CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL
SIR GORDON SLYNN,
PRÉSENTÉES LE 23 FÉVRIER 1984 ( 1 )
Monsieur le Président,
Messieurs les Juges,
Le requérant en l'espèce a pris part au concours COM/A/322 ayant pour objet la constitution d'une liste de réserve d'administrateurs de grade A 7/6 qui s'occuperaient d'installation et de matériel nucléaires. Il a réussi ce concours parmi les premiers. Le 25 septembre 1981, il a signé avec la Commission un contrat d'engagement en qualité d'agent temporaire, administrateur à la direction générale de l'Énergie, Contrôle de sécurité d'Euratom. D'après ses termes, ce contrat était conclu pour une durée
indéterminée liée à la durée d'un programme d'inspection nucléaire. Toutefois, ce contrat comprenait également une disposition fixant un préavis pour sa résiliation et par lettre datée du 4 novembre 1982, il a été avisé du fait que son contrat était résilié à compter du 31 décembre 1982. Dans la mesure où les dispositions relatives au préavis sont applicables, il ne fait aucun doute qu'elles ont été respectées.
Le requérant a déposé contre cette décision une réclamation qui a été rejetée. Il a alors introduit le présent recours. Les délais ont été observés et la recevabilité de ce recours ne soulève aucune contestation.
M. Favre demande à la Cour d'annuler la décision de licenciement contenue dans la lettre du 4 novembre 1982 et de renvoyer l'affaire devant l'autorité investie du pouvoir de nomination en vue de son réexamen et en particulier de sa mutation à un autre poste correspondant à son grade et à sa formation scientifique. A titre subsidiaire, il demande que la Cour l'autorise à prouver que son licenciement n'est pas intervenu dans l'intérêt du service et est donc contraire à l'article 7 du statut, mais
qu'il est dû à un détournement ou à un abus de pouvoir.
Une demande de référé visant à suspendre l'exécution du licenciement a été rejetée par le président de la chambre et la Cour n'a pas fait droit à sa demande de citation de témoins à l'audience.
Le requérant fait d'abord valoir qu'il n'existe pas ou pas suffisamment de motifs justifiant son licenciement; d'autre part, son licenciement n'est pas valide parce qu'il n'est pas motivé. La Commission allègue qu'elle jouit d'un pouvoir discrétionnaire total pour résilier ce contrat avec préavis sans avoir à justifier cette résiliation ni à en donner les motifs. Par ailleurs, elle ajoute que les supérieurs du requérant n'étaient pas satisfaits de son travail et que M. Favre savait parfaitement que
c'est pour cette raison que son contrat a été résilié.
Il est donc nécessaire d'examiner d'abord si la Commission disposait du pouvoir discrétionnaire qu'elle revendique.
Le contrat d'engagement renvoie à l'ensemble des dispositions applicables aux autres agents des Communautés européennes. Il fait par là, entre autres, référence au «régime applicable aux autres agents». L'agent y est soumis; la Commission doit y être soumise, elle aussi.
L'article 5 du contrat prévoit spécifiquement qu'en vertu des dispositions de l'article 14 du régime applicable aux autres agents, l'agent temporaire est tenu à effectuer un stage de six mois à l'issue duquel il est mis fin à son engagement s'il n'a pas les qualités professionnelles nécessaires, dans les conditions prévues audit article 14. Dans ce cas, l'agent a, semble-t-il, droit à une indemnité égale à un tiers de son traitement de base par mois de travail accompli, si son contrat est résilié.
En outre, selon l'article 5, le contrat peut être résilié «pour les causes et dans les conditions» prévues aux articles 47 et 50 du régime applicable aux autres agents. Lorsqu'il s'agit d'un contrat à durée déterminée, le délai de préavis doit être d'un mois au minimum et trois mois au maximum; pour un contrat à durée indéterminée, le délai de préavis est fixé à quatre jours par mois de service accompli avec un minimum de quinze jours et un maximum de trois mois.
En vertu de l'article 47, l'engagement du personnel temporaire prend fin à la date fixée, lorsqu'il y a un terme, ou à l'issue du délai de préavis spécifié dans le contrat; pour les contrats à durée indéterminée, l'engagement prend fin à l'issue de la période de préavis prévue au contrat. Dans l'un et l'autre cas, l'engagement prend fin à la fin du mois au cours duquel l'agent atteint l'âge de 65 ans.
Par ailleurs, en application de l'article 49 du régime applicable aux autres agents, la Commission a le droit de résilier l'engagement sans préavis pour motif disciplinaire en cas de manquement grave aux obligations auxquelles l'employé est tenu. Conformément à l'article 52, la durée effective de l'engagement ne peut excéder un an sauf lorsqu'un agent temporaire remplace un autre agent pour une certaine période.
La simple lecture des termes exprès du contrat révèlent que la Commission a le droit d'y mettre fin après un préavis. Il n'est aucunement fait mention de l'obligation pour la Commission d'avoir des raisons valables ou d'indiquer les motifs pour lesquels elle résilie le contrat. S'il n'existait pas de décision de la Cour sur ce point, nous serions, pour notre part, enclin à soutenir que les employés de la Communauté, même ceux qui n'ont que des contrats temporaires, sont en droit de savoir pourquoi
il a été mis fin à leur contrat. Selon nous, c'est en premier lieu l'honnêteté qui l'exige. Si l'employé n'a pas donné satisfaction, il n'y a aucune raison de ne pas de liii dire. Si son contrat est résilié parce que ses services ne sont plus nécessaires, il peut lui être d'une grande aide dans la recherche d'un nouvel emploi de pouvoir produire un document qui l'atteste et de lever toute équivoque quant au fait que la résiliation de son contrat est due à une conduite non satisfaisante de sa part.
En second lieu, l'article 11 du régime visé stipule que les dispositions des articles 11 à 26 du statut sont applicables par analogie aux agents temporaires à l'exception des dispositions de l'article 15 et d'une modification apportée à l'article 22. Cet article énonce également que «les décisions individuelles concernant les agents temporaires sont publiées dans les conditions prévues à l'article 25, deuxième alinéa du statut». Au terme du deuxième alinéa de l'article 25, toute décision
individuelle doit être communiquée par écrit, sans délai, au fonctionnaire intéressé.
Une décision faisant grief à un fonctionnaire doit être motivée. C'est le troisième paragraphe qui prévoit l'affichage dans les bâtiments de l'institution concernée et la publication au bulletin mensuel du personnel.
La référence au deuxième alinéa est manifestement une erreur. Dans des versions antérieures du statut, l'article 25 ne comprenait que deux alinéas dont le second est aujourd'hui devenu le troisième alinéa. Lors de l'introduction de l'actuel premier alinéa, l'article 11 n'a pas été amendé; l'article 54 qui exclut l'obligation de publication ne l'a pas été non plus. En tout état de cause, les prescriptions du troisième alinéa concernent davantage la «publication». Si cette hypothèse est exacte, nous
n'interpréterions pas la référence expresse à l'alinéa de l'article 25 comme excluant implicitement l'application du second alinéa. Si le législateur avait eu cette intention, il lui aurait été aisé de le dire et en cas de doute nous serions d'avis d'appliquer le principe d'interprétation contra proferentem. Si, par contre, ce «deuxième alinéa» vise réellement le deuxième alinéa et si la publication réside dans la communication par écrit au fonctionnaire intéressé, les obligations imposées par le
deuxième alinéa sont expressément incluses dans l'article 11 du régime en question.
Pour notre part, nous n'entrevoyons pas pourquoi il faudrait exclure du domaine d'application de l'article 11 de ce régime l'obligation définie dans l'article 25 du statut de communiquer par écrit une décision individuelle adressée à un agent temporaire. Tout en admettant les différences qui existent entre un fonctionnaire et un employé temporaire, s'il n'y avait pas de jurisprudence en la matière, nous serions d'avis que les dispositions de l'article 25 aux termes desquelles toute décision faisant
grief doit être motivée devraient également s'appliquer au personnel temporaire.
Cependant, il y a sur cette question une jurisprudence de la Cour sur laquelle une bonne partie du débat a été concentrée en l'espèce. En premier lieu dans l'affaire 25/68, Schertzer/Parlement (Recueil 1977, p. 1729), la Cour (deuxième chambre) a affirmé, contrairement aux conclusions de l'avocat général Mayras, qu'il résultait de la disposition prévoyant la résiliation unilatérale du contrat d'emploi qui figure dans l'article 47 et dans le contrat que la résiliation n'a pas besoin d'être motivée.
Bien qu'il se soit agi d'une affaire insolite — le requérant était secrétaire général administratif du groupe de l'Union démocratique européenne de sorte que son engagement comportait des facteurs politiques autant qu'administratifs — il semble évident, à la lecture du compte rendu de l'affaire, que le contrat conclu en 1963 reposait sur le régime applicable à l'époque et que l'article 11 du régime applicable aux autres agents était rédigé en des termes analogues à ceux de l'actuelle disposition.
Dans l'affaire 25/80, De Briey/Commission (Recueil 1981, p. 637), le requérant concluait à l'annulation de la décision le licenciant au motif, entre autres, qu'elle était entachée d'une erreur de droit et d'une erreur de fait en ce qu'elle n'était pas motivée et qu'elle était basée sur une appréciation de son travail qu'il contestait, la charge de la preuve incombant à la Commission. La Cour (deuxième chambre) a souligné la nature discrétionnaire du pouvoir de licenciement avec préavis que confère à
la Commission l'article 47, paragraphe 2, du régime applicable, mais a ajouté: «dans le cas d'un licenciement pour insuffisance professionnelle, la Cour ne peut donc pas contrôler le bien-fondé de cette appréciation, sauf si l'existence d'une erreur manifeste ou d'un détournement de pouvoir peut être établi». Sans aller plus loin, il semblerait qu'en principe la décision doit être motivée afin que le requérant puisse examiner et que la Cour, si elle a à connaître d'une affaire, puisse apprécier
l'existence d'une erreur manifeste ou d'un détournement de pouvoir. Cependant, estimant que le requérant connaissait parfaitement le dossier et avait eu toute possibilité de se défendre, la Cour a ajouté que «ce défaut (de motivation de la décision de licenciement le concernant) est d'ailleurs justifié par le pouvoir d'appréciation que l'article 47, paragraphe 2, confère à l'autorité compétente».
Dans cette affaire, alors qu'il avait à l'origine un contrat à durée déterminée, le requérant jouissait à l'époque de son licenciement d'un contrat à durée indéterminée. L'avocat général Reischl était d'avis que le personel «engagé en vue d'occuper, à titre temporaire, un emploi permanent, rémunéré sur les crédits de recherches et d'investissement et compris dans le tableau des effectifs annexé au budget de l'institution intéressée» (article 2d du régime visé) doit jouir d'un degré de sécurité lui
donnant droit d'obtenir une décision sur le point de savoir si un licenciement est juste. «Il ne saurait en être question que si le licenciement est justifié par des raisons valables.» Il considérait Schertzer comme un cas spécial dans lequel l'engagement était dès le départ précaire en raison de son caractère politique et a attiré l'attention sur le fait que dans l'affaire 110/75, John Mills/Banque européenne d'investissement (Recueil 1976, p. 1613), la Cour a contrôlé les motifs du licenciement,
de même qu'effectivement dans l'affaire De Briey, la Cour a estimé que le licenciement pouvait être justifié pour les motifs énoncés dans le passage auquel nous nous sommes référé. Nous sommes d'accord avec l'avocat général Reischl (a) pour partager l'opinion de l'avocat général Warner dans l'affaire Mills (selon laquelle le caractère injustifié du licenciement peut faire l'objet d'un examen et (b) pour dire que l'employeur doit faire connaître les motifs du licenciement (selon ses propres termes,
l'administration est «seulement tenue d'exposer d'une façon cohérente les motifs du licenciement»).
Nous pensons comme les trois avocats généraux que nous avons cités que l'employeur devrait normalement indiquer les motifs de sa décision; s'ils s'avèrent juridiquement non valides, la décision est susceptible d'être annulée bien qu'évidemment, dans un grand nombre de cas, l'appréciation du bien-fondé du licenciement implique un jugement qui relève du pouvoir discrétionnaire des autorités concernées.
En revanche, sur la base des arrêts rendus par la Cour dans les affaires Schertzer et, semble-t-il, De Briey, il n'est pas nécessaire de motiver la résiliation d'un contrat à durée indéterminée à partir du moment où le délai de préavis a été respecté. Pour tenter d'établir qu'une décision discrétionnaire a été entachée d'une erreur manifeste ou d'un détournement de pouvoir, il convient, en l'absence de motivation, de se fonder sur d'autres éléments.
L'avocat de M. Favre cherche à écarter les conséquences de ces décisions en prétendant que son client ne fait pas partie de la catégorie des agents liés par un contrat à durée indéterminée. Le contrat a été conclu pour une durée indéterminée liée à la durée du programme «Inspection nucléaire». En conséquence, il peut rester aussi longtemps que le programme dure; dès que celui-ci se termine, il doit s'en aller. Il est donc dans une situation analogue à celle d'un fonctionnaire plutôt qu'à celle d'un
membre du personnel temporaire.
Notre interprétation du contrat est différente. Considérant le texte dans son ensemble, il nous semble que l'engagement de M. Favre ne pouvait durer plus longtemps que le programme «Inspection nucléaire», mais qu'il portait sur une durée indéterminée et pouvait expirer avant la fin du programme. Nous ne pensons pas qu'il s'agissait d'un contrat à durée déterminée. C'était un contrat à durée indéterminée au sens du dernier paragraphe de l'article 5 du contrat et de l'article 47, paragraphe 2, du
régime applicable.
L'argument du requérant, selon lequel la référence de l'article 5 de son contrat aux «causes» et «conditions» suffit à distinguer son cas de l'affaire Schertzer, n'emporte pas non plus notre adhésion. D'autres causes sont exposées dans les articles 47 à 50 du régime applicable et c'est à elles que le contrat se réfère.
En réalité, les deux moyens allégués ensuite, d'après lesquels le licenciement n'est pas intervenu dans l'intérêt du service et comporte un détournement de pouvoir, soulèvent en l'espèce à peu de chose près la question de savoir si le licenciement était justifié. Comme d'après la jurisprudence de la Cour dans l'affaire De Briey, il est possible de faire porter le contrôle sur l'erreur manifeste et le détournement de pouvoir, il est nécessaire d'examiner ces points.
Peu de temps après son engagement, M. Favre a été informé par note du 27 octobre 1981 qu'il devait suivre certains cours incluant des cours de langues et étudier certains problèmes relatifs à l'usine nucléaire de Windscale en Angleterre, liés en particulier à des questions d'accès à celui-ci. Il lui a été demandé de remettre un rapport sur ces questions au mois de décembre 1981. Ce rapport n'ayant pas été déposé, un rappel lui a été envoyé le 27 janvier 1982, semble-t-il à l'issue d'une réunion
tenue le 19 janvier. Il a alors rédigé une courte note le 29 janvier 1982. Il a ensuite produit un résumé daté du 29 janvier d'une lettre adressée par le «Department of Energy» du Royaume-Uni à la Commission et le 10 mars 1982 un résumé d'un cours scientifique qui avait été organisé ainsi que ses commentaires sur ce cours.
Son rapport de fin de stage établi le 5 avril 1982 a estimé son travail insuffisant à trois égards. M. Favre n'a montré que peu d'initiative; son sens des responsabilités est insuffisant; il est très lent. Selon le rapport, étant donné son rendement très minime, il n'était pas possible de juger de la qualité de son travail. Ce rapport, signé par le chef de division pour une partie du stage, le directeur et le directeur général, concluait que M. Favre ne possède pas les qualifications
professionnelles nécessaires pour s'acquitter des fonctions qui lui sont confiées. D'après ce rapport, M. Favre avait été mis au courant de ses insuffisances, cependant celui-ci conteste l'appréciation et le nombre de rappels qui lui ont été adressés à la suite de son retard dans la présentation de son rapport. Il fait également valoir qu'il était très occupé par des cours, qu'il n'était pas installé correctement et que ce n'est qu'au mois de mars 1982 qu'il a été autorisé à avoir accès aux
documents classifiés de sorte qu'en tout état de cause, il a été gêné dans son action.
A la suite de ce rapport une note a été rédigée, le 7 mai, par le responsable de la formation qui se plaignait du manque d'intérêt et de la passivité de M. Favre. Les 7 et 17 mai ont eu lieu des réunions auxquelles ont participé le requérant, le directeur et le chef de division ainsi que le chef de secteur avec lequel il travaillait. Il résulte clairement des comptes rendus de ces réunions qu'un grand nombre des critiques visant son travail et sa réponse à ces critiques ont été étudiées dans le
détail. Même si lors de la première réunion, le directeur du Contrôle de sécurité d'Euratom a dit qu'en ce qui concerne sa direction, le rapport ne serait pas modifié, il a entrepris d'étudier les commentaires de M. Favre. Bien que le directeur responsable ait été critiqué pour avoir tiré cette conclusion à l'issue de la première réunion, il ne semble guère y avoir de doute sur le fait qu'il a examiné ces commentaires avant de faire sa recommandation finale au directeur général de ne pas retenir le
requérant.
Pour des raisons qui n'ont pas été explicitées, cette recommandation n'a pas été versée aux pièces du dossier.
Le 9 juin, M. Favre a présenté une réponse écrite détaillée aux critiques formulées à son encontre.
Entre-temps, il avait rédigé un rapport plus long sur le contrôle de la sécurité à Windscale, lequel a été qualifié de bonne base pour commencer un dossier sur ce sujet. Il a été observé que ce rapport aurait pu constituer la base d'autres études s'il avait été présenté en temps utile. Le 2 juillet, il a reçu un autre programme de travail, mais par lettre du 30 juillet le directeur général du Personnel ľa informé qu'il avait demandé la résiliation de son contrat pour le 2 novembre sur la base de
l'article 47, paragraphe 2a, du régime applicable. Le Commissaire concerné n'a pas accédé immédiatement à cette demande, mais a décidé, à la suite de démarches entreprises pour le compte de M. Favre par le Comité du personnel, d'étudier la question.
Dans l'intervalle, des rapports datés du 24 août ont été rédigés sur son travail aux termes desquels, à côté d'éléments positifs il semblait qu'il effectuait des comparaisons dénuées de réalité entraînant une certaine confusion et que son rapport présentait des lacunes sur certains points. Un autre plan de travail lui a été donné le 21 octobre mais le 4 novembre la lettre de licenciement lui a été envoyée.
Il semble clair que M. Favre a sans doute eu quelques problèmes avec la langue anglaise lorsqu'il a été engagé et qu'il a passé nombre de ses journées à participer à des cours, ce dont il convient de tenir compte pour apprécier la quantité de sa production. En revanche, il semble exagéré de prétendre, comme il le fait, que son travail ayant un caractère politique, pour des raisons de sécurité il ne pouvait pas le mener à bien avant d'être habilité au secret. Il se peut que les relations entre les
autorités de Windscale et la Commission impliquent certaines considérations politiques; cependant le travail de M. Favre avait essentiellement un caractère technique et scientifique.
Il est constant que son niveau de qualification et ses connaissances théoriques étaient bons. Néanmoins, il nous semble qu'il a été établi que pendant son stage et par la suite, ses supérieurs n'ont pas été satisfaits de ses initiatives ou de la quantité ou de la qualité de son travail et que certains éléments leur permettaient raisonnablement d'arriver à cette conclusion. Il appartient essentiellement à ses supérieurs, qui sont aussi des scientifiques, d'apprécier la qualité technique du travail
qu'il a produit. Le fait que ses notes aient été très brèves n'est pas concluant, comme il le prétend à juste titre, mais sur la base des documents produits devant la Cour, nous avons le sentiment que ses supérieurs avaient de bonnes raisons de décider qu'en l'espèce son travail n'était pas suffisant en quantité et en qualité et qu'il ne devait pas être retenu. A notre avis, il n'a pas rapporté la preuve qu'il a été licencié uniquement parce qu'un fonctionnaire en particulier, et peut-être un second
fonctionnaire, étaient désireux de s'en débarrasser pour des raisons personnelles et injustifiables. Le fait qu'un troisième fonctionnaire, M. Van der Stijl, n'ait pas signé son rapport de stage fait l'objet d'explications appropriées; l'irritation manifeste et justifiée que celui-ci a éprouvée en voyant citer ses opinions à un stade ultérieur sans en avoir été informé ne permet pas de conclure qu'il était opposé au départ de M. Favre.
Si de bonne foi ses supérieurs ont estimé que ces motifs existaient, nous sommes d'avis qu'il n'y a ni abus ni détournement de pouvoir; on ne peut pas non plus dire que son licenciement était contraire à l'intérêt du service. Son argument selon lequel, s'il est licencié de cette manière, d'autres scientifiques compétents ne souhaiteront pas travailler pour la Commission en raison de l'insécurité de leurs fonctions nous paraît dénué de fondement.
Même si, quoi qu'il en soit de l'obligation légale, il serait à notre avis préférable que la décision finale de licenciement soit motivée, il est manifeste qu'en l'espèce M. Favre savait très bien au printemps et durant l'été 1982 pourquoi il ne donnait pas satisfaction.
A la fin de sa période de stage et après avoir été prévenu pour la première fois de la demande de licenciement introduite à son encontre, on lui a confié un nouveau travail à accomplir. Nous pensons que dans un cas comme celui-là, si on donne à un agent temporaire plus de temps ou, comme on dit, une deuxième chance, il ne faudrait pas seulement examiner ce travail ultérieur mais il faudrait dire carrément à son auteur pourquoi il n'a pas atteint un niveau suffisant au cours de cette période
ultérieure. En l'espèce, il n'y a pas eu de démarche appropriée en ce sens.
Bien que selon nous, il ne soit pas satisfaisant que tant l'employé que la Cour aient à rechercher les motifs dans les faits tels qu'ils sont exposés plutôt que dans une motivation claire, nous avons le sentiment qu'en l'espèce il n'y a pas eu d'amélioration suffisante même eu égard aux absences du requérant par suite de congés et de maladie.
Cela étant, malgré les insuffisances que comporte à notre avis l'espèce, nous estimons que la Commission a avancé des éléments suffisants pour justifier la résiliation du contrat et que ce recours devrait être rejeté, chaque partie supportant ses propres dépens.
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( 1 ) Traduit de l'anglais.