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06/10/1976 | CJUE | N°32-76

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Mayras présentées le 6 octobre 1976., Alfonsa Saieva contre Caisse de compensation des allocations familiales de l'industrie charbonnière des bassins de Charleroi et de la Basse-Sambre., 06/10/1976, 32-76


CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. HENRI MAYRAS,

PRÉSENTÉES LE 6 OCTOBRE 1976

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

La requérante au principal est veuve d'un ouvrier mineur italien ayant travaillé successivement en Italie et en Belgique, où il est décédé le 8 août 1956 lors de la catastrophe du Bois du Cazier. Elle est mère de trois enfants, nés respectivement le 18 mars 1948, le 31 mars 1954 et le 1er mars 1956.

Après la disparition de son mari, la requérante est rentrée en Italie. Elle y a perçu, à la charge du rÃ

©gime de sécurité sociale belge, une rente d'accident du travail pour elle-même, une rente d'orphelin...

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. HENRI MAYRAS,

PRÉSENTÉES LE 6 OCTOBRE 1976

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

La requérante au principal est veuve d'un ouvrier mineur italien ayant travaillé successivement en Italie et en Belgique, où il est décédé le 8 août 1956 lors de la catastrophe du Bois du Cazier. Elle est mère de trois enfants, nés respectivement le 18 mars 1948, le 31 mars 1954 et le 1er mars 1956.

Après la disparition de son mari, la requérante est rentrée en Italie. Elle y a perçu, à la charge du régime de sécurité sociale belge, une rente d'accident du travail pour elle-même, une rente d'orphelins pour ses trois enfants, ainsi que des allocations familiales à raison de ces derniers. En fait, comme nous le verrons, elle ne cumulait pas intégralement ces deux dernières prestations.

L'organisme compétent, la Caisse de compensation des allocations familiales de l'industrie charbonnière des bassins de Charleroi et de la Basse-Sambre, a cessé de lui verser les prestations à compter du 17 mars 1966 pour l'aîné de ses enfants, à compter du 30 mars 1972 pour le second, dates auxquelles l'un puis l'autre atteignirent respectivement l'âge de 18 ans, et à compter du 30 septembre 1972 pour le dernier, qui n'avait alors que 16 ans.

Il est difficile de connaître exactement la raison qui, aux yeux de la caisse belge, justifiait cette suppression, car cet organisme n'a pas jugé bon de comparaître ni de se faire représenter à la barre du tribunal du travail de Charleroi. Elle n'a pas non plus usé de la faculté de présenter des observations à votre barre, non plus que le gouvernement belge. Par ailleurs, le dossier transmis par le juge national ne contient que de maigres indications sur la phase administrative de l'affaire.

Nous en sommes donc réduit à des conjectures à partir des observations présentées par la requérante au principal et par la Commission.

Il nous paraît cependant que le raisonnement sous-jacent à la décision de la Caisse est le suivant:

a) En ce qui concerne les deux premiers enfants

La caisse a fait application conjointe, d'une part, des dispositions combinées de la législation belge en matière d'accidents du travail et en matière d'allocations familiales, d'autre part, du règlement no 3 du Conseil sur la sécurité sociale des travailleurs migrants, du moins selon l'interprétation qu'elle a retenue de ce texte communautaire.

S'il ne vous appartient de vous prononcer que sur ce dernier point, il est néanmoins nécessaire de rappeler les textes nationaux sur lesquels la caisse s'est fondée.

En vertu de l'article 4, 2o, B, de la loi du 24 décembre 1903 sur la réparation des dommages résultant des accidents du travail (selon le texte de l'arrêté royal de coordination du 28 septembre 1931),

«lorsque l'accident a causé la mort de la victime, il est alloué les indemnités suivantes: …

2 …

B. aux enfants légitimes nés ou conçus avant l'accident et aux enfants naturels reconnus avant l'accident, orphelins de père ou de mère, et pour autant que les uns et les autres soient âgés de moins de 18 ans, une rente viagère temporaire jusqu'à 18 ans, égale à 15 % du salaire annuel pour chaque enfant, sans que l'ensemble puisse dépasser 45 % dudit salaire».

En même temps, la requérante avait droit, du chef de ses enfants, à des prestations au titre de la législation sur les allocations familiales, en vertu de l'article 56 bis des lois coordonnées relatives aux allocations familiales pour travailleurs salariés (selon le texte de l'arrêté royal de coordination du 19 décembre 1939, tel que modifié par la loi du 27 mars 1951).

Selon d'autres dispositions de la législation belge en vigueur à l'époque, les allocations familiales étaient versées jusqu'à l'âge de 16 ans, à moins que l'enfant ne suive un enseignement professionnel ou secondaire, auquel cas le versement continuait jusqu'à 21 ans, et à moins qu'il ne poursuive des études, auquel cas le versement continuait jusqu'à 25 ans.

Cependant, le cumul de ces deux prestations — rente temporaire d'orphelins d'accident du travail et allocations familiales — était régi par l'article 50 bis, 2o, des lois coordonnées, aux termes duquel:

«Du montant des allocations familiales prévues au présent chapitre sont déduites les rentes allouées aux orphelins en vertu des législations sur la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles. Cette déduction ne peut avoir toutefois pour effet de réduire le montant global des allocations familiales octroyées à l'ensemble des orphelins d'un même travailleur, à une somme inférieure au double de celle obtenue en application du barème prévu aux articles 40 et 42 …».

Cette disposition paraît avoir été abrogée en 1967. Mais l'article 183 des lois coordonnées sur les allocations familiales, toujours en vigueur, porte:

«L'octroi aux allocataires des allocations familiales prévues par application des articles 50 bis et 56 bis entraîne, dans leurs chefs, la suppression de toutes autres allocations pour orphelins, payées à charge du Trésor en vertu de la législation et de la réglementation en vigueur, du Fonds national de retraite des ouvriers mineurs, du Fonds des veuves et orphelins et du Fonds d'allocations pour employés».

Il semble donc que la requérante au principal ne percevait, du chef de ses enfants, que les allocations familiales au taux majoré pour orphelins, le montant de ces allocations étant composé en réalité de la somme de la rente viagère à laquelle ils avaient droit et de la différence entre ces allocations familiales spéciales et la prestation accident du travail.

Mais — et nous nous rapprochons ainsi du terrain de l'interprétation qui vous incombe — la caisse a également fait application, à la requérante, des dispositions de l'article 42, 5o, du règlement no 3 sur la sécurité sociale des travailleurs migrants, dans sa version en vigueur à l'époque. Cette disposition porte:

«En cas de décès d'un travailleur salarié ou assimilé ouvrant droit à une rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle en vertu de la législation d'un État membre, des allocations familiales du chef de ses enfants qui résident ou sont élevés sur le territoire d'un autre État membre sont accordées conformément à la législation du pays débiteur de la rente comme si les enfants résidaient ou étaient élevés sur le territoire de cet État».

C'est en application des dispositions combinées de la législation nationale et de la réglementation communautaire que la Caisse a supprimé le versement des allocations familiales du chef des deux premiers enfants de la requérante. A cette application est sous-jacente une interprétation des dispositions de l'article 42, 5o, sur laquelle vous avez à vous prononcer et qui paraît être la suivante:

La Caisse a considéré que les allocations familiales n'étaient versées à la veuve que parce qu'il était accordé à ses enfants une rente viagère temporaire du fait du décès de leur père, accidenté du travail. Le versement de cette rente étant absorbé ou remplacé par le versement du montant, plus important, des allocations familiales spéciales pour orphelins, elle a continué de verser les allocations en Italie en vertu de l'article 42, 5o, du règlement no 3, mais, se basant sur l'article 4, 2o, B,
de la loi précitée sur les accidents du travail, seulement jusqu'à l'âge de 18 ans. Le droit au paiement de la rente viagère temporaire d'orphelins venant a cesser lorsque les bénéficiaires ont atteint l'âge de 18 ans, la Caisse a estimé que les allocations familiales elles-mêmes, n'étaient plus dues. Elle a ainsi lié le droit à la rente d'accident du travail et le droit aux allocations familiales.

Ultérieurement, la législation belge en matière d'accidents du travail a été modifiée par la loi du 10 avril 1971. L'article 19 de cette loi dispose:

«Les enfants, petits-enfants, frères et soeurs reçoivent une rente tant qu'ils ont droit à des allocations familiales et en tout cas jusqu'à l'âge de 18 ans …».

Ainsi, le versement de la rente est désormais uniquement fonction du droit aux allocations familiales et peut être poursuivi au-delà de l'âge de 18 ans, dans la mesure où le droit aux allocations familiales est lui-même maintenu (scolarisation, formation professionnelle, études universitaires, etc.).

Mais ce texte, entré en vigueur le 1er janvier 1972 (en vertu de l'arrêté royal du 25 octobre 1971), n'a pas d'effet rétroactif.

Or, à cette date, le premier enfant avait déjà plus de 18 ans. Le second n'atteignit cet âge que le 30 mars suivant; il aurait donc eu droit, nous semble-t-il, à la prolongation du versement de la rente viagère d'orphelins, du moins s'il remplissait les conditions exigées, en droit belge, pour bénéficier des allocations familiales. Quoi qu'il en soit, la Caisse paraît avoir considéré que tel n'était pas le cas et elle a également suspendu le versement des allocations familiales au titre de ce
second enfant à compter du jour où il attaignit l'âge de 18 ans.

b) Quant, au troisième et dernier enfant, qui n'avait pas encore 16 ans au 1er janvier 1972 et qui donc aurait eu droit, sur la base de la nouvelle législation belge, au versement des allocations familiales, c'est sur un autre terrain de la réglementation communautaire que la Caisse paraît s'être basée pour lui supprimer ce versement.

L'article 78, 2o, b), i), du règlement no 1408/71 dispose:

«Les prestations pour orphelins sont accordées …, quel que soit l'État membre sur le territoire duquel réside l'orphelin ou la personne physique ou morale qui en a la charge effective: …

b) pour l'orphelin d'un travailleur défunt qui a été soumis aux législations de plusieurs États membres:

i) conformément à la législation de celui de ces États sur le territoire duquel réside l'orphelin, si le droit à l'une des prestations visées au paragraphe 1 y est ouvert en vertu de la législation de cet État, compte tenu, le cas échéant, des dispositions de l'article 79, paragraphe 1, alinéa a)…»

L'article 78 a supprimé, pour ce qui concerne les allocations familiales d'orphelins, toute référence à une rente d'accident ou de maladie professionnelle. Il exclut par ailleurs de son champ d'application les pensions ou les rentes d'orphelins accordées en vertu de l'assurance accidents du travail ou maladies professionnelles. Les allocations familiales d'orphelins du régime belge sont, quant à elles, visées par le vocable «prestations» de l'article 78, ainsi qu'il résulte de la déclaration
fournie par la Belgique dans le cadre de l'article 5 du règlement no 1408/71 (JO CE no C 12 du 24 mars 1973).

Par ailleurs, l'article 94, 5o, du règlement no 1408/71 dispose:

«les droits des intéressés qui ont obtenu, antérieurement à l'entrée en vigueur du présent règlement, la liquidation d'une pension ou d'une rente peuvent être révisés à leur demande, compte tenu des dispositions de ce règlement. Cette disposition s'applique également aux autres prestations visées à l'article 78».

Tout porte à croire, selon la Caisse, qu'en raison des périodes accomplies par son mari en Italie la requérante a droit à une pension au titre de la législation italienne; il lui appartient donc de demander aux autorités italiennes compétentes de lui payer cette pension, ce qui entraînera du même coup le versement d'allocations familiales italiennes.

Tel est, Messieurs, pour autant que l'état du dossier transmis par le juge national permet de l'analyser, le raisonnement sur lequel s'est fondée l'institution belge.

Nous ne saurions partager cette façon de voir.

1) En ce qui concerne les deux premiers enfants

Le système instauré par le règlement no 3, dans sa version primitive, en vue de déterminer les droits des titulaires de pensions aux allocations familiales était le suivant:

Le titulaire d'une pension au titre de la législation d'un État membre a droit aux allocations familiales prévues par cette législation s'il réside sur le territoire de l'Etat compétent.

S'il réside sur le territoire d'un État membre autre que l'État compétent, il a également droit à ces allocations, mais seulement jusqu'à concurrence du montant des allocations familiales ou du supplément de pension pour enfants à charge prévus par la législation du pays de résidence, ou de la somme de ces prestations si cette dernière législation prévoit le cumul des deux types de prestations (article 42, 2o).

Après le 1er février 1964, date d'entrée en vigueur du règlement no 1/64 du Conseil du 18 décembre 1963, le principe que consacre la nouvelle rédaction de l'article 42 est que le droit aux allocations familiales, auxquelles sont assimilés les suppléments ou majorations de pension pour enfants à charge, est déterminé en vertu d'une seule législation: les prestations pour enfants à charge sont accordées en vertu de la législation et à la charge de l'institution compétente d'un seul État membre, comme
si le travailleur avait accompli toute sa carrière sous la législation de cet État. Le montant intégral des allocations familiales dues au titre de la législation applicable est alors transféré (article 42, 2o, b).

Comme le fait observer à juste titre le gouvernement italien, il nous paraît que le texte de l'article 42, 5o, en vigueur à l'époque de la suppression des allocations familiales au bénéfice des deux premiers enfants, ne lie aucunement, quant à leur durée, le paiement des allocations familiales au versement de la rente d'accident du travail: le versement des allocations familiales est envisagé dans le cadre du régime général du pays débiteur de la rente, de façon autonome, comme si les enfants
résidaient ou étaient élevés sur le territoire de cet Etat. D'ailleurs, le texte de l'article 42, 5o, se réfère simplement au droit à une rente d'accident du travail et non au versement effectif d'une telle rente; il se réfère, également à la rente d'accident du travail de la veuve, si même il ne s'y réfère pas exclusivement, et il ne fait dépendre le versement des allocations familiales que de l'existence d'un droit à une telle rente, pourvu bien entendu que, du point de vue de l'âge, les
conditions d'ouverture du droit à ces prestations familiales soient remplies au regard de cette législation. Il appartiendra donc à la Caisse, en collaboration avec les autorités italiennes, de rechercher si c'était bien le cas, notamment de savoir si les enfants de la requérante ont poursuivi des études au-delà de l'âge de 18 ans.

2) En ce qui concerne le dernier enfant

Certaines législations nationales prévoient le versement d'allocations familiales aux enfants de titulaires de pensions ou de rentes; d'autres prévoient l'attribution de suppléments de pensions ou de pensions d'orphelins à ces mêmes enfants; d'autres, enfin, admettent le cumul de ces différents avantages. C'est pour résoudre les difficultés résultant de cette diversité que le règlement no 1408/71 (articles 77 et 78) pose le principe de l'assimilation aux allocations familiales de tous les avantages
accordés au titre d'autres branches de la sécurité sociale aux enfants de travailleurs pensionnés ou décédés, à l'exception des prestations accordées en vertu de l'assurance accidents du travail et maladies professionnelles.

L'article 77 du règlement no 1408/71, qui correspond à l'article 42, 1o à 4o, du règlement no 3, règle désormais la question dans le sens suivant: quel que soit l'État membre sur le territoire duquel résident les enfants ou le titulaire de pensions ou de rentes, les prestations pour enfants sont accordées en vertu de la législation et à la charge de l'institution compétente d'un seul Etat membre, comme si le travailleur avait accompli sa carrière sous la législation de cet État. Lorsqu'une pension
ou rente est due au titre de la législation d'un seul État membre, les prestations sont accordées conformément à la législation de cet État (article 77, 2o, a).

En vertu de l'article 78 du règlement no 1408/71, qui correspond à l'article 42, 5o du règlement no 3, et dont la portée s'étend aux allocations familiales et aux allocations spéciales orphelins, les prestations pour enfants sont accordées en vertu de la législation et à la charge de l'institution compétente d'un seul État membre, quel que soit l'État membre sur le territoire duquel résident les enfants ou le titulaire de pensions ou de rentes, comme si le travailleur avait accompli sa carrière sous
la législation de cet État (article 79).

Lorsque le travailleur défunt a été soumis à la législation d'un seul État membre, les prestations pour orphelins sont accordées conformément à la législation de cet État (article 78, 2o, a).

Au contraire, lorsque le travailleur défunt a été soumis à la législation de plusieurs États membres, les prestations sont accordées conformément à la législation de l'État membre sur le territoire duquel réside l'orphelin si celui-ci a, au regard de la législation de cet État, un droit à l'une des prestations visées à l'article 78, 1o (article 78, 2o, b), i).

Si aucune prestation n'est due au titre de la législation de l'État membre sur le territoire duquel réside l'orphelin, les prestations sont accordées conformément à la législation de l'État à laquelle le travailleur défunt a été soumis le plus longtemps, sous réserve qu'un droit soit ouvert à l'orphelin au regard de cette législation. S'il n'en est pas ainsi, les conditions d'ouverture du droit au regard des législations des autres États membres sont examinées dans l'ordre dégressif de la durée des
périodes d'assurance ou de résidence accomplies sous la législation de ces États membres (article 78, 2o, b), ii). C'est là du reste l'interprétation que vous aviez donnée de l'article 42, 6o du règlement no 3 (arrêt du 17 juin 1970, Di Bella, Recueil 1970, p. 433).

Ces dispositions du règlement no 1408/71 comblent ainsi une lacune du règlement no 3. L'article 42, 5o et 6o, de ce texte ne visait en effet que les allocations familiales pour orphelins, ce qui autorisait parfois seulement le versement de prestations réduites ou, au contraire, pouvait entraîner un cumul, partiel ou total, selon le pays de résidence de l'orphelin, lorsque le travailleur décédé avait été soumis, au cours de sa carrière, à des législations prévoyant, les unes le versement des
pensions, les autres l'attribution d'allocations familiales aux orphelins.

Mais tel ne semble pas être le cas en l'espèce: la requérante ne perçoit, en vertu de la législation italienne, aucune prestation d'orphelins pour ses enfants, ni aucune allocation familiale. Ce n'est pas parce qu'elle serait en droit de s'adresser aux autorités italiennes pour percevoir une prestation d'orphelins ou des allocations familiales et qu'il pourrait en résulter, dans l'hypothèse de l'octroi de telles prestations, un cumul avec les prestations belges — cumul désormais interdit en vertu du
règlement no 1408/71 — que les autorités belges peuvent se retrancher derrière un tel risque pour lui supprimer les prestations qu'elles lui versaient, ce qui aboutit dans l'immédiat à l'absence de toute prestation.

Par cette mesure, la Caisse voudrait en réalité contraindre la requérante au principal à demander un prorata de rente italienne, ainsi qu'elle y aurait droit. Il se trouve que la requérante ne s'y est pas décidée pour des raisons dont elle est seule juge. Il est possible que l'une de ces raisons soit que, en cas d'octroi d'une telle rente, elle perdrait le droit aux prestations familiales belges, droit qui ne serait pas compensé par des prestations italiennes équivalentes.

Vous avez jugé dans une situation voisine (arrêt du 13 juillet 1976, Triches) que, bien que l'article 42, 2o, du règlement no 3 crée des inégalités de traitement selon que l'assuré bénéficie d'une pension ou d'une rente en vertu de la législation d'un seul État ou de plusieurs États, cette circonstance n'affectait pas la validité de cette disposition. Nous pensons donc que, si la situation de la requérante au regard de ses enfants devait être réglée d'office sur la base des dispositions de
l'article 78 du règlement no 1408/71, qui a pour but d'éviter un cumul de prestations aussi bien que l'absence de toute prestation, il n'y aurait là rien que de légal.

Mais, précisément, l'article 94 du règlement no 1408/71 a réservé aux seuls intéressés le droit de demander la révision de la liquidation d'une pension, rente ou autre prestation.

Quand les autorités communautaires ont adopté une solution différente, elles l'ont expressément dit. C'est ainsi, par exemple, que l'article 4, 4o, du règlement no 1/64 précisait, à titre transitoire:

«Les allocations familiales dues en vertu de l'article 42, ainsi que les suppléments ou majorations de pensions ou de rentes pour les enfants, qui ont déjà fait l'objet d'une liquidation avant l'entrée en vigueur du présent règlement, font d'office l'objet d'une nouvelle liquidation de la part d'une institution compétente en vertu des dispositions du présent règlement, à compter de la date de son entrée en vigueur».

Tel n'est pas le cas en l'espèce.

Il nous paraît donc inutile de recourir, pour conforter cette interprétation, à la déclaration inscrite au procès-verbal d'adoption du règlement du Conseil, et d'où il ressort que les auteurs de ce texte ont entendu, par l'article 94, maintenir les droits acquis.

Nous concluons à ce que vous disiez pour droit que:

1. les allocations payées en vertu de l'article 42, 5o, du règlement no 3 ne cessent pas nécessairement d'être dues au moment où s'éteint le droit à la rente pour orphelins due en vertu de la législation nationale applicable;

2. l'institution compétente d'un État membre ne peut se substituer à un assuré pour la révision d'un droit à prestations familiales obtenu par celui-ci avant l'entrée en vigueur du règlement no 1408/71.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 32-76
Date de la décision : 06/10/1976
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Tribunal du travail de Charleroi - Belgique.

Allocations familiales.

Sécurité sociale des travailleurs migrants


Parties
Demandeurs : Alfonsa Saieva
Défendeurs : Caisse de compensation des allocations familiales de l'industrie charbonnière des bassins de Charleroi et de la Basse-Sambre.

Composition du Tribunal
Avocat général : Mayras
Rapporteur ?: Sørensen

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1976:135

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