Avis juridique important
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61989A0046
Arrêt du Tribunal de première instance (quatrième chambre) du 23 octobre 1990. - Antonino Pitrone contre Commission des Communautés européennes. - Fonctionnaire - Réorganisation du service - Agent temporaire - Substitution à un fonctionnaire. - Affaire T-46/89.
Recueil de jurisprudence 1990 page II-00577
Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
Mots clés
++++
1 . Fonctionnaires - Recrutement - Vacance d' emploi - Engagement d' un agent temporaire - Dispositions applicables
( Statut des fonctionnaires, art . 4; régime applicable aux autres agents )
2 . Fonctionnaires - Affectation - Affectation temporaire - Effets
3 . Fonctionnaires - Organisation des services - Affectation du personnel - Pouvoir d' appréciation de l' administration - Limites - Intérêt du service - Respect de l' équivalence des emplois - Engagement d' un agent temporaire en vue de pourvoir à un emploi permanent - Admissibilité
( Statut des fonctionnaires, art . 5 et 7 )
4 . Fonctionnaires - Affectation - Réorganisation des services - Respect de l' équivalence des emplois - Portée
( Statut des fonctionnaires, art . 7 )
5 . Fonctionnaires - Organisation des services - Protection de la confiance légitime - Conditions
6 . Fonctionnaires - Affectation - Intérêt du service - Prise en considération de l' ensemble des qualifications de chaque fonctionnaire
7 . Fonctionnaires - Recours - Moyens - Détournement de pouvoir - Notion
Sommaire
1 . L' article 4 du statut, qui dispose que toute nomination ne peut avoir pour objet que de pourvoir à la vacance d' un emploi et exige que toute vacance d' emploi soit portée à la connaissance du personnel dès que l' autorité investie du pouvoir de nomination a décidé qu' il y a lieu de pourvoir à cet emploi, ne s' applique qu' aux emplois occupés par des fonctionnaires des Communautés et non à ceux occupés par des agents temporaires .
2 . La circonstance que l' affectation d' un fonctionnaire à un autre emploi a été décidée à titre temporaire n' implique aucunement que l' intéressé ait gardé son ancien emploi .
3 . Pour parvenir à une organisation efficace des travaux et l' adapter à des besoins variables, les institutions des Communautés disposent d' un large pouvoir d' appréciation dans l' organisation de leurs services en fonction des missions qui leur sont confiées et dans l' affectation en vue de celles-ci du personnel qui se trouve à leur disposition, à la condition cependant que cette affectation se fasse dans l' intérêt du service et dans le respect de l' équivalence des emplois .
En particulier, l' autorité investie du pouvoir de nomination peut, afin de pourvoir à un emploi permanent, engager un agent à titre temporaire avant de procéder à la nomination définitive d' un fonctionnaire .
4 . Si le statut vise à garantir au fonctionnaire le grade obtenu, ainsi qu' un emploi correspondant à ce grade, il ne lui accorde aucun droit à un emploi déterminé, mais laisse au contraire à l' autorité investie du pouvoir de nomination la compétence d' affecter les fonctionnaires, dans l' intérêt du service, aux différents emplois correspondant à leur grade .
La règle de la correspondance entre le grade et l' emploi énoncée en particulier par l' article 7 du statut implique, en cas de modification des fonctions d' un fonctionnaire, non une comparaison entre ses fonctions actuelles et antérieures, mais entre ses fonctions actuelles et son grade dans la hiérarchie .
Pour qu' une mesure de réorganisation des services porte atteinte aux droits statutaires d' un fonctionnaire et puisse, de ce fait, faire l' objet d' un recours, il ne suffit pas qu' elle entraîne un changement et même une diminution quelconque des attributions de celui-ci, mais il faut que, dans leur ensemble, ses attributions résiduelles restent nettement en deçà de celles correspondant à ses grade et emploi, compte tenu de leur nature, de leur importance et de leur ampleur .
5 . Aucun fonctionnaire ne peut invoquer une violation du principe de la confiance légitime en l' absence d' assurances précises que lui aurait fournies l' administration .
Le large pouvoir d' appréciation dont disposent les institutions des Communautés dans l' organisation de leurs services s' oppose àce qu' une mesure de réorganisation desdits services puisse être considérée, en soi, comme étant de nature à violer la confiance légitime des fonctionnaires concernés .
6 . Il serait contraire à l' intérêt du service, qui exige que l' administration puisse profiter de toute l' expérience professionnelle de ses fonctionnaires et agents, de limiter les fonctions qu' un agent est appelé à exercer aux qualifications en raison desquelles il a été initialement recruté .
7 . La notion de détournement de pouvoir se réfère au fait pour une autorité administrative d' avoir usé de ses pouvoirs dans un but autre que celui en vue duquel ils lui ont été conférés .
Une décision n' est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d' indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise pour atteindre des fins autres que celles excipées .
Parties
Dans l' affaire T-46/89,
Antonino Pitrone, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Tervuren ( Belgique ), représenté par Me Nicolas Decker, avocat au barreau de Luxembourg, ayant élu domicile en son étude, 16, avenue Marie-Therèse,
partie requérante,
contre
Commission des Communautés européennes, représentée par M . Sergio Fabro, membre du service juridique, en qualité d' agent, assisté de Me Claude Verbraeken, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M . Guido Berardis, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,
partie défenderesse,
ayant pour objet l' annulation de la décision portant nomination de M . Walker au poste de chef du service spécialisé XXI-01 et la réintégration du requérant dans les fonctions de responsable de l' informatique à la direction générale ( DG ) XXI,
LE TRIBUNAL ( quatrième chambre ),
composé de MM . D . A . O . Edward, président, R . Schintgen et R . García-Valdecasas, juges,
greffier : M . H . Jung
vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 22 mai 1990,
rend le présent
Arrêt
Motifs de l'arrêt
Les faits à l' origine du recours
1 Le 1er janvier 1973, M . Pitrone a été nommé administrateur principal à la Commission après avoir réussi le concours général COM/A/78 . A partir du 6 février 1984, M . Pitrone a assumé la responsabilité du travail informatique du service de l' union douanière ( ci-après "SUD "), sous la responsabilité directe du directeur de la direction A, M . Chumas . Le 20 février 1984, M . Pitrone a été nommé "Information Systems Manager", spécialement responsable du secteur informatique du SUD . En novembre
1984, la Commission a présenté au Conseil la communication relative au développement coordonné de procédures administratives informatisées ( ci-après "projet CD "), et, le 20 novembre 1984, M . Pitrone a été nommé coordinateur dudit projet .
2 Le 15 novembre 1985, M . Chumas a présenté au comité responsable du projet CD ( Project Management Board, ci-après "PMB ") un document sous référence CD/PMB/85 n 1, dans lequel il déclarait que M . Pitrone était la personne qualifiée pour remplirtant les fonctions de coordinateur du projet que celles de secrétaire permanent du comité CD; il ajoutait qu' il serait néanmoins nécessaire de recruter aussi un chef d' équipe techniquement qualifié, un analyste-informaticien .
3 Le 29 novembre 1985, le directeur général du SUD a défini, en vue de sa transmission aux différentes administrations douanières nationales, le profil des fonctions de chef technique du projet CD, poste pour lequel la Commission se proposait de recruter un agent temporaire . Ce profil indiquait, entre autres, que l' intéressé devrait travailler "en collaboration avec le coordinateur du projet, avec responsabilité globale du projet CD ".
4 Le groupe de sélection n 6 T/85 a eu les 14 et 24 mars 1986 un entretien avec les candidats au poste de chef technique du projet CD . Ses conclusions ont placé M . den Dekker et M . Walker "ex aequo", tout en manifestant "une légère préférence pour M . Walker, dont la personnalité semble plus énergique ".
5 Le 23 avril 1986, la Commission a décidé la création de la DG XXI - direction générale Union douanière et fiscalité indirecte .
6 Ce n' est qu' à partir du 1er juillet 1986 que M . Walker a été recruté comme agent temporaire de grade A 4, avec un contrat d' une durée de cinq ans, en tant que chef technique du projet CD . Lors de son recrutement, M . Walker était, en qualité d' "Assistant Secretary" ( fonction comparable au grade A 3 ), responsable du développement du nouveau système de déclarations douanières informatisées au Royaume-Uni et dirigeait un personnel d' environ trois cents personnes .
7 M . Walker a été affecté au secteur informatique de la division A 3, sous la responsabilité de M . Pitrone . Au cours des mois suivants, il est apparu que la séparation des fonctions entre le requérant et M . Walker n' était pas satisfaisante du fait d' un chevauchement des fonctions .
8 En novembre 1986, les services de la DG XXI ont dû, de toute urgence, mettre au point et faire adopter la législation nécessaire à la mise en oeuvre du système harmonisé ( SH ), de la nomenclature combinée ( NC ) et du tarif intégré des Communautés européennes ( Taric ), qui devait entrer en vigueur le 1er janvier 1988 . M . Chumas a suggéré au requérant d' assumer la tâche de coordonner et de poursuivre la mise en place de cette législation . Celui-ci a accepté ces nouvelles tâches après avoir
demandé et obtenu qu' il soit indiqué expréssement qu' il ne serait que "temporairement" responsable de celles-ci . Par note n 6458 du 6 novembre 1986, M . Klein, alors directeur général de la DG XXI, a arrêté les mesures d' organisation interne nécessaires pour accélérer la préparation du programme législatif en cause et a chargé temporairement M . Pitrone de ce travail . La même note ajoutait que M . Walker assumerait temporairement les responsabilités de M . Pitrone pour la coordination du projet
CD . M . Strack était nommé temporairement "Information Systems Manager" en lieu et place de M . Pitrone .
9 Le 11 novembre 1987, à la suite d' une modification de l' organigramme de la DG XXI, M . Walker a été nommé responsable - au sein de cette DG - de l' informatisation et du traitement des données, emploi directement rattaché au directeur général .
10 L' achèvement des travaux pour la mise en oeuvre du SH, de la NC et du Taric s' est concrétisé lors de la publication au Journalofficiel des Communautés européennes, le 31 décembre 1987, des différents règlements y relatifs .
11 Le 9 février 1988, M . Chumas a adressé au requérant une note dans laquelle il le chargeait de préparer une étude sur l' avenir du système de préférences généralisées dans la troisième décennie . Le même jour, le requérant a envoyé une note au directeur général de la DG XXI, dans laquelle il faisait état de l' achèvement des travaux qui lui avaient été confiés par la note n 6458 du 6 novembre 1986 et demandait à reprendre ses fonctions antérieures de coordinateur du projet CD et d' "Information
Systems Manager ".
12 Le 11 février 1988, M . Pitrone a présenté deux réclamations administratives, à savoir, d' une part, la réclamation n 19/88, ayant pour objet l' annulation de la nomination de M . Walker comme chef du service spécialisé XXI-01 et la réintégration du requérant dans ses fonctions de responsable de l' informatique et, d' autre part, la réclamation n 18/88 visant à obtenir de la part de la Commission copie authentique de tous les actes concernant cette nomination .
13 Par note n 1181 du 17 février 1988, M . Vilar, nouveau directeur général, a répondu à la note que lui avait adressée le requérant le 9 février 1988 . Il rejetait la demande de réintégration présentée par M . Pitrone et l' informait que la direction générale avait subi une réorganisation au cours de l' année 1987 en fonction du rôle que l' informatique était appelée à jouer dans le travail de ladite direction . Pour cette raison, une structure mieux adaptée aux besoins du service avait été mise en
place et, dans le cadre de cette restructuration, le poste de coordinateur du projet CD avait été supprimé . Par la même occasion, une unité autonome consacrée à l' informatisation avait été créée, et M . Walker, agent temporaire possédant une grandeexpérience informatique, avait été nommé chef du nouveau service spécialisé . La note ajoutait également que, compte tenu du fait que M . Pitrone désirait être transféré à la DG I, on lui avait confié des travaux qui, bien qu' ils fussent importants,
permettraient son transfert à la DG I sans causer de problèmes d' organisation à la DG XXI .
14 Dans une seconde note adressée le 16 mai 1988 au requérant, le directeur général a insisté sur le fait que la réorganisation de la DG XXI, qui avait été approuvée par la Commission en novembre 1987, tenait compte d' une évolution importante dans les travaux informatiques de cette direction et que, pour répondre aux exigences de cette nouvelle situation, il avait fallu établir, dans ce domaine, une structure claire et nette et s' assurer d' un personnel possédant une expérience en matière d'
informatique d' un haut niveau .
15 Le 16 mai 1988, M . Pitrone a introduit une réclamation administrative dirigée contre la note n 1181 du directeur général, du 17 février 1988, et demandait sa réintégration dans ses fonctions antérieures .
16 Les rapports de notation du requérant pour la période du 1er juillet 1983 au 30 juin 1985 et du 1er juillet 1985 au 30 juin 1987 mettent en évidence qu' il ne possédait pas une formation complète dans le domaine informatique . En effet, le rapport pour la période 1983-1985 fait ressortir :
"que l' affectation du requérant au secteur informatique a produit en quelque sorte un 'choc culturel' , dès lors qu' il devait maîtriser un tout nouveau domaine de travail technique qui lui était étranger";
"qu' il n' était pas entièrement familier avec ce domaine";
de même le rapport pour la période 1985-1987 fait-il ressortir :
"que son talent pouvait être mieux utilisé dans d' autres domaines";
"qu' il n' a pas l' expérience nécessaire pour le fonctionnement opérationnel de grands projets informatiques, mais qu' il est bien qualifié pour résoudre des problèmes politiques difficiles ".
17 Les deux réclamations administratives du 11 février 1988 ont été rejetées par la Commission le 7 juillet 1988 . La réclamation du 16 mai 1988 a fait l' objet d' un rejet implicite .
La procédure
18 C' est dans ces conditions que, par requête déposée au greffe de la Cour le 7 octobre 1988, M . Pitrone a introduit, en vertu de l' article 91 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes ( ci-après "statut "), le présent recours visant à l' annulation de la décision portant nomination de M . Walker au poste de chef du service spécialisé XXI-01 et à la réintégration du requérant dans les fonctions de responsable de l' informatique à la DG XXI .
19 La procédure écrite s' est entièrement déroulée devant la Cour . Elle a suivi un cours régulier .
20 En vertu de l' article 14 de la décision du Conseil du 24 octobre 1988, instituant un Tribunal de première instance des Communautés européennes, la Cour ( troisième chambre ) a, parordonnance du 15 novembre 1989, renvoyé l' affaire devant le Tribunal .
21 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal ( quatrième chambre ) a décidé d' ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d' instruction préalables .
22 Les représentants des parties ont été entendus en leur plaidoirie et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l' audience du 22 mai 1990 .
23 Le requérant a conclu à ce qu' il plaise au Tribunal :
- dire le recours recevable;
- au fond le dire fondé; partant :
a ) ordonner à la Commission de produire copie authentique de tous les actes concernant la nomination de M . Maurice Walker au poste de chef du service spécialisé XXI-01;
b ) annuler la nomination de M . Maurice Walker au poste de chef du service spécialisé XXI-01;
c ) ordonner la réintégration du requérant dans les fonctions de responsable de l' informatique à la DG XXI;
d ) condamner la défenderesse à tous les frais et dépens de l' instance .
24 La défenderesse a conclu à ce qu' il plaise au Tribunal :
- rejeter le recours en tous ses éléments comme non fondé;
- condamner le requérant à ses propres dépens conformément aux articles 69, paragraphe 2, et 70 du règlement de procédure .
Sur le fond
Sur le premier moyen
25 Le premier moyen est tiré de la violation de l' article 4 du statut et des dispositions du régime applicable aux autres agents ( ci-après "RAA ") consacrées aux agents temporaires . En premier lieu, le requérant fait valoir que la nomination de M . Walker, le 11 novembre 1987, comme chef du service spécialisé XXI-01 a été décidée en violation de l' article 4 du statut, qui dispose que toute nomination ne peut avoir pour objet que de pourvoir à la vacance d' un emploi et exige que toute vacance d'
emploi soit portée à la connaissance du personnel dès que l' autorité investie du pouvoir de nomination ( ci-après "AIPN ") a décidé qu' il y a lieu de pourvoir à cet emploi . Le requérant soutient qu' en l' espèce il n' y avait pas de vacance d' emploi, en raison du fait que le poste était toujours occupé par lui-même .
26 A cet égard, il faut souligner, comme la Commission l' a fait à juste titre, que l' article 4 du statut ne s' applique qu' aux emplois occupés par des fonctionnaires des Communautés européennes et non à ceux occupés par des agents temporaires . En effet, l' article 10 du RAA prévoit que seules les dispositions de l' article 5, paragraphes 1, 2 et 4, et de l' article 7 du statut sont applicables par analogie .
27 Il convient, en outre, d' observer que c' est à tort que le requérant soutient qu' il occupait toujours le poste en question, compte tenu du fait que, en vertu de la note n 6458 établie le 6 novembre 1986 par le directeur général de la DG XXI, il avait été affecté, bien que temporairement, à un autre poste . Le fait que cette affectation ait été décidée à titre temporaire n' implique en aucun cas qu' il ait gardé son ancien poste . Au surplus, le requérant n' a jamais occupé le poste de chef du
service spécialisé XXI-01, mais celui de responsable de l' informatique à la DG XXI, commme il le reconnaît dans sa réplique .
28 En second lieu, le requérant observe que la Commission a utilisé, à propos de la désignation de M . Walker, le mot "nomination", alors que le RAA n' utilise nulle part ce terme, mais ceux d' "engagement" ou d' "affectation ". En conséquence, il qualifie la décision portant cette "nomination" de nulle et non avenue pour vice de forme .
29 A cet égard, il suffit de constater que l' utilisation du mot "nomination" au lieu d' "affectation" ou d' "engagement" à propos de la désignation de M . Walker ne peut pas avoir aucune portée, puisque l' article 7 du statut, applicable aux autres agents en vertu de l' article 10 du RAA, dispose que l' affectation se fait par voie de nomination ou de mutation .
30 Il résulte de ce qui précède que le premier moyen ne saurait être accueilli .
Sur le deuxième moyen
31 Le deuxième moyen est tiré de la violation des articles 5, 7 et 86 à 89 du statut ainsi que des dispositions de son annexe IX.Le requérant considère que le refus de la Commission de le réintégrer dans ses anciennes fonctions équivaut à une mesure disciplinaire déguisée . Il soutient aussi qu' en l' espèce son activité a été réduite à des attributions restant en deçà de celles qui correspondent à celles d' un fonctionnaire de grade A 4 et, notamment, en deçà des responsabilités qu' il excerçait
auparavant .
32 Il y a lieu de rappeler, tout d' abord, qu' il est de jurisprudence constante que les institutions des Communautés ont un large pouvoir d' appréciation dans l' organisation de leurs services en fonction des missions qui leur sont confiées et dans l' affectation en vue de celles-ci du personnel qui se trouve à leur disposition, à la condition cependant que cette affectation se fasse dans l' intérêt du service et dans le respect de l' équivalence des emplois ( arrêt du 21 juin 1984, Lux/Cour des
comptes, 69/83, Rec . p . 2447; arrêt du 23 mars 1988, Hecq/Commission, 19/87, Rec . p . 1697 ). Un tel pouvoir d' appréciation est indispensable en vue d' arriver à une organisation efficace des travaux et pour pouvoir adapter cette organisation à des besoins variables ( arrêt du 12 juillet 1979, List/Commission, 124/78, Rec . p . 2499 ).
33 Il y a lieu de souligner, avec la défenderesse, que si le statut vise à garantir au fonctionnaire le grade obtenu, ainsi qu' un emploi correspondant à ce grade, il ne lui accorde aucun droit à un emploi déterminé, mais laisse par contre à l' AIPN la compétence d' affecter les fonctionnaires, dans l' intérêt du service, aux différents emplois correspondant à leur grade ( arrêt du 6 mai 1969, Huybrechts/Commission, 21/68, Rec . p . 85, et arrêt du 13 mai 1970, Reinarz/Commission, 46/69, Rec . p .
275 ).
34 Au surplus, la règle de la correspondance entre le grade et l' emploi qu' exprime en particulier l' article 7 du statut implique, en cas de modification des fonctions d' un fonctionnaire, non une comparaison entre ses fonctions actuelles et antérieures, mais entre ses fonctions actuelles et son grade dans la hiérarchie ( arrêt du 28 mai 1980, Kuhner/Commission, 33/79 et 75/79, Rec . p . 1677 ).
35 En outre, pour qu' une mesure de réorganisation des services porte atteinte aux droits statutaires d' un fonctionnaire, il ne suffit pas qu' elle entraîne un changement et même une diminution quelconque des attributions de celui-ci, mais il faut que, dans leur ensemble, ses attributions résiduelles restent nettement en deçà de celles correspondant à ses grade et emploi, compte tenu de leur nature, de leur importance et de leur ampleur ( arrêt du 20 mai 1976, Macevicius/Parlement, 66/75, Rec . p .
593, et arrêt du 23 mars 1988, Hecq, 19/87, précité ).
36 A la lumière de ces considérations, il convient de constater que la décision portant nomination de M . Walker au poste de chef du service XXI-01 a été prise par la Commission dans les limites du pouvoir d' appréciation dont elle dispose pour organiser ses services, en tenant compte des besoins de ceux-ci dans le domaine de l' informatique et du profil de M . Walker .
37 Une question différente est celle de savoir si les fonctions que la Commission a attribuées au requérant, après qu' il eut abandonné la direction du projet CD, constituent des attributions correspondantes à son grade dans la hiérarchie . Toutefois, le requérant n' ayant pas demandé au Tribunal de se prononcer sur ce point, puisqu' il ne demande que l' annulation de la nomination de M . Walker et sa réintégration dans son ancien poste, le Tribunal estime qu' il n' y a pas lieu d' examiner cette
question .
38 Il résulte de ce qui précède que le deuxième moyen doit être écarté .
Sur le troisième moyen
39 Le troisième moyen est tiré de la violation du principe de la protection de la confiance légitime et du non-respect de l' engagement pris par les supérieurs du requérant de le réintégrer dans ses anciennes fonctions, dès l' achèvement des tâches urgentes qui lui avaient été provisoirement confiées .
40 Le requérant estime que, en procédant, le 11 novembre 1987, à la nomination de M . Walker au poste de responsable de l' unité "informatisation et traitement des données", la Commission a violé le principe de la confiance légitime . Il fait valoir que, compte tenu, d' une part, de la nature temporaire des tâches spécifiques et urgentes qui lui avaient été confiées le 6 novembre 1986 et, d' autre part, du caractère temporaire des fonctions attribuées à MM . Walker et Strack, il s' attendait à
retrouver le poste en question une fois qu' il aurait accompli les tâches en cause . Il ajoute que la nomination de M . Walker l' a privé "brutalement" des responsabilités administratives qu' il détenait jusqu' à ce moment .
41 La défenderesse conteste que le fait d' avoir confié au requérant la charge de certaines tâches de façon provisoire puisse être interprété comme une assurance précise de réaffectation à ses anciennes fonctions après leur accomplissement .
42 Il convient de rappeler qu' aucun fonctionnaire ne peut invoquer une violation du principe de la confiance légitime en l' absence d' assurances précises que lui aurait fourniesl' administration ( arrêt du Tribunal du 27 mars 1990, Chomel/Commission, T-123/89, Rec . p . II-131 ).
43 En l' espèce, l' examen de la teneur de la note établie le 6 novembre 1986 par le directeur général ne permet pas de conclure que ladite note ait pu constituer pour le requérant l' expression d' une assurance précise de pouvoir récupérer son ancien poste .
44 Au surplus, le Tribunal estime que le large pouvoir d' appréciation dont disposent les institutions des Communautés dans l' organisation de leurs services s' oppose à ce qu' une mesure de réorganisation desdits services puisse être considérée, en soi, comme étant de nature à violer la confiance légitime des fonctionnaires concernés . Les circonstances dont le requérant a fait état ne permettent pas au Tribunal de s' écarter en l' espèce de cette considération de principe .
45 Il résulte de ce qui précède que le troisième moyen ne saurait être retenu .
Sur le quatrième moyen
46 Le quatrième moyen est tiré du comportement dolosif qu' aurait eu M . Chumas, directeur de la direction A et supérieur hiérarchique direct du requérant, à l' égard de celui-ci . Le requérant soutient qu' on lui aurait fait croire que s' il parvenait à mener à bien ses nouvelles tâches dans les délais requis, il pourrait être promu chef de division et qu' en toute hypothèse, même s' il ne réussissait pas à obtenir les résultats espérés, il conserverait ses responsabilités antérieures dans le
secteur informatique .
47 Le requérant fonde son affirmation sur le libellé de la note du 6 novembre 1986, précitée, et sur de prétendues promesses de promotion, qualifiées par lui même de vagues, qui lui auraient été faites par M . Chumas .
48 Il ressort clairement de l' examen des pièces du dossier que ni la note du 6 novembre 1986, ni les autres documents auxquels se réfère le requérant ne viennent corroborer son affirmation selon laquelle il lui aurait été promis qu' il recupérerait son ancien poste ou qu' il serait promu à un poste de grade supérieur . Au contraire, quelques notes et, plus particulièrement, ses rapports de notation mettent en évidence le fait qu' il n' avait pas la formation requise dans le domaine informatique .
49 Il résulte de ce qui précède que le quatrième moyen doit être rejeté .
Sur le cinquième moyen
50 Le cinquième moyen est tiré de la violation de l' article 25, deuxième alinéa, du statut . Le requérant fait valoir que le défaut de motivation de la décision de lui enlever brutalement la responsabilité administrative du secteur informatique pour l' attribuer à un agent temporaire constitue une violation de cette disposition, selon laquelle toute décision faisant grief doit être motivée .
51 A ce propos, il faut constater qu' il ressort clairement de l' examen des pièces du dossier que c' est par note du 6 novembre 1986 que le directeur général a retiré au requérant la responsabilité administrative du secteur informatique . N' ayant pas introduit de réclamation contre cette décision dans les trois mois qui ont suivi, le requérant n' a pas respecté la procédure prévueaux articles 90 et 91 du statut . Partant, il ne saurait invoquer, à l' appui du présent recours, une prétendue
irrégularité qu' il a omis d' attaquer en temps utile .
52 Il résulte de ce qui précède que le cinquième moyen doit être rejeté comme irrecevable .
Sur le sixième moyen
53 Le sixième moyen est tiré de l' abus de pouvoir . Ce moyen s' articule en deux branches . En premier lieu, le requérant allègue que cet abus de pouvoir est attesté par l' insuffisance et l' incohérence des motifs invoqués par le directeur général, dans sa note n 1181 du 17 février 1988, pour rejeter la demande du requérant d' être réintégré dans son ancien poste et justifier l' attribution à M . Walker des compétences qui étaient précédemment exercées par le requérant .
54 Le requérant admet que l' organisation et le fonctionnement des services relèvent de la seule compétence de la Commission, mais il conteste que celle-ci puisse exercer ce pouvoir en dehors de toute cohérence et de toute logique et en contradiction avec d' autres mesures d' organisation prises au préalable par elle-même .
55 La défenderesse estime que ce moyen se réduit à une critique de la note n 1181 établie le 17 février 1988 par le nouveau directeur général, M . Vilar, dans laquelle celui-ci indiquait que la note n 6458 du 6 novembre 1986, par laquelle son prédécesseur, M . Klein, avait confié "temporairement" au requérant de nouvelles responsabilités, devait "être interprétée à la lumière de toutes les circonstances qui sont intervenues depuis cette date" et, notamment, de "l' évolution de la DG XXI" et de "la
conception du rôle que l' informatique est appelée à jouer dans le travail denotre DG ". La même note du 17 février 1988 ajoutait, par ailleurs, que, vu l' expérience très spécialisée en la matière de M . Walker, il avait été jugé opportun de nommer celui-ci chef du nouveau service spécialisé .
56 Le requérant affirme que M . Vilar, ne pouvant pas contester l' engagement pris par M . Klein, a essayé d' en justifier le non-respect en faisant valoir des circonstances intervenues après la signature de la note du 6 novembre 1986 .
57 Pour que les circonstances invoquées par M . Vilar puissent le dispenser de respecter un engagement pris par son prédécesseur, il faudrait, selon le requérant, non seulement qu' elles soient intervenues après le 6 novembre 1986 ( date de la note de M . Klein ), mais surtout qu' elles soient imputables à un cas de force majeure ou à un cas fortuit, c' est-à-dire, à des événements imprévisibles et inévitables, ce qui, à son avis, n' a pas été le cas .
58 Le requérant fait valoir que la nécessité de tenir compte de "l' évolution de la DG XXI" et de "la conception du rôle que l' informatique est appelée à jouer" existait bien avant le 6 novembre 1986 . Selon lui, elle remonte au 15 mai 1984, date à laquelle le Conseil a adopté sa résolution sur l' "informatisation des procédures administratives dans les échanges intracommunautaires" ( JO C 137, p . 1 ).
59 A cet égard, il y a lieu de rappeler que l' organisation et le fonctionnement du service sont de la seule compétence de la Commission et qu' un fonctionnaire n' est pas recevable à critiquer cette organisation, mais uniquement à soulever des griefs qui lui sont personnels ( arrêts du 30 juin 1983, Schloh/Conseil, 85/82,Rec . p . 2105, et du 21 janvier 1987, Stroghili/Cour des comptes, 204/85, Rec . p . 389 ).
60 Il convient de souligner que c' est l' autorité hiérarchique qui est seule responsable de l' organisation des services et qu' il incombe à elle seule d' apprécier les besoins du service en affectant en conséquence le personnel qui se trouve à sa disposition ( arrêts du 11 juillet 1968, Labeyrie/Commission, 16/67, Rec . p . 432, et du 14 juillet 1977, Geist/Commission, 61/76, Rec . p . 1419 ).
61 L' argument du requérant selon lequel l' attribution à un agent temporaire des fonctions de chef d' un service spécialisé serait contraire aux principes de la déontologie administrative ne peut, non plus, être retenu . Les dispositions statutaires reconnaissent à l' AIPN un large pouvoir d' appréciation pour pourvoir à un emploi permanent; celle-ci a, dès lors, la possibilité d' engager un agent à titre temporaire avant de procéder à la nomination définitive d' un fonctionnaire ( arrêt du 28
février 1989, Van Der Stijl e.a./Commission, 341/85, 251/86, 258/86, 259/86, 262/86 et 266/86, 222/87 et 232/87, Rec . p . 511 ).
62 Il s' ensuit qu' il appartenait en l' espèce à l' autorité hiérarchique seule d' apprécier qui, de M . Walker ou du requérant, était le mieux qualifié pour exercer les fonctions en cause .
63 Dès lors, la première branche du moyen doit être écartée .
64 Dans la seconde branche de ce même moyen, le requérant se prévaut d' une déformation des faits . Il considère qu' une telle déformation apparaît dans la note n 1181 du directeur général, du 17 février 1988, lorsqu' il est dit qu' "il paraissait souhaitable ... de nommer M . Walker, agent temporaire recruté pourson expérience très spécialisée en la matière, chef du nouveau service spécialisé ". Le requérant allègue que M . Walker n' a jamais été engagé en vue d' être nommé chef du service
spécialisé, mais exclusivement en vue de pourvoir à l' emploi de chef technique du projet informatique CD . Ce serait à tort que le directeur général aurait invoqué les connaissances spécialisées de M . Walker pour lesquelles il avait été recruté afin de justifier son affectation à des fonctions de chef de service .
65 Cette deuxième branche doit également être rejetée . En effet, il y a lieu, d' une part, de tenir compte de ce que les fonctions de chef d' un service informatique ne doivent pas être nécessairement d' un caractère purement administratif; bien au contraire, des connaissances techniques approfondies peuvent être très utiles pour les assumer pleinement .
66 D' autre part, limiter les fonctions qu' une personne sera appelée à exercer aux qualifications en raison desquelles elle a été recrutée serait contraire à l' intérêt du service, qui exige que l' administration puisse profiter de toute l' expérience professionnelle de ses fonctionnaires et agents .
67 En l' espèce, le requérant n' a présenté aucun élément à l' encontre de l' argument de la Commission selon lequel l' expérience acquise par M . Walker au Royaume-Uni, en tant qu' "Assistant Secretary" à la tête d' un service de trois cents personnes, lui a conféré le profil idéal pour le poste en question .
68 Il résulte de ce qui précède que le sixième moyen ne saurait être accueilli .
Sur le septième moyen
69 Le septième moyen est tiré du détournement de pouvoir . Le requérant considère que la nomination de M . Walker n' était pas motivée par l' intérêt du service et que les faits qui se sont produits à la suite du recrutement de M . Walker, ainsi que la "nomination" rapide de cet agent en tant que chef d' un service spécialisé, font apparaître la présence d' indices objectifs, pertinents et concordants selon lesquels le véritable but poursuivi par la Commission, dès l' époque de ce recrutement, était
de remplacer le fonctionnaire permanent responsable de l' informatique à la DG XXI par cet agent extérieur .
70 A cet égard, il y a lieu de rappeler que la notion de détournement de pouvoir a une portée bien précise et qu' elle se réfère au fait pour une autorité administrative d' avoir usé de ses pouvoirs dans un but autre que celui en vue duquel ils lui ont été conférés ( voir arrêt de la Cour du 4 février 1982, Buyl/Commission, 817/79, Rec . p . 245, et arrêt du Tribunal du 12 juillet 1990, Scheuer/Commission, T-108/89, Rec . p . II-000 ).
71 Au surplus, il est de jurisprudence constante qu' une décision n' est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d' indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise pour atteindre des fins autres que celles excipées ( voir, par exemple, arrêt de la Cour du 21 juin 1984, Lux, 69/83, précité, et arrêt du Tribunal du 12 juillet 1990, Scheuer, T-108/89, précité ).
72 A cet égard, il suffit de constater que le requérant n' a fourni aucun élément de preuve permettant de conclure que le véritable but poursuivi par la Commission lors du recrutement de M . Walker était de remplacer le requérant comme responsable de l' informatique à la DG XXI par celui-ci .
73 En outre, la décision de créer un service spécialisé comme le choix du moment opportun pour créer un tel service sont des questions qui ont trait à la façon d' organiser les services administratifs et relèvent, comme il a été déjà dit, du large pouvoir d' appréciation dont disposent les institutions des Communautés en la matière . Les longues considérations du requérant à propos du moment auquel ce service aurait dû être créé sont, dès lors, sans aucune pertinence .
74 Il résulte de ce qui précède que le septième moyen ne saurait être accueilli .
75 Il ressort de l' ensemble des considérations qui précèdent que le recours doit être rejeté comme non fondé .
Décisions sur les dépenses
Sur les dépens
76 Aux termes de l' article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, applicable mutatis mutandis au Tribunal en vertu de l' article 11 de la décision du Conseil du 24 octobre 1988, précitée, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens . Toutefois, selon l' article 70 du même règlement, les frais exposés par les institutions dans les recours des agents des Communautés restent à la charge de celles-ci .
Dispositif
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL ( quatrième chambre )
déclare et arrête :
1 ) Le recours est rejeté .
2 ) Chacune des parties supportera ses propres dépens .