Avis juridique important
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61996C0352
Conclusions de l'avocat général Mischo présentées le 28 avril 1998. - République italienne contre Conseil de l'Union européenne. - Recours en annulation - Règlement (CE) nº 1522/96 - Ouverture et mode de gestion de certains contingents tarifaires d'importation de riz et de brisures de riz. - Affaire C-352/96.
Recueil de jurisprudence 1998 page I-06937
Conclusions de l'avocat général
1 Le recours introduit par le gouvernement italien a pour objet l'annulation du règlement (CE) n_ 1522/96 du Conseil, du 24 juillet 1996, portant ouverture et mode de gestion de certains contingents tarifaires d'importation de riz et de brisures de riz (1) (ci-après le «règlement») et, en particulier, les articles 3, 4 et 9 dudit règlement.
2 Celui-ci a été adopté dans le contexte de la mise en oeuvre par la Communauté du résultat des négociations menées au titre de l'article XXIV, paragraphe 6, du GATT, à la suite de l'adhésion de la république d'Autriche, de la république de Finlande et du royaume de Suède à la Communauté européenne.
3 En effet, l'application du tarif douanier commun par les nouveaux adhérents a entraîné l'augmentation, par rapport à la période antérieure à l'adhésion, du taux de certains des droits de douane appliqués par ceux-ci. Il était, dès lors, nécessaire, en vertu de l'article XXIV, paragraphe 6, du GATT, et plus particulièrement du point 5 du mémorandum d'accord sur l'interprétation de l'article XXIV de l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (2) (ci-après l'«accord») de
convenir des compensations avec certains pays tiers, membres du GATT.
4 A cet effet, la Communauté a mené des négociations avec différents pays tiers. Dans ce cadre, des accords ont été conclus avec le Commonwealth d'Australie et le royaume de Thaïlande. Ils ont été approuvés par la décision 95/592/CE du Conseil, du 22 décembre 1995, concernant la conclusion des négociations avec certains pays tiers dans le cadre de l'article XXIV:6 du GATT et d'autres questions connexes (3). En conséquence, le Conseil a adopté le même jour le règlement (CE) n_ 3093/95 fixant les taux
des droits de douane à appliquer par la Communauté par suite des négociations menées au titre de l'article XXIV:6 du GATT après l'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède à l'Union européenne (4).
5 Le Conseil a ensuite adopté, le 24 juillet 1996, le règlement n_ 1522/96, précité, qui fait l'objet du recours. En vertu de l'article 1er, paragraphe 1, sous a), dudit règlement, un contingent tarifaire annuel est ouvert pour l'importation dans la Communauté, à droit zéro, de 63 000 tonnes de riz blanchi ou semi-blanchi.
6 Le paragraphe 3 du même article prévoit l'attribution, au sein de ce contingent, de 1 019 tonnes à l'Australie et de 21 455 tonnes à la Thaïlande. La quantité attribuée à la Thaïlande est expressément prévue à l'accord conclu avec ce pays. En revanche, celui conclu avec le Commonwealth d'Australie ne fait référence à aucune quantité précise.
7 Le gouvernement italien demande à la Cour de déclarer le règlement nul et non avenu, en particulier ses articles 3, 4 et 9.
8 Les articles 3 et 4 définissent les conditions d'obtention des certificats d'importation. En particulier, l'article 3, paragraphe 1, stipule que:
«Lorsque la demande du certificat d'importation porte sur le riz et les brisures de riz originaires de Thaïlande, ainsi que sur le riz originaire d'Australie dans le cadre des quantités visées à l'article 1er, elle doit être accompagnée d'un certificat pour l'exportation établi conformément au modèle figurant respectivement aux annexes I et II et délivré par l'organisme compétent des pays indiqués dans les mêmes annexes.»
9 L'article 9, quant à lui, dispose que:
«1. La Commission contrôle les quantités de marchandises importées au titre du présent règlement afin d'établir notamment:
- dans quelle mesure les flux traditionnels des échanges, en termes de volume et de présentation, vers la Communauté élargie ont été sensiblement modifiés
et
- s'il y a subvention croisée entre les exportations bénéficiant directement du présent règlement et les exportations soumises aux droits qui s'appliquent normalement à l'importation.
2. Si l'un ou l'autre des critères énoncés au paragraphe 1 est rempli, et notamment si les importations de riz en paquets de cinq kilogrammes ou moins sont supérieures au chiffre de 33 428 tonnes, et en tout cas sur une base annuelle, la Commission soumet au Conseil un rapport accompagné, le cas échéant, de propositions appropriées afin d'éviter une désorganisation dans le secteur communautaire du riz.»
Moyens invoqués à l'encontre des articles 3 et 4
10 Le gouvernement italien estime que les articles 3 et 4 doivent être déclarés nuls et non avenus parce qu'ils violent:
- l'article XXIV, paragraphe 6, du GATT;
- l'article 43 du traité CE; - le principe général de proportionnalité.
11 A ce propos, le gouvernement italien fait valoir ce qui suit. Les articles 3 et 4 disposent que les certificats d'importation sont délivrés uniquement aux opérateurs titulaires d'un certificat d'exportation obtenu dans le pays d'origine, ces opérateurs devant joindre ce certificat à la demande d'obtention du titre d'importation.
12 Selon le gouvernement italien, «cette disposition a pour conséquence que la gestion des contingents tarifaires annuels est confiée, de fait, aux autorités de l'État exportateur, lesquelles en effet, du fait qu'elles délivrent le certificat d'exportation aux opérateurs choisis préalablement par elles, auraient la possibilité concrète de réserver aux seuls sujets préalablement choisis l'activité d'importation du produit sur le marché communautaire».
13 Au moins en ce qui concerne l'Australie, cette disposition serait certainement injustifiée, puisque l'accord relatif à la conclusion des négociations dans le cadre de l'article XXIV, paragraphe 6, du GATT, approuvé par la décision 95/592, ne prévoit, contrairement à l'accord conclu avec le royaume de Thaïlande, aucune clause de délivrance automatique de certificats d'importation sur la base des titres d'exportation émis par cet État; pour cette raison, la disposition précitée serait également
contraire à la décision portant approbation de l'accord avec le Commonwealth d'Australie.
14 Le fait d'avoir confié en réalité la gestion du contingent à ce pays engendrerait, en outre, un avantage indu en faveur de ce dernier, contrairement aux finalités de l'article XXIV, paragraphe 6, du GATT, auquel se réfère expressément le règlement attaqué et pour l'application duquel ce dernier a été adopté.
15 En effet, la disposition contestée n'introduirait pas du tout une compensation pour l'exportateur du pays tiers de nature à faire revivre la situation existant avant l'adhésion des trois nouveaux États membres (république d'Autriche, république de Finlande et royaume de Suède) dans la Communauté européenne. Au contraire les exportateurs du pays tiers - lesquels auraient déjà obtenu, du fait des accords précités, de pouvoir exporter le contingent de riz prévu à droit zéro dans une union douanière
de grande envergure, en lieu et place de trois (modestes) marchés isolés, ce qui constituerait déjà une pondération raisonnable des intérêts des deux parties aux négociations - obtiendraient de pouvoir être ceux-là même qui gèrent l'exportation du contingent tarifaire convenu; cette circonstance ne semblerait pas représenter une solution «mutuellement satisfaisante» au sens de l'article XXIV, paragraphe 6, du GATT.
16 Le gouvernement italien ajoute que l'attribution au pays en question de l'avantage indu susmentionné apparaît en outre contraire au principe général de proportionnalité et constitue un indice de ce que le Conseil n'a manifestement pas cherché à prendre une mesure appropriée par rapport aux exigences de la politique agricole commune.
17 En réponse à ces arguments, le Conseil rappelle, tout d'abord, la jurisprudence de la Cour dont il ressortirait qu'un État membre ne peut invoquer les dispositions du GATT pour contester la légalité d'un règlement dans le cadre d'un recours en annulation.
18 Il cite, en ce sens, l'arrêt Allemagne/Conseil (5), où la Cour a rappelé sa jurisprudence constante selon laquelle «le GATT, fondé, aux termes de son préambule, sur le principe de négociations entreprises sur `une base de réciprocité et d'avantages mutuels', est caractérisé par la grande souplesse de ses dispositions...».
19 La Cour en a déduit que:
«ces particularités de l'Accord général, relevées par la Cour pour constater qu'un justiciable de la Communauté ne peut pas s'en prévaloir en justice afin de contester la légalité d'un acte communautaire, s'opposent également à ce que la Cour prenne en considération les dispositions de l'Accord général pour apprécier la légalité d'un règlement dans le cadre d'un recours introduit par un État membre au titre de l'article 173, premier alinéa, du traité».
20 C'est cependant à juste titre que la partie requérante attire l'attention sur le fait que, dans le même arrêt, la Cour a précisé que:
«... ce n'est que dans l'hypothèse où la Communauté a entendu donner exécution à une obligation particulière assumée dans le cadre du GATT ou dans celle où l'acte communautaire renvoie expressément à des dispositions précises de l'Accord général, qu'il appartient à la Cour de contrôler la légalité de l'acte communautaire en cause au regard des règles du GATT...».
21 Le Conseil objecte, toutefois, que nous ne sommes pas ici dans cette hypothèse. En effet, selon lui, l'acte attaqué ne contient, au sens strict, aucun renvoi aux règles du GATT, le règlement ayant été adopté non pas en application de ces dernières, mais d'un accord conclu par la Communauté conformément à celles-ci.
22 A mon avis il n'en demeure pas moins que la Communauté a entendu mettre en oeuvre «une obligation particulière assumée dans le cadre du GATT», à savoir les engagements résultant pour elle des accords conclus avec d'autres parties au GATT à la suite des négociations menées sur la base de l'article XXIV, paragraphe 6, du GATT.
23 J'estime, dès lors, que, dans le cas présent, rien ne s'oppose en principe à ce que la Cour contrôle la légalité du règlement attaqué au regard du GATT. Force est, toutefois, de constater que la partie requérante allègue uniquement une violation de l'article XXIV, paragraphe 6, du GATT, et en particulier du mémorandum d'accord précité. Or, c'est avec raison que le Conseil souligne que ces dispositions imposent pour seule obligation aux parties contractantes de parvenir à des compensations
mutuellement acceptables. Il ne s'agit pas là d'un critère objectif, mais d'une référence à la volonté des parties, ainsi que l'implique l'utilisation du terme «mutuellement». Les conditions posées par l'article XXIV, paragraphe 6, sont donc remplies dès lors que, comme en l'espèce, les parties aux négociations sont parvenues à un accord.
24 La partie requérante affirme dans sa réplique que, si l'on adoptait la thèse du Conseil, il s'ensuivrait une impossibilité absolue d'apprécier les accords conclus sur la base du GATT. Tel n'est pas le cas. En effet, rien n'empêche une autre partie contractante de considérer qu'un accord conclu à l'issue de négociations menées sur la base de l'article XXIV, paragraphe 6, est contraire à une autre disposition du GATT et d'entamer alors une procédure de règlement des différends.
25 De même, et sous réserve des conditions posées par la jurisprudence de la Cour, un demandeur pourrait invoquer devant celle-ci la violation, dans le contexte d'un tel accord, d'autres dispositions du GATT. La partie requérante n'alléguant pas de violation d'une autre règle du GATT que l'article XXIV, paragraphe 6, il y a lieu de rejeter cet argument.
26 Le gouvernement italien expose, enfin, que le règlement va au-delà des accords conclus à la suite des négociations menées dans le cadre du GATT. En effet, le gouvernement italien critique le fait que les autorités des États exportateurs puissent délivrer les certificats d'exportation aux opérateurs choisis préalablement par elles. Il précise qu'au moins en ce qui concerne l'Australie cette disposition est certainement injustifiée puisqu'elle n'est pas prévue par l'accord signé avec ce pays.
27 Il importe, cependant, de relever que l'accord avec le Commonwealth d'Australie prévoit que «le système de gestion de ce contingent tarifaire inclut l'attribution aux fournisseurs traditionnels».
28 Or, les autorités du pays d'exportation sont les mieux placées pour déterminer quels étaient, en Australie, les fournisseurs traditionnels de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède, et pour veiller à ce que ceux-ci reçoivent les certificats d'exportation nécessaires au maintien du courant d'échange traditionnel. Ce maintien ne saurait être considéré comme la création d'un avantage indu.
29 Par ailleurs, même si l'accord avec le Commonwealth d'Australie n'imposait pas au Conseil de prévoir la mise en place du système des certificats d'exportation, il ne l'interdisait pas non plus, puisque la seule condition y prévue était que le système de gestion du contingent «inclut l'attribution aux fournisseurs traditionnels fondée sur leurs exportations vers l'Autriche, la Suède et la Finlande». Nous ne sommes donc pas en présence d'une violation de cet accord, ni de la décision portant
approbation de celui-ci.
30 La partie requérante affirme également que le Conseil n'a pas pris «une mesure appropriée par rapport aux exigences de la politique agricole commune» et a donc violé l'article 43 du traité. Elle n'apporte, cependant, aucune précision à l'appui de ce moyen, alors que c'est à elle qu'incombe la charge de la preuve. En tout état de cause, on ne voit pas a priori en quoi serait inapproprié, par rapport à l'article 43, un système recourant à des certificats d'exportation pour assurer le maintien des
flux traditionnels, objectif dont la légitimité n'est d'ailleurs pas contestée.
31 En troisième lieu, j'estime que, en étendant à l'Australie le régime accordé à la Thaïlande, le Conseil n'a pas violé le principe de proportionnalité. En effet, compte tenu du large pouvoir discrétionnaire que la jurisprudence de la Cour accorde au Conseil en matière de politique agricole commune, on ne saurait considérer comme disproportionné le fait pour le Conseil d'avoir accordé à l'Australie, dont le contingent ne représentait en tout état de cause que 5 % du contingent thaïlandais, le même
régime de gestion que celui qu'imposait l'accord conclu avec le royaume de Thaïlande.
32 On ne saurait, objectivement, estimer que l'avantage accordé avait une importance telle que les articles 3 et 4 du règlement seraient hors de proportion avec l'objectif poursuivi, à savoir régler la gestion des contingents accordés à la suite des accords avec les pays tiers en question.
33 Pour toutes ces raisons, je conclus, dès lors, que la partie requérante n'a pas établi que les articles 3 et 4 du règlement n_ 1522/96 violeraient le droit communautaire.
Moyens invoqués à l'encontre de l'article 9
34 Selon le gouvernement italien, l'article 9 implique une violation:
- des formes substantielles, notamment par défaut de motivation;
- de l'article XXIV, paragraphe 6, du GATT;
- de l'article 43 du traité;
- du principe général de proportionnalité.
Enfin, il comporterait également un détournement de pouvoir.
35 Le gouvernement requérant expose, en premier lieu, que le Conseil a violé les formes substantielles en ne motivant pas suffisamment le contenu de l'article 9, précité, du règlement. Il estime, en effet, que:
«le Conseil aurait dû déterminer la quantité de riz en paquets de cinq kilogrammes ou moins, importée dans les nouveaux États membres avant leur adhésion et, à partir de là, fixer la quantité maximum (non supérieure à la quantité susdite), au-delà de laquelle la Commission serait tenue d'intervenir pour éviter des perturbations.
En tout cas, le Conseil aurait dû justifier du caractère approprié du seuil de 33 428 tonnes par rapport à l'exigence du maintien des flux traditionnels des échanges pour la Communauté élargie, expressément rappelée dans l'antépénultième considérant du règlement».
36 Cet argument repose sur l'hypothèse, faite par la requérante, selon laquelle la quantité de 33 428 tonnes fixée par le Conseil est très supérieure aux flux traditionnels que le règlement vise à sauvegarder.
37 Or, il résulte des pièces versées au dossier par le Conseil à la demande de la Cour que le chiffre en cause correspond à la somme des importations moyennes effectuées dans les trois nouveaux États membres, à savoir 30 389 tonnes, augmentée de 10 %.
38 Encore faut-il noter que, pour deux des trois États membres, les chiffres fournis concernent uniquement les paquets inférieurs à 5 kilogrammes, et non pas les paquets de 5 kilogrammes ou moins. La somme des importations a donc probablement été encore plus élevée. Quoi qu'il en soit, en considérant qu'il y avait, en tout cas, modification du flux traditionnel à partir du moment où la moyenne des importations antérieures était dépassée de 10 %, le Conseil a instauré un «seuil d'alerte» raisonnable.
39 Il n'était pas tenu d'expliquer, dans les considérants, le mode de calcul du chiffre de 33 428 tonnes, retenu à l'article 9. Dans ce cas, il aurait, en effet, également dû expliquer la ventilation du contingent de 63 000 tonnes entre les États-Unis d'Amérique, la Thaïlande, l'Australie et les autres régions, et il aurait dû en faire de même en ce qui concerne la ventilation des autres contingents prévus par le même règlement, à savoir 20 000 tonnes en ce qui concerne le riz décortiqué et 80 000
tonnes en ce qui concerne les brisures de riz. Cela serait allé au-delà des obligations de motivation exigées par la Cour (6).
40 Le Conseil a donc bien, dans l'article 9 du règlement, pris une disposition conforme à la motivation figurant dans les huitième et neuvième considérants dudit règlement.
41 Ceux-ci évoquent, en effet, l'attente du Conseil selon laquelle les courants d'échanges traditionnels seront sauvegardés et la nécessité d'éviter la possibilité de subventions croisées entre les importations bénéficiant du droit réduit et les autres.
42 La décision prise, imposant à la Commission d'agir en cas de dépassement de 10 % des courants d'échanges existants, est bien le résultat logique de cette motivation.
43 Le gouvernement requérant allègue également une violation de l'article XXIV, paragraphe 6, du GATT, de l'article 43 du traité et du principe de proportionnalité. En effet, partant de l'hypothèse que le seuil de 33 428 tonnes ne correspond pas aux importations traditionnelles, le gouvernement italien en déduit que «la fixation d'une telle quantité se traduit donc par un avantage indu, en termes de concurrence, en faveur des exportateurs habituels de certains pays tiers vers la Communauté et
apparaît à cet égard manifestement anormale et injustifiée par rapport à la solution `mutuellement satisfaisante' à laquelle tendaient les accords conclus avec les pays tiers en application de l'article XXIV, paragraphe 6, du GATT, et est, en outre, manifestement contraire au principe général de proportionnalité. Également sous cet angle, le règlement litigieux est le fruit d'un défaut de considération du caractère adéquat de la mesure par rapport aux exigences de la politique agricole commune».
44 Étant donné que cette argumentation de la partie requérante est fondée sur une prémisse dont le caractère erroné a été prouvé par les pièces versées au dossier par le Conseil, elle ne saurait être retenue déjà de ce simple fait.
45 Ajoutons cependant quelques précisions en ce qui concerne le principe de proportionnalité.
46 Comme le souligne à bon droit le Conseil, pour établir qu'une norme communautaire est conforme au principe de proportionnalité, il faut vérifier si les moyens qu'elle envisage sont propres à atteindre l'objectif poursuivi et n'excèdent pas ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.
47 Or, l'objectif du règlement est, selon lui, la mise en oeuvre des accords conclus avec les pays tiers et le Conseil estime que ses dispositions sont propres à atteindre cet objectif quel que soit le contenu de l'article 9. En effet, celui-ci prévoit un mécanisme de garantie pour les opérateurs communautaires ayant pour objet d'éviter une éventuelle désorganisation du secteur communautaire du riz. Le Conseil, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, a jugé bon d'inclure cette garantie dans
le règlement, mais, sans celle-ci, ce dernier demeurait propre à remplir son objectif, à savoir la mise en oeuvre des accords avec les pays tiers.
48 Je partage cette analyse. Il ressort, en effet, de façon évidente de la lecture des visas et des considérants du règlement que son objectif est de mettre en oeuvre les accords conclus dans le cadre des négociations menées au titre de l'article XXIV, paragraphe 6, du GATT, en ouvrant les contingents nécessaires et en réglant leur mode de gestion.
49 On pourrait cependant soutenir que, dès lors que le Conseil a choisi de mettre en place une garantie telle que celle prévue à l'article 9, celle-ci devrait être conforme au principe de proportionnalité et donc ne pas être conditionnée par un seuil fixé de façon disproportionnée par rapport à l'objectif poursuivi.
50 Même si l'on devait accepter cette thèse, l'argumentation de la partie requérante serait encore mal fondée en fait, puisque le seuil en question correspond effectivement à la somme des importations existantes majorée de 10 %. Il n'a donc pas été fixé à un niveau hors de proportion avec les courants d'échanges traditionnels.
51 En outre, l'article 9 ne limite pas les possibilités d'intervention de la Communauté à l'hypothèse où ce seuil serait atteint. En effet, le paragraphe 2 précise bien que l'obligation de contrôle de la Commission joue dès lors que survient l'une des circonstances décrites au paragraphe 1, à savoir la modification substantielle des flux traditionnels et l'existence de subventions croisées entre les importations à droit nul et les autres, et notamment dans le cas où le seuil de 33 428 tonnes est
atteint. L'article 9 permet donc à la Commission d'exercer son contrôle même lorsque les quantités importées restent inférieures à ce seuil.
52 Il s'ensuit également que l'argument selon lequel le Conseil n'aurait pas tenu compte des quantités importées dans les nouveaux États membres sous le régime du perfectionnement actif n'est pas non plus de nature à permettre d'établir une violation du principe de proportionnalité.
53 Finalement, quant au moyen du détournement de pouvoir, la partie requérante expose que la fixation par le Conseil d'un seuil ne correspondant pas à l'objectif du maintien des courants d'échanges traditionnels poursuivrait un but autre que celui indiqué dans les considérants du règlement.
54 Le Conseil souligne, à juste titre, que la partie requérante n'offre aucune précision quant aux autres fins que le Conseil aurait poursuivies en l'espèce, alors que la charge de la preuve incombe à la partie requérante.
55 N'ayant été convaincu par aucun des moyens invoqués par la partie requérante, je vous propose de rejeter le recours et de condamner la partie requérante aux dépens.
(1) - JO L 190, p. 1.
(2) - JO 1994, L 336, p. 16.
(3) - JO L 334, p. 38.
(4) - JO L 334, p. 1.
(5) - Arrêt du 5 octobre 1994 (C-280/93, Rec. p. I-4973).
(6) - Voir, par exemple, arrêts du 29 février 1996, Commission/Conseil (C-122/94, Rec. p. I-881, point 29); du 9 novembre 1995, Atlanta Fruchthandelsgesellschaft e.a. (C-466/93, Rec. p. I-3799, point 16), et du 22 janvier 1986, Eridania e.a. (C-250/84, Rec. p. 117, points 37 et 38).