ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)
2 octobre 1996 ( *1 )
«Fonctionnaires — Avis de vacance — Erreur manifeste — Détournement de pouvoir — Motivation — Recevabilité»
Dans l'affaire T-356/94,
Sergio Vecchi, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Overijse (Belgique), représenté par Mes Georges Vandersanden et Laure Levi, avocats au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de la fiduciaire Myson SARL, 1, rue Glesener,
partie requérante,
contre
Commission des Communautés européennes, représentée par Mme Ana Maria Alves Vieira, membre du service juridique, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande d'annulation de la décision de la Commission du 8 août 1994 de ne pas retenir la candidature du requérant au poste de chef de la délégation de la Commission au Kazakhstan et, par voie de conséquence, d'annulation de la décision de nommer un autre candidat audit poste, ainsi qu'une demande en indemnité,
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),
composé de M. K. Lenaerts, président, Mme P. Lindh et M. J. D. Cooke, juges,
greffier: M. J. Palacio Gonzalez, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 6 juin 1996,
rend le présent
Arrêt
Faits et procédure
1 Le requérant, fonctionnaire de grade A 4 à la Commission, est entré au service de cette institution en 1967, en qualité de fonctionnaire du cadre linguistique. En 1990, il a été affecté en qualité d'administrateur à la direction générale Télécommunications, industries de l'information et innovation (DG XIII), où il a exercé principalement des fonctions ayant trait aux relations avec les pays de l'Est, notamment dans le cadre du G24 (groupe des Vingt-quatre) et des programmes PHARE (programme
d'aide communautaire aux pays d'Europe centrale et orientale) et TACIS (programme d'assistance technique aux nouveaux États indépendants de l'ancienne Union soviétique et à la Mongolie). En 1993, il a été muté à la direction générale Industrie (DG III), où il s'est occupé de questions relevant de la coopération industrielle avec les pays de l'Europe de l'Est.
2 A la suite de la publication de l'avis de vacance COM/026/94 du 17 mars 1994, le requérant et sept autres fonctionnaires ont déposé leur candidature au poste de chef de la délégation de la Commission au Kazakhstan.
3 Selon l'avis de vacance, les qualifications minimales requises étaient les suivantes:
«— Appartenir à la même catégorie/cadre/carrière(s) du COM (mutation);
— appartenir à la carrière inférieure à celle du COM (promotion selon l'article 45 du statut);
— connaissances et expérience/aptitudes en relation avec les tâches à exercer;
— pour les emplois nécessitant des qualifications particulières: connaissances et expérience approfondies dans/en relation avec le secteur d'activité.»
4 L'avis de vacance décrit les conditions spécifiques relatives au poste en question de la manière suivante:
«Alma Ata. Chef de la délégation de la Commission au Kazakhstan. Connaissance approfondie des traités et politiques communes des relations extérieures de la Communauté. Connaissance approfondie des politiques économique, commerciale et de coopération technique dans le Kazakhstan et républiques de l'Asie centrale. Connaissance du russe et/ou allemand, langues locales serait un avantage.»
5 Par lettre du 17 juin 1994, le secrétaire du comité consultatif des nominations (ci-après «CCN») a informé le requérant que sa candidature ne devrait pas être prise en considération pour le poste à pourvoir.
6 Par décision du 8 août 1994, la Commission a nommé un autre candidat, M. K., au poste en question. Le 12 août 1994, le requérant a été informé du fait que sa candidature n'avait pas été retenue.
7 Le même jour, le requérant a introduit une réclamation à l'encontre de cette décision. Cette réclamation a été examinée au cours de deux réunions du groupe interservices, les 29 septembre et 13 octobre 1994.
8 C'est dans ces circonstances que le requérant, par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 octobre 1994, a introduit le présent recours.
9 A la même date, par acte séparé, le requérant a demandé le sursis à l'exécution de la décision portant nomination de M. K. Par ordonnance du 23 novembre 1994 (T-356/94 R, RecFP p. II-805), le président du Tribunal a rejeté la demande en référé et a réservé les dépens.
10 Par lettre du 5 décembre 1994, la Commission a rejeté la réclamation introduite par le requérant notamment pour les motifs suivants:
«Le CCN a examiné l'ensemble des candidatures et est parvenu à la conclusion que trois candidatures (dont celle du candidat nommé) pouvaient être prises en considération.
[...]
La Commission constate que l'AIPN n'a nullement méconnu le cadre de légalité découlant de l'avis de vacance en nommant M. K. au poste en question. En effet, l'expérience acquise par M. K. au cours de l'exercice de ses différentes fonctions lui a permis d'approfondir une large connaissance des politiques communes et des relations extérieures de la Communauté.
La Commission observe que le candidat nommé répondait le mieux aux conditions requises pour ce poste de chef de délégation.
L'expérience de M. Vecchi, bien qu'en rapport avec les pays de l'Est est limitée à des domaines plus spécifiques.»
11 Le 17 février 1995, la Commission a soulevé une exception d'irrecevabilité au sens de l'article 114 du règlement de procédure à l'encontre du recours.
12 Par ordonnance du Tribunal (quatrième chambre) du 5 juillet 1995, la demande de statuer sur la recevabilité a été jointe au fond.
13 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables. Toutefois, la Commission a été priée de produire toutes les pièces relatives à la procédure de pourvoi du poste de chef de délégation au Kazakhstan et, notamment, les procès-verbaux et les pièces relatives aux délibérations du CCN, les procès-verbaux et les pièces relatives aux délibérations de l'autorité investie du pouvoir de nomination
(ci-après «AIPN»), ainsi que les dossiers des trois candidatures qui ont été prises en considération par le CCN. Elle a également été priée de répondre à certaines questions écrites concernant les appréciations reprises dans ses mémoires des mérites du requérant et, en particulier, de la relation entre ses mérites et les exigences de l'avis de vacance.
14 Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 24 mai 1996, la Commission a produit les documents demandés et a répondu aux questions posées.
15 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience publique du 6 juin 1996.
Conclusions des parties
16 Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
— annuler la décision de l'AIPN du 8 août 1994 de ne pas retenir la candidature du requérant pour le poste à pourvoir de chef de la délégation de la Commission au Kazakhstan et, par voie de conséquence, annuler la décision de nommer un autre candidat, M. K., à ce poste;
— pour autant que de besoin, annuler la décision de rejet de la réclamation du requérant, introduite le 12 août 1994;
— ordonner la condamnation de la défenderesse au paiement d'un écu symbolique pour défaut volontaire de coopération au cours de la procédure précontentieuse - en particulier lors de la réunion du groupe interservices du 13 octobre 1994;
— condamner la défenderesse aux dépens.
17 Dans sa réplique, le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
— inviter la Commission à produire l'ensemble des pièces relatives à la procédure de pourvoi du poste en cause et, en particulier, les procès-verbaux et délibérations du CCN et le dossier de candidature de M. K.;
— inviter la Commission à se prononcer explicitement sur l'existence d'une répartition des postes de chef de délégation de la Commission entre les États membres.
18 La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
— déclarer le recours irrecevable, ou à tout le moins non fondé;
— statuer sur les dépens comme de droit.
Sur l'objet du litige et la recevabilité
Arguments des parties
19 En observant que l'objet du litige est une demande d'annulation de la décision de la Commission du 8 août 1994 de ne pas retenir la candidature du requérant au poste de chef de la délégation de la Commission au Kazakhstan et, par voie de conséquence, d'annulation de la nomination de M. K. à ce poste, la Commission conclut que le noyau du litige réside dans la question de savoir si l'AIPN a émis un acte entaché d'illégalité en rejetant la candidature du requérant. L'illégalité de la décision de ne
pas retenir la candidature du requérant devrait donc être démontrée, avant que la décision de nommer M. K. puisse être annulée.
20 Ensuite, dans son exception d'irrecevabilité, la Commission fait valoir que le requérant n'a aucun intérêt légitime à voir annuler la nomination de M. K., du fait qu'il ne peut valablement prétendre au poste (voir, notamment, arrêts du Tribunal du 11 décembre 1991, Frederiksen/Parlement, T-169/89, Rec. p. II-1403, point 53, et du 28 février 1992, Moretti/Commission, T-51/90, Rec. p. II-487, points 22 et 23). Elle s'appuie sur le fait que le requérant ne pourrait pas démontrer qu'il possède, comme
le prévoit l'avis de vacance, une expérience et des aptitudes en relation avec les fonctions à exercer, ou une connaissance approfondie des politiques et des relations extérieures, ou une connaissance approfondie des politiques économique, commerciale et de coopération technique au Kazakhstan.
21 A cet égard, elle souligne que l'expérience acquise par le requérant à la DG XIII et à la DG III a consisté à assurer le suivi de plusieurs projets communautaires, essentiellement en matière de télécommunications, dans les pays d'Europe de l'Est. Cette expérience n'a donc pas pu permettre au requérant d'acquérir des connaissances spéciales en matière de politiques économique, commerciale et de coopération technique au Kazakhstan. La Commission affirme encore que le suivi de ces projets par le
requérant consistait davantage dans le suivi administratif que dans la coordination et la gestion, l'importance de ces dernières ne pouvant être niée pour le recrutement d'un chef de délégation.
22 La Commission admet que la question de savoir si le requérant satisfait aux exigences de l'avis de vacance est étroitement liée au fond. Néanmoins, elle souligne que, dans la mesure où la réponse à cette question doit être négative, les griefs invoqués par le requérant portant sur la décision de nommer M. K. au poste sont irrecevables.
23 Le requérant s'interroge sur la définition de l'objet du litige donnée par la Commission. Selon lui, les deux décisions dont il demande l'annulation sont indubitablement liées. Il précise que la relation qui existe entre ces décisions n'a pas pour effet de limiter l'objet de l'action à la seule annulation de la décision de rejet de sa candidature.
24 Il conteste aussi l'exception d'irrecevabilité. A cet égard, il relève d'abord, que la Commission n'a jamais invoqué, au cours de la procédure précontentieuse, une éventuelle irrecevabilité pour défaut d'intérêt à agir du requérant. Il rappelle que la note du secrétaire du CCN, en date du 17 juin 1994, conclut uniquement que sa candidature ne devrait pas être prise en considération à cette occasion. Selon lui, cela ne signifie pas qu'il ne disposait pas des aptitudes minimales requises pour poser
sa candidature, mais simplement que le CCN a jugé ses qualifications et connaissances comme étant inférieures à celles des autres candidats.
25 Ensuite, il affirme qu'il dispose d'une expérience et de connaissances qui lui permettaient valablement, et avec une chance de succès réelle, de poser sa candidature au poste litigieux. Il souligne notamment qu'il a représenté la DG XIII dans le G24 et les programmes PHARE et TACIS, qu'il a été responsable des questions relatives à l'URSS, la Bulgarie, la Yougoslavie et l'Albanie et a présidé le comité des utilisateurs dans la structure de gestion du projet «Tchernobyl» (Conseil de l'Europe). De
plus, au sein de la DG III, unité A 2 de la coopération industrielle, il a continué d'exercer des fonctions s'inscrivant dans le cadre des relations de la Communauté européenne avec les pays de l'Est, et notamment avec les anciennes républiques soviétiques.
26 Enfin, il soutient qu'il a sans aucun doute un intérêt à contester la nomination d'un autre candidat à un poste vacant auquel il a postulé. Il relève qu'une abondante jurisprudence, relative à des concours généraux ou internes, le corrobore (voir, notamment, arrêt de la Cour du 16 octobre 1984, Williams/Cour des comptes, 257/83, Rec. p. 3547). Il ajoute que, s'il ne possède pas d'expérience approfondie des politiques économique et de coopération technique au Kazakhstan, comme l'a soutenu la
Commission, il est légitime, en raison de la procédure de pourvoi du poste vacant, qui exige un examen comparatif des mérites des candidats, de s'interroger sur la question de savoir si le candidat nommé possédait une telle expérience.
Appréciation du Tribunal
27 Le Tribunal constate que les arguments de la Commission relatifs à l'objet du litige ne se distinguent pas de ceux relatifs à la recevabilité. Ceux-ci se rattachent tous, en effet, à la question de savoir si le requérant satisfait aux conditions de l'avis de vacance. C'est donc cette question qu'il incombe au Tribunal d'examiner.
28 A cet égard, il convient d'observer que la formulation de l'avis de vacance, notamment en ce qu'elle précise que les candidats doivent avoir une connaissance approfondie des politiques économique, commerciale et de coopération technique au Kazakhstan et dans les républiques d'Asie centrale - connaissance qui à l'époque s'est avérée assez rare - a dû donner l'impression au requérant, qui exerçait certaines tâches dans ce domaine, d'avoir des chances d'obtenir le poste. De même, le requérant a dû
avoir un intérêt à savoir si le candidat finalement retenu satisfaisait à cette condition de l'avis.
29 En outre, il y a lieu d'observer que le requérant a montré qu'il possédait certaines connaissances, expériences et aptitudes par rapport à chacune des conditions mentionnées dans l'avis.
30 De plus, il ressort du dossier que le CCN a rejeté la candidature du requérant au terme d'un examen comparatif des mérites des candidats et non parce qu'il considérait que le requérant ne remplissait pas les conditions de l'avis de vacance.
31 En effet, la note adressée par le secrétaire du CCN au requérant (annexe 5 à l'exception d'irrecevabilité) indique que le CCN a examiné, au cours de sa réunion du 9 juin 1994, le niveau de pourvoi de l'emploi et les qualifications requises du futur titulaire de la fonction. Après avoir indiqué que toutes les candidatures ont été examinées, cette note conclut que la candidature du requérant ne devrait pas être prise en considération à cette occasion.
32 Le fait que cette note indique explicitement que le CCN est parvenu à la conclusion que la candidature du requérant ne devait pas être retenue à la suite d'un examen de toutes les candidatures confirme effectivement que le requérant remplissait les conditions de l'avis de vacance et que le CCN a procédé à un examen comparatif des rapports de notation et des mérites du requérant, conformément à l'article 45 du statut (voir arrêt de la Cour du 9 juillet 1987, Hochbaum et Rawes/Commission, 44/85,
77/85, 294/85 et 295/85, Rec. p. 3259, points 16 à 19). Il en résulte que sa conclusion selon laquelle «la candidature du requérant ne devrait pas être prise en considération» ne saurait être entendue en ce sens que le CCN a estimé que cette candidature n'était pas recevable au regard des qualifications requises, mais comme une appréciation formulée à l'issue de l'examen comparatif de l'ensemble des candidatures (voir arrêt du Tribunal du 24 février 1994, Caló/Commission, T-108/92, Rec. p.
II-213, point 16).
33 De même, dans la décision rejetant la réclamation du requérant, aucune référence n'est faite à l'éventualité qu'il ne remplissait pas les conditions de l'avis de vacance, la Commission s'étant limitée à souligner la valeur de l'expérience du candidat retenu par rapport à celle du requérant (voir point 10 ci-dessus). Dans ces circonstances, le Tribunal estime que la Commission est malvenue de modifier sa position en soutenant que le requérant ne remplissait pas les conditions de l'avis de vacance.
34 Il s'ensuit que le requérant a un intérêt légitime, certain et actuel à demander l'annulation de la nomination de M. K. (voir arrêt du Tribunal du 18 février 1993, Mc Avoy/Parlement, T-45/91, Rec. p. II-83, point 28).
35 Il y a dès lors lieu de rejeter l'exception d'irrecevabilité.
Sur le fond
36 Le requérant invoque six moyens à l'appui de ses conclusions tirés respectivement d'une violation de l'avis de vacance, d'une appréciation manifestement erronée des faits, d'une absence d'examen comparatif des mérites, d'un détournement de pouvoir et d'une violation du principe de non-discrimination, d'une violation de l'article 25, deuxième alinéa, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après «statut») (violation de l'obligation de motivation) et enfin d'une illégalité de
procédure.
37 Le Tribunal estime qu'il convient d'examiner ensemble les deux premiers moyens.
Sur les moyens tirés d'une violation de l'avis de vacance et d'une appréciation manifestement erronée des faits
Arguments des parties
38 Quant à ses propres mérites, le requérant fait valoir, en premier lieu, qu'il a exercé des fonctions qui sont en relation directe avec les rapports entre la Communauté européenne et les pays de l'Est, notamment dans le cadre des programmes PHARE et TACIS. Il mentionne encore qu'il a organisé des séminaires et d'autres activités pour les pays de l'Europe de l'Est notamment sur les télécommunications et sur les téléformations, qu'il a coordonné un groupe de travail interservices sur les suites de
l'accident de Tchernobyl et qu'il a coopéré avec la direction générale des relations économiques extérieures (DG I) sur les normes dans la CEI (Communauté des États indépendants).
39 Dans ce contexte, il relève que son dernier rapport de notation énonce que sa connaissance du contexte politique et économique des pays de l'Est a été très utile pour le développement d'un groupe de travail de la DG XIII sur l'Europe de l'Est et qu'il a apporté une contribution essentielle à l'approche de la Commission à l'égard de l'Albanie et de la Slovénie dans la sphère des intérêts de la DG XIII. Ce rapport indique également que sa longue expérience de travail avec la Commission a été d'une
aide considérable dans les contacts de haut niveau avec les ministères, ambassades et industries, avec les organisations internationales telles que le Conseil de l'Europe, l'Unesco (Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture), l'ASE (Agence spatiale européenne) et avec les organismes financiers tels que la BERD (Banque européenne pour la reconstruction et le développement), la BEI (Banque européenne d'investissement) et la Banque mondiale.
40 En deuxième lieu, il fait valoir ses connaissances linguistiques. Il soutient qu'il a, outre sa langue maternelle, l'italien, une très bonne connaissance de l'allemand, de l'anglais et du français ainsi que de l'espagnol, du russe et du chinois.
41 En troisième lieu, il fait valoir ses compétences en matière de gestion. Il soutient qu'il a assuré la gestion et la direction du groupe interservices «Tchernobyl», qui a regroupé des représentants des huit directions générales concernées de la Commission en vue de coordonner les activités relatives à la centrale nucléaire de Tchernobyl. Il affirme, en plus, qu'il a assuré des fonctions particulières de gestion dans le cadre du programme TACIS, en appréciant et coordonnant, notamment d'un point
de vue financier, les projets de demande d'assistance technique émanant des pays participant à ce programme. Il ajoute qu'il a également perfectionné ses compétences en suivant en 1993 un cours de «management».
42 Ensuite, le requérant met en cause les mérites de M. K., le candidat nommé. Il affirme que celui-ci ne possède pas une connaissance approfondie des relations politiques de la Communauté européenne avec les pays de l'Est et, en particulier, avec le Kazakhstan et les autres républiques d'Asie centrale; si M. K. peut faire valoir une expérience au sein de délégations extérieures de la Communauté, il n'a jamais, avant d'être nommé, été affecté à une délégation dans la région dont il est question. Par
ailleurs, M. K. ne disposerait pas non plus des connaissances linguistiques requises par l'avis de vacance.
43 Par conséquent, en le nommant, la Commission aurait méconnu de façon manifeste l'avis de vacance. En agissant ainsi, elle s'est également rendue coupable d'une appréciation manifestement erronée des faits. La décision de nommer M. K. au poste à pourvoir et celle de ne pas retenir la candidature du requérant au même poste seraient donc entachées d'illégalité.
44 Enfin, le requérant se demande si le choix de la Commission n'a pas été guidé paila volonté de satisfaire à un critère ou à une condition supplémentaire qui ne figure pas dans l'avis de vacance, à savoir le fait d'avoir déjà assumé des fonctions au sein d'une délégation de la Commission dans un pays tiers.
45 La Commission réplique que le requérant se contente d'avancer des allégations sans la moindre preuve; n'ayant pas pu démontrer clairement l'existence dans son chef de toutes les qualifications requises pour le poste à pourvoir, il se borne à exposer son appréciation subjective selon laquelle il serait le seul candidat à pouvoir prétendre à la nomination litigieuse.
46 Lors de l'audience, la Commission a ajouté, notamment, que, contrairement au candidat nommé, le requérant ne disposait pas d'une connaissance approfondie des traités et des politiques communes des relations extérieures des Communautés. Selon elle, la candidature du requérant ne fait apparaître qu'une expérience résultant d'un certain nombre de fonctions techniques en rapport avec des pays d'Europe de l'Est, ce qui ne révélerait pas une connaissance approfondie sur ce point. Sa candidature ne
démontrerait pas, non plus, une expérience ou des aptitudes en rapport avec les fonctions à exercer. A cet égard, la Commission a fait valoir que les contacts que le requérant a eus avec un certain nombre d'organisations internationales ne démontrent pas qu'il a une capacité de négociation sur la plan international ou de représentation politique, ce qui était prévu pour exercer les tâches incombant au chef de délégation. Elle a soutenu également que les fonctions que le requérant a exercées au
sein du groupe «Tchernobyl» ne prouvaient qu'une connaissance partielle de la politique d'assistance ou de coopération technique dans les pays d'Europe de l'Est.
47 En ce qui concerne la connaissance approfondie des politiques économique, commerciale et de coopération technique au Kazakhstan et dans les républiques de l'Asie centrale, la Commission soutient, notamment dans sa lettre déposée au greffe du Tribunal le 24 mai 1996, que les fonctions que le requérant a exercées en relation avec ces régions sont de nature technique et concernent des domaines partiels et spécifiques. Ainsi, même si le requérant a acquis une certaine connaissance du contexte
politique grâce à ces activités, cette connaissance ne saurait être considérée comme approfondie par rapport aux politiques décrites dans l'avis de vacance.
48 Quant aux mérites de M. K., la Commission a affirmé lors de l'audience qu'ils répondaient aux conditions générales. Elle a souligné, à cet égard, qu'il dispose d'une connaissance approfondie des aspects politiques de la représentation et des négociations, résultant du fait, notamment, qu'il a occupé le poste de chef de délégation au Libéria.
49 S'agissant de la question de savoir si M. K. pouvait se prévaloir de connaissances spécifiques à l'égard du Kazakhstan, la Commission a admis lors de l'audience qu'il n'avait pas de telles connaissances lorsque la décision attaquée a été prise. Cependant, selon elle, il n'en résulte pas que l'AIPN a commis une faute d'appréciation manifeste, étant donné que M. K., qui satisfaisait aux conditions générales et à approximativement deux tiers des conditions spécifiques, répondait toutefois le mieux
aux exigences de cet avis.
Appréciation du Tribunal
50 Il convient, tout d'abord, de relever que l'avis de vacance a pour but d'informer les intéressés, d'une façon aussi exacte que possible, de la nature des conditions requises pour occuper le poste dont il s'agit, afin de les mettre en mesure d'apprécier s'il y a lieu, pour eux, de faire acte de candidature (voir arrêt de la Cour du 30 octobre 1974, Grassi/Conseil, 188/73, Rec. p. 1099, point 40).
51 Or, lors de l'audience, il a été établi entre les parties que le candidat retenu ne disposait pas d'une «connaissance approfondie des politiques économique, commerciale et de coopération technique dans le Kazakhstan et républiques de l'Asie centrale», au moment où la décision attaquée a été prise, ce qui est exigé par l'avis de vacance.
52 A ce propos, la Commission fait valoir que le candidat retenu, en satisfaisant aux conditions générales et aux deux tiers des conditions spécifiques, répondait toutefois le mieux aux exigences de l'avis, alors que le requérant ne satisfaisait que partiellement à ces exigences.
53 Or, quelle que soit la valeur des mérites du candidat retenu par rapport à ceux du requérant, il n'en reste pas moins que l'AIPN est tenue, conformément à une jurisprudence constante, d'exercer la comparaison des mérites et des notations des candidats dans le cadre qu'elle s'est imposé à elle-même par l'avis de vacance d'emploi (voir arrêt de la Cour du 18 mars 1993, Parlement/Frederiksen, C-35/92 P, Rec. p. I-991, point 13).
54 En effet, l'exercice du pouvoir d'appréciation dont dispose l'AIPN en matière de nomination ou de promotion suppose un examen scrupuleux du dossier de candidature et une observation consciencieuse des exigences énoncées dans l'avis de vacance, de sorte que celle-ci est tenue d'écarter tout candidat qui ne répond pas à ces exigences (voir arrêt Parlement/Frederiksen, précité, point 15).
55 Quant aux explications données par la Commission à propos des qualités du candidat retenu, le Tribunal rappelle que l'AIPN doit, au moment de la rédaction de l'avis de vacance, rendre compte des conditions requises. Il n'est pas satisfait aux dispositions du statut si elle ne s'avisait de ces conditions qu'après la publication de l'avis, au vu des candidats qui se sont présentés, et interprétait les termes de l'avis de vacance dans le sens qu'elle estime le mieux convenir aux besoins du service
(voir arrêt Grassi/Conseil, précité, point 39).
56 Il convient d'ajouter que, si l'AIPN découvre, après coup, que les conditions requises par l'avis de vacance étaient plus sévères que ne l'exigeaient les besoins du service, il lui est loisible de recommencer la procédure de pourvoi du poste en retirant l'avis de vacance original et en le remplaçant par un avis corrigé (voir arrêt Grassi/Conseil, précité, point 43).
57 La Commission ne saurait pas davantage se prévaloir du fait que l'avis de vacance, divisé en deux parties, donne moins d'importance aux conditions spécifiques qu'aux conditions générales. En effet, l'avis indique dans les conditions générales que des connaissances et expériences approfondies dans et en relation avec le secteur d'activité sont prévues pour les emplois nécessitant des qualifications particulières. Dès lors, la deuxième partie de l'avis ne constitue qu'une précision de ladite
condition. En tout état de cause, comme le but de l'avis de vacance est d'informer les intéressés, d'une façon aussi exacte que possible, de la nature des conditions requises pour occuper le poste vacant, les deux parties de l'avis doivent être considérées ensemble. En effet, la connaissance approfondie des politiques économique, commerciale et de coopération technique dans le Kazakhstan et républiques d'Asie centrale est une exigence tellement apparente dans l'avis qu'elle n'a pas pu échapper
aux intéressés.
58 Il s'ensuit que l'AIPN n'a pas observé consciencieusement les conditions énoncées dans l'avis de vacance. En agissant ainsi, elle a également commis une erreur manifeste lors de l'examen des mérites des candidats (voir arrêt Me Avoy/Parlement, précité, points 51 et 52).
59 Les deux premiers moyens doivent donc être accueillis.
60 Il en résulte que les décisions attaquées doivent être annulées. Toutefois, à titre surabondant, le Tribunal examinera également les autres moyens avancés par le requérant au fond.
Sur le moyen tiré d' une absence d'examen comparatif des mérites
Arguments des parties
61 Le requérant fait valoir que les décisions attaquées n'ont pu intervenir qu'en l'absence de tout examen comparatif valable des candidatures au poste à pourvoir, ou, à tout le moins, des mérites du candidat nommé et des siens.
62 Il fonde cette affirmation sur les arguments présentés dans le cadre des deux premiers moyens, où il soutenait que le candidat nommé ne remplissait manifestement pas les conditions de qualifications fixées par l'avis de vacance et que ses propres qualifications correspondaient au contraire à toutes ces conditions.
63 Il souligne que la preuve d'un examen comparatif des mérites ne peut reposer sur la simple affirmation de l'existence de conditions — non autrement définies — que le CCN aurait arrêtées pour procéder précisément à un tel examen.
64 La Commission répond que l'avis du CCN montre qu'il y a eu un examen comparatif des mérites des candidats car cet avis contenait déjà une sélection de candidatures à prendre spécialement en considération, parmi lesquelles ne figurait pas celle du requérant.
Appréciation du Tribunal
65 Les arguments avancés par le requérant dans le cadre de ce moyen tendent, en effet, à démontrer que la Commission a commis une faute d'appréciation lors de l'examen des mérites des candidats. Ceci a été constaté par le Tribunal au point 58 ci-dessus. Cependant, l'allégation selon laquelle il s'agirait d'une absence totale d'examen comparatif des mérites n'est pas fondée, puisqu'il ressort des appréciations du Tribunal (voir points 30 à 32) qu'un tel examen a effectivement eu lieu.
66 Ce moyen doit donc être rejeté.
Sur le moyen tiré d'un détournement de pouvoir et d'une violation du prìncipe de non-discrimination
Arguments des parties
67 Le requérant fait d'abord valoir qu'il ressort des arguments qu'il a présentés dans le cadre des moyens précédents que le candidat nommé ne remplissait pas les exigences posées par l'avis de vacance et qu'en conséquence la décision de le nommer n'a pu être prise en vue de satisfaire l'intérêt général. En agissant ainsi, l'AIPN s'est, d'après le requérant, rendue coupable d'un détournement de pouvoir.
68 Il relève, ensuite, qu'il est plausible que sa candidature ait été rejetée en raison de sa nationalité italienne. A cet égard, il soutient que certaines délégations de la Commission auprès des pays d'Europe de l'Est sont dirigées par des fonctionnaires de nationalité italienne et que la Commission a pu décider, dès l'origine, de ne pas nommer au poste à pourvoir un ressortissant italien. Selon lui, cela impliquerait qu'il existe, en quelque sorte, un partage, entre les États membres, des
différentes délégations, chaque État membre se voyant attribuer un certain «quota». Il appuie cette thèse sur le fait que l'AIPN, dans la procédure conduisant aux décisions attaquées, avait retenu trois candidats: un ressortissant allemand, un ressortissant français et un ressortissant luxembourgeois (M. K.), et que, en raison de l'impossibilité de trouver un accord soit pour le candidat allemand soit pour le candidat français, le CCN et l'AIPN ont décidé de retenir le candidat luxembourgeois.
69 Il souligne qu'une telle pratique ne peut trouver sa justification dans l'article 27 du statut, qui précise qu'«aucun emploi ne doit être réservé aux ressortissants d'un État membre déterminé».
70 Il invoque dans ce contexte également la jurisprudence de la Cour et du Tribunal selon laquelle une telle pratique méconnaît le principe supérieur de non-discrimination (voir arrêts de la Cour du 30 juin 1983, Schloh/Conseil, 85/82, Rec. p. 2105, et du Tribunal du 3 mars 1993, Booss et Fischer/Commission, T-58/91, Rec. p. II-147).
71 La Commission soutient que le requérant se borne à faire des allégations sans les étayer ou les démontrer, allégations qui n'apportent donc aucun indice révélant que l'autorité administrative aurait usé de ses prérogatives dans un but autre que celui en vue duquel elles lui ont été conférées.
Appréciation du Tribunal
72 Le Tribunal considère qu'il ne ressort pas du dossier que la Commission se soit rendue coupable d'un détournement de pouvoir ou d'une violation du principe de non-discrimination.
73 En effet, aucun des indices avancés par le requérant ne démontre que la décision a été prise pour atteindre des fins autres que celles excipées. A cet égard, le Tribunal estime que le non-respect de l'avis de vacance lors de l'examen des mérites ne suffit pas en soi pour établir que la Commission a agi à l'encontre de l'intérêt du service en ce sens qu'elle s'est rendue coupable d'un détournement de pouvoir.
74 Quant à l'allégation du requérant selon laquelle la nationalité de M. K. a été un critère déterminant pour sa nomination, il suffit de constater que le requérant n'apporte aucun élément permettant d'étayer qu'il existerait un partage déterminé entre les États membres quant aux postes de chef de délégation.
75 Il s'ensuit que ce moyen doit être rejeté.
Sur le moyen tiré d'une violation de l'obligation de motivation
Arguments des parties
76 Le requérant fait valoir que la réponse donnée par la Commission à sa réclamation (voir point 10 ci-dessus) ne constitue pas une motivation suffisante, puisque celle-ci ne précise ni les mérites de M. K. qui ont particulièrement justifié le choix de l'AIPN, ni pourquoi son expérience en rapport avec les pays de l'Est serait limitée à «des domaines plus spécifiques». La motivation donnée ne lui permettrait donc pas d'apprécier la légalité des décisions qu'il estime lui faire grief, ni au Tribunal
d'exercer son contrôle de légalité.
77 Le Commission souligne, pour sa part, que cette réponse soulignait le fait que le requérant ne réunissait pas les conditions requises par l'avis de vacance. C'est ainsi que l'expérience et les aptitudes du requérant, bien qu'en rapport avec les pays de l'Est, étaient limitées à des domaines spécifiques ne faisant nullement apparaître une connaissance approfondie des politiques susvisées au Kazakhstan.
78 Elle soutient qu'il ressort de la jurisprudence que l'obligation de motivation n'exige pas la divulgation des mérites du candidat nommé. En effet, si l'AIPN est tenue, en vertu de l'article 90, paragraphe 2, du statut, de motiver une décision portant rejet d'une réclamation contestant une promotion ou une nomination, elle n'est pas tenue de révéler au candidat évincé l'appréciation comparative qu'elle a portée sur lui et sur le candidat retenu pour la promotion ou la nomination. L'AIPN peut, dès
lors, se borner à une motivation succincte qui concerne l'existence des conditions légales auxquelles le statut subordonne la régularité d'une promotion ou d'une nomination (voir, par exemple, arrêts du Tribunal du 30 janvier 1992, Schonherr/CES, T-25/90, Rec. p. II-63, et du 25 février 1992, Schloh/Conseil, T-11/91, Rec. p. II-203).
79 La Commission ajoute enfin que, à supposer même qu'il y ait eu insuffisance de motivation, celle-ci peut être comblée en cours de procédure, conformément à la jurisprudence (voir, par exemple, arrêt du Tribunal du 3 mars 1993, Vela Palacios/CES, T-25/92, Rec. p. II-201).
Appréciation du Tribunal
80 A titre liminaire, il convient de rappeler qu'il ressort de la jurisprudence que, en cas de décision de rejet d'une candidature, l'AIPN est tenue à une obligation de motivation, à tout le moins au stade du rejet de la réclamation contre une telle décision. Toutefois dans le cas où les promotions et les mutations se feraient aux choix, il suffit que la motivation de rejet de la réclamation concerne l'existence des conditions légales auxquelles le statut subordonne la régularité de la procédure
(voir, par exemple, arrêt Vela Palacios/CES, précité, point 22). Partant, il n'est pas nécessaire que l'institution concernée expose en détails la façon dont elle a estimé que le candidat nommé remplissait les conditions de l'avis de vacance. La motivation doit cependant permettre au juge communautaire d'exercer son contrôle sur la légalité de la décision attaquée et de fournir à l'intéressé une indication suffisante pour savoir si elle est bien fondée ou si elle est entachée d'un vice permettant
d'en contester la légalité (voir, par exemple, arrêt Shönherr/CES, précité, points 21 et 22).
81 A la lumière de ces conditions, il y a lieu d'observer que la décision rejetant la réclamation indique, d'une part, que l'expérience acquise par M. K. au cours de l'exercice de ses différentes fonctions lui a permis d'acquérir une large connaissance des politiques communes et des relations extérieures de la Communauté de sorte qu'il répond le mieux aux conditions requises pour le poste de chef de délégation et, d'autre part, que l'expérience du requérant, bien qu'en rapport avec les pays de
l'Est, est limitée à des domaines plus spécifiques.
82 Le Tribunal considère que, même si l'examen des mérites des candidats s'est avéré entaché d'une faute d'appréciation manifeste de fait, la motivation en tant que telle n'est pas insuffisante. Elle indique effectivement les motifs individuel et pertinent qui selon la Commission justifient le rejet de la candidature du requérant, de sorte que celui-ci a été en mesure de contester la légalité de la décision attaquée et que le Tribunal a pu exercer son contrôle à cet égard.
83 Il s'ensuit que le moyen tiré d'une violation de l'obligation de motivation doit être rejeté.
Sur le moyen tiré d'une procédure illégale
Arguments des parties
84 Dans la réplique, le requérant fait valoir qu'il ressort de l'avis du CCN du 9 juin 1994 concernant la nomination au poste de chef de délégation au Kazakhstan (annexe 4 à l'exception d'irrecevabilité), que l'acte de candidature de chaque candidat et son dossier personnel ont été examinés avant de déterminer le niveau auquel devait se faire le pourvoi de l'emploi de chef de la délégation de la Commission au Kazakhstan.
85 Il soutient que, conformément à la jurisprudence du Tribunal, un tel procédé constitue une irrégularité permettant de rendre la décision attaquée illégale, puisque l'AIPN est tenue de fixer le niveau du poste en fonction de son importance, indépendamment des qualifications des candidats (voir arrêt du Tribunal du 17 mai 1995, Kratz/Commission, T-10/94, RecFP p. II-315, points 58 et suivants).
86 La Commission rétorque que ce moyen est entaché d'irrecevabilité, conformément à l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure. Elle soutient, d'une part, que le requérant a été le destinataire d'une lettre en date du 17 juin 1994 qui révèle que le CCN a examiné les candidatures sur la base de l'avis de vacance et, d'autre part, que la référence à l'arrêt Kratz/Commission, précité, est dépourvue de toute pertinence, puisque le niveau de l'emploi à pourvoir, à savoir A 4/A 5, est le même
que celui du requérant. Elle invoque à cet égard l'arrêt du Tribunal du 17 mai 1995, Benecos/Commission (T-16/94, RecFP p. II-335).
Appréciation du Tribunal
87 Le Tribunal estime qu'il suffit de constater que ce moyen ne donne pas au requérant un intérêt personnel à l'annulation de l'acte attaqué. Étant fonctionnaire de grade A 4 et l'emploi en cause ayant été pourvu au grade A 4/A 5, il ne saurait prétendre avoir été victime d'une violation de la procédure en cause. En effet, le niveau du poste a été fixé à un niveau permettant au requérant d'être nommé à cet emploi dans l'hypothèse où l'examen comparatif des mérites lui serait favorable (voir arrêt
Benecos/Commission, précité, point 47).
88 Ce moyen doit dès lors être déclaré irrecevable.
Sur l'indemnité
Arguments des parties
89 Le requérant demande l'allocation d'un écu symbolique en raison du comportement de la Commission dans la phase précontentieuse, et en particulier au cours de la seconde réunion du groupe interservices du 13 octobre 1994 durant laquelle la Commission n'a avancé aucun motif pertinent pour justifier le rejet de sa candidature. Il ajoute que la réponse apportée par la Commission à sa réclamation ne peut être considérée comme compensant l'attitude coupable de cette institution, parce que cette réponse
ne contient aucun élément susceptible d'éclairer les débats et ne lui permet pas d'apprécier la légalité des décisions qu'il estime lui faire grief. Elle ne permet pas davantage au Tribunal d'exercer son contrôle de légalité.
90 Il ajoute que cette demande est justifiée également par le fait que la Commission refuse de produire certaines pièces essentielles pour permettre au Tribunal d'exercer sa mission et utilise des arguments procéduraux pour esquiver les questions essentielles soulevées par le requérant dans le cadre de son action. Il est, selon lui, tout à fait inacceptable que la Commission refuse de produire le dossier administratif, alors même que les pièces qu'il contient sont indispensables pour apprécier la
légalité des décisions attaquées.
91 La Commission soutient que les conclusions du requérant visant à obtenir l'octroi d'un écu symbolique pour non-coopération à une réunion du groupe interservices sont difficilement conciliables avec la réception d'une réponse de rejet dûment motivée dans le délai statutaire imparti. Elle soutient encore que ces prétentions sont articulées pour la première fois dans la requête introductive d'instance et qu'elles visent à un dédommagement de l'intéressé du fait du comportement prétendument non
coopératif de l'administration à un moment postérieur à l'acte dont l'annulation est demandée. Dès lors, la procédure en indemnité en deux étapes n'aurait pas été suivie.
92 Quant aux documents dont la production est demandée par le requérant, la Commission ne perçoit pas en quoi ils seraient pertinents, dès lors que l'objet primordial du litige est le rejet de la candidature du requérant au poste litigieux et que ce dernier ne réunit pas les conditions de l'avis de vacance. Ce n'est qu'au cas où le Tribunal devrait estimer nécessaire d'élargir le cadre de son instruction que la Commission satisferait à une telle demande émanant du Tribunal.
Appréciation du Tribunal
93 Il convient de rappeler qu'il résulte d'une jurisprudence constante de la Cour et du Tribunal qu'un recours en indemnité qui tend à la réparation de préjudices causés non pas par un acte faisant grief dont l'annulation est demandée, mais par diverses fautes et omissions prétendument commises par l'administration, doit être précédé d'une procédure en deux étapes. Celle-ci doit impérativement débuter par la présentation d'une demande invitant l'AIPN à réparer les préjudices allégués et se
poursuivre, le cas échéant, par l'introduction d'une réclamation dirigée contre la décision de rejet de la demande (voir, par exemple, ordonnance du Tribunal du 28 janvier 1993, Piette de Stachelski/Commission, T-53/92, Rec. p. II-35).
94 En l'espèce, la demande en indemnité tend à la réparation d'un préjudice prétendument causé par des comportements qui, en raison de l'absence d'effets juridiques, ne peuvent pas être qualifiés d'actes faisant grief. Or, elle n'a pas été précédée d'une procédure précontentieuse régulière.
95 La demande en indemnité doit en conséquence être rejetée comme irrecevable.
Sur les dépens
96 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé en ses moyens et le requérant ayant conclu à la condamnation de la Commission aux dépens, il y a lieu de la condamner à supporter l'ensemble des dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (quatrième chambre) déclare et arrête:
1) La décision de la Commission du 8 août 1994 de ne pas retenir la candidature du requérant au poste de chef de la délégation de la Commission au Kazakhstan et la décision du 8 août 1994 de nommer à ce poste M. K. sont annulées.
2) Le recours est rejeté pour le surplus.
3) La Commission est condamnée aux dépens y compris ceux afférents à la procédure de référé.
Lenaerts
Lindh
Cooke
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 2 octobre 1996.
Le greffier
H. Jung
Le président
K. Lenaerts
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( *1 ) Langue de procedure: le français.