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11/06/1992 | CJUE | N°C-90/91

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Office national des pensions contre Emilio Di Crescenzo et Angela Casagrande, veuve Barel., 11/06/1992, C-90/91


Avis juridique important

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61991J0090

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 11 juin 1992. - Office national des pensions contre Emilio Di Crescenzo et Angela Casagrande, veuve Barel. - Demandes de décision préjudicielle: Cour du travail de Liège - Belgique. - Pensions de vieillesse et de survie - Calcul des prestat

ions - Règles anticumul nationales et communautaires. - Affaires joint...

Avis juridique important

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61991J0090

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 11 juin 1992. - Office national des pensions contre Emilio Di Crescenzo et Angela Casagrande, veuve Barel. - Demandes de décision préjudicielle: Cour du travail de Liège - Belgique. - Pensions de vieillesse et de survie - Calcul des prestations - Règles anticumul nationales et communautaires. - Affaires jointes C-90/91 et C-91/91.
Recueil de jurisprudence 1992 page I-03851

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

++++

Sécurité sociale des travailleurs migrants - Prestations - Règles nationales anticumul - Droit ouvert en vertu de la seule législation nationale - Applicabilité - Limites - Réglementation communautaire, y compris ses règles anticumul, plus favorable au travailleur

(Règlement du Conseil n 1408/71, art. 12, § 2, et 46)

Sommaire

L' article 46 du règlement n 1408/71 impose à l' institution compétente d' un État membre, lorsqu' elle calcule la pension de retraite revenant à un travailleur migrant, d' établir une comparaison entre les prestations qui seraient dues en application du seul droit national et celles qui seraient dues en application du droit communautaire, et de faire bénéficier le travailleur migrant de la prestation dont le montant est le plus élevé.

A cette fin, lors de la détermination de la prestation due en vertu de sa seule législation nationale, l' institution compétente doit faire application des seules clauses anticumul nationales tandis que, lors de la détermination de la prestation due en vertu du droit communautaire, l' institution compétente ne doit pas tenir compte des clauses anticumul nationales, conformément à l' article 12, paragraphe 2, du règlement n 1408/71, mais procéder, si cela s' avère nécessaire, à la correction du
montant de la prestation due, conformément à l' article 46, paragraphe 3.

Parties

Dans les affaires jointes C-90/91 et C-91/91,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l' article 177 du traité CEE, par la cour du travail de Liège (Belgique) et tendant à obtenir, dans les litiges pendants devant cette juridiction entre

Office national des pensions (ONP)

et

Emidio Di Crescenzo

et entre

Office national des pensions (ONP)

et

Angela Casagrande, veuve Romeo Barel,

une décision à titre préjudiciel sur l' interprétation des articles 12, paragraphe 2, et 46 du règlement (CEE) n 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l' application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l' intérieur de la Communauté, tel que modifié et mis à jour par le règlement (CEE) n 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983 (JO L 230, p. 6),

LA COUR (cinquième chambre),

composée de MM. R. Joliet, président de chambre, J. C. Moitinho de Almeida, G. C. Rodríguez Iglesias, M. Zuleeg et D. A. O. Edward, juges,

avocat général: M. F. G. Jacobs

greffier: M. H. A. Ruehl, administrateur principal

considérant les observations écrites présentées:

- pour l' Office national des pensions, par M. R. Masyn, administrateur général,

- pour M. Di Crescenzo et Mme Casagrande, par Me J. Raskin, avocat au barreau de Liège,

- pour la Commission des Communautés européennes, par M. Dimitrios Gouloussis, conseiller juridique, et Mme Maria Patakia, membre du service juridique, en qualité d' agents,

vu le rapport d' audience,

ayant entendu les observations orales de l' Office national des pensions, représenté par M. Lheureux, secrétaire d' administration, de M. Di Crescenzo et Mme Casagrande, et de la Commission, à l' audience du 19 mars 1992,

ayant entendu l' avocat général en ses conclusions à l' audience du 8 avril 1992,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

1 Par deux arrêts du 22 février 1991, parvenus à la Cour le 12 mars suivant, la cour du travail de Liège a posé, en vertu de l' article 177 du traité CEE, des questions préjudicielles relatives à l' interprétation des articles 12, paragraphe 2, et 46 du règlement (CEE) n 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l' application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l' intérieur de la Communauté,
dans sa version codifiée par le règlement (CEE) n 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983 (JO L 230, p. 6).

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre de litiges opposant l' Office national des pensions (ci-après "ONP"), d' une part, à M. Emidio Di Crescenzo, et, d' autre part, à Mme Angela Casagrande, au sujet du calcul par l' ONP de la pension de retraite due à M. Di Crescenzo et à la pension de survie due à Mme Casagrande.

3 Il ressort des dossiers transmis à la Cour par la juridiction nationale que M. Di Crescenzo, de nationalité italienne, a travaillé en Belgique en qualité d' ouvrier mineur pendant vingt-sept ans. Auparavant, il avait exercé en Italie une activité effective ou assimilée de travailleur salarié pendant deux cent cinquante-six semaines.

4 Le 1er avril 1975, M. Di Crescenzo s' est vu reconnaître le droit à une pension belge complète de retraite d' ouvrier mineur par l' Office national des pensions pour travailleurs salariés (ci-après "ONPTS"), l' institution compétente belge. Ce droit était fondé sur les vingt-sept ans de travail effectif accomplis par l' intéressé en Belgique, augmentés de trois années fictives qui lui étaient accordées en vertu des dispositions belges régissant les pensions d' ouvriers mineurs.

5 A partir du 1er juillet 1980, M. Di Crescenzo avait également droit à une pension de retraite italienne. Se fondant sur les dispositions anticumul belges et tenant compte des années pour lesquelles l' intéressé bénéficiait d' une pension italienne, l' ONPTS a, par décision rectificative notifiée le 17 mai 1985, réduit le nombre d' années fictives accordées à M. Di Crescenzo et, partant, le montant de sa pension avec effet au 1er juillet 1980.

6 Mme Casagrande est la veuve de M. Barel, décédé le 16 janvier 1983. Conformément à la législation belge, l' ONPTS a calculé la pension de survie de Mme Casagrande sur la base de la pension de retraite à laquelle son mari aurait eu droit. M. Barel, de nationalité italienne, a travaillé en Belgique en qualité d' ouvrier mineur pendant vingt et un ans. Auparavant, il avait exercé en Italie une activité de travailleur salarié ou assimilé pendant quatorze ans.

7 Le 30 septembre 1983, Mme Casagrande s' est vue reconnaître provisoirement le droit à une pension complète de survie de travailleur salarié. Ce droit était fondé sur les vingt et un ans de travail effectif accomplis par son mari en Belgique en qualité d' ouvrier mineur, augmentés de quatorze ans présumés d' occupation en qualité de travailleur salarié, qui lui étaient accordés en vertu des dispositions belges relatives aux pensions de travailleurs salariés.

8 Se fondant sur les dispositions anticumul belges et tenant compte des années pour lesquelles l' intéressée avait droit à une pension de survie italienne, l' ONPTS a, par décision définitive du 12 octobre 1984, réduit le nombre d' années d' occupation présumées, initialement accordées à M. Barel, et, partant, le montant de la pension accordée à Mme Casagrande.

9 M. Di Crescenzo et Mme Casagrande se sont pourvus respectivement contre les décisions du 17 mai 1985 et du 12 octobre 1984 devant le tribunal du travail de Liège, en faisant valoir que des dispositions anticumul nationales ne pouvaient pas être appliquées aux ressortissants communautaires, en vertu de l' article 12, paragraphe 2, du règlement n 1408/71, précité. Faisant droit à leurs requêtes, le tribunal a reconnu aux intéressés le droit à une pension complète.

10 L' ONP, succédant aux droits et obligations de l' ONPTS, a marqué son accord pour l' octroi d' une pension complète à M. Di Crescenzo jusqu' au 31 décembre 1980, compte tenu du fait que la législation belge ne comportait aucune disposition anticumul à cette époque. L' ONP a toutefois interjeté appel devant la cour du travail de Liège contre le jugement du tribunal pour ce qui concerne le calcul de la pension de M. Di Crescenzo à partir du 1er janvier 1981, et contre celui reconnaissant à Mme
Casagrande le droit à une pension complète de survie.

11 Considérant que les litiges soulevaient des problèmes d' interprétation du droit communautaire, la cour du travail de Liège a sursis à statuer et a posé à la Cour, en des termes identiques pour les deux affaires, les questions préjudicielles suivantes:

"1) Lorsqu' une prestation de pension (en l' espèce, une pension complète) est accordée en vertu de la seule législation belge, convient-il d' appliquer l' ensemble de l' article 46 du règlement n 1408/71 pour admettre ou non le cumul avec une pension octroyée par un autre État CEE, en l' occurrence l' Italie, en ce compris le paragraphe 3? La jurisprudence née de l' arrêt Petroni et des arrêts successifs dans le même sens a-t-elle encore quelque raison d' être?

2) La règle est-elle la même s' il s' agit, non d' une pension de retraite, calculée en fonction des années d' assurance et des années assimilées, mais d' une pension d' invalidité payée par le Fonds national de retraite des ouvriers mineurs, pension identique pour tous avec seulement des distinctions en fonction de la situation familiale?

3) La neutralisation, par l' effet de l' article 12, paragraphe 2, deuxième phrase, du règlement n 1408/71, d' une clause anticumul nationale qui réduit le droit aux prestations, déterminé sur base des seules périodes d' assurance dans l' État à considérer, en fonction du droit des prestations de même nature acquis dans un autre État membre, peut-elle entraîner la réduction de la prestation nationale par application de l' article 46, paragraphe 3, du règlement n 1408/71, alors que le recours à la
totalisation des périodes d' assurance n' a pas été nécessaire pour l' ouverture du droit aux prestations dans cet État et que l' article 12, paragraphe 2, deuxième phrase, du règlement n' a eu pour seul effet que de maintenir un droit acquis sur base de la seule législation nationale?"

12 Pour un plus ample exposé des faits des litiges au principal, du déroulement de la procédure ainsi que des observations écrites présentées à la Cour, il est renvoyé au rapport d' audience. Ces éléments des dossiers ne sont repris ci-après que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.

Sur les première et troisième questions

13 Il résulte des motifs des arrêts de renvoi que, par ces questions, qu' il convient d' examiner ensemble, la juridiction nationale cherche, en substance, à savoir si, l' institution compétente d' un État membre est tenue d' appliquer l' article 46 du règlement n 1408/71, précité, dans son intégralité, y compris le paragraphe 3, lorsqu' un travailleur migrant a droit à une pension de retraite complète en vertu de la seule législation nationale, et si, dans de telles circonstances, l' article 12,
paragraphe 2, du même règlement neutralise une clause anticumul nationale qui réduit le droit aux prestations en raison du fait que le travailleur migrant perçoit également une pension dans un autre État membre.

14 A titre liminaire, il convient de rappeler que, dans l' arrêt du 21 octobre 1975, Petroni (24/75, Rec. p. 1149), la Cour a dit pour droit que le but des articles 48 à 51 du traité CEE ne serait pas atteint si, par suite de l' exercice de leur droit de libre circulation, les travailleurs devaient perdre des avantages de sécurité sociale que leur assure, en tout état de cause, la seule législation d' un État membre. Il s' ensuit que l' application de la réglementation communautaire ne saurait
entraîner une diminution des prestations accordées en vertu de la législation d' un État membre (voir arrêt du 9 juillet 1980, Gravina, 807/79, Rec. p. 2205).

15 Toutefois, il y a lieu de relever que, selon une jurisprudence constante (voir, en dernier lieu, arrêt du 18 février 1992, Di Prinzio, C-5/91, Rec. p. I-0000), lorsque le travailleur migrant perçoit une pension en vertu de la seule législation d' un État membre, les dispositions du règlement n 1408/71 ne font pas obstacle à ce que cette législation nationale lui soit appliquée intégralement, y compris les règles anticumul.

16 Il ressort de cette même jurisprudence que si l' application de la seule législation de l' État membre en cause se révèle moins favorable au travailleur que celle du régime communautaire, prévu à l' article 46 du règlement n 1408/71, ce sont les dispositions de cet article qui doivent être appliquées dans leur ensemble.

17 Il appartient, en conséquence, à l' institution compétente d' établir une comparaison entre les prestations qui seraient dues en application du seul droit national, y compris ses règles anticumul, et celles qui seraient dues en application du droit communautaire, y compris la règle anticumul figurant à l' article 46, paragraphe 3, du règlement n 1408/71, et de faire bénéficier le travailleur migrant de la prestation dont le montant est le plus élevé.

18 En vertu de l' article 12, paragraphe 2, du règlement n 1408/71, les clauses de réduction prévues par la législation d' un État membre en cas de cumul d' une prestation avec d' autres prestations de sécurité sociale, acquises au titre de la législation d' un autre État membre, ne sont pas applicables lorsque l' intéressé bénéficie de prestations de même nature de vieillesse liquidées conformément aux dispositions de l' article 46 du même règlement.

19 Le calcul du montant des prestations conformément à l' article 46 du règlement n 1408/71 doit être effectué en trois étapes. En premier lieu, l' institution compétente procède au calcul de la prestation dite "autonome" conformément à l' article 46, paragraphe 1, premier alinéa, de ce règlement. En second lieu, elle calcule, en vertu de l' article 46, paragraphe 1, deuxième alinéa, le montant de la prestation dite "proratisée", conformément aux dispositions du paragraphe 2 de ce même article. En
troisième lieu, l' institution compétente compare, conformément à l' article 46, paragraphe 1, deuxième alinéa, deuxième phrase, la prestation autonome et la prestation proratisée et retient celui des deux montants qui est le plus élevé. En quatrième lieu, elle applique la règle anticumul communautaire qui figure à l' article 46, paragraphe 3.

20 Au stade de la première étape, à savoir le calcul de la prestation autonome, l' institution compétente détermine, selon sa propre législation, le montant de la prestation correspondant à la durée totale des périodes d' assurance ou de résidence à prendre en compte en vertu de cette seule législation. Conformément à l' article 12, paragraphe 2, du règlement n 1408/71, les clauses nationales de réduction ne sont pas applicables.

21 Il convient de rappeler, à cet égard, qu' une disposition nationale qui réduit les années supplémentaires d' occupation fictive dont pourrait bénéficier le travailleur, en fonction du nombre d' années pour lequel il peut prétendre à une pension dans un autre État membre, constitue une clause de réduction au sens de l' article 12, paragraphe 2, du règlement n 1408/71 (voir arrêt du 18 février 1992, Di Prinzio, précité).

22 En conséquence, lorsque la législation d' un État membre donne droit, compte tenu de l' addition d' un certain nombre d' années fictives ou présumées à la période d' occupation effective ou assimilée et en écartant toute règle nationale de réduction, à une pension complète, la prestation autonome, due au titre de l' article 46, paragraphe 1, premier alinéa, est égale à la pension complète.

23 La deuxième étape, c' est-à-dire le calcul de la prestation proratisée, s' effectue en deux temps. Dans un premier temps, l' institution compétente détermine, en vertu de l' article 46, paragraphe 2, sous a), du règlement n 1408/71, le montant théorique de la prestation. Dans un deuxième temps, elle calcule, conformément à l' article 46, paragraphe 2, sous b), le montant effectif de la prestation.

24 Aux termes de l' article 46, paragraphe 2, sous a), le montant théorique de la prestation est celle à laquelle le travailleur pourrait prétendre si toutes les périodes d' assurance qu' il a accomplies dans différents États membres l' avaient été dans l' État membre en cause et sous la législation que l' institution applique à la date de la liquidation de la prestation.

25 Dans ce contexte, il y a lieu de rappeler d' abord que l' article 46, paragraphe 2, sous c), prévoit que l' addition des périodes d' assurance ne peut excéder la durée maximale requise, pour le bénéfice d' une prestation complète, par la législation de l' État membre dont dépend l' institution qui effectue le calcul. Il s' ensuit que, lorsque le travailleur a droit à une pension complète en vertu de la seule législation d' un État membre, sans avoir recours à la totalisation des périodes
accomplies sous les législations des autres États membres, la prise en compte de ces dernières périodes n' est pas nécessaire pour compléter les périodes accomplies sous la législation du premier État membre, en vue de l' acquisition du droit aux prestations. Dans de telles circonstances, le montant théorique de la prestation est déterminé par l' institution compétente, sans tenir compte des périodes d' assurance que le travailleur a accomplies dans un autre État membre.

26 Il convient de relever ensuite qu' il ressort du libellé de l' article 46, paragraphe 2, sous a), du règlement n 1408/71, que l' institution compétente applique l' intégralité de la législation nationale. En conséquence, si la législation nationale prévoit que la prestation doit être calculée en fonction non seulement de périodes effectives ou assimilées, mais encore d' un certain nombre d' années fictives ou présumées, celles-ci doivent également être prises en considération pour le calcul du
montant théorique de la prestation.

27 Il y a lieu de rappeler enfin, que, conformément à l' article 12, paragraphe 2, du règlement n 1408/71, l' institution compétente doit, lors de la détermination du montant théorique, faire abstraction de toute règle nationale de réduction. Il s' ensuit que, dans des cas comme ceux dont est saisie la juridiction de renvoi, le montant théorique de la pension est égal à celui de la pension complète due dans l' État membre en cause.

28 Le calcul du montant effectif de la prestation s' effectue, conformément à l' article 46, paragraphe 2, sous b), du règlement n 1408/71, sur base du montant théorique calculé précédemment et au prorata de la durée des périodes d' assurance accomplies avant la réalisation du risque sous la législation qu' elle applique, par rapport à la durée totale des périodes d' assurance accomplies avant la réalisation du risque sous les législations de tous les États membres en cause.

29 Il ressort de l' arrêt du 18 février 1992, Di Prinzio, précité, que dans des cas tels que ceux visés dans les affaires au principal où la législation nationale reconnaît des périodes fictives ou présumées antérieures à la réalisation du risque, le montant effectif proratisé doit être calculé en tenant compte de ces périodes fictives ou présumées.

30 La troisième étape consiste dans la comparaison entre la prestation autonome et la prestation proratisée afin de déterminer lequel des deux montants est le plus élevé. A cet égard, il suffit de constater que, dans des cas comme ceux soumis au juge de renvoi, où le montant théorique de la prestation est égal à celui de la prestation autonome, le montant de la prestation proratisée est nécessairement inférieur à celui de la prestation autonome. En conséquence, aucun résultat plus favorable pour le
travailleur ne peut résulter de l' application de l' article 46, paragraphe 2, du règlement n 1408/71.

31 La quatrième étape est l' application de la règle anticumul communautaire. L' institution compétente est donc tenue de vérifier si la somme de toutes les prestations, autonomes et proratisées, dont peut bénéficier le travailleur ne dépasse pas le plafond prévu par l' article 46, paragraphe 3, à savoir, le montant théorique le plus élevé. Cette règle reste d' application dans les cas, tels que ceux visés dans les affaires au principal, où le montant théorique est égal à celui d' une prestation
complète due en vertu de la seule législation d' un État membre (voir arrêt du 21 mars 1990, Cabras, C-199/88, Rec. p. I-1023).

32 Si ce plafond est dépassé, l' institution compétente doit effectuer la réduction prévue à l' article 46, paragraphe 3, deuxième alinéa, du règlement n 1408/71, qui s' applique à l' exclusion de toute clause de réduction nationale (voir arrêt du 18 février 1992, Di Prinzio, précité).

33 Lorsqu' il n' y a qu' une institution qui fournit une prestation autonome, cette institution doit corriger ladite prestation en la diminuant, conformément à l' article 46, paragraphe 3, deuxième alinéa, du montant intégral à concurrence duquel la somme de la prestation autonome et des prestations proratisées dépasse le montant théorique le plus élevé (voir arrêt du 17 décembre 1987, Collini, 323/86, Rec. p. 5489).

34 Ayant effectué le calcul visé à l' article 46 du règlement n 1408/71, l' institution compétente doit, comme l' indique le point 16 du présent arrêt, comparer le montant de la prestation qui serait due en application de la seule législation nationale, y compris ses règles anticumul, et celui de la prestation qui serait due en application du droit communautaire appliqué dans son intégralité, y compris ses dispositions anticumul. Conformément à la jurisprudence, l' article 46 du règlement n 1408/71
ne peut être appliqué que s' il permet d' accorder au travailleur migrant une prestation au moins aussi élevée que celle due en vertu de la seule législation nationale applicable (voir arrêt du 21 mars 1990, Cabras, précité).

35 Il résulte de l' ensemble des développements qui précèdent qu' il y a lieu de répondre aux première et troisième questions posées par la juridiction de renvoi que les articles 46 et 12, paragraphe 2, du règlement (CEE) n 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l' application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non-salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l' intérieur de la Communauté, dans sa version codifiée par le règlement (CEE)
n 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983, doivent être interprétés en ce sens que, lors de la détermination d' une prestation due en vertu de sa seule législation nationale, l' institution compétente doit faire application des seules clauses anticumul nationales. Par contre, lors de la détermination de la prestation due en vertu du droit communautaire, l' institution compétente ne doit pas tenir compte des clauses anticumul nationales conformément à l' article 12, paragraphe 2, de ce même règlement,
mais procéder, si cela s' avère nécessaire, à la correction du montant de la prestation due, conformément à l' article 46, paragraphe 3. Le travailleur a droit au montant le plus élevé des prestations résultant de ces calculs.

Sur la deuxième question

36 Il ressort des pièces des dossiers et des observations formulées par les représentants des parties au principal au cours de l' audience que la deuxième question, qui a trait au régime appliqué lors de l' octroi d' une pension d' invalidité par le Fonds national de retraite des ouvriers mineurs, est étrangère aux litiges qui sont à l' origine de la procédure de renvoi. En l' absence de toute autre précision fournie par la juridiction nationale, il n' y a, dès lors, pas lieu de répondre à cette
question.

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

37 Les frais exposés par la Commission des Communautés européennes, qui a soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l' objet d' un remboursement. La procédure revêtant, à l' égard des parties au principal, le caractère d' un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif

Par ces motifs,

LA COUR (cinquième chambre),

statuant sur les questions à elle soumises par la cour du travail de Liège, par deux arrêts du 22 février 1991, dit pour droit:

Les articles 46 et 12, paragraphe 2, du règlement (CEE) n 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l' application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non-salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l' intérieur de la Communauté, dans sa version codifiée par le règlement (CEE) n 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983, doivent être interprétés en ce sens que, lors de la détermination d' une prestation due en vertu de sa seule législation
nationale, l' institution compétente doit faire application des seules clauses anticumul nationales. Par contre, lors de la détermination de la prestation due en vertu du droit communautaire, l' institution compétente ne doit pas tenir compte des clauses anticumul nationales conformément à l' article 12, paragraphe 2, de ce même règlement, mais procéder, si cela s' avère nécessaire, à la correction du montant de la prestation due, conformément à l' article 46, paragraphe 3. Le travailleur a droit au
montant le plus élevé des prestations résultant de ces calculs.


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : C-90/91
Date de la décision : 11/06/1992
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demandes de décision préjudicielle: Cour du travail de Liège - Belgique.

Pensions de vieillesse et de survie - Calcul des prestations - Règles anticumul nationales et communautaires.

Sécurité sociale des travailleurs migrants


Parties
Demandeurs : Office national des pensions
Défendeurs : Emilio Di Crescenzo et Angela Casagrande, veuve Barel.

Composition du Tribunal
Avocat général : Jacobs
Rapporteur ?: Edward

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1992:258

Source

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