans. Mais, puisque cette possibilité n'a pas été utilisée dans un délai raisonnable, il faut admettre que les dispositions initialement applicables ont cessé d'être en vigueur et que le Conseil était obligé d'adopter de nouvelles dispositions (objectif que la Commission elle-même a, du reste, cherché à atteindre par ses propositions de novembre 1964 et qui était manifestement conforme à la volonté de tous les États membres). Jusqu'à l'adoption de ces nouvelles dispositions —
c'est là la seule conclusion possible — on peut seulement parler d'une lacune du droit communautaire. La Commission rejette résolument cette thèse. Elle estime, quant à elle, qu'il faut dans tous les cas admettre qu'au-delà du 1er janvier 1965, les dispositions initialement contenues dans le traité étaient passagèrement et provisoirement valides, sans limitation de temps, jusqu'à ce que soient adoptées de nouvelles dispositions ou jusqu'à ce que soient confirmées les dispositions initiales.
Si l'on tente de résoudre ce problème en recourant tout d'abord au texte même de l'article 76, alinéa 2, on s'aperçoit que, selon les versions allemande et néerlandaise, la solution est assez claire. Nous y lisons en effet : «nach Ablauf von sieben Jahren nach Inkrafttreten des Vertrages kann der Rat diese Bestimmungen in ihrer Gesamtheit bestätigen» («Na verloop van zeven jaar … kan de Raad … bevestigen»). Cela signifie donc, d'une part, que les auteurs du traité ont envisagé une période qui
commence le 1er janvier 1965 et qu'ils ont attaché de l'importance à l'écoulement du délai de sept ans mentionné. D'autre part, une confirmation est prévue pour la période envisagée. Cela peut seulement signifier la confirmation des textes en vigueur; au reste, cette conclusion est également confirmée par le fait que la majorité simple est suffisante pour la confirmation, alors que l'adoption de nouvelles dispositions requiert l'unanimité du Conseil. Ainsi, les textes allemand et néerlandais
montrent clairement que le chapitre VI ne peut pas avoir cessé de s'appliquer à compter du 1er janvier 1965. En revanche, les textes français et italien, qui emploient les expressions : «à l'issue d'une période de sept ans» ou «allo scadere di un periodo di sette anni», sont moins clairs.
En effet, ils pourraient êtres entendus en ce sens qu'une confirmation éventuelle aurait dû avoir lieu à la fin du délai de sept ans, lors de l'expiration de celui-ci, et que, partant, les décisions nécessaires auraient dû être prises au plus tard le 31 décembre 1964. Mais un certain nombre de considérations importantes, tirées de l'esprit et du but du chapitre VI, peuvent être avancées à l'encontre de cette hypothèse. Comme il ressort des travaux préparatoires, lorsque le traité Euratom a été
rédigé, personne n'avait une idée exacte de ce que serait l'évolution future dans ce domaine nouveau, comportant des facteurs dont les modifications auraient des répercussions dans le monde entier, notamment en ce qui concerne les problèmes d'approvisionnement. C'est pourquoi les rédacteurs du traité ont tout d'abord décidé d'introduire une réglementation provisoire et d'établir le système définitif une fois les expériences nécessaires faites. Le sens de l'article 76 est donc essentiellement de
fixer une période d'essai. Or, il est évident que l'obligation d'adopter la décision sur le régime définitif au plus tard le 31 décembre 1964 serait difficilement conciliable avec cette période d'essai et avec l'intention indubitable de l'utiliser pleinement. En effet, il ne faut pas oublier que de longues préparations étaient nécessaires à cet effet, qu'il fallait examiner les expériences faites et voir si elles justifiaient le maintien du régime ou s'il était plus approprié d'adopter une
nouvelle réglementation dont l'établissement requiert, comme vous le savez, la coopération de plusieurs institutions (Commission, Conseil et Assemblée). Si donc cette décision avait dû être adoptée au plus tard le 31 décembre 1964, la période d'essai prévue à l'article 76 aurait été, selon les cas, considérablement écourtée, ce qui — nous l'avons dit — n'était pas conforme à l'esprit de la réglementation. D'autre part, il n'est pas possible non plus de recourir à l'artifice que constitue
«l'arrêt de l'horloge», qui aurait permis de prendre la décision nécessaire au début de l'année 1965 et donc de n'écourter la période d'essai que d'une manière insignifiante. A notre avis, il est difficile de supposer que lorsqu'ils ont rédigé l'article 76, les auteurs du traité ont envisagé cette procédure inhabituelle qui n'est pas connue partout et qui soulève certes maintes objections. Indépendamment du problème de la rétroactivité, qui se serait posé dans le cas où une nouvelle
réglementation serait entrée en vigueur à partir du 1er janvier 1965, il ne faut pas oublier que, lors de l'application des textes du traité, cette methode n'a encore jamais été utilisée pour des situations exigeant une procédure longue et compliquée ainsi que la participation de presque toutes les institutions communautaires. Un certain nombre de considérations tirées de l'esprit et du but de la disposition soumise à votre appréciation conduisent donc à ne pas interpréter non plus les textes
italien et français en ce sens que la décision à prendre au titre de l'article 76, alinéa 2, devait être adoptée au plus tard lors de l'expiration du délai indiqué dans l'article en question.
Pour cette raison, il nous paraît d'ailleurs également erroné de renvoyer, dans cette affaire, à la disposition de l'article 37 du traité CEE rédigée dans des termes analogues et d'arguer que l'expression qui s'y trouve employée, «am Ende der Übergangszeit» («à l'expiration de la période de transition») signifie, selon votre jurisprudence (affaire 20-64, Recueil, 1965 — XI, p. 10), «au plus tard au terme de la période de transition». En réalité, il ne faut pas perdre de vue que l'interprétation
donnée par la Cour s'applique à une situation dans laquelle une date limite a été fixée pour l'accomplissement par les États membres de leurs obligations (aménagement des monopoles). Il est donc impossible d'appliquer sans plus cette interprétation à la disposition de l'article 76 du traité Euratom, d'après laquelle il s'agit essentiellement d'élaborer une nouvelle réglementation après l'expiration d'une période déterminée. Enfin, puisque le gouvernement français reconnaît lui-même que
l'expression «à l'issue de» n'est pas entièrement claire, la seule conclusion que l'on puisse tirer est que les décisions prévues à l'article 76 (confirmation ou adoption de nouvelles dispositions) pouvaient encore être prises après le 1er janvier 1965 et que, par conséquent, la réglementation initialement applicable n'avait pas cessé d'être en vigueur après le 31 décembre 1964, mais continuait d'être applicable, au moins à titre provisoire.
Toutefois, cela ne met pas encore un point final à l'examen des questions qui nous intéressent actuellement. En effet, subsidiairement, le gouvernement français fait aussi valoir qu'en supposant que le chapitre VI ait continué de s'appliquer provisoirement, on pourrait admettre à la rigueur qu'un délai raisonnable ait été envisagé à cette fin. Puisque les dispositions initialement en vigueur n'ont pas été confirmées avant son expiration, elles auraient perdu leur validité. Désormais, seule
l'adoption de nouvelles dispositions pourrait entrer en considération.
En effet, à l' appui de cette interprétation, il est possible de se référer aux textes français et italien de l'article 76, alinéa 2: les ternies «à l'issue de» et «allo scadere di» pourraient indiquer un lien étroit entre la décision de confirmation et l'expiration du délai de sept ans (tandis que les textes allemand et néerlandais ne peuvent manifestement pas être entendus en ce sens). Cependant, l'exactitude de cette thèse se heurte de nouveau à d'importantes objections de fond. Nous sommes
convaincu en effet qu'il est difficile de concilier le principe de la sécurité juridique et l'idée que certaines dispositions du traité ont cessé d'être en vigueur après un délai qui n'est pas précisé, et cela, sans qu'aucun texte ne l'indique clairement et expressément, en supposant, par conséquent, que la question de la confirmation puisse être réglée par une décision implicite négative.
Sans l'entrée en vigueur simultanée de nouvelles dispositions, cela signifierait en outre une rupture de la continuité dans un domaine qui est d'une importance fondamentale pour la Communauté, et auquel le traité consacre une réglementation très détaillée aboutissant à une intégration extrêmement poussée. Il ne se serait rien produit d'autre qu'une désintégration temporaire. Il est difficile d'admettre que les auteurs du traité aient pu le vouloir, étant donné que l'article 2, lettre d, du
traité indique que la mission et l'obligation constante de la Communauté est de veiller à l'approvisionnement régulier et équitable de tous les utilisateurs de ladite Communauté en minerais et combustibles nucléaires. Il est également impossible de ne pas tenir compte du lien existant entre le chapitre qui nous intéresse actuellement et d'autres chapitres du traité dont la validité n'est pas limitée dans le temps, notamment du lien existant avec le contrôle de la sécurité que facilite
certainement une réglementation commune de l'approvisionnement, incluant le contrôle de l'utilisation des produits livrés (article 60). Enfin, il faudrait songer également que l'agence d'approvisionnement pouvait avoir passé des contrats à long terme, dont le sort juridique serait tout à fait incertain si l'on admettait que les dispositions qui s'y rapportent ont cessé d'être en vigueur après un délai déterminé et que cette agence a été ainsi privée de sa base juridique. Étant donné ces
importantes considérations, il apparaît en fait que la seule conclusion possible est d'admettre que le chapitre VI est demeuré provisoirement applicable, et cela, jusqu'à l'entrée en vigueur d'une nouvelle réglementation ou jusqu'à la confirmation des textes initiaux; en fait, celle-ci paraît encore possible, parce qu'elle n'a été exclue ni en 1965, ni ultérieurement (comme la Commission l'a déclaré, en janvier 1965, le Conseil ayant en effet renvoyé sa proposition au Parlement sans la
discuter).
Il n'est pas possible non plus d'objecter — ce qui paraît séduisant au premier abord — à l'encontre de cette hypothèse qu'en réalité, on en arrive ainsi à reconnaître une décision tacite de confirmation. En fait, il ne peut être question d'une décision tacite de confirmation, parce que la confirmation signifie le maintien définitif des dispositions en vigueur. En revanche, leur maintien en vigueur à titre provisoire n'a pas les mêmes effets. Il exige bien entendu que les conditions à fixer pour
leur application soient aménagées de manière à anticiper le moins possible sur la réglementation future. De même, nous ne pouvons pas suivre le gouvernement français lorsqu'il affirme qu'il est plutôt de l'intérêt d'une poursuite raisonnable de l'intégration d'admettre l'existence d'un vide juridique qui oblige les institutions communautaires responsables à agir énergiquement que de continuer à appliquer des règles qui se sont très tôt déjà révélées inadaptées et qui n'ont jamais été appliquées
correctement. Nous reviendrons en détail sur cette dernière remarque, dans un autre contexte.
Qu'il nous suffise de constater pour le moment qu'à notre avis il est difficile d'admettre qu'un retour aux réglementations nationales, avec tous les désavantages qu'elles comportent (par exemple, l'abandon de l'information permanente des institutions communautaires), ne rend pas plus difficile la poursuite de l'intégration. Nous sommes en effet convaincu que cette situation peut difficilement être jugée plus appropriée que le maintien en vigueur, à titre provisoire, d'une réglementation
communautaire détaillée et manifestement appelée à se maintenir dans ses éléments essentiels.
En conclusion de ces considérations, nous devons donc retenir que, dans une situation qui ne peut certainement pas être considérée comme satisfaisante, la thèse du maintien en vigueur, à titre provisoire, du chapitre VI du traité Euratom, soutenue par la Commission, est préférable à l'hypothèse selon laquelle il aurait existé un vide dans le droit communautaire à partir d'une date déterminée de l'année 1965.
3. Si l'on adopte ce point de vue, on ne rencontre pas de difficultés particulières à répondre à la question de savoir si le comportement du Commissariat français à l'énergie atomique, au cours des années 1965 et suivantes, qui doit incontestablement être imputé au gouvernement français, et le comportement de ce gouvernement même ont violé le chapitre VI ainsi que les dispositions adoptées pour son exécution.
Cela vaut tout d'abord pour les importations d'uranium enrichi et de plutonium effectuées sans l'intervention de l'agence d'approvisionnement au sujet desquelles le gouvernement français lui-même n'a d'ailleurs pas prétendu qu'elles étaient compatibles avec les dispositions du chapitre VI, telles qu'elles devaient être entendues initialement. Cela vaut aussi pour l'hexafluorure d'uranium importé d'Afrique du Sud à des fins d'analyse, qui aurait dû au moins être notifié à l'agence
d'approvisionnement, en application de l'article 75 du traité Euratom. En ce qui concerne la livraison d'uranium enrichi à une entreprise publique italienne, la Commission a montré, sans être contredite, que le régime d'approvisionnement l'englobait également, même s'il s'agissait d'une livraison destinée à mettre au point la propulsion d'une unité navale. L'Agence d'approvisionnement aurait donc dû participer à cette opération. Enfin, en ce qui concerne les rapports sur le développement de la
prospection et de la production, les réserves probables et les investissements miniers effectués ou envisagés sur leurs territoires, que les États membres sont tenus d'adresser annuellement à la Commission en vertu de l'article 70, le gouvernement français a, certes, tenté de justifier son abstention en indiquant que les rapports établis chaque année par le Commissariat français à l'énergie atomique avaient été transmis à la Commission. Mais une comparaison de ces rapports avec les rapports
antérieurs fournis en application de l'article 70 ne montre pas seulement que ces derniers étaient beaucoup plus détaillés (du moins en ce qui concerne la prospection et la production). Il est apparu notamment que les rapports du Commissariat à l'énergie atomique ne contenaient aucune indication sur les investissements mentionnés à l'article 70. Par conséquent, ils ne peuvent pas remplacer les rapports prévus audit article, et il est donc certain que le gouvernement français n'a pas respecté non
plus cette disposition.
4. A vrai dire, ces faits ne nous autorisent pas encore à affirmer que le gouvernement français a violé le traité et que vous devez faire droit au recours. Il faut au contraire examiner en outre une série d'objections que le gouvernement français estime importantes.
Parmi celles-ci il en est une qui revêt une importance particulière: c'est la remarque selon laquelle les dispositions du chapitre VI du traité Euratom n'auraient jamais été appliquées correctement, mais seulement d'une manière factice et superficielle, elles seraient dénuées d'importance pratique et il ne serait donc pas possible d'admettre un intérêt à faire constater que la France ne les a pas observées.
A cet égard, nous estimons nécessaire de faire tout d'abord la remarque suivante: le gouvernement français n'a pas allégué que lesdites dispositions étaient demeurées tout à fait sans importance. Au sujet des dispositions dont l'inobservation est ici en cause, notamment les articles 70 et 75, donc les dispositions qui prévoient un rapport annuel des États membres à la Commission et l'obligation de notification dans certains cas, il n'a en tout cas jamais été dit qu'elles n'avaient pas été
appliquées. Ce fait revêt à lui seul une certaine importance pour apprécier la présente affaire.
Au reste, en ce qui concerne l'application défectueuse du chapitre «Approvisionnement», il y a lieu de distinguer plusieurs aspects. Un premier aspect a trait au système de l'article 60, qui réglemente essentiellement la confrontation de l'offre et de la demande de minerais, de matières brutes, etc., par l'agence d'approvisionnement. Selon le gouvernement français, ce système n'a pas fonctionné: en effet, des contrats portant sur la livraison d'uranium naturel ont pu être passés directement
entre fournisseurs et acheteurs intéressés et n'ont dû être notifiés à l'agence qu'après coup; par ailleurs, les contrats relatifs aux matières fissiles spéciales ont en réalité été négociés directement entre les parties et ont donné lieu à une confirmation purement formelle par l'agence d'approvisionnement; enfin, les contrats de livraison étaient ordinairement conclus pour une durée supérieure à dix ans, ce qui, selon le traité, doit être l'exception.
A ce propos, il faut tout d'abord concéder que, selon l'article 5 du règlement de l'agence d'approvisionnement du 5 mai 1960, la Commission peut demander à cette dernière d'appliquer une procédure simplifiée, lorsque, à l'instigation de ladite agence, après consultation du Comité consultatif, elle constate que«l'offre dépasse manifestement la demande» pour certains produits. Après consultation du Comité consultatif, l'agence fixe alors les conditions générales que doivent remplir les contrats
passés selon la procédure simplifiée. Les contrats sont négociés directement par les intéressés puis notifiés à l'agence et «ils sont considérés comme conclus par elle si celle-ci n'élève pas d'objections contre les intéressés dans les huit jours à compter de leur réception». Cette réglementation a été appliquée pour l'uranium naturel et le thorium. Sur la base d'une communication de l'agence du 23 novembre 1960, dont la durée de validité a été plusieurs fois prolongée, ces contrats ont été
directement négociés depuis le 1er décembre 1960 et signés par les intéressés. Les conditions générales qui leur sont applicables et qui ont été fixées par l'agence, ont été publiées au Journal officiel du 30 novembre 1960. Elles précisent, entre autres quelles sont les indications (concernant les prix et les fins d'utilisation) que les contrats doivent contenir et la durée pour laquelle ils peuvent être passés.
Pour rechercher si l'article 60 du traite Euratom couvre cette procédure simplifiée, il faut assurément tenir compte de ce que la réglementation de l'approvisionnement constitue dans l'ensemble un compromis entre les tendances dirigistes et certaines tendances favorables à une économie de marché. Il est de la nature d'un tel système de chercher à atteindre le but essentiel que constitue l'égal accès aux sources d'approvisionnement, avec un appareil administratif aussi restreint que possible, et
de ne prévoir l'intervention d'une autorité administrative que dans la mesure strictement nécessaire. Dans une situation caractérisée par l'inexistence pratique de la demande (comme tel a été notamment le cas au cours des années 1960 et suivantes durant lesquelles seuls ont été conclus des contrats portant sur des quantités très faibles), c'est-à-dire en présence d'un marché où les acheteurs font la loi, il est possible sans aucun doute d'atteindre le but indiqué en dehors d'une confrontation
centralisée de l'offre et de la demande. Cela, surtout, parce que l'application de prix de marché exacts paraît assurée grâce aux prospections effectuées par l'agence et grâce à l'information générale des entreprises au sujet des offres, de la vente, des tendances des prix, etc. En outre, le contrôle a posteriori des contrats par l'agence, qui, comme on le sait, possède un droit d'opposition, peut contribuer à la réalisation de l'objectif en question. Considérée sous cet angle, la procédure
simplifiée est donc parfaitement conforme à l'esprit et aux buts de l'article 60 du traité Euratom. De même, on peut difficilement contester que son instauration soit couverte par la formule générale du dernier alinéa de l'article 60; en effet, celui-ci déclare simplement que le règlement de l'agence «détermine les modalités de confrontation des offres et des demandes». En tout cas, nous ne voyons pas comment on pourrait parler d'un démantèlement inadmissible du système et d'une violation du
traité. En outre, d'après les déclarations faites au cours de la procédure, il n'est pas possible non plus de dire que ce système n'a plus fonctionné à partir de l'année 1965. En effet, selon les observations de la Commission qui n'ont pas été contredites, au cours des années 1967 et 1969 des contrats portant sur d'assez grandes quantités d'uranium naturel ont été conclus aux prix mondiaux sur la base que nous avons indiquée.
En ce qui concerne la livraison d'uranium enrichi qui, comme celle du plutonium, s'effectue nécessairement par l'intermédiaire de l'agence, la procédure simplifiée ne s'appliquant pas ici, il faut remarquer que dans ce domaine — en tout cas en ce qui concerne l'uranium enrichi — le monopole de la Commission de l'énergie atomique des États-Unis est déterminant et que, d'autre part, seules quelques entreprises entrent en ligne de compte comme acheteurs. Il n'y a donc pas en général de
confrontation régulière de plusieurs offres et demandes, les livraisons étant manifestement effectuées sans distinction, selon les prix publiés par le Federal Register. Toutefois, il ne semble pas que l'intervention de l'agence soit dénuée d'importance. Tout d'abord, il ne faut pas oublier que, pour le plutonium, d'autres pays fournisseurs (Angleterre, Canada) entrent évidemment en ligne de compte. En ce qui concerne l'uranium enrichi, les livraisons dans le cadre de l'accord conclu en 1958
entre l'Euratom et les USA (en vertu d'une décision unanime du Conseil) doivent nécessairement être effectuées avec la participation de l'agence, c'est-à-dire sur la base de négociations triangulaires. A cet égard, on peut sans plus présumer qu'ici, c'est-à-dire dans un secteur où la volonté de l'État joue un rôle déterminant, l'intervention d'un organisme communautaire traitant pour tous les utilisateurs a une importance considérable et exerce une influence décisive. En effet, l'action de
l'agence d'approvisionnement était et reste toujours importante, semble-t-il, pour les efforts entrepris en vue d'accroître le plafond des livraisons, de même que les négociations y relatives ont été et sont encore influencées de manière déterminante par les études que l'agence effectue au sujet des besoins. De plus, selon les déclarations de la Commission, l'agence a également coopéré à l'élaboration de contrats-types, à la conclusion d'accords-cadres et au groupement de commandes ainsi qu'à la
conclusion de contrats communs relatifs à l'uranium enrichi. Enfin, l'activité de l'agence est d'une importance considérable pour l'exécution des contrats de livraison et l'accomplissement des formalités qui s'y rattachent. De ce point de vue, il est difficile, à notre avis, de soutenir que les dispositions du système d'approvisionnement du traité Euratom et l'intervention de l'agence ont été dénuées d'utilité et d'importance. Cela vaut du reste aussi pour la période postérieure à 1964, car,
comme la Commission l'a déclaré sans être contredite, même pour cette période, l'approvisionnement en uranium enrichi (y compris, évidemment, celui des entreprises françaises) est toujours assuré par l'agence. Nous pouvons ici renvoyer notamment aux rapports de la Commission, à la documentation spéciale relative à l'agence, au chiffre d'affaires et aux études des années 1967 et 1969 concernant les besoins en plutonium ainsi qu'aux négociations y relatives.
Quant au fait enfin que les accords relatifs à la livraison d'uranium enrichi en provenance des USA ont été en général conclus pour une durée de plus de dix ans, il faut dire que ces dérogations à la règle sont expressément prévues à l'article 60 du traité Euratom, lorsque la Commission les autorise. On ne peut donc pas parler ici d'une inobservation des dispositions du traité, d'autant que la Commission a évidemment veillé à ce que le plafond des livraisons ne soit pas atteint prématurément et
à ce que l'approvisionnement d'autres utilisateurs ne soit pas compromis. En outre, la pratique décrite doit être considérée compte tenu du fait qu'il existe des clauses de dénonciation. Celles-ci permettent, le cas échéant, de chercher d'autres sources d'approvisionnement et empêchent ainsi que l'approvisionnement de la Communauté ne dépende entièrement des fournisseurs américains.
En ce qui concerne les premiers aspects du grief d'application défectueuse et purement formelle du chapitre VI du traité dont nous venons de traiter, nous pouvons donc retenir que les observations du gouvernement français, comparées aux déclarations de la Commission, ne sont guère de nature à prouver le manque d'importance pratique des dispositions qui nous intéressent actuellement.
Au reste — pour anticiper sur notre conclusion — cela est également vrai de la remarque du gouvernement français, selon laquelle l'agence a omis de constituer des stocks commerciaux et la Commission n'a pas décidé la création des stocks de sécurité mentionnés à l'article 72 du traité. A cet égard, il ne faut pas oublier que l'article 72 ne renferme qu'une disposition potestative et prévoit par conséquent un pouvoir d'appréciation. S'il n'a pas été fait usage de celui-ci, nous ne pouvons
assurément pas en conclure que le chapitre «Approvisionnement» est demeuré pratiquement sans importance.
Enfin, il est également impossible de tirer du grief selon lequel, des années durant, la Commission n'a émis aucun avis ni recommandation en application de l'article 70 des conclusions favorables à la défense. Il faut se rappeler qu'en vertu de cet article, les États membres sont tenus d'adresser annuellement à la Commission un rapport sur le développement de la prospection et de la production, etc., que les rapports sont soumis au Conseil en même temps que l'avis de la Commission, et que
celle-ci peut adresser des recommandations aux États membres en vue du développement de la prospection et de l'exploitation minière. Certes, il est vrai que la Commission s'est expressément abstenue d'émettre des avis, lorsqu'elle a transmis les deux premiers rapports relatifs aux années 1958 et 1959 (cela ressort des notes du Conseil de mai 1960 et de mai 1961) et qu'elle n'a agi qu'ultérieurement. Toutefois, si l'on tient compte de toutes les circonstances, ce comportement est difficilement
attaquable. C'est ainsi que nous pouvons en premier lieu renvoyer à la déclaration faite au début par la Commission, selon laquelle il ne paraissait pas opportun d'émettre des observations, étant donné les mesures prises concernant la prospection, la production, la situation du marché et les réserves prévisibles. Ensuite (ainsi que cela résulte d'une note du Conseil de 1962 relative aux rapports pour l'année 1960), il semble que la Commission ait commencé à cette date avec l'agence des études
relatives à l'approvisionnement à long terme, études qui n'étaient pas encore terminées en 1963. En outre, nous ferons remarquer que c'est seulement en 1963 que le Comité consultatif de l'agence a terminé ses enquêtes sur une comparaison à long terme entre la demande et les quantités disponibles et a permis ainsi à la Commission de développer ses propres conceptions et de préparer un certain nombre de mesures. Cela explique que c'est seulement dans une note du Conseil de mars 1964 que figurent
des observations de la Commission. Ces observations parlent de la nécessité d'entreprendre sur une large base des efforts en matière de prospection, d'adopter des mesures dans le cadre d'une politique commune d'approvisionnement et d'organiser des études d'experts dont les résultats ont ensuite été effectivement consignés dans un rapport datant de 1966. A notre avis, tout cela fait parfaitement apparaître que la Commission était consciente de ses responsabilités et ne permet pas d'affirmer que
les compétences prévues à l'article 70 du traité n'ont pas été exercées.
Ainsi, si on peut, certes, avoir l'impression que le système d'approvisionnement du chapitre VI n'a pas fonctionné comme cela était prévu initialement (lorsque les auteurs du traité sont partis de l'idée d'une situation de pénurie et d'un développement plus rapide de l'utilisation de l'uranium), toutefois il ne convient nullement d'en conclure que les dispositions du chapitre VI sont restées lettre morte ou qu'elles ont été appliquées contrairement à l'esprit et aux buts de la réglementation.
Nous estimons donc qu'il n'est pas possible de rejeter le recours pour le motif qu'il n'existe aucun intérêt à faire constater la violation des dispositions du traité que la Commission reproche au gouvernement français.
5. Comme vous le savez un autre argument par lequel le gouvernement français cherche à obtenir le rejet du recours consiste à soutenir que la situation juridique concernant le chapitre «Approvisionnement» était devenue incertaine à partir de 1965, en raison de la carence du Conseil. De ce fait, il vous serait interdit de constater l'existence d'un manquement au traité et, partant, de condamner la République française, comme ce fut le cas dans l'affaire 26-29 opposant également la Commission à ce
pays (cf. Recueil, 1970-XVI, p. 579 et s.).
Sous ce rapport, nous ne vous cacherons pas que les déductions dont se prévaut la défenderesse peuvent paraître douteuses. En tant qu'elles ont trait à la clarté ou à l'obscurité de la situation juridique, elles paraissent procéder de l'idée que si la situation juridique est confuse, l'État membre intéressé pourrait avoir commis une erreur de droit. Elles tendent ainsi à introduire une idée de culpabilité dans la procédure en constatation d'un manquement au traité, puisque les erreurs de droit
appartiennent précisément à la catégorie des fautes. S'il fallait vraiment attacher une telle signification à votre arrêt, nous le regretterions assurément. En effet, cela aurait pour résultat d'alourdir inutilement la procédure de l'article 169 du traité CEE ou celle de l'article 141 du traité Euratom, dans laquelle il ne s'agit pas de questions de culpabilité ni de morale, mais simplement de la mise au point d'une situation juridique. De plus, il y aurait lieu de craindre que la procédure
(notamment au regard de l'application de l'article 171 du traité CEE ou de l'article 143 du traité Euratom) ne perde son efficacité dans les cas pour lesquels elle a précisément été prévue, c'est-à-dire lorsqu'il existe des doutes sur le sens et la portée de dispositions du traité.
Indépendamment de cela, il nous semble que les faits de l'affaire 26-69 diffèrent considérablement de ceux de l'espèce et que cette différence interdit d'appliquer ici les thèses contenues dans votre arrêt 26-69. En effet, ce qui caractérisait l'affaire 26-69, c'était le fait que le régime d'exception découlant d'un protocole annexe au traité CEE et d'une déclaration d'intention annexée au traité imposait clairement certaines conséquences juridiques qui n'avaient pas été prises en considération
au moment où avait été élaborée une certaine organisation de marchés. Celle-ci n'avait pas été adaptée comme il le fallait et on pouvait dès lors parler d'une lacune du droit. Il en va tout autrement en l'espèce. Point n'est besoin ici d'une sorte de confirmation intérimaire de la part du Conseil pour que le chapitre VI du traité Euratom continue d'être applicable; au contraire, il suffit d'interpréter judicieusement le traité pour aboutir à cette conclusion. De plus, il semble assez facile
d'arriver à l'interprétation que nous avons développée précédemment, si on prend en considération le texte du traité dans les quatre langues officielles des Communautés et plus particulièrement si on donne aux dispositions fondamentales de l'article 2, d, la place qui leur revient. Enfin, nous estimons important que la Commission, comme le secrétariat général du Conseil de ministres, se sont ralliés très tôt à la thèse selon laquelle le chapitre VI ne serait pas devenu inapplicable à partir du
1er janvier 1965 et que l'opinion du gouvernement français serait dès lors indéfendable.
Cela étant, il est difficile de soutenir en fait que le recours doit être rejeté au motif que la situation juridique, telle qu'elle se présentait en janvier 1965, était incertaine.
6. Comme il apparaîtra rapidement, cette conclusion vaut également pour la remarque du gouvernement français, selon laquelle il n'est pas prouvé que son comportement a porté atteinte aux intérêts de tiers et affecté notamment l'approvisionnement d'entreprises d'autres États membres.
Nours ferons tout d'abord observer que la condition essentielle pour la mise en oeuvre de la procédure de l'article 141 du traité Euratom est la méconnaissance du droit communautaire et que le traité ne fait nulle part allusion à un élément complémentaire (mise en péril d'intérêts ou autre condition analogue). En outre, il n'est nullement à exclure en l'espèce qu'une atteinte a été portée à certains intérêts fondamentaux d'autres États membres ou de la Communauté. Les conditions des contrats
conclus sans la participation de l'agence d'approvisionnement ne sont pas connues dans le détail (notamment les conditions relatives au prix) ; la «transparence» du marché, indispensable en l'occurrence, fait par conséquent défaut. Il n'est pas non plus possible de savoir avec certitude si d'autres entreprises ont fait l'objet de discriminations. Enfin, nous devons songer aussi aux inconvénients qui peuvent résulter à la longue de l'insuffisance des informations communiquées aux autorités
communautaires, dans les cas critiqués par la Commission.
Nous croyons que ces considérations devraient vous déterminer à rejeter également comme non pertinent le moyen que nous venons d'examiner.
7. Enfin, nous pouvons grouper sous le vocable «détournement de procédure» un dernier faisceau d'arguments avancés par le gouvernement français. Ce grief consiste en substance à affirmer que la situation, telle qu'elle existait après le 1er janvier 1965, aurait raisonnablement dû déboucher sur un recours en carence dirigé contre le Conseil, étant donné que c'était là le seul moyen pouvant hâter l'adoption d'une nouvelle réglementation dans le secteur de l'approvisionnement. En revanche, la
procédure engagée contre la République française vise à obtenir la confirmation du régime établi à l'origine et, partant, à freiner l'adoption d'un régime nouveau. A cette argumentation s'ajoute un certain nombre d'observations, formulées en partie dans un autre contexte: par exemple, que la Commission ne s'est pas suffisamment préoccupée de l'adoption d'une nouvelle réglementation ou qu'une condamnation éventuelle de la France dans le cadre de la procédure de l'article 141 ne serait en tout
état de cause d'aucune utilité pour l'objectif essentiel qui est l'adoption de dispositions nouvelles. Nous allons donc voir ce qu'il faut penser de ces arguments.
a) En ce qui concerne tout d'abord le reproche que le gouvernement français adresse à la Commission, à savoir que celle-ci n'aurait pas déployé suffisamment d'initiative en vue d'obtenir l'introduction d'un nouveau régime en matière d'approvisionnement, nous pourrions nous borner à rappeler ce que vous avez constaté dans vos arrêts 90 et 91-63 (Recueil, 1964-X, p. 1333); le fait qu'une institution de la Communauté n'exécute pas les obligations qui lui incombent ne dispense pas pour autant les
États membres de remplir les leurs. En outre, le grief de carence n'est guère fondé en l'espèce, étant donné que la Commission non seulement a déposé en temps utile (en novembre 1964) des propositions en vue de l'adoption de dispositions nouvelles en matière d'approvisionnement, mais a aussi collaboré activement au cours des années suivantes à l'élaboration d'une nouvelle réglementation. Son agent semble l'avoir montré en détail au cours de la procédure orale en faisant notamment allusion aux
multiples contacts que la Commission et ses services ont eus à de nombreux niveaux et au sein de plusieurs comités. Au reste, la Commission seule ne pouvait pas faire en sorte que l'adoption d'un nouveau régime d'approvisionnement soit accélérée, ce qui eût privé le recours de son objet. La responsabilité en cette matière incombe au Conseil. Aussi longtemps cependant que celui-ci n'a pas remplacé la réglementation existante par une nouvelle réglementation, la Commission est tenue de veiller
au respect du droit en vigueur et, le cas échéant, de former à cet effet un recours en constatation, conformément à l'article 141 du traité.
b) Le gouvernement français observe en outre que la mise en œuvre de la procédure en constatation d'une violation du traité et la condamnation éventuelle de la République française ne sont d'aucune utilité pour l'adoption d'une nouvelle réglementation, qu'elles ne modifient en rien les conditions auxquelles obéit cette adoption et ne sont donc pas justifiées. Sans doute, pouvons-nous lui rétorquer qu'il n'est nullement certain que le fait de constater le maintien en vigueur provisoire du régime
primitif soit sans influence aucune sur la suite des délibérations au sein du Conseil. En outre — et cela paraît encore plus important — le recours n'a manifestement pas pour objet d'accélérer l'adoption de dispositions nouvelles. Son seul but est de faire constater que la République française a méconnu des dispositions encore en vigueur et qui, selon toute apparence, garderont encore leur portée pendant un certain temps. Ce but justifie sans aucun doute l'introduction du recours.
c) En ce qui concerne, enfin, le grief de détournement de procédure au sens propre, c'est-à-dire la thèse suivant laquelle le recours serait contraire au traité, il nous semble que le gouvernement français se fonde sur une fausse appréciation de la situation juridique matérielle. Comme nous l'avons montré, il serait erroné de soutenir qu'actuellement il existe seulement une obligation du Conseil d'arrêter des dispositions nouvelles; bien au contraire, nous devons supposer que les dispositions
anciennes restent en vigueur à titre précaire et admettre que le Conseil possède toujours le choix entre une confirmation des dispositions existantes ou l'adoption d'une réglementation nouvelle. Il convient, par conséquent, de faire le départ entre deux situations: d'une part, le Conseil n'a pas encore rempli son obligation de statuer sur la réglementation à appliquer dans le futur et, de l'autre, le gouvernement français a méconnu la réglementation restant provisoirement applicable. Dans le
premier cas, c'est un recours en carence contre le Conseil qui entre en ligne de compte (recours qui, d'ailleurs, peut aussi être formé par les États membres) ; dans le second cas, la réaction qui s'impose est un recours de la Commission au titre de l'article 141 du traité Euratom. Il est manifeste que les deux recours diffèrent dans leurs buts, leurs motifs et leurs conséquences. Nous ne croyons pas qu'il existe entre ces deux voies de droit une quelconque interdépendance, en ce sens que le
premier recours exclurait le second et vice versa; il faut, au contraire, reconnaître à la Commission un pouvoir discrétionnaire d'appréciation dans l'exercice des droits qui lui appartiennent. Quant au fait qu'elle n'ait pas agi contre le Conseil, il n'est pas possible non plus de voir là un détournement de pouvoir. En effet, son attitude s'explique en l'occurrence par les difficultés qui ont surgi au cours des dernières années et qu'elle a décrites et par le fait que d'autres méthodes se
sont révélées plus efficaces pour faire avancer l'action du Conseil.
Enfin, on soutiendrait vainement qu'en formant un recours contre la France, la Commission poursuit en vérité un autre objectif et que son action est dès lors constitutive d'abus. Tout d'abord, un tel grief ne saurait s'appuyer sur l'allégation que la Commission cherche en réalité à obtenir la confirmation de l'ancienne réglementation, qu'elle exige donc de la Cour que celle-ci exerce une attribution réservée en réalité au Conseil. Rien ne justifie une telle supposition; la Commission ne vous
demande manifestement pas de constater que les textes établis à l'origine doivent être définitivement maintenus. Son recours tend seulement à une constatation de la situation actuelle et cette demande relève sans aucun doute de votre compétence.
En second lieu, il serait également vain de soutenir que le recours et l'arrêt par lesquels vous ferez éventuellement droit aux conclusions de la Commission sont suceptibles d'influencer le Conseil, d'orienter les débats en son sein dans le sens d'un maintien du régime actuel ou de l'adoption d'un régime analogue et de retarder ainsi l'élaboration d'une réglementation nouvelle. Nous n'avons découvert nulle part même pas le plus petit indice révélant une telle intention de la part de la
Commission, laquelle a d'ailleurs présenté elle-même une proposition tendant à assouplir le système actuel. En outre — et cela paraît encore plus important — le recours dont vous êtes saisis aujourd'hui n'est absolument pas susceptible, objectivement, d'étayer de tels desseins, étant donné qu'il vous autorise seulement à vous prononcer sur la situation provisoire actuelle, donc sans préjuger de considérations politico-juridiques quant au contenu futur de la réglementation.
Quel que soit, par conséquent, l'angle sous lequel nous examinions le grief de détournement de procédure et quels que soient les arguments invoqués contre le recours de la Commission, nous ne voyons rien qui permette de le rejeter comme irrecevable ou non fondé.
8. Nous conclurons dès lors comme suit:
Le recours introduit par la Commission est recevable et fondé.
Étant donné que la République française a refusé d'adresser à la Commission, après 1964, les rapports annuels sur le développement de la prospection et de la production, les réserves probables et les investissements miniers effectués ou envisagés sur le territoire français;
que le Commissariat français à l'énergie atomique a conclu, à l'insu de l'Agence d'approvisionnement, des contrats portant sur l'importation de 3555 kg d'uranium enrichi à 1,15 % provenant de la centrale de Kahl, de plutonium provenant du Canada et de 116 kg de plutonium provenant de l'Ente nazionale per l'elettricità (ENEL) ainsi que sur la founiture au Comitato nazionale per l'energia nucleare (CNEN) d'environ 2000 kg d'uranium enrichi à 4,7 % ;
qu'enfin le Commissariat français à l'énergie atomique a refusé de notifier à l'Agence d'approvisionnement l'existence d'un engagement portant sur le façonnage de matières importées d'Afrique du Sud ainsi que sur les quantités de matières faisant l'objet du transfert correspondant;
il y a lieu de constater que la République française a manqué aux obligations découlant du titre II, chapitre VI, du traité Euratom et notamment des articles 55, 56, 57, 60, 64, 70 et 75, soit en ne se conformant pas elle-même à ces dispositions, soit en ne s'opposant pas à leur inobservation par le Commissariat à l'énergie atomique.
La République française doit être en outre condamnée aux dépens.
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( 1 ) Traduit de l'allemand.