Avis juridique important
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61992C0319
Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 17 novembre 1993. - Salomone Haim contre Kassenzahnärztliche Vereinigung Nordrhein. - Demande de décision préjudicielle: Bundessozialgericht - Allemagne. - Etablissement et prestation de services - Dentiste - Reconnaissance de titres. - Affaire C-319/92.
Recueil de jurisprudence 1994 page I-00425
édition spéciale suédoise page I-00023
édition spéciale finnoise page I-00023
Conclusions de l'avocat général
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Monsieur le Président,
Messieurs les Juges,
1. Né en 1922, Monsieur Haim, ressortissant italien, obtient en 1946 un diplôme de dentiste à l' université d' Istanbul, ville où il exerce jusqu' en 1980. Le 18 septembre 1981, il reçoit du Regierungspraesident de Arnsberg l' "Approbation" lui permettant d' exercer sa profession en Allemagne. Il n' est pas pour autant habilité à dispenser des soins à la clientèle affiliée à des caisses d' assurance-maladie et ne peut recevoir que celle relevant d' assurances privées. Il s' établit en Belgique où il
réussit un examen théorique et pratique lui donnant droit à un "certificat d' équivalence" au "diplôme légal belge de licencié en science dentaire". Il y est conventionné auprès d' une caisse d' assurance-maladie.
2. A partir de 1988, il décide de travailler comme assistant de son fils, dentiste installé en Allemagne et conventionné auprès d' une caisse d' assurance-maladie. Afin de pouvoir soigner la clientèle affiliée à une caisse, il sollicite son inscription au registre des dentistes auprès de la Kassenzahnaerztliche Vereinigung Nordrhein (ci-après la "KVN").
3. Pour être admis à exercer comme dentiste conventionné en Allemagne, l' article 3, paragraphe 2, du règlement régissant les conventions mutualistes des dentistes (Zulassungsverordnung fuer Kassenzahnaerzte, ci-après "ZZV") impose une inscription au registre des dentistes, soumise aux conditions suivantes:
- la reconnaissance de la qualité de dentiste;
- l' accomplissement d' un stage préparatoire de deux ans.
4. Aux termes de l' article 20 de la directive 78/686/CEE du Conseil, du 25 juillet 1978, visant à la reconnaissance mutuelle des diplômes, certificats et autres titres du praticien de l' art dentaire et comportant des mesures destinées à faciliter l' exercice effectif du droit d' établissement et de libre prestation de services (ci -après "la directive n 1") (1), "Les États membres qui exigent de leurs propres ressortissants l' accomplissement d' un stage préparatoire pour pouvoir être
conventionnés en tant que praticiens de l' art dentaire d' une caisse d' assurance-maladie peuvent imposer la même obligation aux ressortissants des autres États membres pendant une période de huit ans à compter de la notification de la présente directive. Toutefois, la durée du stage ne peut excéder six mois".
5. Le délai de huit ans a expiré le 28 juillet 1986 pour la République fédérale d' Allemagne (2).
6. C' est ainsi que, tenant compte de cet article (ci-après "l' article 20"), l' article 3, paragraphe 4, ZZV, exonère du stage les "dentistes qui ont acquis un diplôme reconnu en droit communautaire, dans un autre État membre de la Communauté européenne, et ont été autorisés à pratiquer leur profession" (3).
7. Se fondant sur ce texte, Monsieur Haim demande à être exonéré de l' obligation d' accomplir un stage préparatoire, ce qui lui est refusé par la KVN au motif qu' il n' a pas obtenu son diplôme dans un État membre.
8. Le recours exercé contre cette décision est successivement rejeté par le Sozialgericht Duesseldorf et le Landessozialgericht Nordrhein-Westfalen. Saisi en "Revision", le Bundessozialgericht vous pose trois questions préjudicielles portant sur l' interprétation de l' article 20 de la directive et de l' article 52 du traité.
9. Il vous est, en substance, demandé de dire:
1) si l' article 20 interdit à un État membre, qui a autorisé un ressortissant d' un autre État membre à exercer sa profession sur son territoire, d' imposer à l' intéressé un stage préparatoire pour pouvoir être conventionné, lorsqu' il ne possède aucun titre dont les directives imposent la reconnaissance;
2) dans la négative, si l' article 20 dispense de stage le ressortissant d' un État membre qui possède un diplôme délivré par un État tiers et reconnu par un autre État membre comme équivalent à un diplôme énuméré dans la directive;
3) dans la négative, si l' article 52 du traité permet de refuser le conventionnement à un praticien, ressortissant communautaire, qui ne possède aucun diplôme énuméré par la directive mais qui a été autorisé à exercer dans l' État d' établissement, au motif qu' il n' a pas accompli le stage préparatoire requis, sans vérifier si cette condition doit être considérée comme remplie eu égard à l' expérience professionnelle acquise. (4)
10. L' objet du débat devant vous est donc clairement délimité: il ne s' agit pas, ici, de déterminer les conditions d' accès à l' exercice de l' activité de praticien de l' art dentaire - qui n' est pas contesté en l' occurrence - mais à celle de dentiste conventionné, pour un ressortissant communautaire titulaire d' un diplôme délivré par un État tiers et admis en équivalence par l' État membre où il s' est établi et par un autre État de la Communauté.
11. Les deux premières questions, qui portent l' une et l' autre sur l' interprétation de l' article 20, nous paraissent devoir faire l' objet d' une réponse commune.
12. Ce texte doit être resitué dans son cadre réglementaire.
13. Ainsi qu' il résulte de ses articles 2 et 3, la directive n 1 vise à la reconnaissance mutuelle par les États membres des diplômes de dentiste limitativement énumérés et délivrés par ces États.
14. La coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant les activités de dentiste est assurée par la directive 78/687/CEE du Conseil, du 25 juillet 1978 (ci-après "la directive n 2") (5), à laquelle renvoie la directive n 1 du même jour (6).
15. Le diplôme délivré par chaque État membre est automatiquement reconnu dans les autres États de la Communauté parce qu' il répond aux critères minimaux, définis par la directive n 2 (7), sur lesquels les États membres se sont accordés.
16. Une telle coordination des formations et des législations n' existe pas avec les pays tiers. L' article 1er, paragraphe 4, de la directive n 2 dispose, à cet égard, que: "La présente directive ne porte en rien préjudice à la possibilité pour les États membres d' accorder sur leur territoire, selon leur réglementation, l' accès aux activités du praticien de l' art dentaire et leur exercice aux titulaires de diplômes, certificats ou autres titres, qui n' ont pas été obtenus dans un État membre"
(8).
17. Il n' y a donc aucune obligation pour un État membre de reconnaître un diplôme obtenu dans un État tiers, fût-ce par un ressortissant communautaire.
18. La question de la reconnaissance par les États membres des diplômes délivrés par les États tiers est étrangère aux directives spécifiques sur la reconnaissance mutuelle des diplômes. Celles-ci n' y font généralement référence que pour préciser qu' elle est régie par le droit national qui détermine ses propres critères d' équivalence et qui garde une liberté d' appréciation que le droit communautaire ne remet pas en cause (9).
19. Certes, par sa directive 89/48/CEE du 21 décembre 1988 (10), le Conseil a institué un système général de reconnaissance des diplômes d' enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d' une durée minimale de trois ans. Cette directive ne s' applique cependant pas aux professions qui font l' objet d' une réglementation spécifique instaurant entre les États membres une reconnaissance mutuelle des diplômes (11). Ainsi, même si son article 1er, sous a), va dans le sens de la
reconnaissance de diplômes obtenus dans un État tiers, le présent litige se situe en dehors de son champ d' application. Aussi bien, par une recommandation du même jour, le Conseil a-t-il recommandé aux gouvernements des États membres de faciliter à leurs ressortissants, titulaires d' un diplôme délivré dans un État tiers, l' accès aux professions réglementées et leur exercice à l' intérieur de la Communauté (12).
20. Quant à la directive 92/51/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, relative à un deuxième système général de reconnaissance des formations professionnelles (13), qui complète la directive 89/48/CEE, elle n' est pas davantage applicable aux professions qui font l' objet d' une directive spécifique instaurant entre les États membres une reconnaissance mutuelle des diplômes (14).
21. Il s' ensuit que, dès lors qu' il ne dispose pas de l' un des diplômes énumérés à l' article 3 de la directive n 1, mais uniquement d' un diplôme obtenu dans un État tiers, le ressortissant d' un État membre ne peut se prévaloir de cette directive et, notamment, de son article 20.
22. Cette conclusion est-elle remise en cause par le fait que ce diplôme a été reconnu comme équivalent par l' État membre d' établissement? Celui-ci est-il tenu d' appliquer la directive et de dispenser du stage le titulaire d' un tel diplôme?
23. Le requérant au principal le soutient en faisant valoir plusieurs arguments.
24. En premier lieu, la lettre même de l' article 20 permettrait aux États membres qui exigent de leurs ressortissants l' accomplissement d' un stage préparatoire pour être conventionnés d' imposer pendant huit ans la même obligation aux ressortissants des autres États membres sans autre condition: il ne serait pas exigé de surcroît de ces derniers qu' ils soient titulaires d' un diplôme communautaire (15).
25. En second lieu, l' intitulé de la directive n 1 ne vise pas seulement la reconnaissance des diplômes: il se réfère également aux "mesures destinées à faciliter l' exercice effectif du droit d' établissement et de libre prestation de services". L' article 20 qui figure sous le chapitre VIII, intitulé "dispositions finales", serait sans lien avec les dispositions relatives à la reconnaissance mutuelle des diplômes. La directive définirait dans un premier temps les conditions de la reconnaissance
mutuelle des diplômes dans la Communauté et, dans un second temps, les conditions d' accès à la profession de dentiste conventionné (16).
26. En troisième lieu, seule cette interprétation permettrait d' éviter une discrimination entre ressortissants communautaires autorisés à exercer dans l' État membre d' accueil (17).
27. Enfin, cette interprétation serait conforme à la ratio legis du texte qui n' a pas pour objectif d' imposer un stage à des dentistes expérimentés mais seulement de compenser le manque de formation pratique des débutants (18).
28. Cette analyse ne nous a pas convaincu.
29. Distraire l' article 20 du reste de la directive, c' est méconnaître l' économie de celle-ci et le caractère indivisible des deux directives du 25 juillet 1978. Comme l' observe G. Druesne: "[en matière de reconnaissance mutuelle des diplômes] la technique utilisée est toujours la même: deux directives sont prises le même jour, l' une visant à la coordination des législations nationales et l' autre à la reconnaissance mutuelle des diplômes. La première impose certaines normes minimales de
formation, et c' est parce que le système de formation est ainsi équivalent dans toute la Communauté que la deuxième peut prescrire à chaque État membre de reconnaître les diplômes délivrés dans les autres" (19).
30. De même, les ressortissants communautaires sont, à l' expiration d' un délai de huit ans, exonérés de stage précisément parce qu' ils sont titulaires de diplômes présentant des garanties quant à la qualité de leur formation, laquelle doit inclure un stage pratique (20).
31. Ainsi, si un État membre est libre de continuer à soumettre ses propres ressortissants qui ont obtenu le diplôme national à un stage supplémentaire pour être dentiste de caisse, nous ne voyons là qu' un exemple classique de discrimination à rebours, interne à cet État, que le droit communautaire ne condamne pas.
32. Par ailleurs, la reconnaissance par un État membre du diplôme délivré par un État tiers relève du seul droit national de cet État qui n' est nullement tenu de retenir, pour la reconnaissance des diplômes acquis dans des États tiers, les mêmes critères et les mêmes exigences que la directive pour les diplômes communautaires (21).
33. De plus, le ressortissant communautaire titulaire d' un diplôme obtenu dans un État tiers peut être soumis au stage sans être discriminé par rapport aux ressortissants des autres États membres. La reconnaissance d' un diplôme résultant d' un accord bilatéral entre un État membre et un État tiers n' est pas assimilable à une reconnaissance fondée sur la directive communautaire (22). Le premier ne satisfait pas, en effet, à une condition que les seconds remplissent, à savoir être titulaire d' un
diplôme énuméré par la directive.
34. Enfin, l' argument tiré du "sedes materiae" est réversible. Tous les autres articles des "dispositions finales" renvoient à d' autres dispositions du texte et notamment à celles relatives à la reconnaissance mutuelle des diplômes.
35. Comment ne pas constater, ici, que la directive a pour objectif l' harmonisation du droit entre États membres tandis que la situation examinée par le juge a quo ne vise que l' établissement en Allemagne du titulaire d' un diplôme obtenu dans un État tiers sans que se pose une question de coordination ou d' harmonisation des diplômes obtenus dans les États membres?
36. Mais un État membre peut-il se voir imposer la reconnaissance de l' équivalence d' un diplôme délivré par un État tiers au motif qu' un autre État membre le considère comme équivalent?
37. Nous considérons qu' une telle reconnaissance n' a pas davantage pour effet de faire entrer son bénéficiaire dans le champ d' application des directives du 25 juillet 1978.
38. Admettre la thèse soutenue par le requérant au principal conduirait à une impasse logique: en effet, la faculté reconnue à un État membre, en application de l' article 1er, paragraphe 4, de la directive n 2, se muerait en obligation à l' égard de tous les autres. Cette disposition ne saurait, sans dénaturation, être ainsi interprétée. Plus spécialement, l' équivalence des diplômes dans la Communauté ne saurait dépendre d' accords bilatéraux conclus entre des États membres d' une part, et des
États tiers d' autre part, et non tenus au respect d' un standard communautaire minimum.
39. Commentant une disposition analogue à l' article 1er, paragraphe 4, de la directive n 2 figurant à l' article 1er, paragraphe 5, de la directive "Médecins" 75/363/CEE (23), Lord Cockfield, répondant au nom de la Commission à une question d' un parlementaire européen (24), précisait: "La reconnaissance de diplômes d' un pays tiers dépend donc de la seule réglementation de l' État membre d' accueil, celle-ci devant bien entendu s' appliquer indistinctement aux nationaux et aux ressortissants des
autres États membres. En vertu de l' article 1, paragraphe 5, précité, le Royaume-Uni conserve la faculté de ne pas reconnaître le diplôme de base israélien, même s' il a été reconnu par la République fédérale d' Allemagne".
40. Cette position était reprise le 13 mars 1989 dans une réponse donnée par Monsieur Bangemann, toujours au nom de la Commission. Commentant notamment, cette fois, les directives du 25 juillet 1978, celui-ci précisait que "les diplômes des pays tiers ne font pas l' objet de la 'reconnaissance mutuelle' . Ces textes maintiennent expressément le droit pour les États membres d' accorder sur leur territoire, selon leur réglementation, l' accès aux activités professionnelles en cause et leur exercice
aux titulaires de diplômes de pays tiers. Toutefois, la reconnaissance de ces diplômes par un État membre n' implique pas automatiquement l' obligation pour les autres États membres de les reconnaître" (25).
41. On le voit, le dentiste titulaire d' un diplôme obtenu dans un État tiers, placé hors du champ d' application des directives précitées, ne peut bénéficier de l' article 20, même si son diplôme a été reconnu dans un État membre. Redisons-le, seule l' obtention d' un diplôme d' un État membre, énuméré à l' article 3 de la directive, ouvre droit à exonération du stage.
42. Par conséquent, faute de pouvoir se fonder sur l' article 20, le dentiste ressortissant communautaire titulaire d' un diplôme obtenu dans un État tiers peut donc en principe être soumis à l' accomplissement du stage préparatoire pour pouvoir être conventionné.
43. Mais l' article 52 du traité autorise-t-il l' État membre d' accueil à faire, à cet égard, abstraction de ses qualifications et stages antérieurs? Tel est l' objet de la troisième question.
44. Une situation dans laquelle un ressortissant communautaire fait usage de la liberté, qu' il tient du traité, de s' établir dans un État membre autre que celui dont il est originaire entre sans conteste dans le champ d' application du traité.
45. Certes, si l' article 52 ne s' opposait qu' aux mesures nationales qui établissent une discrimination formelle ou matérielle entre ressortissants nationaux et ressortissants des autres États membres, il ne pourrait trouver à s' appliquer ici: la réglementation allemande n' établit pas, en effet, de distinction fondée sur la nationalité.
46. Mais vos plus récentes décisions l' attestent, "la seule égalité de traitement est impuissante à rendre compte de ce qu' est déjà l' état actuel de la jurisprudence" (26).
47. Ainsi, dans l' affaire ayant donné lieu à votre arrêt Vlassopoulou (27), la requérante au principal, avocat de nationalité hellénique inscrit au barreau d' Athènes, demandait son admission à celui de Mannheim. Sa demande fut refusée au motif qu' elle ne remplissait pas les conditions d' aptitude pour exercer des fonctions judiciaires prescrites par le règlement fédéral sur la profession d' avocat.
48. Outre ses diplômes helléniques, Madame Vlassopoulou avait obtenu un doctorat en droit en Allemagne et pratiquait depuis cinq ans dans ce pays en qualité de conseil juridique.
49. Dans le cadre d' un recours par elle introduit contre la décision de refus, vous avez été interrogés sur le point de savoir si l' article 52 du traité n' impose pas que, pour habiliter un ressortissant communautaire à exercer la profession d' avocat, l' autorité compétente d' un État membre prenne en compte les diplômes acquis dans un autre État membre et l' expérience professionnelle de l' intéressé.
50. Après avoir relevé qu' "en l' absence d' harmonisation des conditions d' accès à une profession, les États membres sont en droit de définir les connaissances et qualifications nécessaires à l' exercice de cette profession et d' exiger la production d' un diplôme attestant la possession de ces connaissances et qualifications" (28), vous avez constaté qu' il pourrait y avoir entrave à la liberté d' établissement si les conditions nationales de qualification faisaient abstraction des connaissances
et qualifications acquises dans un autre État membre.
51. Vous en avez déduit
"... qu' il incombe à un État membre, saisi d' une demande d' autorisation d' exercer une profession dont l' accès est, selon la législation nationale, subordonné à la possession d' un diplôme ou d' une qualification professionnelle, de prendre en considération les diplômes, certificats et autres titres que l' intéressé a acquis dans le but d' exercer cette même profession dans un autre État membre en procédant à une comparaison entre les compétences attestées par ces diplômes et les connaissances
et qualifications exigées par les règles nationales" (29).
52. L' État membre d' accueil devra donc examiner si le candidat ne justifie pas d' ores et déjà des connaissances et qualifications équivalentes à celles qu' il exige.
53. Une éventuelle décision de refus doit se faire dans le respect des "exigences de droit communautaire, concernant la protection effective des droits fondamentaux conférés par le traité aux ressortissants communautaires" (30). La décision doit, notamment, être motivée et susceptible de recours juridictionnel.
54. C' est à ce type de raisonnement - que vous avez réaffirmé dans l' arrêt du 7 mai 1992, Aguirre Borrell (31) - que nous vous invitons ici.
55. Les conditions d' accès à la profession de dentiste de caisse en cas de diplôme obtenu par un ressortissant communautaire dans un État tiers ne font l' objet d' aucune harmonisation (32).
56. Certains États membres subordonnent le conventionnement des dentistes à l' accomplissement d' un stage destiné à acquérir, outre une certaine expérience, des connaissances concernant la comptabilité propre au régime de caisse et le système de règlement des honoraires par tiers-payant ainsi que les principes d' économie et de maîtrise des dépenses de santé (33).
57. Qu' en est-il du ressortissant communautaire dont l' inscription au registre des dentistes est refusée parce qu' il n' a pas accompli le stage?
58. Si l' État membre d' accueil est en droit de prévoir l' accomplissement d' un stage préparatoire, il résulte de l' article 52 du traité et de l' arrêt Vlassopoulou qu' il doit prendre en considération les diplômes, certificats et autres titres ainsi que l' expérience que l' intéressé a acquise dans un autre État membre, en procédant à une comparaison entre les qualifications démontrées et les qualifications requises.
59. Un médecin-dentiste privé qui a déjà travaillé comme dentiste de caisse dans un État membre A et qui a été autorisé à travailler comme dentiste privé dans un État membre B, sollicite l' autorisation de travailler comme médecin-dentiste de caisse dans ce dernier État. Le rapprochement s' impose ici avec l' affaire Vlassopoulou. Autorisée à travailler comme "Rechtsbeistand", Madame Vlassopoulou sollicitait l' autorisation de travailler comme "Rechtsanwalt".
60. Saisi d' une demande d' autorisation d' exercice de la profession de dentiste conventionné par un ressortissant communautaire qui n' a pas accompli le stage préparatoire obligatoire, l' État membre doit, par conséquent, avant d' imposer ce stage, vérifier au cas par cas si l' expérience et les qualifications acquises par l' intéressé dans un autre État membre ne sont pas de nature à en tenir lieu.
61. Il appartiendra donc ici au juge national d' apprécier si l' expérience du requérant au principal ainsi que l' autorisation que lui ont donnée les autorités belges de travailler comme médecin-dentiste de caisse rendent encore nécessaire et, dans l' affirmative, dans quelle mesure, le stage préparatoire prévu par la réglementation allemande.
62. Nous vous proposons, en conséquence, de dire pour droit:
"1) Le ressortissant communautaire qui ne possède aucun diplôme, certificat ou autre titre de praticien au sens de la directive 78/686/CEE, du 25 juillet 1978, visant à la reconnaissance mutuelle des diplômes, certificats et autres titres du praticien de l' art dentaire et comportant des mesures destinées à faciliter l' exercice effectif du droit d' établissement et de libre prestation de services ne rentre pas dans le champ d' application de cette dernière directive, alors même qu' il est titulaire
d' un diplôme obtenu dans un État tiers et reconnu comme équivalent au diplôme national dans l' État membre d' établissement et dans un autre État membre, par application de l' article 1er, paragraphe 4, de la directive 78/687/CEE, du 25 juillet 1978, visant à la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant les activités du praticien de l' art dentaire.
2) L' article 52 du traité CEE doit être interprété en ce sens que les autorités nationales d' un État membre, saisies d' une demande d' autorisation d' exercer la profession de dentiste conventionné sans être astreint au stage préparatoire introduite par un ressortissant communautaire qui a exercé cette profession pendant plusieurs années dans un autre État membre, sont tenues d' examiner si, et dans l' affirmative dans quelle mesure, l' expérience et les qualifications dont justifie d' ores et
déjà l' intéressé correspondent à celles exigées par la réglementation de l' État d' accueil. Dans le cas où la correspondance entre ces qualifications n' est que partielle, les autorités nationales en question sont en droit d' exiger que l' intéressé acquière ou établisse qu' il a acquis les connaissances et qualifications manquantes."
(*) Langue originale: le français.
(1) - JO L 233, p. 1.
(2) - Observations de la Commission, p. 6 de la traduction française.
(3) - Voir observations de la Commission, p. 5 de la traduction française.
(4) - Le libellé des questions figure au rapport d' audience, point 14.
(5) - Directive visant à la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant les activités du praticien de l' art dentaire (JO L 233, p. 10).
(6) - Voir ses articles 1er et 2.
(7) - Voir ses deux premiers considérants.
(8) - Souligné par nous.
(9) - Voir, par exemple, la directive 78/1027/CEE du Conseil, du 18 décembre 1978, visant à la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant les activités du vétérinaire (JO L 362, p. 7), article 1er, paragraphe 4.
(10) - JO 1989, L 19, p. 16.
(11) - Article 2, deuxième alinéa.
(12) - Recommandation 89/49/CEE concernant les ressortissants des États membres porteurs d' un diplôme délivré dans un État tiers (JO L 19, p. 24).
(13) - JO L 209, p. 25.
(14) - Article 2.
(15) - Observations du requérant au principal, points 18 et 19.
(16) - Ibidem, point 20.
(17) - Ibidem, point 25.
(18) - Ibidem, points 21 et 25.
(19) - Druesne, G.: Droit matériel et politiques de la Communauté européenne , 2ème édition, 1991, p. 92.
(20) - Voir l' article 1er, paragraphes 1 à 3, de la directive n 2.
(21) - L' article 1er, paragraphe 4, de la directive n 2 réserve la possibilité pour les États membres d' accorder sur leur territoire, selon leur réglementation, l' accès aux activités de dentiste aux titulaires de diplômes acquis dans un État tiers. Cette reconnaissance ne répond pas nécessairement aux exigences et au standard de l' article 1er de la même directive, même si la constitution du marché unique impliquerait logiquement l' exigence d' une formation minimale pour tout praticien exerçant
dans la Communauté, quelle que soit l' origine de son diplôme. L' État d' accueil est libre de prévoir un régime particulier pour les dentistes titulaires de diplômes acquis dans un État tiers.
(22) - Signalons ici que, dans le litige au principal, la reconnaissance en Allemagne est fondée sur le diplôme turc et non sur l' équivalence reconnue par les autorités belges.
(23) - Directive du Conseil du 16 juin 1975 visant à la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant les activités du médecin (JO L 167, p. 14).
(24) - Question écrite n 2076/87 (JO 1988, C 283, p. 11).
(25) - Réponse à la question écrite n 2103/88 (JO 1989, C 202, p. 19).
(26) - Huglo, J.-G.: Droit d' établissement et libre prestation des services , Chronique, RTDE 1992, p. 696.
(27) - Arrêt du 7 mai 1991, Vlassopoulou (C-340/89, Rec. p. I-2357).
(28) - Point 9.
(29) - Point 16, souligné par nous.
(30) - Point 22.
(31) - Affaire C-104/91, Rec. p. I-3003.
(32) - La directive 89/48/CEE du 21 décembre 1988 est, ici, nous l' avons vu, inapplicable.
(33) - Voir réponse de KVN aux questions de la Cour.