ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)
17 février 1998 ( *1 )
«Fonctionnaires — Agents temporaires — Procédure de recrutement — Transfert du poste — Défaut de motivation — Détournement de pouvoir — Confiance légitime»
Dans l'affaire T-56/96,
Alberto Maccaferri, ancien agent auxiliaire de la Commission des Communautés européennes, représenté par Mes Jean-Noël Louis, Thierry Demaseure et Ariane Tornei, avocats au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de la fiduciaire Myson SARL, 30, rue de Cessange,
partie requérante,
contre
Commission des Communautés européennes, représentée par Mme Ana Maria Alves Vieira, membre du service juridique, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique. Centre Wagner, Kirchberg,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande d'annulation de la décision de la Commission de ne pas nommer le requérant agent temporaire de grade A 4/A 5 à la direction générale Politique d'entreprise, commerce, tourisme et économie sociale à la suite du concours 62T/XXIII/93 et, pour autant que de besoin, de la décision de la Commission de transférer ce poste à une autre direction générale pour le remplacer par un poste budgétaire de catégorie B,
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),
composé de MM. J. Azizi, président, R. Garcia-Valdecasas et M. Jaeger, juges,
greffier: M. J. Palacio Gonzalez, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 25 novembre 1997,
rend le présent
Arrêt
Contexte réglementaire
1 L'article 12, paragraphe 1, du régime applicable aux autres agents des Communautés européennes (ci-après «RAA») est libellé comme suit:
«L'engagement des agents temporaires doit viser à assurer à l'institution le concours de personnes possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d'intégrité, recrutées sur une base géographique aussi large que possible parmi les ressortissants des États membres des Communautés.»
2 L'article 11, premier alinéa, du RAA dispose:
«Les dispositions des articles 11 à 26 du statut concernant les droits et obligations des fonctionnaires sont applicables par analogie.»
3 L'article 25, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après «statut») est rédigé dans les termes suivants:
«Toute décision individuelle prise en application du présent statut doit être communiquée par écrit, sans délai, au fonctionnaire intéressé. Toute décision faisant grief doit être motivée.»
Faits à l'origine du recours
4 Le requérant a travaillé pendant plusieurs années dans les secteurs public et privé en Italie, où il s'est spécialisé dans les mécanismes de gestion des fonds structurels mis en œuvre par les Communautés européennes.
5 Le 21 avril 1993, il est entré au service de la Commission en tant qu'agent auxiliaire.
6 Le 1er mai 1994, son contrat d'agent auxiliaire étant expiré, le requérant a été recruté par la société James Duncan & Associates, qui l'a mis à la disposition de la direction générale Politique d'entreprise, commerce, tourisme et économie sociale (DG XXIII) de la Commission, où il a exercé les mêmes fonctions que celles qu'il exerçait en qualité d'agent auxiliaire.
7 Le requérant a participé au concours 62T/XXIII/93 ayant pour objet la sélection d'un agent temporaire de grade A 4/A 5 à la DG XXIII. Par note du 22 juillet 1994, le président du comité de sélection l'a informé de son inscription sur la liste des lauréats.
8 A une date non précisée, la Commission a ensuite décidé de transférer ce poste A 4/A 5 à une autre direction générale et de le remplacer par un poste de catégorie B. Une nouvelle procédure de recrutement pour ce poste B a été organisée.
9 Ce transfert de poste a donné lieu à un échange de lettres entre des services de la Commission, notamment entre la direction générale Personnel et administration (DG IX) et la DG XXIII, ainsi qu'entre la Commission et le syndicat Renouveau et démocratie.
10 Dans une note du 4 août 1994 adressée à M. Heinrich von Moltke, alors directeur général de la DG XXIII, M. Bombassei, directeur avec lequel le requérant collaborait dans le cadre du contrat avec la société James Duncan & Associates, a proposé le recrutement du requérant «le plus rapidement possible».
11 Le dossier contient en outre un document, daté du 8 septembre 1994 et portant les initiales de Heinrich von Moltke (HvM), dont le texte est le suivant: «[La] DG IX nous a refusé le poste en question (échange avec un B 1). Notre tentative a donc échoué même pour la division A 1. Je crois donc qu'il faut envisager la solution que nous avons discutée.»
12 Par notes des 7 et 12 septembre 1995, adressées respectivement à M. Dreyer, responsable des relations avec la représentation statutaire du personnel et les OSP, et à M. Chêne de la direction Personnel de la DG IX, à la suite d'une réunion ayant eu lieu le 20 juillet 1995, le président du syndicat Renouveau et démocratie a demandé des explications à propos de l'échange du poste litigieux. Ces notes font état d'«un poste A. T. A 5/4 pour lequel la sélection avait été effectuée mais aucun lauréat
recruté, parce que la personne à laquelle le poste était destiné n'avait pas les titres pour y participer, d'où la publication du même poste au niveau B qui a enfin permis de nommer cette personne en A. T.».
13 Par note du 25 octobre 1995, M. Chêne a répondu au président de ce syndicat: «Je peux vous confirmer que la DG XXIII a, dans le cadre de l'organisation de ses ressources, renoncé à un de ces emplois temporaires vacants de catégorie A et que, par conséquent, il existe une réserve de lauréats qui n'a pas encore été exploitée. Il est entendu que cette réserve demeure valable pour le pourvoi d'emplois temporaires A futurs nécessitant le même profil. Pour ce qui est de l'emploi temporaire de grade B
1, je peux également vous confirmer qu'une sélection a eu lieu selon les procédures habituelles et qu'un recrutement a été effectué.»
14 Le 20 octobre 1995, le requérant a introduit une réclamation contre les décisions litigieuses, à laquelle la défenderesse n'a pas répondu.
Procédure et conclusions des parties
15 Le requérant a déposé la requête introductive du présent recours le 22 avril 1996.
16 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé, d'une part, d'adopter une mesure d'organisation de la procédure en invitant la défenderesse à répondre par écrit à une question et à produire certains documents et, d'autre part, d'ouvrir la procédure orale.
17 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales du Tribunal à l'audience du 25 novembre 1997.
18 Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
— annuler la décision de la Commission de ne pas le nommer à l'emploi d'agent temporaire de grade A 4/A 5 à la suite du concours 62T/XXIII/93;
— pour autant que de besoin, annuler la décision de la Commission de transférer le poste budgétaire d'un emploi vacant d'agent temporaire de grade A 4/A 5 de la DG XXIII à une autre direction générale pour le remplacer par un poste budgétaire de catégorie B;
— condamner la défenderesse aux dépens.
19 La défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
— déclarer le recours irrecevable;
— à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé;
— statuer sur les dépens comme de droit.
Généralités
20 La Commission ayant recouru, en l'espèce, à la procédure applicable au recrutement de fonctionnaires par concours pour sélectionner des agents temporaires, elle est liée par les règles qui gouvernent cette procédure. Sont donc d'application les dispositions du statut régissant cette procédure ainsi que la jurisprudence y afférente.
Sur la recevabilité
Arguments des parties
21 La défenderesse excipe de l'irrecevabilité du recours, au motif que l'acte attaqué serait un acte interne ne faisant pas grief au requérant. Premièrement, selon une jurisprudence constante, l'inscription d'un candidat sur une liste d'aptitude ne saurait lui conférer un droit à être nommé, mais lui donnerait simplement vocation à être recruté, comme indiqué, par ailleurs, au requérant dans la note de la Commission du 22 juillet 1994, à la suite de son inscription sur la liste des lauréats.
Deuxièmement, il ressortirait de la lettre de M. Chêne du 25 octobre 1995 que la liste d'aptitude demeurerait valable pour le pourvoi d'un emploi nécessitant le même profil.
22 Le requérant estime, que, en sa qualité de lauréat d'un concours, il justifie d'un intérêt direct et personnel quant à la suite donnée à la procédure de recrutement (arrêt de la Cour du 9 février 1984, Kohler/Cour des comptes, 316/82 et 40/83, Rec. p. 641, point 22, et arrêt du Tribunal du 20 septembre 1990, Hanning/Parlement. T-37/89, Rec. p. II-463, point 23).
23 Dans son mémoire en duplique, la défenderesse rétorque que la jurisprudence citée par le requérant à l'appui de sa thèse ne vise que les procédures où il a été pourvu au poste vacant. Or, en l'espèce, le poste litigieux a été supprimé de sorte qu'il n'a pu y être pourvu.
Appréciation du Tribunal
24 La fin de non-recevoir opposée par la défenderesse ne saurait être accueillie.
25 Selon la jurisprudence constante, relative aux concours de fonctionnaires, applicable en l'espèce (voir ci-dessus point 20), le fait pour un candidat d'avoir participé à un concours, à l'issue duquel il s'est trouvé classé en ordre utile, justifie de l'existence de son intérêt quant à la suite que l'AIPN réserve à ce concours (arrêt de la Cour du 24 juin 1969, Fux/Commission, 26/68, Rec. p. 145, point 3; arrêts du Tribunal du 14 février 1990, Hochbaum/Commission, T-38/89, Rec. p. II-43, point 8,
et Hanning/Parlement, cité au point 22 ci-dessus, point 23).
26 En l'occurrence, le transfert du poste litigieux et son remplacement par un poste de catégorie B ont empêché le requérant d'être nommé au poste faisant l'objet du concours et qu'il avait vocation à occuper en tant que lauréat dudit concours (arrêt Hochbaum/Commission, précité, point 8). La décision de la Commission de ne pas donner suite à la procédure de sélection est, dès lors, susceptible de faire grief au requérant.
27 Même si la liste des lauréats du concours reste valable pour d'autres vacances d'emplois nécessitant le même profil, cette circonstance ne supprime pas l'intérêt du requérant à agir contre ladite décision, indépendamment de ses chances d'être nommé à un autre poste ultérieurement.
28 Il s'ensuit que le recours est recevable.
Sur le fond
29 Le requérant soulève trois moyens à l'appui de son recours. Le premier est tiré d'une violation des règles statutaires relatives au pourvoi à des emplois vacants et de l'obligation de motivation. Le deuxième moyen est tiré d'un détournement de pouvoir et le troisième d'une violation du principe de protection de la confiance légitime.
Sur le premier moyen, tiré d'une violation des règles statutaires relatives au pourvoi à des emplois vacants et de l'obligation de motivation prescrite par l'article 25 du statut
Arguments des parties
30 Le requérant soutient que, en décidant de ne pas mener la procédure entamée à son terme et de remplacer le poste litigieux par un poste de catégorie B, tout en n'indiquant pas les raisons impérieuses, claires et précises de cette décision, la défenderesse a violé les règles statutaires relatives au pourvoi à des emplois vacants, ainsi que l'article 25, deuxième alinéa, du statut (arrêt Kohler/Cour des comptes, cité au point 22 ci-dessus, point 22).
31 La défenderesse considère que la décision de transférer le poste litigieux constitue une mesure purement interne ne faisant pas grief au requérant et n'exigeant pas, dès lors, d'être motivée. En toute hypothèse, le requérant aurait été suffisamment informé des motifs ayant présidé à l'adoption de cette décision.
32 Elle conteste également avoir violé les règles statutaires et souligne que l'AIPN ne serait pas tenue, une fois la procédure de recrutement entamée, de mener celle-ci à son terme (arrêts du Tribunal Hochbaum/Commission, cité au point 25 ci-dessus, point 15, et du 6 juillet 1993, Rasmussen/Commission, T-32/92, Rec. p. II-765, point 55). En outre, la liste de réserve demeurerait valable pour l'attribution d'emplois pour lesquels un profil identique est exigé.
Appréciation du Tribunal
33 Il est de jurisprudence constante, applicable en l'espèce (voir ci-dessus point 20), que si le statut n'impose pas à l'AIPN l'obligation, une fois la procédure de recrutement entamée, d'y donner suite en pourvoyant à l'emploi mis en vacance la règle est toutefois qu'en matière de procédure de pourvoi à un poste déclaré vacant l'AIPN doit donner suite par la nomination de lauréats sur la base des résultats de concours, et elle ne peut s'écarter de cette règle que pour de sérieuses raisons en
justifiant, d'une manière claire et complète, sa décision (arrêts Fux/Commission, cité au point 25 ci-dessus, points 11 et 12, et Kohler/Cour des comptes, cité au point 22 ci-dessus, point 22, et arrêts du Tribunal Hanning/Parlement, cité au point 22 ci-dessus, point 48, et du 18 mars 1997, Rasmussen/Commission, T-35/96, RecFPp. II-187, point 60).
34 A cet égard, il convient de relever que, au moment où la procédure de sélection a été annulée, la Commission connaissait l'identité des candidats qui avaient été inscrits sur la liste d'aptitude et qui remplissaient les conditions nécessaires pour être nommés au poste litigieux.
35 Dans un tel cas, l'institution était obligée de porter effectivement à la connaissance des intéressés une mesure qui les affectait d'une façon individuelle (arrêt du 18 mars 1997, Rasmussen/Commission, cité au point 32 ci-dessus, point 34).
36 Il y a lieu de rappeler également que l'obligation de motivation qui résulte des dispositions combinées des articles 11, premier alinéa, du RAA et 25, deuxième alinéa, du statut a pour but, d'une part, de fournir à l'intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé du rejet de sa candidature et l'opportunité d'introduire un recours devant le Tribunal et, d'autre part, de permettre à ce dernier d'exercer son contrôle (arrêts du Tribunal du 12 février 1992, Volger/Parlement,
T-52/90, Rec. p. II-121, point 40, et du 18 avril 1996, Kyrpitsis/CES, T-13/95, RecFP p. II- 503, point 74).
37 En l'espèce, il ressort du dossier ainsi que des réponses des parties aux questions posées par le Tribunal par écrit et lors de l'audience que la défenderesse n'a fourni au requérant aucune information sur le transfert du poste litigieux.
38 Dans de telles circonstances, la décision de la Commission de ne pas nommer le requérant au poste litigieux est entachée d'une absence totale de motivation. Un tel vice ne saurait être couvert par des explications données après l'introduction d'un recours juridictionnel, car, à ce stade, elles ne remplissent plus leur fonction (arrêt Kyrpitsis/CES, cité au point 36 ci-dessus, points 68 à 74).
39 A titre surabondant, il y a lieu de constater que les explications fournies par la défenderesse au cours de la procédure ne sauraient en tant que telles justifier le transfert du poste litigieux.
40 Il résulte de tout ce qui précède que la défenderesse a violé son obligation de motivation prescrite par les articles 11, premier alinéa, du RAA et 25, deuxième alinéa, du statut.
41 La décision de la défenderesse de ne pas nommer le requérant au poste d'agent temporaire de grade A 4/A 5 à la DG XXIII ayant fait l'objet du concours 62T/XXIII/93 doit donc être annulée, sans qu'il soit besoin d'examiner la légalité de la décision de la Commission de transférer ce poste à une autre direction générale pour le remplacer par un poste budgétaire de catégorie B.
42 Dans le cadre de son pouvoir de contrôle, le Tribunal estime opportun d'examiner, à titre surérogatoire, eu égard au fait qu'il vient de constater une violation de l'obligation de motivation incombant à la Commission justifiant l'annulation de la décision principalement poursuivie par le requérant, les deux autres moyens invoqués par ce dernier.
Sur le deuxième moyen, tiré d'un détournement de pouvoir
Arguments des parties
43 Selon le requérant, la défenderesse a échangé les postes litigieux afin de nommer un candidat choisi à l'avance n'ayant pas les titres requis pour participer à la procédure de sélection en cause.
44 Ce détournement de pouvoir ressortirait du document daté du 8 septembre 1994 et portant les initiales HvM, qui dévoilerait des tractations pour le moins obscures. Il se déduirait également des propos qui auraient été tenus lors de la réunion ayant eu lieu le 20 juillet 1995 en présence de représentants du syndicat Renouveau et démocratie. Ces paroles, rapportées dans les notes du président de ce syndicat datées du 7 et du 12 septembre 1995, n'auraient jamais été démenties par la défenderesse.
45 La défenderesse souligne que les notes du président du syndicat Renouveau et démocratie n'engagent que celui-ci. En outre, la note portant les initiales HvM, à supposer qu'elle puisse servir de preuve, démontrerait que des contraintes administratives et budgétaires objectives motivaient le transfert du poste.
Appréciation du Tribunal
46 Selon une jurisprudence constante, le détournement de pouvoir n'est réputé exister que s'il est prouvé que, en adoptant l'acte litigieux, l'AIPN a poursuivi un but autre que celui visé par la réglementation en cause ou s'il apparaît, sur la base d'indices objectifs, pertinents et concordants que l'acte en question a été pris pour atteindre des fins autres que celles excipées (arrêts du Tribunal Hochbaum/Commission, cité au point 25 ci-dessus, point 22, du 2 février 1995, Frederiksen/Parlement,
T-106/92, RecFP p. II-99, point 47, du 22 mars 1995, Kotzonis/CES, T-586/93, RecFP p. II-203, point 73, et du 18 mars 1997, Rasmussen/Commission, cité au point 33 ci-dessus, point 70).
47 En l'espèce, comme le soutient à juste titre la défenderesse, le requérant n'a pas rapporté la preuve d'un éventuel détournement de pouvoir. Il n'a pas établi, en particulier, que la défenderesse aurait réservé le poste en question à une personne n'ayant pas pu participer à la procédure de sélection parce qu'elle n'avait pas les titres requis.
48 D'une part, la note du 8 septembre 1994, portant les initiales HvM, est susceptible de multiples interprétations. D'autre part, le requérant n'a pas prouvé que les passages des notes du président du syndicat Renouveau et démocratie des 7 et 12 septembre 1995 relatifs à l'échange de postes litigieux reflétaient fidèlement des propos tenus par la défenderesse.
49 Il résulte de tout ce qui précède que le deuxième moyen doit être rejeté.
Sur le troisième moyen, lire d'une violation du principe de protection de la confiance légitime
Arguments des parties
50 Le requérant soutient que, après la publication de la décision de l'AIPN de pourvoir à l'emploi d'un agent temporaire de grade A 4/A 5 à la DG XXIII, il pouvait légitimement s'attendre que l'AIPN conduise la procédure de sélection à son terme.
51 A l'audience, le requérant a affirmé que le principe de confiance légitime avait été violé du fait qu'aucun candidat retenu à la présélection n'avait été nommé au poste litigieux.
52 En outre, son inscription sur la liste d'aptitude et la note adressée par M. Bombassei à M. von Moltke en date du 4 août 1994 auraient fait naître chez le requérant l'espoir d'être nommé à l'emploi en cause. En ne le nommant pas, la défenderesse aurait porté atteinte à sa confiance légitime.
53 La défenderesse rappelle que, selon une jurisprudence constante, l'administration ne peut se voir reprocher d'avoir violé le principe de confiance légitime si elle n'a pas donné au fonctionnaire concerné des assurances précises ayant fait naître chez lui des espérances fondées (arrêts du Tribunal du 27 mars 1990, Chomel/Commission, T-123/89, Rec. p. II-131, point 26, et du 30 novembre 1994, Dornonville de la Cour/Commission, T-498/93, RecFP p. II-813, point 46). En l'espèce, elle n'aurait pas
donné de telles assurances au requérant.
Appréciation du Tribunal
54 Il convient de relever que le requérant n'a pas pu légitimement s'attendre que l'AIPN mène la procédure de sélection en cause à son terme. En effet, ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, point 33, le statut n'impose pas à l'AIPN, une fois la procédure de recrutement entamée, l'obligation d'y donner suite en pourvoyant à l'emploi mis en vacance (arrêt Hanning/Parlement, cité au point 22 ci-dessus, point 48).
55 Il ressort également de la jurisprudence qu'aucun fonctionnaire ne peut invoquer une violation du principe de protection de la confiance légitime en l'absence d'assurances précises que lui aurait fournies l'administration (arrêts du Tribunal Chomel/Commission, cité au point 53 ci-dessus, point 26, du 11 juillet 1996, Ortega Urretavizcaya/Commission, T-587/93, RecFP p. II-1027, point 57, et du 18 mars 1997, Rasmussen/Commission, cité au point 33 ci-dessus, point 63).
56 Ni l'inscription du requérant sur la liste d'aptitude, ni la lettre de la Commission du 22 août 1994 l'informant de cette inscription, ni la note de M. Bombassei à M. von Moltke du 4 août 1994 ne contiennent d'assurances précises qu'il serait nommé au poste litigieux, d'autant qu'il n'avait aucun droit subjectif à cet égard.
57 Il s'ensuit que le troisième moyen doit être rejeté.
58 Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu d'annuler la décision de ne pas nommer le requérant agent temporaire de grade A 4/A 5 à la DG XXIII à la suite du concours 62T/XXIII/93 pour défaut de motivation.
Sur les dépens
59 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé en l'essentiel de ses conclusions, il y a lieu, au vu des conclusions du requérant, de la condamner à supporter l'ensemble des dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (cinquième chambre)
déclare et arrête:
1) La décision de la Commission de ne pas nommer le requérant agent temporaire de grade A 4/A 5 à la direction générale Politique d'entreprise, commerce, tourisme et économie sociale à la suite du concours 62T/XXIII/93 est annulée.
2) La Commission est condamnée aux dépens.
Azizi
Garcia-Valdecasas
Jaeger
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 février 1998.
Le greffier
H. Jung
Le président
J. Azizi
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( *1 ) Langue de procedure: le français.