CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. HENRI MAYRAS,
PRÉSENTÉES LE 7 FÉVRIER 1973
Monsieur le Président,
Messieurs les Juges,
Les questions préjudicielles que vous soumet le tribunal d'appel en matière économique des Pays-Bas (College van Beroep voor het Bedrijfsleven) ont trait aux conditions dans lesquelles doivent être délivrés ou remis, aux producteurs ou commerçants, les certificats dits de préfixation de restitution pour des produits transformés à base de sucre, destinés à être exportés vers des pays tiers.
Pour éclairer le débat et permettre d'appréhender l'exacte portée de ces questions, il est indispensable d'exposer, au préalable, les lignes générales de la réglementation édictée, en la matière, par les autorités communautaires.
L'organisation commune des marchés dans le secteur du sucre est régie par le règlement du Conseil no 1009/67 qui s'applique aux produits de base: sucre, betteraves et cannes à sucre, ainsi qu'aux mélasses.
En ce qui concerne les échanges avec les pays tiers, l'article 11, paragraphe 1, de ce texte pose en principe que toute importation dans la Communauté ou exportation hors de celle-ci de ces produits de base est soumise à la présentation d'un certificat d'importation ou d'exportation délivré par les États membres à tout intéressé qui en fait la demande.
Dans la mesure nécessaire pour permettre l'exportation, l'article 17, paragraphe 1, du même règlement dispose que des restitutions peuvent être octroyées en vue de couvrir la différence entre les cours de ces produits sur le marché mondial et leurs prix dans la Communauté. Cette disposition ne vise pas seulement les produits de base; elle concerne également les produits transformés énumérés à l'annexe du règlement, parmi lesquels se trouvent les sucreries sans cacao classées à la position 17.04 du
tarif douanier commun.
Les règles générales, relatives à l'octroi des restitutions communautaires, à la détermination de leur montant et à leur fixation à l'avance, ont été, en ce qui concerne les produits agricoles entrant dans la composition de marchandises transformées, et notamment des produits à base de sucre, arrêtées par le règlement du Conseil no 204/69. En principe, le taux de restitution applicable est celui qui est valable au jour de l'exportation de ces marchandises. Mais, sauf pour certains produits, ce taux
peut, à la demande de l'exportateur, faire l'objet d'une préfixation. Un tel régime ne permet pas seulement aux industries transformatrices de connaître suffisamment à l'avance le montant de la restitution dont elles pourront bénéficier; il leur donne la garantie que, pendant la durée de la validité du certificat de préfixation qui leur est délivré, elles pourront procéder à l'exportation de leurs produits sur la base d'un taux de restitution stable.
La présentation du certificat est d'ailleurs la condition nécessaire pour l'octroi de la restitution préfixée et, de même que dans le régime de l'exportation des produits de base, la constitution d'une caution garantit l'engagement de l'entrepreneur d'exporter avant que la validité du certificat ait cessé.
Telle est l'économie générale du système de la préfixation applicable, notamment, aux produits transformés à base de sucre.
Les modalités d'application, concernant les conditions de délivrance des certificats de préfixation, en ont été arrêtées par le règlement no 1373/70 de la Commission.
L'article 8, paragraphe 2, de ce texte dispose que les certificats sont établis par les organismes compétents des États membres, en au moins deux exemplaires, dont le premier, dénommé «exemplaire pour le titulaire», est délivré sans tarder au demandeur, et le second, dénommé «exemplaire pour l'organisme émetteur», est conservé par celui-ci.
L'exemplaire no 1 doit être présenté au bureau où sont accomplies les formalités douanières d'exportation hors de la Communauté; après imputation et visa par ce bureau, cet exemplaire est remis à l'intéressé. Ajoutons que la libération de la caution est subordonnée à la preuve de l'accomplissement des formalités douanières d'exportation (article 15, paragraphe 2, du règlement no 1373/70). Cette preuve est apportée par la production de l'exemplaire no 1 du certificat visé, conformément aux
dispositions de l'article 8, par le bureau de douane. L'article 9, paragraphe 1, du même règlement permet au titulaire du certificat d'obtenir, sur sa demande et sur présentation de l'exemplaire no 1, un ou plusieurs extraits de ce document qui lui sont délivrés par l'organisme compétent. Ces extraits sont, comme le certificat lui-même, établis en au moins deux exemplaires, dont le premier, dénommé «exemplaire pour le titulaire», est remis au demandeur, et le second, dénommé «exemplaire pour
l'organisme émetteur», est conservé par celui-ci.
Enfin, selon l'article 15, paragraphe 4, en cas de perte du certificat ou de ses extraits, les organismes émetteurs peuvent, à titre exceptionnel, délivrer à l'intéressé un duplicata de ces documents, établi et visé ainsi que l'ont été les documents originaux et comportant clairement la mention «duplicata» sur chaque exemplaire; toutefois, ces duplicata ne peuvent être produits aux fins de la réalisation d'opérations d'exportation.
Le litige porte devant le tribunal d'appel en matière économique de La Haye met en cause l'application de ce régime dans le cas où un certificat de préfixation, établi par l'organisme émetteur, a été égaré avant de parvenir au demandeur. Il convient de rappeler les conditions de fait dans lesquelles ce litige est né.
La société PPW Internationaal (Peppermint and Pharmaceutical Works), dont le siège est à Bladel, dans la province du Nord-Brabant, fabrique des marchandises à base de sucre ou de dextrose qu'elle exporte, notamment hors du marché commun.
En vue d'une adjudication ouverte dans un pays tiers, elle a demandé, par télex du 20 décembre 1971, au Hoofdproduktschap voor Akkerbouwprodukten, office néerlandais compétent, de lui délivrer un certificat de préfixation de restitution pour exporter une quantité de 50000 kg de sucre entrant dans la fabrication de produits relevant de la position 17.04 du tarif douanier commun (sucreries sans cacao) en deux lots de 25000 kg chacun. En l'état de la réglementation en vigueur à cette date, le taux de
restitution était de 34,39 florins pour 100 kg de sucre. La société a constitué la caution exigée pour l'opération projetée.
Deux jours plus tard, le Hoofdproduktschap a établi le certificat sollicité et l'a expédié au siège de l'entreprise par la poste ordinaire, dans un pli contenant, en outre, deux extraits de ce certificat et une lettre d'accompagnement. Ces documents ne sont pas parvenus à leur destinataire. La société en informa, dès le début du mois de janvier 1972, l'organisme émetteur. Une enquête, dirigée par les services postaux sur réclamation du Hoofdproduktschap, ne permit ni de les retrouver, ni même
d'éclaircir les conditions exactes de leur disparition.
Redoutant, à juste titre, de ne pouvoir réaliser, dans les conditions prévues, l'exportation de ses marchandises, la société PPW présente le 30 mars 1972 au Hoofdproduktschap une réclamation alternative tendant, soit à être autorisée à exporter les produits en cause avec le bénéfice de la restitution préfixée, soit, à défaut, à être indemnisée du préjudice résultant de ce que l'exportation ne pourrait ouvrir droit qu'à une restitution d'un montant inférieur, calculé au taux de 9,52 florins,
applicable en mars 1972.
Cette réclamation fut rejetée. Le Hoofdproduktschap a en effet estimé que l'impossibilité dans laquelle se trouvait l'entreprise de produire le certificat égaré faisait légalement obstacle à ce que la restitution préfixée lui soit accordée sur la base du taux de 34,39 florins; que si, d'ailleurs, l'article 15, paragraphe 4, du règlement d'application no 1373/70 permet de délivrer, en cas de perte, un duplicata du certificat, celui-ci ne peut être utilisé aux fins de réaliser une exportation.
Quant aux dommages résultant de la différence entre le taux de restitution préfixée et le taux inférieur de restitution applicable en mars 1972, le Hoofdproduktschap déclarait ne pouvoir en assurer l'indemnisation.
C'est à titre purement gracieux — et après avoir obtenu l'accord du ministère de l'agriculture — que cet organisme consentit toutefois à libérer la caution constituée par l'entreprise.
Peu satisfaite de cette décision, la société PPW la déféra, le 8 mai suivant, au tribunal d'appel en matière économique.
Tenant pour constant le fait que le certificat de préfixation demandé le 20 décembre 1971 par l'entreprise et établi effectivement par l'organisme compétent le 22 décembre avait été égaré avant d'atteindre son destinataire, ce tribunal a estimé que, pour trancher la question de savoir si le Hoofdproduktschap avait agi, en l'espèce, avec toute la diligence requise et, par suite, pour se prononcer sur le droit à indemnité revendiqué par la société, il lui était au préalable nécessaire d'être éclairé
sur l'interprétation des dispositions communautaires qui régissent les conditions dans lesquelles sont établis, par les organismes émetteurs, et délivrés ou remis aux exportateurs les certificats de préfixation de restitution.
Il a, en conséquence, décidé de surseoir à statuer jusqu'à ce que votre Cour se soit prononcée sur les questions préjudicielles suivantes:
1) Quelle signification faut-il reconnaître au terme «afgeven», rendu par «délivré» dans la version française et par «erteilt» dans la version allemande, figurant à l'article 11, paragraphe 1, du règlement no 1009/67/CEE… ?
2) Quelle signification faut-il reconnaître au terme «overhandigd», rendu par «délivré» dans la version française et par «ausgehändigt» dans la version allemande, figurant à l'article 8, paragraphe 2; au verbe «worden afgegeven», rendu par «être délivrés» dans la version française et par «erteilen» dans la version allemande, figurant à l'article 9, paragraphe 1, alinéa 1; au terme «overhandigd», rendu par «remis» dans la version française et par «ausgehändigt» dans la version allemande, figurant à
l'article 9, paragraphe 1, alinéa 2; ainsi qu'au terme «afgeven», rendu par «délivrer» dans la version française et par «erteilen» dans la version allemande, figurant à l'article 15, paragraphe 4, tous articles du règlement (CEE) no 1373/70 de la Commission… ?
3) Comment, notamment, faut-il répondre à la question de savoir s'il est satisfait aux dites exigences de «remise» ou de «délivrance» («overhandiging en/of afgifte»), et en particulier à l'exigence de «overhandiging» du certificat et d'extraits de celui-ci, énoncée à l'article 8, paragraphe 2, et à l'article 9, paragraphe 1, alinéa 2, dudit règlement no 1373/70, dès lors que l'organisme compétent pour émettre le certificat se borne à poster le certificat et les extraits de celui-ci, par exemple de
la manière décrite dans le présent arrêt, mais en tout cas sans que cela soit enregistré à la poste avec délivrance d'un avis d'enregistrement à l'organisme susmentionné ?
Discussion
Le problème d'interprétation posé par le juge néerlandais consiste donc à rechercher tout d'abord si, dans les règlements en cause,
— le verbe «délivrer» (rendu en néerlandais par «afgeven») ou le substantif «délivrance» (rendu en néerlandais par «afgifte») d'une part,
— le verbe «remettre» (rendu par «overhandigen») ou le substantif «remise» (rendu par «overhandiging») d'autre part,
ont, du point de vue juridique, un sens différent.
Disons tout de suite que nous ne le pensons pas. La terminologie employée ne nous paraît pas déterminante et l'exégèse des textes ne permet pas d'aboutir à cette conclusion que les auteurs des règlements auraient entendu mettre à la charge des autorités nationales compétentes, par l'expression «délivrer un certificat», des obligations différentes de celles que vise l'expression «remettre un certificat».
A la lecture des textes, nous constatons en effet que seuls les termes «délivrer» («afgeven») et «délivrance» («afgifte») sont employés, à propos des certificats d'importation ou d'exportation, dans le règlement no 1009/67 du Conseil, texte de base pour le secteur du sucre (article 11, paragraphe 1); que, dans l'article 6 du règlement no 204/69 du Conseil relatif aux restitutions à l'exportation pour les produits transformés, ces mêmes termes figurent en ce qui concerne les certificats de
préfixation.
Dans le règlement d'application no 1373/70, arrêté par la Commission, le mot «délivré» est employé tant à l'article 4, paragraphe 1, («aucun certificat n'est délivré pour des produits qui ne font pas l'objet d'une mise en libre pratique dans la Communauté»), qu'à l'article 8, paragraphe 1, («pour la détermination de leur durée de validité, les certificats (de préfixation) sont considérés comme délivrés le jour du dépôt de leur demande»). En revanche, au deuxième paragraphe du même article on trouve,
dans la première phrase, le mot «délivré», alors que le texte néerlandais retient l'expression «overhandigd». Le dernier alinéa de ce paragraphe est rédigé, en français, comme suit: «Après imputation et visa par le bureau (où sont accomplies les formalités douanières), l'exemplaire no 1 du certificat est remis à l'intéressé» — en néerlandais «wordt teruggeven».
A l'article 9 du même règlement, s'agissant non plus des certificats de préfixation mais des extraits de celui-ci, les versions française et néerlandaise concordent: au paragraphe 1, premier alinéa, on peut lire que «un ou plusieurs extraits… peuvent être délivrés (worden afgegeven)», tandis qu'au deuxième alinéa le texte français dispose: «les extraits sont établis en au moins deux exemplaires, dont le premier… portant le numéro 1 est remis au demandeur…», ce que le texte néerlandais rend par
«overhandigd».
Enfin, à l'article 15, paragraphe 4, il est dit qu'en cas de perte du certificat ou des extraits les organismes émetteurs peuvent, à titre exceptionnel, «délivrer à l'intéressé un duplicata de ces documents» — en néerlandais «afgeven»
De la rédaction de ces textes se dégage, en premier lieu, la constatation que les mots «délivrer» ou «délivrance» sont les seuls employés dans les règlements du Conseil, le terme «remis» n'apparaissant que dans le règlement no 1373/70 de la Commission; qu'en second lieu ces termes concernent aussi bien les certificats d'importation ou d'exportation que les certificats de préfixation ainsi que les extraits de ces derniers; qu'enfin, quelle que soit la terminologie employée, dont nous avons vu qu'elle
marque une distorsion entre la version française et la version néerlandaise dans le seul article 8, paragraphe 2, du règlement de la Commission, l'opération visée est, par nature, toujours identique: elle consiste dans le fait, par l'organisme émetteur, de faire parvenir au demandeur le titre qui doit lui permettre de faire valoir, dans des conditions déterminées, un droit à importer, exporter ou percevoir une restitution préfixée.
Le seul cas dans lequel le terme «remis» a un sens différent de «délivré» est, à notre avis, celui que vise le paragraphe 2, dernier alinéa, de l'article 8 du règlement no 1373/70. Dans cette hypothèse, en effet, l'exportateur a déjà en sa possession l'exemplaire no 1 du certificat de préfixation qui lui a été antérieurement délivré par l'autorité compétente. Il doit présenter ce document au bureau où sont accomplies les formalités douanières. Après imputation et visa de cet exemplaire par le bureau
de douane, le document est «remis à l'intéressé», c'est-à-dire lui est restitué.
Au contraire, dans les relations de l'organisme émetteur du certificat et du demandeur, les termes «délivrer» ou «remettre» ont le même sens. Contrairement à ce que pense la Commission, aucune distinction ne nous parait pouvoir être établie entre la délivrance d'un certificat, qui viserait la naissance de rapports juridiques complexes entre l'administration et l'exportateur, et la remise de l'exemplaire no 1 qui ne représenterait qu'un élément de ces rapports juridiques. La seule distinction utile
que l'on puisse faire dans le régime institué pour la préfixation des restitutions doit être opérée entre la décision prise par l'organisme émetteur, qui se concrétise par l'établissement du certificat, et le fait de la réception par le demandeur, qui le met en état de faire valoir ses droits.
En vérité, la question se ramène à savoir à quelles conditions doit satisfaire la «délivrance» ou la «remise» du certificat de préfixation pour que les droits qu'il confère et les obligations qu'il impose à l'exportateur puissent, en pratique, être mis en œuvre et — de là — à déduire quelles conséquences juridiques entraîne la perte de ce certificat, selon que cette perte se produit avant la réception du document par le demandeur ou après qu'il l'a reçu.
La réponse à cette question ne peut être dégagée que de la finalité du régime de préfixation, compte tenu des effets déterminants qui s'attachent, pour l'exportateur, à disposer de l'exemplaire no 1 du certificat ainsi que des extraits qui, en vertu de l'article 9, paragraphe 2, du règlement no 1373/70, ont les mêmes effets que le certificat lui-même.
Or, quels sont ces effets ?
Le certificat de préfixation confère à son titulaire un droit à bénéficier d'une restitution à l'exportation au taux applicable au jour du dépôt de sa demande (article 8, paragraphe 1), et cela quelle que soit la date à laquelle l'exportation des produits en cause est réalisée, sous la seule condition que cette opération, qui s'analyse dans la sortie de ces produits hors du territoire géographique de la Communauté, ait lieu pendant la durée de validité du certificat — en l'espèce jusqu'à
l'expiration du cinquième mois suivant le dépôt de la demande.
De même, la production du certificat dûment visé par la douane est le seul moyen de preuve admis de la réalité de l'exportation qui puisse permettre d'obtenir la libération de la caution.
Ainsi, que les textes emploient le terme «délivrer» ou le terme «remettre», il reste que ces deux expressions recouvrent une même réalité. La finalité du régime de la préfixation impose que l'exemplaire no 1 du certificat parvienne effectivement au demandeur; c'est la condition nécessaire pour que celui-ci puisse exercer les droits que lui confère ce régime.
La mission de le mettre en œuvre a été confiée par la Communauté aux autorités nationales désignées par les États membres; c'est donc à ces autorités — en l'espèce au Hoofdproduktschap — qu'il incombe de faire en sorte que les certificats qu'elles établissent parviennent aux demandeurs.
Mais, si cette obligation de résultat découle à l'évidence de l'importance que revêt la possession du certificat pour ceux-ci, les institutions communautaires n'ont pas cru devoir imposer aux autorités nationales les voies et moyens propres à atteindre ce but. Elles leur ont laissé, sur ce point, une entière liberté d'action.
Dans le silence des textes communautaires, cette question relève du droit interne de chaque Etat membre.
Il ne vous appartient donc pas d'indiquer au juge néerlandais quelles dispositions aurait pu ou aurait dû prendre le Hoofdproduktschap pour s'assurer qu'en l'espèce le certificat et les extraits établis au nom de la société PPW seraient effectivement parvenus au siège de cette entreprise.
Il était loisible à cet office d'envoyer — à ses risques — ces documents par la voie postale ordinaire et nous ne pouvons que prendre acte du fait que les certificats communautaires ne seraient pas, selon les observations du Hoofdproduktschap, au nombre des envois qui doivent obligatoirement être recommandés en vertu du règlement postal néerlandais.
Seul le juge national serait compétent pour se prononcer, le cas échéant, sur ce point.
Notons cependant que le Hoofdproduktschap a pris spontanément certaines mesures pour éviter à l'avenir le risque de perte des certificats avant réception par les demandeurs. Il a accepté d'envoyer ces certificats par pli recommandé, à condition que le destinataire en supporte les frais; il a admis que les demandeurs envoient un de leurs préposés dans les bureaux de l'office pour obtenir la remise en main propre du certificat; enfin il a instauré, pour les firmes importantes, un système de dépôt des
certificats à l'office, de manière qu'il n'y ait pas déplacement matériel de ces documents, les exportations étant notées au fur et à mesure de leur réalisation.
Mais, si de telles dispositions relèvent de la seule initiative des autorités nationales, il reste que, pour l'interprétation du droit communautaire, une question doit encore être tranchée: c'est celle de savoir quelles sont les conséquences juridiques de la perte d'un certificat ou de ses extraits.
Cette question est-elle résolue par l'article 15, paragraphe 4, du règlement no 1373/70 ?
Nous partageons ici l'avis de la Commission. Cette disposition n'a de sens que dans l'hypothèse où la perte du certificat n'intervient qu'après que le demandeur l'a effectivement reçu. Dans ce cas, on le sait, l'autorité compétente peut, à titre exceptionnel, délivrer un duplicata, établi et visé ainsi que l'a été le document original.
Mais ce duplicata ne peut être produit aux fins de la réalisation de l'opération d'exportation.
En d'autres termes, il ne peut être présenté comme preuve de cette exportation et n'ouvre droit ni au paiement de la restitution préfixée, ni à la libération de la caution.
De telles conséquences ne sont pas admissibles lorsque la perte du certificat s'est produite avant sa réception par le demandeur, c'est-à-dire lorsque le certificat n'a pas été délivré ou remis. L'exportateur n'aurait alors qu'un droit virtuel à bénéficier de la restitution préfixée; il ne pourrait, faute de pouvoir présenter l'exemplaire du certificat qui lui a été envoyé, réaliser son opération. Il y a là, nous semble-t-il, une lacune du droit communautaire.
La Commission suggère une solution consistant dans l'établissement, par l'organisme émetteur, non d'un duplicata mais d'un nouveau certificat, en considérant la demande comme étant toujours en instance. Cette solution ne pourrait évidemment être appliquée que dans les limites de la validité du certificat dont la durée commence à courir au jour du dépôt de la demande.
Tout en reconnaissant qu'une telle interprétation libérale des textes permettrait de résoudre la difficulté, nous ne pensons pas qu'il soit possible, dans le silence du règlement, d'imposer aux autorités nationales la délivrance de nouveaux certificats. Une disposition expresse serait, à notre avis, nécessaire.
En revanche, nous croyons souhaitable qu'après avoir affirmé l'obligation de ces autorités de prendre les mesures qui s'imposent pour que le certificat et, le cas échéant, les extraits parviennent effectivement au demandeur, vous mettiez le juge national en état d'en tirer les conséquences en cas de perte de ces documents non imputable à ce dernier.
Dans ce cas en effet, le risque de perte doit, à notre avis, rester à la charge, de l'organisme émetteur qui n'a pas satisfait à l'obligation de délivrance ou de remise effective. Mais, il appartient au juge national de décider si le préjudice qui en résulte pour l'exportateur peut, dans les conditions admises par le droit interne, justifier une indemnisation.
Nous concluons à ce que vous disiez pour droit que, des dispositions des règlements no 1009/67 et no 204/69 du Conseil comme de celles qui figurent, particulièrement, aux articles 8 et 9 du règlement no 1373/70 de la Commission, découle l'obligation pour les autorités nationales compétentes de prendre les mesures nécessaires afin que les certificats de préfixation de restitution à l'exportation par elles délivrés parviennent effectivement aux demandeurs.