Affaire C-297/94
Dominique Bruyère e.a.
contre
État belge
(demande de décision préjudicielle, formée par le Conseil d'État de Belgique)
«Médicaments vétérinaires – Directives 81/851/CEE et 90/676/CEE»
Conclusions de l'avocat général M. M. B. Elmer, présentées le 17 octobre 1995
Arrêt de la Cour (première chambre) du 21 mars 1996
Sommaire de l'arrêt
1..
Questions préjudicielles – Saisine de la Cour – Nécessité d'une décision préjudicielle et pertinence des questions soulevées – Appréciation par le juge national – Possibilité pour les parties de modifier la teneur des questions – Absence
(Traité CE, art. 177)
2..
Rapprochement des législations – Médicaments vétérinaires – Interdictions énoncées par la directive 81/851 – Portée – Application concomitante des articles 30 et 36 du traité – Inadmissibilité
(Traité CE, art. 30 et 36; directives du Conseil 81/851, art. 4, 90/676 et 93/40)
1.
Dans le cadre de la procédure prévue à l'article 177 du traité, il appartient aux seules juridictions nationales, qui sont saisies d'un litige et doivent assumer la responsabilité de la décision judiciaire à intervenir, d'apprécier, au regard des particularités de chaque affaire, tant la nécessité d'une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre leur jugement que la pertinence des questions qu'elles posent à la Cour, sans que les parties puissent modifier la teneur de ces
questions.
2.
L'interdiction, énoncée à l'article 4 de la directive 81/851 relative aux médicaments vétérinaires, dans sa version initiale et tel que modifié par la directive 90/676, tant de la mise sur le marché que de l'administration d'un médicament sur le territoire d'un État membre sans délivrance préalable d'une autorisation par l'autorité compétente de cet État implique celle de l'importer lorsque cette opération est réalisée dans l'un des deux objectifs prémentionnés. Par conséquent,
l'importation, par un pharmacien d'un État membre, d'un médicament prescrit dans cet État par un vétérinaire pour répondre à un besoin particulier est également visée par la disposition en cause.
A
cet égard, si la directive 81/851 se présente, selon son onzième considérant, comme une étape dans la réalisation de l'objectif de la libre circulation des médicaments vétérinaires, il ne peut toutefois pas en être déduit que, pour les médicaments entrant dans son champ d'application, elle laisse place à l'application des articles 30 et 36 du traité. En effet, par là le législateur a seulement entendu signifier que le régime de pluralité d'autorisations nationales de mise sur le marché,
instauré initialement par la directive 81/851, était destiné à être remplacé par un régime de prise en considération des autorisations accordées par d'autres États membres (directive 90/676), puis par un régime de reconnaissance mutuelle de principe de ces autorisations (directive 93/40).
ARRÊT DE LA COUR (première chambre)
21 mars 1996 (1)
«Médicaments vétérinaires – Directives 81/851/CEE et 90/676/CEE»
Dans l'affaire C-297/94,
ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE, par le Conseil d'État de Belgique et tendant à obtenir, dans les litiges pendants devant cette juridiction entre
Dominique Bruyère e.a.
et
État belge ,
une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de l'article 4, paragraphe 2, de la directive 81/851/CEE du Conseil, du 28 septembre 1981, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux médicaments vétérinaires (JO L 317, p. 1), dans sa version initiale et tel que modifié par la directive 90/676/CEE du Conseil, du 13 décembre 1990 (JO L 373, p. 15),
LA COUR (première chambre),,
composée de MM. D. A. O. Edward, président de chambre, P. Jann et L. Sevón (rapporteur), juges,
avocat général: M. M. B. Elmer,
greffier: Mme L. Hewlett, administrateur,
considérant les observations écrites présentées:
─
pour MM. Bruyère, Charlier et l'Union syndicale vétérinaire belge, par M es Denis Philippe et Jean-Paul Lagasse, avocats au barreau de Bruxelles,
─
pour M. Basseleer e.a., par M es André Renette et Bernard André, avocats au barreau de Liège,
─
pour l'État belge, par M e Pierre Legros, avocat au barreau de Bruxelles,
─
pour la Commission des Communautés européennes, par MM. Richard Wainwright, conseiller juridique principal, et Jean-Francis Pasquier, fonctionnaire national mis à la disposition du service juridique, en qualité d'agents,
vu le rapport d'audience,
ayant entendu les observations orales de MM. Bruyère, Charlier et de l'Union syndicale vétérinaire belge, représentés par M ^e Denis Philippe, de M. Basseleer e.a., représentés par M ^e André Renette, de l'État belge, représenté par M ^es Philippe Coenraets et Delphine de Norre, avocats au barreau de Bruxelles, et de la Commission, représentée par M. Richard Wainwright, à l'audience du 6 juillet 1995,
ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 17 octobre 1995,
rend le présent
Arrêt
1
Par arrêt du 12 octobre 1994, parvenu à la Cour le 4 novembre suivant, le Conseil d'État de Belgique a posé, en application de l'article 177 du traité CE, deux questions préjudicielles relatives à l'interprétation de l'article 4, paragraphe 2, de la directive 81/851/CEE du Conseil, du 28 septembre 1981, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux médicaments vétérinaires (JO L 317, p. 1, ci-après la directive 81/851), dans sa version initiale et tel que
modifié par la directive 90/676/CEE du Conseil, du 13 décembre 1990 (JO L 373, p. 15, ci-après la directive 90/676).
2
La directive 81/851 vise à harmoniser les législations des États membres relatives aux médicaments vétérinaires et, notamment, les conditions de délivrance des autorisations de mise sur le marché. En son premier considérant, elle précise que toute réglementation en matière de production et de distribution des médicaments vétérinaires doit avoir comme objectif essentiel la sauvegarde de la santé publique. Au onzième considérant, il est souligné que la directive ne constitue qu'une étape dans
la réalisation de l'objectif de la libre circulation des médicaments vétérinaires et que de nouvelles mesures s'avéreront nécessaires, compte tenu de l'expérience acquise, en vue d'éliminer les obstacles à la libre circulation des marchandises qui subsistent encore.
3
Cette directive a été modifiée par la directive 90/676, qui a notamment pour objectif de permettre à un médicament vétérinaire, fabriqué et mis sur le marché dans un État membre sur la base des dispositions harmonisées, d'être admis dans les autres États membres, compte dûment tenu de l'autorisation initiale (quatrième considérant), puis par la directive 93/40/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, modifiant les directives 81/851/CEE et 81/852/CEE (JO L 214, p. 31), adoptée parallèlement au
règlement (CEE) n° 2309/93 du Conseil, du 22 juillet 1993, établissant des procédures communautaires pour l'autorisation et la surveillance des médicaments à usage humain et à usage vétérinaire et instituant une agence européenne pour l'évaluation des médicaments (JO L 214, p. 1). La directive 93/40 vise notamment à ce qu'une autorisation de mettre un médicament vétérinaire sur le marché d'un État membre soit, en principe, reconnue par les autorités compétentes des autres États membres
(troisième considérant).
4
L'article 4 de la directive 81/851 était rédigé comme suit: 1. Aucun médicament vétérinaire ne peut être mis sur le marché d'un État membre sans qu'une autorisation n'ait été préalablement délivrée par l'autorité compétente de cet État membre.2. Aucun médicament vétérinaire ne peut être administré aux animaux, sans que l'autorisation visée ci-dessus n'ait été délivrée, sauf s'il s'agit d'essais de médicaments vétérinaires visés à l'article 5, point 10.
5
Cet article a été modifié par l'article 1 ^er , point 4, de la directive 90/676 dans les termes suivants: 1. Aucun médicament vétérinaire ne peut être mis sur le marché d'un État membre sans qu'une autorisation n'ait été préalablement délivrée par l'autorité compétente de cet État membre.Toutefois, lorsque la situation sanitaire l'exige, un État membre peut autoriser la commercialisation ou l'administration aux animaux de médicaments vétérinaires autorisés par un autre État membre
conformément à la présente directive.En cas de maladies épidémiques graves, les États peuvent provisoirement permettre l'utilisation de médicaments vétérinaires immunologiques sans autorisation de mise sur le marché, en l'absence de médicaments adéquats et après avoir informé la Commission des conditions détaillées d'utilisation....3. Aucun médicament vétérinaire ne peut être administré à un animal si l'autorisation visée au paragraphe 1 n'a pas été délivrée, sauf dans le cas d'essais de
médicaments vétérinaires... ...5. Par dérogation au paragraphe 3, les États membres veillent à ce que les vétérinaires prestataires de services dans un autre État membre puissent emporter en petites quantités ne dépassant pas les besoins quotidiens, pour les administrer aux animaux, des médicaments vétérinaires préfabriqués, autres que des médicaments immunologiques, lorsque ces médicaments ne sont pas autorisés dans l'État membre dans lequel le service est fourni (État membre hôte), si les
conditions suivantes sont remplies:...
6
En Belgique, les dispositions applicables aux médicaments sont contenues dans la loi du 25 mars 1964 sur les médicaments (MB du 17 avril 1964), dont l'article 6, deuxième alinéa, dispose: ... tout médicament avant d'être mis dans le commerce est soumis à enregistrement auprès du Ministère de la santé publique et de la famille, dans les conditions et suivant les modalités déterminées par le Roi.
7
Selon l'article 6 bis, paragraphe 2, de cette loi, En vue d'exécuter une prescription médicale, un médicament non enregistré peut être importé par le pharmacien d'officine. Les conditions et modalités suivant lesquelles ce médicament peut être importé, ainsi que les restrictions éventuelles, sont fixées par le Roi.
8
En exécution de cette dernière disposition, le roi avait adopté l'arrêté du 29 janvier 1987 (MB du 4 avril 1987), par lequel, notamment, il introduisait un article 48 bis dans l'arrêté royal du 6 juin 1960 relatif à la fabrication, à la préparation, à la distribution en gros des médicaments et à leur dispensation (MB du 22 juin 1960). Selon cet article 48 bis, Un médicament non enregistré à usage vétérinaire ne peut être importé par le pharmacien d'officine que dans les conditions suivantes:
1°
il ne peut pas exister sur le marché de médicament ayant une composition identique en principes actifs ou ayant un effet thérapeutique équivalent;
2°
le médicament doit être prescrit par un médecin vétérinaire habilité à exercer la médecine vétérinaire en Belgique;
3°
la prescription doit être datée et signée par le médecin vétérinaire prescripteur et comprendre les indications suivantes...
9
Par arrêté du 20 décembre 1989 (MB du 3 février 1990), le roi a abrogé cet article 48 bis, avec effet au 1 ^er mars 1990. Un arrêté royal du 14 février 1990 (MB du 15 mars 1990), qui a également pris effet au 1 ^er mars 1990, a toutefois réintroduit une possibilité d'importation. En effet, selon son article 1 ^e ^r , Le pharmacien d'officine peut, en vue d'exécuter une prescription médicale en sa possession, datée et signée par un médecin vétérinaire, importer des médicaments non enregistrés
à condition qu'ils renferment comme principe actif unique ou majeur:[six composants chimiques que l'arrêté énumère]. Cet arrêté royal a été modifié par un arrêté royal du 16 janvier 1992 (MB du 18 mars 1992), qui a ajouté huit autres substances chimiques à l'énumération.
10
Les requérants dans l'affaire au principal sont notamment des docteurs en médecine vétérinaire, des pharmaciens d'officine, une association sans but lucratif dénommée Union syndicale vétérinaire belge, ainsi qu'une société spécialisée dans la fourniture à des pharmaciens d'officine belges, sur prescriptions de vétérinaires belges, de médicaments vétérinaires qui ne sont pas enregistrés en Belgique, mais bien en France. Ils ont introduit devant le Conseil d'État divers recours tendant à
l'annulation de l'arrêté royal du 20 décembre 1989, qui pose le principe de l'interdiction totale de l'importation d'un médicament non enregistré, de l'arrêté royal du 14 février 1990, qui prévoit une exception à ce principe pour six molécules, et de l'arrêté royal du 16 janvier 1992, qui a porté ce nombre à quatorze.
11
Après avoir joint les différentes affaires, le Conseil d'État a sursis à statuer et a posé à la Cour les deux questions préjudicielles suivantes:
1)
La directive 81/851 du Conseil des Communautés européennes du 28 septembre 1981 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux médicaments vétérinaires, spécialement son article 4, alinéa 2, doit-elle s'interpréter comme impliquant l'interdiction d'administrer un médicament sans autorisation de l'autorité compétente d'un État membre et, dès lors, doit-elle s'interpréter comme impliquant l'interdiction de l'importer, lorsque ce médicament n'est pas mis sur le
marché de cet État et, par conséquent, n'a pas été préalablement autorisé par l'autorité de cet État membre?
2)
La directive 81/851 du Conseil des Communautés européennes du 28 septembre 1981 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux médicaments vétérinaires, spécialement son article 4 remplacé par la directive 90/676 du Conseil du 13 décembre 1990, doit-elle s'interpréter comme impliquant l'interdiction d'administrer un médicament sans autorisation de l'autorité compétente d'un État membre et, dès lors, doit-elle s'interpréter comme impliquant l'interdiction de
l'importer, lorsque ce médicament n'est pas mis sur le marché de cet État et, par conséquent, n'a pas été préalablement autorisé par l'autorité de cet État membre et qu'il n'a pas davantage été autorisé par un autre État membre?
12
Ces questions ne concernent qu'un seul et même problème, à savoir la possibilité, pour un État membre, d'interdire l'importation d'un médicament dont la mise sur le marché n'a pas été préalablement autorisée par l'autorité compétente. Il y a lieu dès lors de les examiner ensemble.
13
Les requérants au principal ne contestent pas la conformité des arrêtés royaux avec l'article 4 de la directive 81/851, même après que celui-ci a été modifié par la directive 90/676. Ils soutiennent toutefois que ces arrêtés doivent être examinés au regard des articles 30 et 36 du traité CE au motif que la directive 81/851, ne constituant qu'une étape dans la réalisation de l'objectif de la libre circulation des médicaments vétérinaires, ne prévoirait pas l'harmonisation complète de toutes
les mesures nationales et laisserait ainsi place à l'application des articles 30 et 36 du traité. Ils font en outre valoir que certains médicaments vétérinaires, tels les sérums, n'entrent pas dans le champ d'application de la directive 81/851 et que cette dernière ne vise que la mise sur le marché des médicaments, c'est-à-dire leur distribution par la voie de firmes pharmaceutiques, et non l'importation, par un pharmacien d'officine, d'un médicament non enregistré en Belgique, sur
prescription d'un médecin vétérinaire belge. Ils soulignent enfin que les propriétaires d'animaux sont soumis au bon vouloir des firmes pharmaceutiques qui, en raison, d'une part, des formalités et des frais liés à la procédure de demande d'autorisation et, d'autre part, des faibles bénéfices qu'elles peuvent en escompter sur un marché aussi étroit que la Belgique, renoncent à mettre sur ce marché certains médicaments vétérinaires. L'interdiction d'importer certains médicaments qui n'ont pas
d'équivalent sur ce marché mettrait ainsi en péril la santé tant des animaux que des êtres humains, vu le risque de transmission de certaines maladies.
14
Tant l'État belge que la Commission considèrent que le texte de l'article 4 de la directive 81/851 est clair en ce qu'il autorise un État membre à interdire la mise sur le marché, l'administration, et donc également l'importation d'un médicament non préalablement autorisé.
15
S'agissant de la référence aux articles 30 et 36 du traité, la Commission estime que c'est à juste titre que le Conseil d'État, en application du principe lex specialis generalibus derogat, n'a demandé l'interprétation que de la directive 81/851, qui vise à l'harmonisation des conditions de mise sur le marché et d'administration des médicaments à usage vétérinaire, en rendant obligatoire la délivrance d'une autorisation par les autorités compétentes de l'État concerné. Ce n'est que pour des
médicaments non visés par la directive 81/851 que l'article 30 pourrait trouver à s'appliquer, auquel cas il conviendrait alors de vérifier si la réglementation nationale se justifie par l'une des raisons mentionnées à l'article 36.
16
Le gouvernement belge, quant à lui, n'examine pas la question de la conformité de sa législation avec les articles 30 et 36 du traité.
17
L'argumentation des requérants au principal ne saurait être suivie.
18
Si la directive 81/851 se présente comme une étape dans la réalisation de l'objectif de la libre circulation des médicaments vétérinaires (onzième considérant), il ne peut toutefois pas en être déduit que, pour les médicaments entrant dans son champ d'application, elle laisse place à l'application des articles 30 et 36 du traité. En effet, comme l'a montré l'évolution du droit communautaire, cette expression signifie seulement que le régime de pluralité d'autorisations nationales de mise sur
le marché, instauré initialement par la directive 81/851, était destiné à être remplacé par un régime de prise en considération des autorisations accordées par d'autres États membres (directive 90/676), puis par un régime de reconnaissance mutuelle de principe de ces autorisations (directive 93/40).
19
S'agissant de médicaments éventuellement non visés par la directive 81/851 et auxquels il conviendrait d'appliquer les articles 30 et 36 du traité, il y a lieu de rappeler qu'il appartient aux seules juridictions nationales, qui sont saisies d'un litige et doivent assumer la responsabilité de la décision judiciaire à intervenir, d'apprécier, au regard des particularités de chaque affaire, tant la nécessité d'une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre leur jugement que la
pertinence des questions qu'elles posent à la Cour (voir, notamment, arrêt du 7 décembre 1995, Spano e.a., C-472/93, non encore publié au Recueil, point 15), sans que les parties puissent modifier la teneur de ces questions (arrêt du 15 juin 1972, Grassi, 5/72, Rec. p. 443, point 4).
20
Le Conseil d'État n'ayant pas demandé l'interprétation des articles 30 et 36 du traité, il n'y a pas lieu de statuer à cet égard.
21
Quant à l'article 4 de la directive 81/851, auquel il convient par conséquent de se référer pour les médicaments qu'elle vise, il est clair quant à sa portée en ce qu'il subordonne tant la mise sur le marché que l'administration d'un médicament sur le territoire d'un État membre à la délivrance préalable d'une autorisation par l'autorité compétente de cet État. L'interdiction de mettre sur le marché et d'administrer un médicament implique celle de l'importer lorsque cette opération est
réalisée dans l'un de ces objectifs. Par conséquent, l'importation, par un pharmacien d'un État membre, d'un médicament prescrit dans cet État par un vétérinaire pour répondre à un besoin particulier est également visée par cette disposition.
22
Ainsi que le souligne M. l'avocat général au point 17 de ses conclusions, la dérogation introduite au paragraphe 5 de l'article 4 par la directive 90/676 pour le vétérinaire prestataire de services n'aurait pas de raison d'être si l'importation d'un médicament en vue de l'administrer n'était en principe interdite. Par ailleurs, autoriser l'importation en vue de la mise sur le marché ou de l'administration d'un médicament non préalablement autorisé détruirait le système mis en place par la
directive.
23
A ce qui précède, il ne saurait être opposé que, dans les arrêts du 7 mars 1989, Schumacher (215/87, Rec. p. 617), et du 8 avril 1992, Commission/Allemagne (C-62/90, Rec. p. I-2575), la Cour, statuant au regard des articles 30 et 36 du traité, a admis l'importation dans un État membre de médicaments. En effet, dans ces deux arrêts, il s'agissait de médicaments autorisés dans l'État membre d'importation et qui étaient importés, pour leurs besoins personnels, par des particuliers qui les
avaient eux-mêmes achetés dans une pharmacie d'un autre État membre.
24
Quant aux arguments des requérants selon lesquels, d'une part, ils seraient soumis au bon vouloir des firmes pharmaceutiques et, d'autre part, l'interdiction d'importer certains médicaments n'ayant pas d'équivalent mettrait en péril la santé tant des animaux que des êtres humains, il suffit de constater que, en adoptant les arrêtés royaux contestés, l'État belge a agi dans la sphère de compétence qui lui était reconnue par le droit communautaire. Ce n'est dès lors qu'au regard des règles du
droit national que la politique poursuivie en matière de santé publique pourrait éventuellement être appréciée.
25
Il résulte de l'ensemble de ces considérations que l'article 4 de la directive 81/851, dans sa version initiale et tel que modifié par la directive 90/676, doit être interprété comme interdisant d'importer dans un État membre un médicament visé par cette directive en vue de le mettre sur le marché de cet État ou de l'y administrer sans qu'une autorisation ait été préalablement délivrée par l'autorité compétente de cet État membre.
Sur les dépens
26
Les frais exposés par la Commission des Communautés européennes, qui a soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR (première chambre),
statuant sur les questions à elle soumises par le Conseil d'État de Belgique, par arrêt du 12 octobre 1994, dit pour droit:
Edward Jann Sevón
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 mars 1996.
Le greffier Le président de la première chambre
R. Grass D. A. O. Edward
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1 –
Langue de procédure: le français.