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09/11/1976 | CJUE | N°42-76

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Mayras présentées le 9 novembre 1976., Jozef de Wolf contre Harry Cox BV., 09/11/1976, 42-76


CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. HENRI MAYRAS,

PRÉSENTÉES LE 9 NOVEMBRE 1976

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

C'est un bien modeste litige que celui qui a opposé le sieur Jozef de Wolf, transitaire en douane à Turnhout (Belgique) à la société Harry Cox, dont le siège est à Boxmeer (Pays-Bas), puisqu'il portait sur le recouvrement d'une facture de 8 florins et 30 centimes dont ce transitaire prétendait que la firme néerlandaise lui était redevable. Mais il n'importe. Cette mince affaire est à. l'origine d'une demande de déci

sion préjudicielle formulée par le Hoge Raad des Pays-Bas, portant sur
l'interprétatio...

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. HENRI MAYRAS,

PRÉSENTÉES LE 9 NOVEMBRE 1976

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

C'est un bien modeste litige que celui qui a opposé le sieur Jozef de Wolf, transitaire en douane à Turnhout (Belgique) à la société Harry Cox, dont le siège est à Boxmeer (Pays-Bas), puisqu'il portait sur le recouvrement d'une facture de 8 florins et 30 centimes dont ce transitaire prétendait que la firme néerlandaise lui était redevable. Mais il n'importe. Cette mince affaire est à. l'origine d'une demande de décision préjudicielle formulée par le Hoge Raad des Pays-Bas, portant sur
l'interprétation des dispositions de la Convention dé Bruxelles du 27 septembre 1968, relatives à la reconnaissance et à l'exécution des décisions judiciaires, dont l'examen vous conduira à trancher un point important de droit communautaire.

Le sieur de Wolf a commencé par attraire son débiteur devant le juge de paix du premier canton de Turnhout, tribunal de son propre domicile. Celui-ci, s'estimant compétent, a condamné par défaut le défendeur au paiement de cette facture, à une réparation forfaitairement fixée à 500 francs belges, plus les frais d'exploit fixés à 15 florins, ainsi qu'au paiement des intérêts légaux et aux dépens, fixés au total à 913 francs belges.

On peut supposer que ce jugement a été signifié au défendeur, mais celui-ci n'a pas réagi. La confrontation de sa date, de celle de sa signification et du délai accordé pour faire opposition devrait permettre d'affirmer qu'il avait force de chose jugée et était devenu exécutoire en Belgique.

Mais autre chose est de savoir s'il y était «exécutable». Il faut se garder de confondre avec les effets d'un jugement les actes positifs ou les voies à employer pour que son exécution se traduise matériellement dans les faits: celles-ci dépendent, tant en la forme qu'au fond, de la législation du pays où l'exécution doit avoir lieu, de l'endroit où sont situés les biens à saisir et, tout d'abord, de l'existence même de biens se prêtant à exécution forcée. Il est probable que la firme néerlandaise
n'offrait pas prise à exécution en Belgique; c'est pourquoi le demandeur a dû s'adresser aux juridictions des Pays-Bas.

Au lieu, toutefois, de se borner à requérir l'exécution de ce jugement dans ce pays suivant la procédure prévue par les articles 31 et suivants de la Convention, le sieur de Wolf a préféré reprendre l'affaire «ab ovo» et citer son adversaire devant le Kantonrechter de Boxmeer, juridiction du domicile de ce dernier (article 2, alinéa 1, de la Convention) à laquelle, tout en se prévalant du jugement belge rendu à son profit, il a demandé de statuer au fond, c'est-à-dire de condamner à nouveau la
société Harry Cox au paiement des sommes dues en principal et intérêts. Il se fondait, à cet effet, sur l'article 431 du Code néerlandais de procédure civile qui permet une telle action lorsque la mise à exécution de la décision du juge étranger n'est pas possible.

Cette fois, le défendeur a comparu. Mais le tribunal, doutant de l'intérêt du demandeur à obtenir une décision au fond du juge néerlandais, puisqu'il disposait, selon lui, des articles 11 et 12 de la Convention d'exécution belgo-néerlandaise du 28 mars 1925, qui permettent d'obtenir la mise à exécution aux Pays-Bas des décisions rendues en Belgique, décida, par jugement interlocutoire du 7 janvier 1975, d'entendre à nouveau le demandeur sur les raisons qui le poussaient à obtenir, en sus de la
décision du juge belge, une décision du juge néerlandais, pour lui étranger.

Dans son jugement final du 8 juillet 1975, le juge de Boxmeer commence par rectifier une erreur évidente qu'il avait commise dans sa décision du 7 janvier: ce n'était pas de la Convention belgo-néerlandaise que pouvait se prévaloir le requérant, mais de la Convention communautaire du 27 septembre 1968 qui, en vertu de son article 55, remplace la Convention bilatérale, ainsi que de la loi néerlandaise d'exécution du 4 mai 1972, entrée en vigueur le 1er février 1973.

Ensuite, le juge constate que «rien ne permet de dire que le jugement belge ne doit pas être “reconnu”aux Pays-Bas sans qu'il soit nécessaire de recourir à aucune procédure au sens de l'article 26, paragraphe 1, de la Convention». Cependant, les dispositions de la Convention et de la loi néerlandaise du 4 mai 1972 étant applicables, si le sieur de Wolf demandait, selon la procédure organisée par ces textes, que la décision du juge belge soit revêtue de la formule exécutoire et mise à exécution, il
en coûterait, ainsi que le demandeur l'expose, au moins 340 florins à la charge du défendeur.

C'est pourquoi, poursuit le tribunal, le demandeur a raison de ne pas requérir l'apposition de la formule exécutoire sur la décision belge et c'est à bon droit qu'il demande au juge néerlandais de statuer à nouveau au fond en vertu de l'article 431, alinéa 2, du Code de procédure civile néerlandais: il en coûtera moins cher au défendeur de s'exécuter de cette façon. Par conséquent, les deux parties ont intérêt à obtenir, en sus de la décision du juge belge, une décision du juge néerlandais.

Ensuite, le juge néerlandais n'en procède pas moins à la «reconnaissance» en bonne et due forme de la décision du juge belge: étant donné que le défendeur n'a pas allégué que la reconnaissance de cette décision serait contraire à l'ordre public néerlandais (article 27 de la Convention) — étant entendu que les règles relatives à la compétence de la juridiction de l'État d'origine ne concernent pas l'ordre public (article 28, dernier paragraphe) — et qu'il n'a pas rapporté la preuve qu'il s'était
valablement acquitté de sa dette, le juge relève que le demandeur a un intérêt légitime à faire reconnaître l'existence de sa créance, il constate que la décision belge doit être «reconnue» et en déduit immédiatement que la demande est fondée. Il condamne le défendeur à payer au demandeur la somme arrêtée par le juge belge. Mais, comme en cours d'instance le demandeur avait réduit sa créance, constituée par le capital et les intérêts, à un montant de 1500 florins, il limite la somme mise à la charge
du défendeur à ce montant, déclare sa décision exécutoire par provision nonobstant appel et, enfin, condamne le défendeur aux frais, les dépens exposés par le demandeur étant taxés à 105,30 florins, dont 30 florins à titre d'honoraires de son mandataire «ad litem».

Or, déjà auparavant, se fondant sur un autre jugement du même tribunal de Turnhout, intervenu à cette même date du 28 mai 1974, le sieur de Wolf avait tenté d'utiliser le même procédé, en s'adressant au Kantonrechter de Tilburg pour le recouvrement d'une créance de même nature sur une autre firme néerlandaise. Mais, ce juge avait constaté que le demandeur sollicitait en fait, sous couvert de la reconnaissance d'une décision rendue en Belgique, l'exécution aux Pays-Bas de cette décision. Il avait
estimé que le demandeur ne disposait, à cet effet, que de la possibilité d'introduire une requête en exécution, conformément au titre III de la Convention, et que les dispositions de droit commun de l'article 431, alinéa 2, du Code de procédure civile néerlandais, qui permet aux juridictions néerlandaises de trancher à nouveau au fond un litige déjà réglé par un juge étranger, ne pouvaient s'appliquer puisqu'une juridiction néerlandaise était compétente en vertu de la Convention pour accorder
l'exequatur d'un jugement rendu par un juge d'un État contractant. En conséquence, le juge de Tilburg avait déclaré le demandeur non recevable.

Alerté par l'huissier au ministère duquel le sieur de Wolf s'était confié devant le juge de Tilburg, le procureur général près le Hoge Raad des Pays-Bas s est pourvu en cassation dans l'intérêt de la loi contre la décision — devenue définitive — du juge de Boxmeer, qui était manifestement en contradiction avec la décision rendue par le juge de Tilburg.

C'est ainsi que la juridiction suprême néerlandaise vous invite à vous prononcer sur le point de savoir si l'article 31 de la Convention de Bruxelles — conjointement ou non avec d'autres dispositions de cette convention — fait obstacle à ce que le demandeur qui a obtenu, dans un État contractant, une décision en sa faveur, décision qui peut être revêtue de la formule exécutoire au sens de l'article 31 dans un autre État contractant, demande à un juge de cet État, en vertu de l'article 26 de la
Convention, de statuer à nouveau au fond et de condamner le défendeur à ce à quoi il a déjà été condamné dans le premier État, à supposer d'ailleurs que ce juge soit compétent pour connaître de cette demande, conformément aux dispositions de la Convention.

Ainsi posé, le problème nous paraît concerner beaucoup plus l'article 26 de la Convention que son article 31. Nous serons donc amené à faire l'exégèse de ce texte.

Ce que l'on appelle le «second volet» de la Convention dont nous avons à nous occuper concerne l'exécution des décisions en matière civile et commerciale. Mais, comme l'écrit M: Droz, «les dispositions de la Convention relatives à la reconnaissance sont fondamentales. En effet, ce sont elles qui permettent de réaliser la “circulation des jugements” dans la Communauté, qui est l'un des objectifs essentiels de la Convention. Les règles de procédure instaurées pour l'exécution, si elles procèdent de la
même intention, sont entièrement subordonnées aux règles de fond posées pour la reconnaissance. Il pourra y avoir reconnaissance sans exécution, alors que l'on ne pourra jamais obtenir l'exécution sans reconnaissance». «La Convention, dit encore M. Droz, consacre la distinction entre reconnaissance et exécution. La reconnaissance confère l'autorité de la chose jugée à la décision étrangère, l'exécution consiste à lui donner, en outre, la force exécutoire». Ce sont les voies et moyens nécessaires
pour obtenir la reconnaissance que les auteurs de la Convention se sont tout d'abord employés à simplifier, à accélérer et à uniformiser. Ils ont tenté de «déterritorialiser» les conditions qui régissent la reconnaissance des décisions et de «communautariser» la force recognitive qui s'y attache en fixant la procédure à suivre pour y parvenir.

Tant selon le rapport de M. Jenard que de l'avis des commentateurs qui ont eu accès aux travaux préparatoires, jusqu'au dernier stade précédant la signature de la Convention, son article 1 employait la formule suivante:

«La présente Convention est applicable d'office en matière civile et commerciale et quelle que soit la nature de la juridiction».

Le terme «d'office» aurait été supprimé au dernier moment à la demande de la délégation allemande pour des raisons de difficultés de traduction. Mais, plutôt que de l'applicabilité «d'office» de la Convention, il nous paraît qu'il s'agit, dans la présente affaire, du caractère exclusif qui doit — ou non — s'attacher à l'article 26.

Quoi qu'il en soit, le système instauré par la Convention en matière de reconnaissance nous paraît être le suivant:

L'article 26, alinéa 1, dispose que les décisions rendues dans un État contractant sont reconnues dans les autres États contractants «sans qu'il soit nécessaire de recourir à aucune procédure». Les auteurs de la Convention ont ainsi voulu énoncer, de la manière la plus formelle, que les décisions rendues dans les six États ont automatiquement autorité de chose jugée sur tout le territoire de la Communauté, à partir du jour où la décision a été rendue dans l'État d'origine.

Mais ce principe de la reconnaissance automatique est immédiatement tempéré et aménagé par la suite de l'article 26. En effet, elle ne produit ses effets de plein droit que pour autant qu'il n'existe pas de contestation à son sujet.

La suite de cette disposition vise donc la reconnaissance des jugements dont l'autorité viendrait à être contestée.

Écartons tout d'abord le cas où la reconnaissance n'est invoquée que de façon incidente devant une juridiction d'un État contractant ou, comme le dit le texte allemand, le cas où la décision de cette juridiction dépend (abhängt) de la reconnaissance: en pareille hypothèse, l'article 26, alinéa 3, précise que cette juridiction est compétente pour en connaître.

S'il s'agit de faire reconnaître à titre principal un jugement dont l'autorité serait contestée, l'article 26, alinéa 2, implique qu'un choix est laissé à la partie en faveur de laquelle le jugement a été rendu dans l'État d'origine: elle peut ou bien demander l'exécution de la décision conformément aux sections 2 et 3 du titre III, ou bien faire constater que la décision doit être reconnue, mais toujours en respectant la procédure des sections 2 et 3 du titre III. En tout état de cause, l'autorité
de la décision étrangère fait obstacle à ce qu'une nouvelle demande ayant le même objet soit portée par les mêmes parties devant les juridictions d'un autre État contractant.

Pour qu'une partie ait intérêt à demander la reconnaissance à titre principal, il faut supposer qu'il s'agisse d'un jugement qui ne soit pas susceptible d'exécution à proprement parler, qui ne soit pas «exécutable» sur le territoire de l'État contractant où il a été rendu. Tel nous paraît bien être le cas de la décision rendue par le juge belge.

C'est cette hypothèse que l'article 26, alinéa 2, vise expressément. Les auteurs de la Convention ne voulaient pas laisser ce cas en dehors du traité. En effet, leur silence sur ce point aurait sans doute obligé les six Etats ou leurs juridictions nationales, comme c'était le cas auparavant, soit à maintenir, soit à instaurer des procédures nationales qui auraient été nécessairement divergentes d'un État à l'autre. Si la Convention n'avait pas réglé ce cas et si, dans le droit d'un État contractant,
il n'existait pas d'«action en reconnaissance à titre principal», les juges de cet État auraient dû «étendre» les règles d'exécution de la Convention à un jugement rendu dans un autre État contractant pour lui permettre de produire ses effets dans leur État. Dans certains États, il semble que l'on puisse intenter ce que l'on appelle une «action directe sur le jugement étranger»: un jugement rendu à l'étranger est invoqué à l'appui d'une demande ayant le même objet que celle qui avait été jugée à
l'étranger; le demandeur, au lieu de solliciter l'exequatur ou la reconnaissance de la décision étrangère, préfère former une demande nouvelle en s'appuyant sur le jugement étranger.

C'est pour éviter ces hésitations que l'article 26, alinéa 2, de la Convention prévoit que toute partie intéressée qui invoque la reconnaissance à titre principal peut faire constater, selon la procédure prévue aux sections 2 et 3 du titre III, que la décision doit être reconnue, à moins qu'elle ne préfère recourir à la procédure d'exequatur.

Le terme «peut» employé à l'article 26, alinéa 2, ne doit pas faire illusion. Certes, toute partie intéressée est libre d'utiliser ou de ne pas utiliser cette procédure. Mais, si elle entend faire purement et simplement reconnaître une décision étrangère et non pas seulement en invoquer la force probante, qui peut en effet être prise en considération en dehors de toute «reconnaissance», et si cette décision est contestée à titre principal («en tant que telle» dit la version allemande de
l'article 26, alinéa 2), elle ne peut en obtenir la reconnaissance qu'en recourant à la procédure aménagée par la Convention.

Replacé dans cette perspective, l'emploi du terme «peut» ne laisse donc pas le choix à une troisième voie. Aussi bien ne faudrait-il pas tirer de conséquence de l'emploi de ce terme (kunnen) dans la version néerlandaise de l'article 31, alors que, dans les autres versions, la mise à exécution est présentée comme étant de droit, pourvu bien entendu que les conditions posées par la Convention soient respectées. De même dans la version allemande de l'article 26, dernier alinéa, le mot «kann»,
c'est-à-dire «peut», est employé en ce sens que la juridiction d'un Etat contractant est, lorsque la reconnaissance est invoquée devant elle à titre incident, habilitée à en connaître. Les autres versions, en revanche, font de cette compétence une règle impérative. Personne ne songerait donc à soutenir que cette compétence est à la discrétion de la juridiction saisie.

Quant aux raisons qu'il avait d'agir comme il l'a fait, le sieur de Wolf a affirmé que cette procédure était moins chère que celle des sections 2 et 3 du titre III. Comme ce motif a paru déterminant au juge de Boxmeer et qu'il fait hésiter le Hoge Raad, il convient de s'expliquer à ce sujet.

Et d'abord, moins chère pour qui?

Il convient de noter que, si la procédure devant le Kantonrechter a coûté 105,30 florins au demandeur, cette somme a été en définitive supportée par le défendeur perdant.

De même, si les frais de demande d'apposition de la formule exécutoire (ou d'obtention de la reconnaissance) selon la procédure des sections 2 et 3 du titre III — et de mise à exécution — s'élèvent au minimum à 340 florins, cette somme aurait été mise en définitive à la charge du défendeur.

Il est piquant de voir le demandeur se faire le champion des intérêts du défendeur, à moins de considérer qu'en se conformant à la procédure de la Convention, il aurait occasionné à son adversaire des frais frustratoires et vexatoires au remboursement desquels il risquait d'être condamné. Il existait un moyen bien simple pour le demandeur, s'il se souciait tellement d'épargner des frais à son adversaire, c'était de le citer dès l'abord au tribunal de son domicile aux Pays-Bas. Il pouvait le faire,
même s'il y avait eu prorogation de compétence en faveur du juge belge. Le défendeur, quant à lui, avait un moyen bien simple d'éviter des frais inutiles, c'était de payer sa facture, au plus tard après que fût intervenue la décision belge.

Pour leur part, les auteurs de la Convention ont fait leur possible pour réduire les frais afférents à la procédure d'exécution à un minimum compatible avec la rapidité, la sécurité et l'efficacité de cette procédure. L'article III du protocole annexé à la Convention dispose:

«Aucun impôt, droit ou taxe proportionnel à la valeur du litige n'est perçu dans l'État requis à l'occasion de la procédure tendant à l'octroi de la formule exécutoire».

Toutefois, en vertu de l'article 7, 3o, de la loi néerlandaise d'exécution, les articles 56 à 58 du Code de procédure civile sont applicables à la procédure d'exequatur communautaire. Ces dispositions visent, d'une manière générale, le régime des dépens afférents à l'exequatur des jugements étrangers.

D'autre part, le ministère d'avocat auprès de l'Arrondissementsrechtbank demeure obligatoire suivant l'article 2 de la loi d'exécution. Comme il semble s'avérer que ces dispositions ont pour effet de rendre la procédure d'exécution relativement coûteuse en ce qui concerne, tout au moins, le recouvrement des petites créances, il serait souhaitable qu'elles soient aménagées dans l'avenir en vue de rendre cette procédure plus accessible.

Il nous paraît, en effet, qu'il est du devoir des États contractants de prendre toutes mesures utiles pour faciliter la mise en œuvre pratique de la Convention.

Mais en admettant même que le recours à la procédure ad hoc instituée par la Convention soit plus coûteux pour le demandeur, cette considération ne saurait être dirimante.

En effet, la conclusion de la Convention entre les États contractants comporte a priori, du moins peut-on le supposer, l'organisation d'un régime meilleur, dans l'ensemble, que les régimes bilatéraux ou multilatéraux préexistants. Certes, cette Convention s'insère dans des systèmes procéduraux nationaux avec lesquels elle doit se coordonner. Si, au total, les dispositions de la Convention réalisent un régime plus favorable que celui du droit commun néerlandais, il n'est pas exclu, nous en convenons
volontiers, que, sur certains points particuliers, ce dernier contenait des dispositions plus libérales.

Mais, comme le fait observer la Commission, les dispositions d'une convention d'exécution sont indivisibles. Pour éviter que la reconnaissance ne se heurte à des appréciations variant avec l'état des législations nationales, la Convention a instauré un système de reconnaissance automatique. Ne devront être produits que les documents prévus par l'article 46, c'est-à-dire l'expédition authentique de la décision invoquée et un document probant de la signification régulière de l'acte introductif
d'instance à la partie défaillante. Le caractère exécutoire de la décision n'a même pas besoin d'être prouvé. Mais, la contrepartie de ces facilités et de l'avantage évident qui résulte de l'absence de tout droit de révision (article 29), de tout contrôle des règles de conflit de lois et de compétence (article 28), c'est le strict respect de la procédure des sections 2 et 3 du titre III et le caractère exclusif de celle-ci.

L'équilibre réalisé par la Convention serait rompu si une partie pouvait, selon ses convenances, recourir à la fois au régime de la Convention et au droit commun national de l'exequatur.

Admettre qu'il soit possible de recourir, comme l'a fait le demandeur, à cette forme de «reconnaissance simplifiée» du droit international privé néerlandais impliquerait que l'on doive également appliquer les règles ordinaires de ce droit quant aux motifs de refus de reconnaissance, et non les règles simplifiées de la Convention. Comme le dit M. Droz, «il semble que le souci d'une bonne administration de la justice exige que l'on ne mêle point les règles du droit commun et celles de la Convention»,
en faisant de celle-ci une «application à la carte». Il n'appartient donc à personne d'invoquer les principes du droit commun en la matière pour échapper au régime conventionnel qui s'impose à tous les États contractants. La Convention ne saurait avoir un effet différent selon les États membres sinon son efficacité et l'uniformité de son application, pourtant essentielles, seraient gravement compromises.

Dans l'un des États où le recours à une «action directe sur jugement étranger» paraît admis, le législateur a expressément exclu la possibilité de recourir à une telle action dans les rapports mutuels avec les pays auxquels cet État est lié par une convention d'exécution. Nous voulons parler de Foreign judgments Act de 1933 qui est toujours applicable dans les relations découlant de la Convention d'exécution passée en 1967 entre le Royaume-Uni et les Pays-Bas.

Il ressort, en effet, de l'article 6 de cette loi que les jugements portant condamnation à un paiement et susceptibles de reconnaissance ne peuvent être rendus exécutoires, dans le Royaume-Uni, autrement que par la procédure de «registration», qui tient lieu, dans cet État, de l'apposition de la formule exécutoire et qui constitue, en l'état actuel du droit en vigueur au Royaume-Uni, le pendant de la procédure d'exécution communautaire.

C'est donc par un véritable abus de procédure que le sieur de Wolf a obtenu, sous l'apparence d'une demande nouvelle au fond, une décision de reconnaissance à titre principal du jugement rendu à son profit par une juridiction belge.

En effet, si le juge de Boxmeer entendait considérer la demande dont il était saisi comme tendant à une nouvelle condamnation, il aurait dû rester en dehors du champ d'application de la Convention et ne retenir le jugement belge que comme un élément de preuve en vue de former son intime conviction.

Mais, en réalité, il a expressément fait application de l'article 26 en considérant tout d'abord qu'il lui fallait opérer la reconnaissance, à titre principal, de ce jugement étranger. En admettant ainsi l'autorité de la chose jugée inhérente à cette décision, il s'est placé sur le terrain du titre III de la Convention. Ce faisant, il aurait dû purement et simplement opérer conformément à l'article 31 et apposer — en admettant qu'il fût compétent pour le faire, ce qui n'est pas le cas — la formule
exécutoire.

Il a repris à son compte, telle quelle, la décision du juge belge, qui non seulement avait une influence prépondérante, essentielle sur la solution du litige, mais qui constituait l'unique soutènement du demandeur. Certes, il a modifié le dispositif de la décision étrangère en plafonnant la somme allouée et en la convertissant en monnaie nationale, mais il ne s'agit pas là d'une décision véritablement nouvelle, répondant à une demande réellement dissociable de la première.

Mais ce juge a également fait une application partielle de la Convention; il a examiné, conformément à l'article 27 de la Convention, si la reconnaissance sollicitée était contraire à l'ordre public néerlandais. Il a relevé que le défendeur ne s'était même pas prévalu d'une incompatibilité de cette nature et il a constaté qu'une telle incompatibilité n'existait pas en l'espèce. Mais alors qu'en aucun cas la décision étrangère ne peut faire l'objet d'une révision au fond (article 29), le juge
néerlandais a entendu les observations du défendeur, ce qui est exclu par l'article 34, alinéa 1. Même si cette révision a, en l'espèce, abouti à une confirmation de la décision étrangère, il aurait pu se faire que ce nouvel examen au fond aboutisse à un résultat contraire ou partiellement contraire, en dehors bien sûr de l'hypothèse d'un paiement libératoire survenu entre-temps, ce qui aurait entraîné une solution inconciliable avec le premier jugement.

Bien entendu, Messieurs, nous ne donnons là que notre opinion personnelle du jugement qui fait l'objet du pourvoi en cassation et c'est au Hoge Raad qu'il appartiendra de se prononcer.

Pour notre part, nous concluons à ce que vous disiez pour droit que:

en cas de contestation, la reconnaissance, à titre principal, d'une décision judiciaire, au sens de l'article 26 de la Convention du 27 septembre 1968, ne peut être opérée que suivant la procédure prévue aux sections 2 et 3 du titre III de ladite Convention.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 42-76
Date de la décision : 09/11/1976
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Hoge Raad - Pays-Bas.

Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968

Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 - Exécution


Parties
Demandeurs : Jozef de Wolf
Défendeurs : Harry Cox BV.

Composition du Tribunal
Avocat général : Mayras
Rapporteur ?: Kutscher

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1976:145

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