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03/02/1976 | CJUE | N°42-75

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Warner présentées le 3 février 1976., Jean-Louis Delvaux contre Commission des Communautés européennes., 03/02/1976, 42-75


CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. JEAN-PIERRE WARNER

PRÉSENTÉES LE 3 FÉVRIER 1976 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges

Le requérant au présent litige, M. Jean-Louis Delvaux, est et a toujours été de nationalité belge. Il a cependant vécu un certain nombre d'années au Danemark et déclare avoir demandé la nationalité danoise. Il travaille à la section danoise du service de traduction de la Commission à Bruxelles, où il traduit vers le danois. Il a été engagé par la Commission comme agent temporaire le 16 juillet 1974.

Par la suite, après avoir passé avec succès un concours, il a été nommé, avec effet au 1er janvi...

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. JEAN-PIERRE WARNER

PRÉSENTÉES LE 3 FÉVRIER 1976 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges

Le requérant au présent litige, M. Jean-Louis Delvaux, est et a toujours été de nationalité belge. Il a cependant vécu un certain nombre d'années au Danemark et déclare avoir demandé la nationalité danoise. Il travaille à la section danoise du service de traduction de la Commission à Bruxelles, où il traduit vers le danois. Il a été engagé par la Commission comme agent temporaire le 16 juillet 1974. Par la suite, après avoir passé avec succès un concours, il a été nommé, avec effet au 1er janvier
1975, à un poste de grade LA/7, en tant que fonctionnaire stagiaire. Nous présumons qu'il a été titularisé entre temps.

Lorsqu'il est entré au service de la Commission, le requérant a fait valoir qu'eu égard à sa résidence antérieure au Danemark, son traitement devait comprendre une indemnité de dépaysement. Vous vous souviendrez que l'article 4, paragraphe 1, de l'annexe VII du statut du personnel stipule qu'une indemnité de dépaysement est accordée

a) en résumé, au fonctionnaire qui n'a pas et n'a jamais eu la nationalité de l'État sur le territoire duquel il est employé et qui n'a pas, pendant la période de cinq années expirant six mois avant son entrée en fonctions, habité ou travaillé à titre principal sur le territoire européen dudit État, les situations résultant de services effectués pour un autre État ou une organisation internationale n'étant pas prises en considération à cet effet; et

b) «au fonctionnaire qui, ayant ou ayant eu la nationalité de l'État sur le territoire duquel est situé le lieu de son affectation, a, de façon habituelle, pendant la période de dix années expirant lors de son entrée en service, habité hors du territoire européen dudit État pour une raison autre que l'exercice de fonctions dans un service d'un État ou dans une organisation internationale» (JO C 100 du 28. 9. 1972).

Aux termes des articles 19 et 21 du régime applicable aux autres agents des Communautés, les dispositions reproduites ci-dessus sont applicables par analogie aux agents temporaires.

La demande d'indemnité de dépaysement présentée par le requérant et naturellement fondée sur la lettre b de l'article 4, paragraphe 1, qui s'appliquait, par conséquent, également aux agents temporaires, a été rejetée par le directeur général du personnel et de l'administration de la Commission, par lettre du 9 août 1974.

Le requérant a introduit le 23 septembre 1974 une réclamation au sens de l'article 90, paragraphe 2, du statut du personnel, dirigée contre le rejet de sa demande et qui a été enregistrée au Secrétariat général de la Commission le 2 octobre 1974. La Commission n'a pas répondu dans le délai de quatre mois prescrit par l'article 90, paragraphe 2. Le 29 avril 1975, le requérant a donc engagé la présente instance, en attaquant la décision implicite de rejet rendue à l'encontre de sa réclamation.

Une complication d'ordre procédural résulte de ce que la requête fait état, au bénéfice du requérant, de conclusions subsidiaires selon que la date de son «entrée en fonctions» à retenir pour le calcul de la période de 10 ans au sens de l'article 4, paragraphe 1, lettre b, doit être censée avoir été le 16 juillet 1974 (date à laquelle il est devenu agent temporaire) ou le 1er janvier 1975 (date de sa nomination en tant que fonctionnaire stagiaire). Il semble qu'un doute à cet égard ait surgi dans
l'esprit du requérant du fait de certaines formules employées par M. l'avocat général Mayras dans ses conclusions sur l'affaire 33-72 Gunnella/Commission (Recueil 1973, p. 475, voir p. 487-488). Quoique compréhensible, ce doute ne nous semble pas justifié. Dans cette affaire, M. l'avocat général Mayras ne traitait pas du cas d'une personne entrée au service des Communautés en tant qu'agent temporaire avant d'être nommée fonctionnaire par la suite. Mlle Gunnella n'avait jamais eu d'autre qualité que
celle de fonctionnaire et il est évident, selon nous, que, dans ce contexte, M. l'avocat général Mayras a simplement distingué la nomination initiale des mutations ultérieures et de la réintégration dans le service après un congé de convenance personnelle.

Mais dans le cas d'une personne qui entre au service des Commaunautés en tant qu'agent temporaire avant d'être nommée par la suite fonctionnaire, il est incontestable, à notre avis, que la date à prendre en considération est celle de sa première prise de fonctions en tant qu'agent temporaire. Si les conditions de résidence que le requérant a remplies au cours des 10 années qui ont précédé le 16 juillet 1974 lui ouvraient le droit à une indemnité de dépaysement lorsqu'il était agent temporaire, il ne
pouvait perdre le droit à une telle indemnité en devenant fonctionnaire. Inversement, si ces conditions n'étaient pas de nature à lui conférer un droit à indemnité, il ne pouvait prétendre bénéficier d'un tel droit, une fois devenu fonctionnaire, en incluant dans la période de 10 ans retenue la durée des services qu'il a effectués en tant qu'agent temporaire.

Le problème ainsi soulevé au nom du requérant n'a donc aucune consistance selon nous. Néanmoins, à la suite de l'examen fait à ce sujet par les mémoires des parties, le requérant a demandé que le présent recours soit considéré comme limité à la période au cours de laquelle il a été agent temporaire et il a introduit un nouveau recours, l'affaire 107-75, qui porte sur la période postérieure au 1er janvier 1975. Aussi bien, la procédure de ce dernier recours a été effectivement suspendue dans
l'attente de votre décision dans la présente instance.

Les faits de l'espèce ne font pas l'objet de contestation entre les parties, sauf peut-être en ce qui concerne les coordonnées du requérant pendant les quatre premiers jours de la période de dix ans retenue, c'est-à-dire du 16 au 20 juillet 1964.

Le requérant est né à Louvain le 20 août 1945. Il a été à l'école en Belgique de 1951 à 1963. A un moment donné, en 1963, il a suivi un cours à Strasbourg où il a rencontré une Danoise, Mlle Else Margrethe Pade. Ils se sont fiancés et ils ont convenu que le requérant irait habiter au Danemark.

En 1963-1964, le requérant a étudié à l'université de Gand.

Au début du mois de juillet 1964, Mlle Pade est venue à Bruxelles et à la mi-juillet, le requérant et elle-même ont quitté ensemble Bruxelles pour se rendre au Danemark, où ils sont arrivés le 20 comme l'atteste une mention portée sur le passeport du requérant (annexe 1 au mémoire en défense). On prétend du côté du requérant, contrairement à la Commission, qu'ils ont traversé l'Allemagne en auto-stop, qu'ils ont ensuite pris le ferry dans un port allemand et que la date de leur départ de Bruxelles a
été le 16. Le requérant déclare également que ses parents seraient en mesure d'apporter des preuves en ce sens. Nous ne pensons pas, Messieurs, qu'il soit nécessaire de les convoquer. Nous présumons, en faveur du requérant, que Mlle Pade et lui ont effectivement quitté Bruxelles le 16.

Le requérant est resté au Danemark jusqu'au 24 août 1964. Pendant son séjour, il s'est enquis des possibilités qui existeraient pour lui de poursuivre ses études et de s'installer dans ce pays.

Il a quitté le Danemark pour retourner en Belgique, où. il a entrepris des démarches auprès des autorités pour établir s'il pouvait être dispensé du service militaire ou au moins bénéficier d'un avancement d'incorporation. Tout en attendant l'appel sous les drapeaux, c'est-à-dire de septembre 1964 à avril 1965, il a travaillé dans une firme d'expédition d'Anvers qui appartenait à un ami de sa famille. Le requérant affirme que, pendant son séjour dans cette ville, il n'était pas lié par un contrat de
travail et qu'il a simplement reçu de l'argent de poche. En tout cas, il a interrompu son activité dans cette ville pour aller à nouveau au Danemark du 13 décembre 1964 au 23 janvier 1965 et du 10 avril au 1er mai 1965.

Le 1er mai 1965, il a été incorporé dans l'armée belge au titre de ses obligations militaires. Il a opté pour le service à l'étranger, ce qui lui a valu, si nous avons bien compris, une réduction de la durée de son service de 15 à 12 mois. Il a tout d'abord été affecté à Düren en Allemagne, puis du 8 septembre 1965 au 25 avril 1966 au SHAPE, qui était alors stationné à Rocquencourt en France. Pendant son service militaire, il a passé de courtes permissions au Danemark. Le 7 avril 1966, il a épousé
Mlle Pade mais nous ignorons où. Son passeport ne fait état d'aucun séjour au Danemark à cette date.

Après sa libération, le requérant est resté 11 jours en Belgique. Le 8 mai 1966, il s'est rendu au Danemark où il s'est alors installé. Il a étudié à l'université de Copenhague et a trouvé par la suite du travail au Danemark à divers titres. Le 1er octobre 1966, un enfant est né de l'union des deux époux. Ceux-ci ont divorcé le 14 avril 1972, mais le requérant est resté au Danemark.

Il est retourné à Bruxelles le 13 juillet 1974 pour entrer au service de la Commission.

Le requérant affirme que sa résidence principale est toujours au Danemark. Il ne précise pas en quoi elle consiste, mais il allègue louer seulement un appartement meublé à Bruxelles.

La question est donc de savoir, sur la base de ces faits, si le requérant doit être considéré comme ayant habité de façon habituelle hors de Belgique pendant les dix années précédant le 16 juillet 1974.

La Commission admet, et à bon droit selon nous, qu'il devrait être considéré comme répondant à ces conditions de résidence du 8 mai 1966 au 16 juillet 1974. La controverse opposant les deux parties a trait à la période antérieure.

Au cours de l'audience, la Cour a été invitée par les avocats à trancher ces questions sur la base du seul texte français du statut du personnel, au motif, si nous avons bien compris, que dans certains des autres textes, et notamment dans les versions allemande et danoise, la référence à la résidence habituelle est rédigée dans des termes suggérant un établissement plus permanent que la rédaction du texte français «a, de façon habituelle … habité». Pour des raisons que nous allons exposer, nous
sommes parvenus à la ferme conclusion que même si l'on se fonde sur les textes anglais et français prétendument plus libéraux, le requérant ne saurait légitimement prétendre qu'il a habité de façon habituelle hors de Belgique du 16 juillet 1964 au 8 mai 1966. Nous n'allons donc pas abuser de votre temps avec un examen des expressions utilisées dans les autres versions pour définir la résidence habituelle.

Nous devons toutefois contester l'idée que, dans un litige relevant du statut des fonctionnaires, la Cour pourrait ignorer tous les textes faisant foi à l'exception d'un seul d'entre eux. En effet, certains des arguments que nous avons lus et entendus au cours de la présente affaire montrent les dangers d'une telle démarche. Ces arguments gravitaient autour de l'ambivalence du mot français «dépaysement», lequel est l'équivalent, dans la rédaction française de l'article 4, d'«expatriation» dans le
texte anglais. «Dépaysement» a une signification subjective et une signification objective. Dans son acception subjective, ce mot implique que l'on ne se sent pas chez soi. Dans son sens objectif, il indique le fait de vivre à l'étranger. Un simple coup d'oeil sur le texte anglais de l'article 4 suffit à montrer que dans cet article, «dépaysement» doit être uniquement interprété dans le sens objectif, car «expatriation» ne peut être utilisé en anglais dans un sens subjectif, mais signifie seulement
«dépaysement» au sens objectif. Nous n'oublions pas que dans les arrêts qu'elle a rendus dans les affaires 21-74 et 37-74, Airola/Commission et Van Den Broeck/Commission (Recueil 1975, p. 228 et 244), la deuxième chambre a déclaré que le «“dépaysement” est une situation subjective». Sauf le respect dû à la seconde chambre, bien que cette expression française soit admissible d'un strict point de vue linguistique, son équivalent anglais «“expatriation” is a subjective state» [1975] ECR p. 228 et 244)
est une proposition qu'il est impossible d'avancer. Nous croyons savoir que les équivalents danois et allemand d'«expatriation» et de «dépaysement» utilisés à l'article 4 ont ce même sens purement objectif qu'«expatriation», tandis que les expressions homologues néerlandaise et italienne peuvent avoir le sens ambivalent de «dépaysement».

La question qui finalement nous intéresse n'est pas de savoir si le requérant se sentait plus chez lui en Belgique ou au Danemark, mais uniquement de savoir s'il a résidé en dehors de la Belgique pendant la période litigieuse.

Il est évident, selon nous, que cette période se divise en deux parties, la première allant du 16 juillet 1964 au 1er mai 1965 avant l'incorporation du requérant et la seconde correspondant à la durée de son service militaire.

Pour des raisons de commodité, nous commencerons par la dernière période.

A ce sujet, la Commission relève qu'aux termes de l'article 4, paragraphe 1, lettre b, le requérant doit avoir habité hors de Belgique «pour une raison autre que l'exercice de fonctions dans un service d'un État ou dans une organisation internationale» pour que cette résidence puisse être prise en considération. La Commission estime que le service militaire effectué par le requérant dans l'armée belge, à l'inclusion de la période qu'il a passée au SHAPE, entre dans le champ d'application de cette
exception.

On a fait valoir, au nom du requérant, que cette exception vise le service effectué sur le territoire non européen de l'État intéressé ou l'exercice de leurs fonctions par des diplomates ou des personnes titulaires de postes similaires, et ne peut englober des charges légales imposées à une personne comme le service militaire.

Messieurs, rien ne justifie, selon nous, une inteprétation aussi restrictive et nous voyons au moins deux bonnes raisons pour la rejeter. Premièrement, nous ne pensons pas qu'il soit possible de distinguer judicieusement le service «obligatoire» du service «volontaire»: dans quelle catégorie ranger, par exemple, la situation d'un militaire qui n'a pas été appelé mais qui a été envoyé à l'étranger? Deuxièmement, l'adoption d'une telle interprétation aux fins de l'article 4, paragraphe 1, lettre b,
entraînerait l'adoption d'une interprétation correspondante de l'exception homologue visée à l'article 4, paragraphe 1, lettre a, ce qui pourrait aboutir à des résultats absurdes.

Nous estimons donc que la période de service militaire effectuée par le requérant ne peut être considérée comme une période de résidence habituelle hors de Belgique. Il aurait pu en aller différemment, selon nous, si avant le début de son service militaire, il avait acquis un domicile fixe au Danemark où il serait retourné à la fin de ce service. Il aurait été dès lors possible d'alléguer en sa faveur que sa résidence hors de Belgique n'était pas imputable à l'exécution de ses obligations militaires
car il aurait habité hors de Belgique de toute façon. Mais, comme le requérant l'a lui-même déclaré à trois reprises [tout d'abord dans le curriculum vitae qu'il a fourni à la Commission lorsqu'il a brigué un poste dans les services de cette institution (annexe 2 du mémoire en défense), deuxièmement dans sa réclamation du 23 septembre 1974 (annexe 1 à la requête) et troisièmement dans une lettre qu'il a rédigée le 12 février 1975 pour compléter cette réclamation (annexe 5 du mémoire en défense)], il
ne s'est établi en réalité au Danemark qu'après avoir terminé son service militaire.

Nous en venons à la question de savoir si le requérant peut être considéré comme ayant habité de façon habituelle hors de Belgique du 16 juillet 1964 au 1er mai 1965, bien que cette question ne doive logiquement avoir aucune importance si le requérant ne peut être réputé avoir résidé dans ces conditons entre mai 1965 et mai 1966.

Il semble que «habitual residence» et les expressions homologues utilisées dans les autres textes authentiques du statut du personnel ne soient pas des concepts dotés d'une quelconque signification technique dans aucun de nos systèmes juridiques nationaux. En ce qui concerne le droit anglais, tandis que l'expression «ordinary residence» a acquis un sens très technique en droit fiscal, l'adjectif «habituai» est appliqué plus souvent aux ivrognes (signifiant dès lors «invétéré») qu'à la résidence.
Dans ses conclusions sur l'affaire Gunnella (Recueil 1973, p. 486), M. l'avocat général Mayras a effectivement relevé que la notion de résidence habituelle pourrait éventuellement donner lieu à interprétation, mais nous ne nous estimons pas tenus d'essayer de la définir en l'espèce. Il nous semble que la résidence habituelle est, au même titre qu'un éléphant, plus facile à reconnaître qu'à définir. Nous dirons simplement que d'après nous, pour déterminer si une personne a habité de façon habituelle
dans un endroit donné et pendant une période donnée, il y a lieu d'établir dans quelle mesure elle y a été effectivement présente au cours de cette période, puis de déterminer le ou les motifs de cette présence.

Au cours des discussions, les représentants des parties se sont référés à des définitions empruntées aux dictionnaires, voire même à la théologie pour déterminer le sens des mots «habiter» et «habituelle» contenus dans la rédaction française du statut mais en fait, le sens de l'expression n'a pas semblé faire l'objet de contestations sérieuses entre les parties. Celles-ci ont admis que l'on peut habiter de façon habituelle dans un pays sans y demeurer en permanence. Elles ont également reconnu que
des séjours brefs et épisodiques ne sauraient être considérés comme constituant une résidence habituelle. Le litige opposant les parties a plutôt trait à l'application de la notion aux faits de l'espèce.

Le raisonnement avancé au nom du requérant consiste, si nous l'avons bien compris, à dire que ses voyages au Danemark et qui ont commencé en juillet 1964, relevaient d'un comportement ininterrompu déterminé par son intention de vivre au Danemark et dont l'aboutissement a été son établissement dans ce pays en mai 1966. Le raisonnement se ramène à dire que les périodes qu'il a passées au Danemark emportaient la résidence habituelle alors que les périodes passées en Belgique doivent être considérées
comme brèves et épisodiques. Pour sa part, la Commission allègue le contraire: selon elle, le requérant a vécu de façon habituelle en Belgique mais a effectué des voyages brefs et épisodiques au Danemark.

A notre avis, l'important ce sont les motifs qui ont amené le requérant à se rendre au Danemark au cours de la période en cause. Après tout, il était enraciné en Belgique et il a travaillé à Anvers pendant une partie substantielle de cette période. Aussi est-ce sur lui que repose la lourde charge de prouver que les motifs de ses séjours au Danemark étaient susceptibles de leur conférer la nature d'une résidence.

Nous savons, en majeure partie à la faveur d'une déclaration faite sous serment par son ex-épouse et produite en sa faveur (par voie d'annexe à la réplique), que son premier voyage au Danemark a eu pour objet d'examiner les possibilités dont il pouvait disposer pour étudier et vivre dans ce pays. Il n'existe absolument aucune preuve quant aux motifs de ses voyages ultérieurs, bien qu'ils aient pu avoir partiellement le même objet que le premier et l'on peut raisonnablement déduire qu'au moins un des
motifs qui ont amené le requérant à les entreprendre était de rendre visite à sa fiancée.

Aller dans un pays afin d'examiner les possibilités d'y étudier et d'y vivre est compatible, selon nous, avec une résidence ultérieure dans ce pays, c'est-à-dire lorsque ces possibilités se sont matérialisées, mais ne l'est pas avec une résidence dans ce pays au moment des recherches elles-mêmes. Aller dans un pays pour rendre visite à sa fiancée est compréhensible, voire louable, mais ne remplit pas en soi les conditions d'une résidence dans ce pays.

Nous ne pensons donc pas que le requérant puisse être considéré comme ayant habite de façon habituelle hors de Belgique à un moment quelconque avant le mois de mai 1966.

Or, l'article 4, paragraphe 1, lettre b, exige que pour avoir droit à une indemnité de dépaysement, le requérant aurait dû habiter de façon habituelle à l'étranger pendant toute la période de 10 ans précédant sa prise de fonctions au service des Communautés. Huit ans et quelques mois ne sont pas suffisants.

Nous estimons en définitive que le présent recours doit être rejeté.

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( 1 ) Traduit de l'anglais


Synthèse
Numéro d'arrêt : 42-75
Date de la décision : 03/02/1976
Type de recours : Recours de fonctionnaires - non fondé

Analyses

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Jean-Louis Delvaux
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Warner
Rapporteur ?: O'Keeffe

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1976:13

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