Avis juridique important
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61997J0425
Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 11 mai 1999. - Procédures pénales contre Adrianus Albers (C-425/97), Martinus van den Berkmortel (C-426/97) et Leon Nuchelmans (C-427/97). - Demande de décision préjudicielle: Gerechtshof 's-Hertogenbosch - Pays-Bas. - Directive 83/189/CEE - Règles techniques - Obligation de notification - Interdiction des stimulateurs de la croissance. - Affaires jointes C-425/97 à C-427/97.
Recueil de jurisprudence 1999 page I-02947
Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
Mots clés
Rapprochement des législations - Procédure d'information dans le domaine des normes et réglementations techniques - Règles techniques au sens de la directive 83/189 - Notion - Réglementation nationale interdisant des stimulateurs de la croissance des bovins - Inclusion - Obligation des États membres de communiquer à la Commission tout projet de règle technique - Exemption - Exécution d'obligations découlant des directives et règlements communautaires
(Directives 83/189 du Conseil, art. 1er, points 1 et 5, 8 et 10, et 86/469)
Sommaire
Une réglementation nationale interdisant d'administrer des substances à effet sympathico-mimétique à des bovins d'engraissement de plus de quatorze semaines et de détenir ou d'avoir en stock, d'acheter ou de vendre lesdits bovins auxquels de telles substances ont été administrées constitue une spécification technique au sens de l'article 1er, point 1, de la directive 83/189 prévoyant une procédure d'information dans le domaine des normes et réglementations techniques. En effet, une telle
réglementation définit les méthodes et procédés de production de produits agricoles destinés à l'alimentation humaine. Elle constitue, dès lors, une règle technique au sens de l'article 1er, point 5, de ladite directive, dont l'État membre qui l'a adoptée est, en vertu de l'article 10 de la même directive, exempté de l'obligation de notification à la Commission prévue à l'article 8 de ladite directive, étant donné que, en adoptant une telle réglementation, l'État membre s'est acquitté des
obligations découlant de la directive 86/469 concernant la recherche de résidus dans les animaux et dans les viandes fraîches.
Parties
Dans les affaires jointes C-425/97 à C-427/97,
ayant pour objet des demandes adressées à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), par le Gerechtshof te 's-Hertogenbosch (Pays-Bas) et tendant à obtenir, dans les procédures pénales poursuivies devant cette juridiction contre
Adrianus Albers (C-425/97),
Martinus van den Berkmortel (C-426/97)
et
Leon Nuchelmans (C-427/97),
une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de la directive 83/189/CEE du Conseil, du 28 mars 1983, prévoyant une procédure d'information dans le domaine des normes et réglementations techniques (JO L 109, p. 8), telle que modifiée par la directive 88/182/CEE du Conseil, du 22 mars 1988 (JO L 81, p. 75),
LA COUR
(cinquième chambre),
composée de MM. J.-P. Puissochet, président de chambre, J. C. Moitinho de Almeida, C. Gulmann (rapporteur), L. Sevón et M. Wathelet, juges,
avocat général: M. P. Léger,
greffier: M. H. von Holstein, greffier adjoint,
considérant les observations écrites présentées:
- pour le gouvernement néerlandais, par M. J. G. Lammers, conseiller juridique remplaçant au ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent,
- pour le gouvernement irlandais, par M. M. A. Buckley, Chief State Solicitor, en qualité d'agent,
- pour la Commission des Communautés européennes, par MM. H. van Lier, conseiller juridique, et M. Shotter, membre du service juridique, en qualité d'agents,
vu le rapport d'audience,
ayant entendu les observations orales de MM. Albers, Van den Berkmortel et Nuchelmans, représentés par Me L. J. L. Heukels, avocat au barreau de Haarlem, du gouvernement néerlandais, représenté par M. M. A. Fierstra, conseiller juridique adjoint au ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent, du gouvernement irlandais, représenté par M. P. Charleton, SC, et de la Commission, représentée par MM. H. van Lier et M. Shotter, à l'audience du 25 novembre 1998,
ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 17 décembre 1998,
rend le présent
Arrêt
Motifs de l'arrêt
1 Par trois ordonnances du 11 novembre 1997, parvenues à la Cour le 16 décembre suivant, le Gerechtshof te 's-Hertogenbosch a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), une question préjudicielle sur l'interprétation de la directive 83/189/CEE du Conseil, du 28 mars 1983, prévoyant une procédure d'information dans le domaine des normes et réglementations techniques (JO L 109, p. 8), telle que modifiée par la directive 88/182/CEE du Conseil, du 22 mars 1988 (JO L 81, p. 75,
ci-après la «directive 83/189»).
2 Cette question a été posée dans le cadre de procédures pénales poursuivies contre MM. Albers, Van den Berkmortel et Nuchelmans pour avoir détenu des bovins d'engraissement auxquels ont été administrées des substances à effet sympathico-mimétique contenant du clenbuterol.
3 La Verordening Stoffen met sympathico mimetische werking (PVV) 1991 (règlement concernant les substances à effet sympathico-mimétique, ci-après le «règlement»), arrêtée par la direction du Produktschap voor Vee en Vlees (organisme de droit public concernant le bétail et la viande) et approuvée par le ministre de l'Agriculture, comporte, en son article 1er, une définition des substances à effet sympathico-mimétique. Il est constant que le clenbuterol fait partie de ces substances.
4 L'article 2 du règlement dispose qu'«Il est interdit d'administrer des médicaments vétérinaires à effet sympathico-mimétique contenant du clenbuterol à des bovins d'engraissement de plus de quatorze semaines ou d'autoriser l'administration de ces médicaments vétérinaires auxdits bovins d'engraissement».
5 L'article 3, paragraphe 1, du règlement prévoit qu'«Il est interdit de détenir ou d'avoir en stock, d'acheter ou de vendre des bovins d'engraissement auxquels il a été administré, en contradiction avec l'article 2, les substances à effet sympathico-mimétique qui y sont visées».
6 Selon l'article 1er, point 5, de la directive 83/189, constituent une «règle technique» au sens de cette directive «les spécifications techniques, y compris les dispositions administratives qui s'y appliquent, dont l'observation est obligatoire, de jure ou de facto, pour la commercialisation ou l'utilisation dans un État membre ou dans une partie importante de cet État, à l'exception de celles fixées par les autorités locales». Conformément au point 1 du même article, on entend par «spécification
technique» au sens de la directive 83/189 «la spécification qui figure dans un document définissant les caractéristiques requises d'un produit ... ainsi que les méthodes et procédés de production pour les produits agricoles au titre de l'article 38 paragraphe 1 du traité, pour les produits destinés à l'alimentation humaine et animale...».
7 Les articles 8 et 9 de la directive 83/189 imposent aux États membres, d'une part, de communiquer à la Commission les projets de règles techniques relevant de son champ d'application et, d'autre part, dans certains cas, de reporter de plusieurs mois l'adoption de ces projets afin de donner à la Commission la possibilité de vérifier si lesdits projets sont compatibles avec le droit communautaire ou de proposer ou arrêter une directive sur la question.
8 L'article 10 de la directive 83/189 prévoit que «Les articles 8 et 9 ne sont pas applicables lorsque les États membres s'acquittent de leurs obligations découlant des directives et des règlements communautaires».
9 Dans l'arrêt du 30 avril 1996, CIA Security International (C-194/94, Rec. p. I-2201, point 54, ci-après l'«arrêt CIA Security»), la Cour a interprété la directive 83/189 en ce sens que la méconnaissance de l'obligation de notification, imposée par ses articles 8 et 9, entraîne l'inapplicabilité des règles techniques concernées, de sorte qu'elles ne peuvent pas être opposées aux particuliers. Elle a, par conséquent, dit pour droit que ces derniers peuvent se prévaloir des articles 8 et 9 de la
directive 83/189 devant le juge national, auquel il incombe de refuser d'appliquer une règle technique nationale qui n'a pas été notifiée conformément à ladite directive.
10 La présence de clenbuterol a été constatée dans des échantillons d'urine prélevés sur des bovins se trouvant dans les exploitations des trois prévenus au principal, éleveurs de bétail aux Pays-Bas. Le ministère public a alors poursuivi pénalement ces derniers pour violation du règlement.
11 En première instance, MM. Albers et Van den Berkmortel ont été condamnés par l'economische politierechter in de Arrondissementsrechtbank te 's-Hertogenbosch, par jugements du 14 décembre 1995, et M. Nuchelmans par l'economische kamer in de Arrondissementsrechtbank te Maastricht, par jugement du 6 juin 1996, pour avoir détenu des bovins d'engraissement auxquels avaient été administrées des substances à effet sympathico-mimétique contenant du clenbuterol. Les prévenus ont interjeté appel de ces
jugements devant le Gerechtshof te 's-Hertogenbosch.
12 Il ressort des ordonnances de renvoi que, en appel, les prévenus, se référant à l'arrêt CIA Security, ont soutenu que le règlement, qui, selon eux, contient des règles techniques et qui n'a pas été notifié à la Commission, «ne peut pas être pris en considération».
13 Dans ces conditions, la juridiction nationale a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour, dans chacune des affaires au principal, la question préjudicielle suivante:
«La Verordening Stoffen met sympathico mimetische werking (PVV) de 1991, et en particulier l'article 3, paragraphe 1, de cette Verordening, contient-elle des règles techniques qui, en vertu de l'article 8 de la directive 83/189/CEE, dans la version applicable au moment de l'entrée en vigueur de ladite Verordening, auraient dû préalablement être communiquées à la Commission?»
14 Par ordonnance du président de la Cour du 26 janvier 1998, les trois affaires ont été jointes aux fins de la procédure écrite, de la procédure orale et de l'arrêt.
15 Par sa question, la juridiction nationale demande en substance si une règle telle que celle figurant à l'article 3, paragraphe 1, du règlement, lu en combinaison avec l'article 2 du même règlement, constitue une règle technique au sens de la directive 83/189 et, le cas échéant, si l'État membre qui a adopté une telle règle est, en vertu de l'article 10 de la même directive, exempté de l'obligation de notification à la Commission prévue à l'article 8 de ladite directive.
16 S'agissant de la première partie de la question, il convient de constater que, ainsi que l'ont relevé le gouvernement néerlandais et la Commission, des règles qui visent, comme celles en cause en l'espèce, à prévenir l'administration de substances à effet sympathico-mimétique à des bovins d'engraissement de plus de quatorze semaines constituent des spécifications techniques au sens de l'article 1er, point 1, de la directive 83/189.
17 En effet, de telles règles définissent les méthodes et procédés de production de produits agricoles au sens de l'article 38, paragraphe 1, du traité CE (devenu, après modification, article 32, paragraphe 1, CE) destinés à l'alimentation humaine.
18 Dans la mesure où, en outre, elles émanent des autorités administratives nationales, s'appliquent à l'ensemble du territoire néerlandais et sont obligatoires pour ses destinataires, il s'agit bien de règles techniques au sens de l'article 1er, point 5, de la directive 83/189.
19 S'agissant de la seconde partie de la question préjudicielle, les gouvernements néerlandais et irlandais, ainsi que la Commission, font valoir que, en vertu de l'article 10 de la directive 83/189, les autorités néerlandaises n'avaient pas l'obligation de notifier à la Commission la règle technique en cause au principal, dans la mesure où, en l'adoptant, elles n'ont fait que s'acquitter de leurs obligations découlant des directives communautaires.
20 A cet égard et ainsi que la Commission l'a notamment relevé, il y a lieu de se référer plus particulièrement à la directive 86/469/CEE du Conseil, du 16 septembre 1986, concernant la recherche de résidus dans les animaux et dans les viandes fraîches (JO L 275, p. 36), qui s'applique aux bovins.
21 Selon son neuvième considérant, la directive 86/469, ainsi que la Commission l'a rappelé, vise, notamment, à instaurer des mesures de contrôle communes pour déterminer et éliminer les causes de résidus dans les animaux et les viandes fraîches et garantir que les viandes présentant des résidus au-delà des tolérances admises sont exclues de la consommation. Ainsi, son article 9, paragraphe 3, sous b), fait obligation aux autorités compétentes de veiller à ce que, si l'examen d'un échantillon
officiel «révèle la présence de substances prohibées, les animaux ne puissent être mis sur le marché pour la consommation humaine ou animale».
22 La directive 86/469 énumère, en son annexe I, les groupes de résidus entrant dans son champ d'application. Le clenbuterol relève du point B, intitulé «Groupes spécifiques», groupe I «Autres médicaments», sous-groupe c) «Autres médicaments vétérinaires».
23 Il en résulte que, en édictant l'interdiction d'administrer du clenbuterol à des bovins d'engraissement de plus de quatorze semaines et de détenir, d'avoir en stock, d'acheter ou de vendre des bovins d'engraissement de plus de quatorze semaines auxquels cette substance a été administrée, le gouvernement néerlandais s'est acquitté des obligations découlant de la directive 86/469.
24 Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la question posée qu'une règle telle que celle en cause constitue une règle technique au sens de la directive 83/189 dont l'État membre qui l'a adoptée est, en vertu de l'article 10 de la même directive, exempté de l'obligation de notification à la Commission prévue à l'article 8 de ladite directive.
Décisions sur les dépenses
Sur les dépens
25 Les frais exposés par les gouvernements néerlandais et irlandais, ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Dispositif
Par ces motifs,
LA COUR
(cinquième chambre),
statuant sur la question à elle soumise par le Gerechtshof te 's-Hertogenbosch, par ordonnances du 11 novembre 1997, dit pour droit:
Une règle telle que celle figurant à l'article 3, paragraphe 1, de la Verordening Stoffen met sympathico mimetische werking (PVV) 1991, lu en combinaison avec l'article 2 de la même Verordening, constitue une règle technique au sens de la directive 83/189/CEE du Conseil, du 28 mars 1983, prévoyant une procédure d'information dans le domaine des normes et réglementations techniques, telle que modifiée par la directive 88/182/CEE du Conseil, du 22 mars 1988, dont l'État membre qui l'a adoptée est, en
vertu de l'article 10 de la même directive, exempté de l'obligation de notification à la Commission prévue à l'article 8 de ladite directive.