CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. HENRI MAYRAS,
PRÉSENTÉES LE 23 MAI 1973
Monsieur le Président,
Messieurs les Juges,
Le litige à l'occasion duquel le tribunal d'appel en matière économique des Pays-Bas vous a saisis de treize questions préjudicielles, porte sur le classement, aux fins de l'octroi des restitutions à l'exportation, d'une marchandise qualifiée par la requérante au principal, la société Koninklijke Lassiefabrieken, de «farine d'orge» relevant de la position tarifaire 11.01.
Cette société a exporté, entre le 22 février et le 16 août 1968, cinq lots de cette marchandise à destination du Danemark et du Portugal, pays tiers, suivant restitution au taux du jour ou moyennant préfixation.
Le Hoofdproduktschap voor Akkerbouwprodukten, office néerlandais compétent, a estimé, conformément à l'avis du service général d'inspection du ministère de l'agriculture et après analyse effectuée par la station royale de contrôle de Maastricht, que cette marchandise constituait en réalité des «sons, remoulages et autres résidus du criblage, de la mouture ou autres traitements de grains d'orge», relevant de la position 23.02.
Les restitutions afférentes aux produits classés dans le chapitre 23 étant notablement moins élevées que celles qui correspondent aux produits du chapitre 11, l'office exigea la répétition des sommes indûment payées, soit 212958,93 florins. C'est la décision attaquée devant le juge néerlandais, qui met en cause l'interprétation de la réglementation communautaire relative aux produits transformés à base d'orge.
Cette réglementation est devenue, avec les progrès techniques et l'essor de la production des produits dérivés de l'orge, de plus en plus stricte; elle exige un mondage très poussé de l'orge pour que celle-ci puisse être qualifiée d'«orge mondée ou perlée» et ainsi bénéficier des restitutions élevées correspondantes, ainsi qu'il résulte des termes mêmes de l'exposé des motifs du règlement no 821/68 de la Commission qui s'exprime ainsi: «considérant que la restitution pour l'exportation doit tenir
compte de la qualité du produit transformé — en l'espèce l'orge perlé — qui bénéficie de ladite restitution, de façon à éviter que les deniers publics contribuent à l'exportation de produits de qualité inférieure …»
L'entreprise requérante s'est adaptée à cette évolution; comme son «export manager» l'a expliqué aux contrôleurs du ministère de l'agriculture le 30 octobre 1968, pour obtenir de l'«orge perlé» au sens de la réglementation communautaire, il faut d'abord se livrer à l'opération de «prémondage», au cours de laquelle, à côté de l'orge «prémondé», on recueille de la farine de décorticage — sous-produit — représentant environ 20 % du grain et ayant une teneur en amidon de 10 à 15 %. Il faut ensuite
procéder au «mondage final», opération à l'issue de laquelle on recueille, outre l'«orge perlé» proprement dite — produit «noble» par excellence — de la farine d'orge perlé, qui était autrefois exportée comme telle, mais qui ne constituerait plus, selon l'administration néerlandaise, qu'un sous-produit («farine basse»).
Partant de l'idée qu'il suffisait que le produit exporté eût une teneur en amidon (calculée sur la matière sèche) supérieure à 28 % pour qu'il soit classé sous la position 11.01 et non sous la position 23.02 A II, la requérante procédait donc à un mélange, suivant un dosage précis:
— 53 % de farine d'orge perlé ayant une teneur en amidon de 43 % et
— 47 % de farine d'issues avec une teneur en amidon de 9,7 %,
ce qui lui permettait de reconstituer un produit ayant effectivement une teneur moyenne en amidon de l'ordre de 30 %, qu'elle qualifiait «farine d'orge».
Ainsi, selon l'administration défenderesse, la requérante, qui transforme de l'orge provenant de pays tiers, prétend, à partir d'un produit importé pour lequel elle a acquitté un taux de prélèvement relativement bas, avoir fabriqué deux produits principaux ou de première transformation (l'orge perlé et la farine d'orge), sans qu'il en soit pratiquement résulté de déchets ni de sous-produits, et réclamer, sur cette base, la restitution correspondant à l'exportation de ces produits.
En conséquence, sur la base des règlements fixant le taux des restitutions nos 122, 372 et 814/68, pris en application du règlement 360/67, applicables aux quatre premiers lots exportés par la requérante entre le 22 février et le 23 juillet 1968, l'Office néerlandais a classé la marchandise sous la position 23.02 A. D'autre part, faisant application du règlement no 1138/68 fondé sur le règlement no 1052/68 au dernier lot exporté par la requérante le 16 août, il a classé la marchandise sous la même
position.
Se fondant sur certaines contradictions, apparentes ou réelles, entre les règlements portant organisation commune du marché des céréales, d'une part, et le règlement établissant le tarif douanier commun, d'autre part, le tribunal d'appel en matière économique a estimé devoir recourir à votre interprétation.
Pour tenter de répondre aux questions qu'il vous pose, il convient donc de rechercher sur la base de quels critères et par quelles techniques il est possible de distinguer entre eux les produits relevant des deux positions tarifaires sus-mentionnées.
Mais il s'agit aussi de savoir si un même produit peut être classé différemment selon qu'il est importé et qu'il donne lieu à perception du prélèvement ou d'un droit de douane de tarif commun, ou selon qu'il est exporté et qu'il ouvre droit à l'octroi d'une restitution sur la base des règlements agricoles.
Dans toute la mesure du possible, il convient d'éviter de traiter différemment un produit selon qu'il s'agit du prélèvement ou de la restitution, bien que les opérateurs économiques ne se privent pas, pour leur part, de «déprécier» le produit qu'ils déclarent à l'importation, en vue de payer le prélèvement le moins élevé possible, et de «valoriser» le produit qu'ils exportent en vue de percevoir la restitution au taux maximum, tout en cherchant d'ailleurs à écouler une marchandise d'une qualité tout
juste suffisante pour avoir droit à cette restitution.
D'un autre côté, le régime des restitutions que prévoit le règlement no 120/67 en matière de céréales est certes indépendant du régime des prélèvements, tant en ce qui concerne son fondement juridique que les intérêts en cause. Mais il se réfère à la nomenclature du tarif douanier commun pour la désignation des produits qui entrent en ligne de compte pour les restitutions.
Il convient, en premier heu, de rechercher les règles d'interprétation propres au régime des restitutions et, en second lieu, de recourir, s'il est nécessaire, aux principes applicables à l'interprétation de la nomenclature du tarif douanier commun. Si des divergences existaient entre la désignation des marchandises du tarif douanier commun et la nomenclature des règlements agricoles, il faudrait donner la préférence aux règlements agricoles. Si, au contraire, aucune disparité n'existe entre la
réglementation agricole et le tarif douanier commun, la solution doit être dégagée de la nomenclature douanière elle-même.
Constatons, à cet égard, que ni le règlement de base no 120/67, ni le premier règlement sur les restitutions no 360 de la même année, ni les textes d'application pris par la Commission et fixant les montants des restitutions ne permettent de retenir des critères précis et spécifiques en ce qui concerne la définition des produits en cause; en d'autres termes, dans la mesure où ces règlements se réfèrent à des positions tarifaires du tarif douanier commun, ils s'approprient purement et simplement
cette nomenclature tarifaire. Quant au règlement no 1138/68 sur la base duquel a eu lieu la dernière exportation litigieuse, il ne comporte pas expressément de règles propres qui permettent de déterminer le classement du produit exporté. Mais il renvoie, dans son article premier, au texte du règlement no 1052/68 relatif tant aux prélèvements qu'aux restitutions. Or, ce règlement contient, dans son annexe, une nomenclature précise accompagnée, en ce qui concerne la position tarifaire 11.01, d'une
note en bas de page qui contient des critères de distinction entre les produits de ladite position et ceux de la position tarifaire 23.02.
Cette note subordonne l'admission d'un produit à base de céréales dans les positions 11.01 ou 11.02 aux conditions que ce produit ait une teneur en amidon supérieure à 45 % et une teneur en cendres inférieure ou égale, en ce qui concerne les produits à base d'orge, à 3 %. Elle précise que si l'une des deux conditions visées n'est pas remplie, le produit en cause est classé dans la position 23.02en fonction de sa seule teneur en amidon. Cette note fait partie intégrante du règlement no 1052/68, elle
en a le caractère obligatoire et, d'ailleurs, vous vous êtes déjà fondés sur les indications qu'elle contient pour affirmer que le classement, en vue du prélèvement, de produits sous la position 23.02 A doit être fait en fonction de leur teneur en amidon et non suivant par exemple le procédé de traitement utilisé (arrêt du 30 novembre 1972, affaire 18-72, Granaria, Recueil, 1972, p. 1170).
Comme nous le verrons d'ailleurs, la délimitation entre les farines d'orge de la position 11.01 et les sons, remoulages, relevant de la position 23.02 a été, en définitive, tranchée par les travaux du Conseil de coopération douanière de Bruxelles dans le même sens et suivant les mêmes critères. Mais, les règles de classement découlant de la note au bas de l'annexe du règlement no 1052/68 ne peuvent avoir un effet rétroactif; dès lors, seul le classement du dernier lot exporté postérieurement à
l'entrée en vigueur de ce règlement pouvait être déterminé sur la base des prescriptions de cette note, qui ne peuvent être, en revanche, retenues, en tant que telles, pour les exportations précédentes.
Toutefois, la solution ne peut être, à notre avis, différente pour les produits exportés sous l'empire des règlements nos 122, 372 et 814/68. En effet, le régime des restitutions ayant purement et simplement adopté, sans y apporter aucune modification, les positions tarifaires de la nomenclature du tarif douanier commun, ce sont les règles d'interprétation de ce tarif qui, en définitive, doivent être retenues dans le cadre du régime des restitutions, puisque celui-ci ne donnait aucune indication
contraire quant au classement des produits.
Or, à défaut de trouver une règle explicite de classement dans les termes mêmes des positions tarifaires et, le cas échéant, dans les notes complémentaires qui accompagnent la nomenclature tarifaire, vous avez admis qu'il convient de se référer, pour le classement de certains produits, aux notes explicatives existantes, à savoir les notes explicatives de la nomenclature de Bruxelles. A cet égard, ces documents, dans leur version antérieure à 1968, se bornaient à considérer comme produits de la
minoterie des céréales relevant du chapitre 11, les produits qui ont subi une mouture ou les transformations prévues aux diverses positions de ce chapitre, telles que mal-tage, extraction de l'amidon, du gluten, etc. Etaient exclus, en revanche, de ce même chapitre les sons, remoulages et autres résidus du criblage, de la mouture ou d'autres traitements des céréales de la position 23.02. S'il existait, d'autre part, depuis avril 1967 un avis de classement du Conseil de coopération douanière
déterminant la distinction entre les produits dérivés du froment du chapitre 11 et les produits du chapitre 23 sur la base d'une teneur en amidon de 45 % et d'une teneur en cendres de 2,5 %, il paraît impossible de fonder sur cet avis, qui ne concerne que le froment, le classement de produits dérivés de l'orge. Si, en outre, les critères retenus par cet avis ont été en 1967 étendus aux produits de la minoterie d'autres céréales, l'orge n'était pas mentionnée parmi celles-ci. C'est seulement depuis
une mise à jour de 1969 que les avis de classement ont indiqué que les produits de la minoterie de l'orge figurant sous le chapitre 11 doivent avoir une teneur en amidon supérieure à 45 % et une teneur en cendres égale ou inférieure à 3 %; la question n'a été réglée de manière incontestable qu'en 1972 par le Conseil de coopération douanière de Bruxelles. Dans la dernière version de la nomenclature, une note particulière relative au chapitre 11 a été insérée dans le tarif douanier commun; cette note
reprend, en ce qui concerne l'orge, des critères identiques à ceux que contient la «foot-note» annexée au règlement no 1052/68.
Ainsi pourriez-vous être conduits, en ce qui concerne les quatre premières opérations d'exportation en cause, à répondre au juge national qu'aucun critère déterminé n'était, à l'époque, de nature à permettre le classement des marchandises exportées. Mais nous croyons que, même à défaut de règle de classement précise, il est possible d'opérer une distinction objective entre les farines d'orge et les sons ou remoulages d'orge. Ainsi que vous l'avez jugé par votre arrêt du 23 mars 1972 (affaire 36-72,
Henck, Recueil, 1972, p. 198), ce sont les caractéristiques et les propriétés objectives des produits qui, en règle générale, fournissent le critère décisif de leur classement dans le tarif douanier commun. Vous avez ajouté que le classement d'un produit sous une position tarifaire dans le régime de l'organisation commune des marchés dépend de la structure et de l'utilisation du produit et non du traitement auquel il a été soumis. Ceci implique, comme l'a rappelé la Commission, qu'un classement
puisse être effectué sur la base des teneurs spécifiques des composants essentiels des produits en cause, dans la mesure où ces composants peuvent être déterminés avec un degré de certitude suffisant par des méthodes d'analyse modernes. Or, s'agissant des produits de la minoterie des céréales, les éléments essentiels à retenir sont, notamment, la teneur en amidon et, accessoirement, la teneur en cendres et en cellulose. C'est ce qui résulte d'ailleurs de votre jurisprudence dans les affaires 72-69,
Bremer Handelsgesellschaft, et 74-69, Krohn (Recueil), 1970, p. 434 et p. 462). Dans ces affaires, la Cour était saisie de questions qui, à certains égards, se rapprochent de celles qui sont posées dans le présent litige. L'expression «fa-rine de manioc» figurant à l'annexe visée à l'article 1, paragraphe d), du règlement no 19/62 du Conseil devait-elle être interprétée en ce sens qu'elle recouvre, sans avoir égard au procédé de fabrication, tout produit dérivé des racines de manioc, dès lors que sa
teneur en amidon est supérieure à 40 %, ou bien des teneurs maxima ou minima en d'autres éléments constitutifs, tels que fibres brutes, sucre ou protéines, étaient-elles à prendre en considération? Vous avez jugé que l'interprétation d'une position tarifaire par rapport à une autre doit, en cas de doute, tenir compte tant de la fonction du tarif douanier au regard des nécessités des régimes d'organisation de marchés que de sa fonction purement douanière et que c'est en fonction de la seule teneur en
amidon qu'en ce qui concerne le manioc la délimitation doit être faite entre les «résidus de l'amidonnerie» et les «farines», sans tenir compte du traitement que ces racines peuvent avoir subi.
Cette jurisprudence a été confirmée dans les affaires Henck, 12 et 14-71, par l'arrêt du 14 juillet 1971.
C'est en appliquant le même critère que vous pourrez ainsi répondre à la question essentielle posée par le juge national, qui souhaite savoir s'il convient de retenir, pour un produit dérivé de l'orge, une teneur en amidon supérieure ou égale à 28 % ou à 45 %: Observons préalablement que le critère de la teneur en amidon égale ou supérieure à 28 % n'entre pas en ligne de compte pour classer la marchandise sous la position 11.01 ou sous la position 23.02. Ce critère n'intervient qu'aux fins de
classement entre deux sous-positions de la position 23.02. En revanche, sous le chapitre 11 doit être classé le produit de base moulu, l'orge en l'espèce, soit qu'il soit moulu sans autre préparation, soit que, avant ou après l'opération de mouture, des déchets ou sous-produits soient éliminés. Il s'agit donc d'un produit dont la teneur en amidon doit être égale ou supérieure à celle de l'orge et dont la teneur en cellulose brute est nécessairement inférieure à celle de l'orge.
Dans le chapitre 23, au contraire, doivent être rangés les produits qui ont une teneur en amidon inférieure à celle de l'orge et une teneur en cellulose supérieure à celle de l'orge.
Transposant ce que la Cour a jugé dans l'affaire Henck, 36-71, on peut ainsi affirmer que la position 23.02 vise des produits ayant subi des transformations définitives ou résultant d'un mélange de matières différentes et qui sont aptes à la seule alimentation des animaux. Il ne suffit donc pas, contrairement à ce qu'allègue la requérante, que la seule teneur en amidon soit supérieure à 28 % pour qu'automatiquement le produit doive être classé comme «farine d'orge». Il faut, au contraire, que cette
teneur en amidon soit supérieure à 45 %. Cette donnée nous paraît à elle seule déterminante. En l'espèce d'ailleurs, le produit exporté avait une teneur en amidon qui, avoisinant 30 %, était incontestablement très largement inférieure à la proportion qui justifierait un classement dans la position 11.01.
Nous en arrivons maintenant aux questions relatives aux méthodes d'analyse. Le premier point — que soulèvent les questions nos 2 et 3 posées par le juge national — est de savoir si le classement du produit litigieux peut être fait au vu, uniquement, des résultats de l'analyse chimique de ce produit (teneur en amidon, en cellulose, en cendres) ou si, au contraire, il ne peut être déterminé que compte tenu également de l'observation visuelle du produit (au microscope). A notre avis, la réponse ne fait
pas de doute, compte tenu tant des termes de la nomenclature résultant de l'application des règlements relatifs à l'organisation commune du marché des céréales que de la désignation des marchandises au tarif douanier commun: il faut tenir compte à la fois de l'analyse chimique et de l'observation visuelle.
D'ailleurs, sans vouloir empiéter sur l'application au cas d'espèce du seul critère de l'analyse chimique, on peut relever que la station de contrôle agricole de Maastricht a constaté que les échantillons examinés avaient une teneur en cellulose brute bien supérieure à celle de l'orge et une teneur en amidon inférieure a celle de l'orge. Or, les «farines et farines blutées» obtenues par mouture ou trituration de l'orge ont nécessairement une teneur en cellulose inférieure à celle de l'orge et une
teneur en amidon qui lui est supérieure.
Ces données correspondaient à celles résultant de l'observation visuelle, d'où il était ressorti que les échantillons examines contenaient une quantité d'enveloppes supérieure à celle de l'orge et une quantité de particules d'amande farineuse inférieure à celle de l'orge. Or, les «farines et farines blutées» obtenues par transformation de l'orge sont caractérises par la présence d'une quantité d'en-veloppes qui peut, au maximum, être égale à celle de l'orge non travaillée et par la présence d'une
quantité de particules d'amande farineuse qui est au moins égale à celle de l'orge.
Quant au second point, il porte sur la question de savoir si la teneur en amidon doit être calculée sur la marchandise en l'état ou sur la matière sèche. Il est constant que la station de contrôle agricole de Maastricht a calculé la teneur en amidon des échantillons prélevés selon la méthode Ewers, mais sans la rapporter à la matière sèche. C'était là, explique-t-elle, une abstention voulue car, dans la désignation des marchandises relatives à la sous-position 23.02 A, il est question de produits
dont la teneur en amidon est, en poids, inférieure ou égale à 28 %. Si on avait estimé nécessaire que l'analyse fût faite sur la matière sèche, il aurait fallu que le texte le dise expressément. Tel n'était pas le cas. D'autre part, les dispositions du règlement no 228/67 qui précise comment il faut déterminer la teneur en poids d'amidon sur laquelle est fondé l'examen de l'élément mobile du prélèvement ne se prononce pas non plus sur le point de savoir si cette opération doit être faite sur le
produit en l'état ou sec.
Etant donné le caractère essentiel de la différence entre teneur calculée sur le produit en l'état et teneur calculée sur la matière sèche, il est inconcevable que les auteurs du règlement aient pu vouloir dire, en ne disant rien, que la teneur devait être rapportée à la matière sèche. Ce n'est d'ailleurs que la note complémentaire du chapitre 11 du tarif douanier commun, tel qu'il résulte du règlement no 2451/69 entré en vigueur à compter du 1er janvier 1970 seulement, qui précise que pour pouvoir
relever de la position 11.01 et non de la sous-position 23.02 A un produit doit, entre autres, avoir une teneur en amidon supérieure à 45 % calculée sur matière sèche. Le règlement no 1052/69 qui, pour la première fois, a fait référence à ce taux de 45 % dans la note de bas de page de son annexe ne contient pas cette précision.
Nous en arrivons ainsi aux questions qui portent sur la validité de la «foot-note» à l'annexe du règlement no 1052/68.
L'office néerlandais ainsi que la Commission s'efforcent d'éluder les critiques soulevées à cet égard par la requérante au principal en affirmant que le classement des produits litigieux n'a pas été déterminé sur la base des indications ou des prescriptions de cette note; ils en déduisent que les questions posées ne sont pas pertinentes aux fins de la solution du litige dont se trouve saisi le juge national.
Comme on le sait, la «foot-note» n'a, en tout état de cause, pu légalement fonder que le classement du cinquième et dernier lot de marchandises exportées. D'autre part, dans la mesure où nous avons conclu que, même antérieurement à l'entrée en vigueur du règlement no 1052/68, les mêmes critères de classement que ceux qui ont été retenus par cette note devaient, sur la base de la nomenclature en vigueur, être appliqués en tant que critères objectifs et raisonnables, tenant compte des composants
essentiels des produits, on pourrait en effet penser que toute discussion sur la validité ou le sens de cette note est inutile.
Nous n'en donnerons pas moins notre opinion sur les questions posées sur ce terrain par le juge néerlandais.
En premier lieu, la note fait-elle partie intégrante du règlement no 1052/68? Nous avons déjà répondu affirmativement sur ce point; ses dispositions sont donc directement applicables dans chacun des États membres. Votre jurisprudence est, à cet égard, constante (arrêt du 15 octobre 1969, affaire 14-69, Markus and Walsh; arrêt du 24 avril 1972, affaire 92-71, Interfood).
Doit-elle être retenue pour le classement d'un produit aux fins de l'octroi de la restitution comme aux fins du prélèvement? Contrairement à la Commission, qui penche pour la négative au motif que les dispositions de la note n'ont été expressément reprises que dans le seul règlement no 1137/68 fixant le taux des prélèvements et non dans les règlement no 1138/68 relatif au taux de restitution, nous estimons devoir déduire du fait que cette note a été insérée sous l'annexe du règlement no 1052/68, qui
concerne tant le régime des restitutions que celui des prélèvements, la conséquence que la note elle-même est applicable à l'exportation aussi bien qu'à l'importation des produits qu'elle concerne.
D'ailleurs, si les dispositions qu'elle comporte n'ont pas été reproduites dans le règlement no 1138/68, l'exposé des motifs de ce dernier texte nous paraît, à cet égard, pouvoir être invoqué en ce sens puisqu'il précise notamment:
«Considérant qu'il convient, pour certains des produits visés, de limiter la restitution à un montant qui, tout en permettant l'accès au marché mondial, assurerait le respect des objectifs de l'organisation commune des marchés; qu'il convient de graduer la restitution à accorder à certains produits transformés en fonction, suivant les produits, de leur teneur en cendres, en cellulose brute, en enveloppes, en protéines, en matières grasses ou en amidon, cette teneur étant particulièrement
significative de la quantité de produits de base réellement incorporés dans les produits transformés …»
En troisième lieu, l'introduction de la note dans le règlement no 1052/68 ne viole pas le principe de la sécurité juridique. Comme nous l'avons dit, ces prescriptions n'ont aucun effet rétroactif. L'article 12 du règlement no 1052/68, texte publié le 25 juillet 1968, prend soin de préciser que «pour la facilité des opérations commerciales, les prélèvements à l'importation et les restitutions à l'exportation fixés pour le mois de juillet 1968, sur la base de la nomenclature tarifaire en vigueur le
1er juillet 1968, resteront en vigueur jusqu'au 31 juillet». Ainsi, les dispositions de la note n'ont-elles pu recevoir application qu'à partir du 1er août 1968.
Quant au grief de motivation insuffisante de la note, nous ne l'estimons pas sérieux. Certes, peut-on considérer que son introduction dans le règlement no 1052/68 n'est qu'indirectement motivée et de façon sommaire: «considérant qu'à la suite de l'expérience acquise au cours de la première campagne d'application des prix communs des céréales il convient de revoir les dispositions du règlement no 360/67 du Conseil afin de mieux les adapter à la réalité et aux exigences des produits transformés à base
de céréales et de riz».
Mais l'obligation de motiver les règlements qu'impose l'article 190 du traité ne parait pas, selon votre jurisprudence, pouvoir être interprétée comme nécessitant une motivation spécifique de chacune des dispositions de ces règlements, encore moins de simples notes explicatives d'une nomenclature, dont l'objet est de préciser les critères de classement de certains produits aux fins du calcul du prélèvement ou de la restitution.
Enfin, tout comme le règlement no 360 du 25 juillet 1967, le règlement no 1052/68 contenant la note litigieuse est un règlement du Conseil pris sur la base du règlement général no 120/67 relatif à l'organisation commune du marché des céréales, pris sur proposition de la Commission. Il est vrai que le règlement de base lui-même avait été adopté dans les mêmes conditions, mais après l'avis de l'Assemblée parlementaire. Il ne fait pas de doute que si la note était contraire aux dispositions du
règlement no 120/67 son introduction n'aurait pu avoir lieu que dans les mêmes formes, donc après avis de l'Assemblée. Mais nous n'apercevons aucune incompatibilité entre la note et le règlement de base, dans la mesure où les dispositions de cette note se bornent à préciser les critères de classement de certains produits concernés par l'organisation commune du marché des céréales. De même, le règlement en cause et, par suite, la note qui y est annexée sont relatifs au régime des prélèvements et des
restitutions; leur validité ne peut être appréciée par rapport au règlement no 950/69 concernant le tarif douanier commun; ils reposent sur une base juridique qui, en tant que droit dérivé de l'article 43 du traité, est autonome par rapport à la législation douanière. A supposer même, par conséquent, que la note puisse être regardée comme en contradiction avec le règlement no 950/68, elle ne pourrait être entachée de nullité par ce motif puisqu'elle se situe sur un terrain juridique différent. Aussi
bien, les critères de classement que la note a introduits expressément pour le calcul des prélèvements et restitutions ont-ils été repris dans des termes presque identiques dans le tarif douanier commun en vigueur depuis le 1er janvier 1972.
Nous concluons en définitive à ce que vous répondiez aux questions posées par le tribunal d'appel en matière économique des Pays-Bas dans le sens des observations que nous venons de présenter.