Avis juridique important
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61997A0300
Arrêt du Tribunal de première instance (deuxième chambre) du 15 décembre 1999. - Benito Latino contre Commission des Communautés européennes. - Fonctionnaires - Maladie professionnelle - Exposition à l'amiante - Taux d'invalidité permanente partielle - Irrégularité de l'avis de la commission médicale - Défaut de motivation. - Affaire T-300/97.
Recueil de jurisprudence - fonction publique 1999 page IA-00259
page II-01263
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
Parties
Dans l'affaire T-300/97,
Benito Latino, ancien fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Bruxelles, représenté initialement par Me Olivier Eben, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Jean Tonner, 29, rue du Fossé, Esch-sur-Alzette, puis par Mes Georges Vandersanden et Laure Levi, avocats au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de la Société de gestion fiduciaire, 2-4, rue Beck,
partie requérante,
contre
Commission des Communautés européennes, représentée par M. Julian Currall, conseiller juridique, en qualité d'agent, assisté de Me Jean-Luc Fagnart, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,
partie défenderesse,
ayant pour objet, d'une part, une demande en annulation de la décision de la Commission du 11 février 1997 portant reconnaissance de la maladie professionnelle du requérant et fixation à 5 % du taux d'invalidité permanente partielle de celui-ci et, d'autre part, une demande en réparation du préjudice moral prétendument subi par le requérant,
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
(deuxième chambre),
composé de MM. A. Potocki, président, C. W. Bellamy et A. W. H. Meij, juges,
greffier: M. H. Jung,
vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 24 juin 1999,
rend le présent
Arrêt
Motifs de l'arrêt
Cadre juridique, faits et procédure
1 L'article 73, paragraphe 1, premier alinéa, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après «statut») prévoit que le fonctionnaire est couvert, dès le jour de son entrée en service, contre les risques de maladie professionnelle et les risques d'accident. Aux termes de l'article 73, paragraphe 2, sous b) et sous c), du statut, la prestation garantie est constituée, en cas d'invalidité permanente totale, par un capital égal à huit fois le traitement de base annuel de l'intéressé
calculé sur la base des traitements mensuels alloués pour les douze mois précédant l'accident et, en cas d'invalidité permanente partielle (ci-après «IPP»), par une partie de ce capital, calculée sur la base du barème fixé par la réglementation prévue à l'article 73, paragraphe 1, du statut. La réglementation relative à la couverture des risques d'accident et de maladie professionnelle des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après «réglementation») fixe, en exécution de l'article 73 du
statut, les conditions dans lesquelles le fonctionnaire est couvert contre lesdits risques.
2 Le requérant, né en 1935, est entré au service de la Commission en 1969. De cette date à 1991, il a travaillé en qualité d'archiviste dans le bâtiment Berlaymont, à Bruxelles.
3 Par décision de la Commission du 7 juin 1994 constatant qu'il était atteint d'une invalidité permanente totale le mettant dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, le requérant a été mis d'office à la retraite, en application de l'article 53 du statut. Au titre de cette invalidité, il bénéficie, depuis le 1er juillet 1994, d'une pension d'invalidité en vertu de l'article 78 du statut.
4 Le 28 octobre 1994, le requérant a introduit une demande tendant à la reconnaissance de l'origine professionnelle de sa «maladie respiratoire» consécutive à une exposition à l'amiante durant son travail auprès de la Commission, à la reconnaissance d'une invalidité permanente totale et à la «fixation des indemnités pour les autres dommages», en application de l'article 73 du statut.
5 En application de l'article 17, paragraphe 2, de la réglementation, la Commission a procédé à une enquête en vue de recueillir tous les éléments permettant d'établir la nature de l'affection, son origine professionnelle ainsi que les circonstances dans lesquelles elle s'est produite.
6 Dans son rapport du 15 septembre 1995, le Dr Dalem, médecin désigné par l'institution dans le cadre de cette enquête, a suggéré que les problèmes respiratoires du requérant ainsi que les plaques pleurales (zones circonscrites de fibrose au niveau de la plèvre), signalées dans un rapport antérieur du Pr Boutin, médecin précédemment consulté par le requérant, à la suite d'une exploration complète comprenant des biopsies pulmonaires et pleurales, soient examinés par le Pr Bartsch. Le Dr Dalem a
également conclu que les affections cutanées du requérant ainsi que ses lésions arthrosiques étaient sans rapport avec une maladie professionnelle.
7 Le 16 janvier 1996, le Pr Bartsch, après avoir examiné le requérant, a déposé son rapport d'expertise. Il y faisait, notamment, référence à une analyse minéralogique du 7 mars 1995, mettant en évidence, au niveau de la plèvre et des poumons, une concentration d'amiante de 2 100 000 fibres par gramme de tissu sec, et à une expertise du Pr Boutin, non datée mais postérieure à l'analyse minéralogique en date du 7 mars 1995 effectuée par le Laboratoire d'étude des particules inhalées à Paris, qui
évoquait la présence de plaques pleurales fibro-hyalines d'origine asbestosique et une concentration d'amiante pulmonaire d'origine professionnelle. Le Pr Bartsch a constaté l'existence de plaques pleurales dont l'origine pouvait être attribuée à une exposition à l'amiante et à l'absence de fibrose pulmonaire interstitielle. Selon ce rapport, «la présence de ces plaques pleurales et l'amorce d'un possible syndrome restrictif entraînant une légère diminution de tolérance à l'effort physique dont la
plus grande partie est liée à l'excès de poids pourraient justifier une incapacité physique permanente de l'ordre de 5 %. Quant aux autres troubles dont l'origine professionnelle est évoquée, ils s'expliquent très facilement par des causes non professionnelles». Sous ce dernier aspect, le rapport se référait plus spécialement aux problèmes arthrosiques, à un asthme saisonnier et aux affections cutanées du requérant.
8 Le 9 février 1996, la Commission a, sur la base de ce rapport, et conformément à l'article 21 de la réglementation, notifié au requérant un projet de décision. Dans ce projet, la Commission reconnaissait l'origine professionnelle des troubles du requérant et proposait de verser au requérant un capital de 639 114 BFR, correspondant au taux d'invalidité permanente partielle de 5 % auquel avait conclu le Pr Bartsch.
9 Dans un rapport du 22 février 1996, le Dr Dalem, se fondant sur des radiographies révélant de nombreux épaississements pleuraux encore hyalins, estimait que la date de consolidation de la maladie professionnelle pouvait raisonnablement être fixée au 1er mai 1991.
10 Par lettre du 12 mars 1996, le requérant a contesté le taux de 5 % retenu dans le projet de décision et a demandé la saisine de la commission médicale prévue, dans l'hypothèse d'un désaccord, par l'article 21 de la réglementation. Il a, notamment, fait état, dans sa lettre, d'une asbestose, de graves problèmes respiratoires, d'asthme, de crampes et de douleurs permanentes, principalement dorsales, provoquant une diminution constante de ses capacités physiques, en particulier, de la tolérance à
l'effort, d'affections cutanées, d'allergies, de troubles du sommeil, d'anxiété et d'angoisse constante de développer un cancer mortel.
11 Conformément à l'article 23 de la réglementation, afin de constituer la commission médicale, le requérant et la Commission ont désigné, respectivement, le Dr Joppart et le Pr Bartsch, lesquels ont choisi, d'un commun accord, le 2 octobre 1996, le Pr Hirsch. Par le mandat de saisine de la Commission en date du 21 mai 1996, la commission médicale était appelée à émettre un avis sur le cas du requérant. Ce mandat type était accompagné d'un dossier médical composé, notamment, des rapports du Dr
Marchandise du 29 avril 1994, du Dr Pizzuto du 26 juin 1994, du Dr Joppart du 4 juillet 1995, du Dr Bartsch du 16 janvier 1996 et du Dr Dalem des 15 septembre 1995 et 22 février 1996, et d'un dossier administratif. Il comportait également en annexe les «documents soumis par M. Latino», parmi lesquels figuraient, d'après la liste de ces documents versée au dossier, un autre rapport médical du Dr Joppart et un rapport d'expertise du Pr Boutin.
12 Pendant ce temps, le 7 mai 1996, le requérant a introduit une autre demande tendant à la reconnaissance de l'origine professionnelle de lésions arthrosiques provoquées, selon lui, par le fait qu'il avait été chargé pendant de nombreuses années du classement de lourdes pièces d'archives. Par lettre du 14 juin 1996, la Commission l'a informé que le dossier concernant ses problèmes d'arthrose avait été, à l'époque, soumis pour avis au Dr Dalem. Les conclusions de ce médecin traitant de ce problème,
incluses dans son rapport du 15 septembre 1995, avaient été reprises dans le projet de décision du 9 février 1996, et la commission médicale, chargée actuellement d'effectuer une expertise sur l'origine professionnelle des maladies du requérant, examinait également ses lésions arthrosiques.
13 Dans la lettre adressée à la Commission le 4 octobre 1996 par le Pr Hirsch, il était précisé que la présence de M. Latino n'était pas requise pour la réunion de la commission médicale et qu'aucun examen complémentaire n'était nécessaire.
14 La commission médicale s'est réunie à Paris le 11 octobre 1996. Il est constant que le requérant n'était pas présent.
15 Dans un document non daté, intitulé «résumé de la séance de la commission médicale» du 11 octobre 1996, la commission médicale a conclu à l'existence d'une asbestose d'origine professionnelle, due à l'exposition du requérant à l'amiante présente dans le bâtiment Berlaymont. Considérant qu'«il n'est pas possible, vu la nature évolutive de la maladie, de poser une date de consolidation», elle a fixé à 5 % le taux d'IPP, «révisable selon l'évolution». Par ailleurs, elle s'est estimée incompétente
pour se prononcer sur l'application de l'article 14 de la réglementation selon lequel une indemnité est, après avis de la commission médicale, accordée au fonctionnaire, notamment pour toute lésion qui, tout en n'affectant pas sa capacité de travail, constitue une atteinte à l'intégrité physique de la personne et crée un préjudice réel à ses relations sociales. L'ensemble de ces points a été admis à l'unanimité, mis à part le taux d'invalidité, sur lequel le Dr Joppart a marqué son désaccord. Ce
dernier a souligné l'importance des plaques pleurales et a suggéré de reconnaître non seulement l'origine professionnelle de l'asbestose, mais également sa «gravité `professionnelle' c'est-à-dire équivalente à celle qui est rencontrée parmi les professionnels exposés directement à ce matériau». Les Prs Bartsch et Hirsch, invoquant les résultats de deux séries d'épreuves fonctionnelles réalisées, respectivement, par les Prs Boutin et Bartsch, ont objecté que ne sont indemnisées que les conséquences
physiologiques de la maladie, et non la maladie elle-même ni le risque de complications. En ce qui concerne le requérant, ils ont considéré que «la fonction respiratoire est peu modifiée ou dans les limites normales». Au cours de la discussion, le Pr Bartsch a affirmé que, toujours d'après le résumé de la séance de la commission médicale, sur la base de l'examen effectué par le Pr Boutin, «la mise en évidence d'une fibrose est incontestable, mais que les éléments matériels appuyant celle-ci sont peu
abondants». Les Prs Hirsch et Bartsch ont indiqué ensuite que, l'asbestose du requérant n'ayant qu'une traduction histologique, elle correspondait au grade le plus bas de la classification établie par le «College of American Pathologists».
16 Par lettre du 9 décembre 1996, le requérant, relatant de nombreuses divergences entre lui-même et le Dr Joppart, a récusé ce dernier et a désigné à sa place le Pr Maltone.
17 L'avis de la commission médicale, signé par les trois médecins la composant, est parvenu à la Commission joint à une lettre du secrétariat du Pr Hirsch en date du 13 janvier 1997. Selon une lettre du Pr Bartsch du 7 janvier 1997 à la Commission, un premier rapport d'expertise de la commission médicale s'était égaré lors de sa transmission au cours du mois de novembre 1996. Le Pr Bartsch aurait donc expédié un nouvel exemplaire, dûment signé, au Pr Hirsch, le 6 janvier 1997.
18 Par lettre datée du 11 février 1997, la Commission a informé le requérant, d'une part, des conclusions de la commission médicale, et, d'autre part, de sa décision portant reconnaissance définitive de l'origine professionnelle de son asbestose et fixation à 5 % du taux d'IPP.
19 Par lettre du 11 mai 1997, le requérant a saisi la Commission d'une réclamation à l'encontre de cette décision. Il a, en outre, sollicité des intérêts compensatoires portant sur le capital d'invalidité ainsi que l'indemnisation du préjudice moral induit par ses maladies professionnelles.
20 Par décision du 1er août 1997, la Commission a partiellement rejeté cette réclamation et a réservé sa réponse en ce qui concerne, d'une part, l'origine professionnelle des lésions arthrosiques du requérant et, d'autre part, l'indemnité prévue par l'article 14 de la réglementation. Elle a indiqué qu'elle saisirait à nouveau la commission médicale afin que celle-ci puisse se prononcer sur ces deux questions. La Commission a précisé que, à cette occasion, le requérant aurait, à nouveau, la
possibilité de désigner un médecin de son choix en application des articles 21 et 23 de la réglementation. D'après les réponses écrites de la Commission aux questions du Tribunal, une deuxième commission médicale, composée de médecins différents, a été saisie pour avis en ce qui concerne les lésions arthrosiques et a conclu, dans un rapport du 28 août 1998, que l'origine professionnelle de ce trouble n'était «pas suffisamment établie». Par décision du 25 novembre 1998, la Commission a donc rejeté la
demande de reconnaissance de l'origine professionnelle des lésions arthrosiques du requérant, lequel a introduit une nouvelle réclamation à l'encontre de cette décision. Par ailleurs, la commission médicale chargée de se prononcer sur l'octroi d'une indemnité en application de l'article 14 de la réglementation se serait réunie le 3 avril 1998, en l'absence du médecin désigné par le requérant, à la suite d'un empêchement de «dernière minute». Elle n'aurait pas encore émis son avis, comme l'a confirmé
la Commission lors de l'audience.
21 Le 3 novembre 1997, le requérant a introduit devant le Tribunal une demande d'assistance judiciaire gratuite, qui a été rejetée par ordonnance du président du Tribunal du 20 novembre 1997.
22 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 2 décembre 1997, le requérant a introduit le présent recours.
23 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale. La Commission, sur demande du Tribunal, a répondu par écrit, avant la date de l'audience, à un certain nombre de questions écrites. En outre, en réponse à la demande du Tribunal relative au rapport du Pr Boutin, auquel se réfère l'avis du 6 janvier 1997, elle a produit deux rapports émanant de ce médecin. Le premier rapport (3 pages) a été établi à la suite d'examens (dont, notamment, une
thoracoscopie au cours de laquelle a été pratiquée six biopsies pleurales, deux biopsies pulmonaires et une scanographie thoracique) effectués au mois de décembre 1994. Il comporte en annexe (4 pages) un compte rendu d'étude minéralogique sur les prélèvements ainsi réalisés, daté du 7 mars 1995 et effectué par le Laboratoire d'étude des particules inhalées de Paris. La Commission a également produit un second rapport (8 pages) de ce médecin, en date du 6 septembre 1996, communiqué par le Pr Bartsch
à la suite de la demande du Tribunal.
24 L'audience s'est déroulée le 24 juin 1999. Le requérant a été autorisé à déposer, au cours de l'audience, la lettre du Dr Dalem à la Commission du 22 février 1996 concernant la date de consolidation de sa maladie professionnelle.
Conclusions des parties
25 La partie requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
- désigner un expert judiciaire ayant pour mission de:
- se prononcer sur le taux d'IPP provoquée par la maladie du requérant dans le cadre de l'article 73 du statut et sur la majoration de ce taux dans le cadre de l'article 14 de la réglementation, en se basant ici sur une comparaison des pourcentages d'IPP retenus dans le pays européen abolitionniste, une étude des pourcentages d'IPP accordée par la Commission européenne pour d'autres maladies et, éventuellement, un examen médical du requérant pour son asbestose;
- procéder à un rapport complet de toutes les connaissances portant sur les risques d'exposition à l'amiante;
- condamner la Commission au paiement du capital relatif au taux d'IPP retenu par le Tribunal pour l'asbestose du requérant dans le cadre de l'article 73 du statut et au paiement de l'indemnité prévue par l'article 14 de la réglementation;
- condamner la Commission au paiement d'un million d'euros à titre de réparation du dommage moral subi par le requérant;
- condamner la Commission au paiement des intérêts, à un taux annuel de 10 % produit par le capital qui sera retenu par le Tribunal, et par le capital d'un million d'euros, ces intérêts étant à calculer à partir du 1er août 1997, et jusqu'à entier paiement de ce capital;
- pour autant que de besoin, annuler la décision de la Commission du 1er août 1997;
- condamner la Commission à l'ensemble des dépens.
26 La partie défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
- déclarer irrecevables les recours en annulation et en indemnité ainsi que la demande d'expertise;
- subsidiairement, déclarer les recours en annulation et en indemnité ainsi que la demande d'expertise non fondés;
- statuer comme de droit sur les dépens.
Sur la demande tendant à la fixation du taux d'invalidité du requérant par le Tribunal
27 Dans ses conclusions, le requérant sollicite la fixation, par le Tribunal, d'un taux d'invalidité en raison de son asbestose, au titre de l'article 73 du statut et du montant de l'indemnité prévue par l'article 14 de la réglementation, sur la base d'une expertise qui serait ordonnée par le Tribunal, et la condamnation de la Commission à lui verser le capital correspondant.
28 Selon l'article 73 du statut et en vertu de la réglementation, il appartient uniquement à l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après «AIPN») de statuer sur les demandes introduites au titre de ces dispositions. Les décisions de l'AIPN peuvent, par la suite, être contestées devant le Tribunal par la voie du recours en annulation prévu par l'article 91 du statut. Or, dans le cadre d'un tel recours, le Tribunal ne dispose pas d'un pouvoir de pleine juridiction lui permettant de se
substituer à l'institution en cause pour fixer un taux d'invalidité. En outre, il ne saurait, sans empiéter sur les prérogatives de l'autorité administrative, adresser des injonctions à cette institution (voir, notamment, les arrêts du Tribunal du 27 juin 1991, Valverde Mordt/Cour de justice, T-156/89, Rec. p. II-407, point 150, du 5 novembre 1996, Mazzocchi-Alemanni/Commission, T-21/95 et T-186/95, RecFP p. II-1377, point 44, et du 9 juillet 1997, S/Cour de justice, T-4/96, Rec. p. II-1125, point
22).
29 La présente demande doit, dès lors, être déclarée irrecevable.
Sur le recours en annulation
30 Bien que les conclusions du requérant visent à l'annulation de la décision de la Commission du 1er août 1997 rejetant la réclamation introduite par le requérant, au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut, contre la décision de la Commission du 11 février 1997, le présent recours a pour effet, conformément à une jurisprudence constante, de saisir le Tribunal de l'acte faisant grief contre lequel la réclamation a été présentée (voir, notamment, l'arrêt du Tribunal du 9 juillet 1997, Echauz
Brigaldi e.a./Commission, T-156/97, RecFP p. II-509, point 23). Il en résulte que le présent recours tend à l'annulation de la décision de la Commission du 11 février 1997, fixant à 5 % le taux d'IPP du requérant (ci-après «décision attaquée»).
Sur la recevabilité
Arguments des parties
31 Selon la Commission, le recours en annulation est irrecevable dans la mesure où le requérant a omis d'exposer sommairement, dans la requête, les moyens qu'il invoque, méconnaissant ainsi les dispositions de l'article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. Il se serait limité à renvoyer aux irrégularités alléguées à l'appui de sa demande en indemnité.
32 La Commission fait valoir qu'aucun moyen n'a été invoqué à l'encontre de la fixation, dans la décision attaquée, du taux d'IPP à 5 %. Quant au moyen tiré de la violation de l'article 14 de la réglementation, la décision du 1er août 1997 indiquerait que l'institution défenderesse saisira la commission médicale de la question de l'application de cette disposition, ainsi que de celle de l'origine professionnelle des lésions arthrosiques dont le requérant est atteint. Dans cette mesure, le recours
serait dirigé contre une simple mesure préparatoire qui ne serait pas susceptible de faire grief au requérant, au sens de l'article 90, paragraphe 2, du statut.
33 Le requérant objecte qu'il a exposé, dans la requête, un moyen tiré de la violation des règles de procédure. Il rappelle, à cet égard, qu'il a, notamment, soutenu que, en demandant une nouvelle fois à la commission médicale de se prononcer sur l'application de l'article 14 de la réglementation, alors que cette commission avait déjà pris position sur ce point en se déclarant incompétente, l'institution défenderesse avait méconnu la procédure prévue par le statut.
34 En outre, il a souligné, lors de la procédure orale, que, dans la requête, il contestait, avant tout, le taux d'invalidité de 5 %, retenu dans la décision attaquée, dans la mesure où la fixation d'un tel taux était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une insuffisance de motivation.
Appréciation du Tribunal
35 Aux termes de l'article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, la requête doit contenir, notamment, l'exposé sommaire des moyens invoqués. Pour que le recours soit recevable, la requête doit donc mentionner au moins sommairement, mais avec une clarté suffisante, les principes de droit qui, selon le requérant, ont été enfreints ainsi que les principaux éléments de fait sur lesquels ses griefs sont fondés (voir arrêt du Tribunal du 16 mars 1993, Blackman/Parlement,
T-33/89 et T-74/89, Rec. p. II-249, points 64 et 65).
36 En l'espèce, il ressort de la requête, lue dans son ensemble, que le requérant invoque, à l'appui de sa demande en annulation, une erreur manifeste d'appréciation ainsi que l'incohérence de l'avis émis par la commission médicale en ce qui concerne la fixation de son taux d'invalidité. En effet, dans la requête, sous la rubrique intitulée «Quant au recours en annulation», le requérant renvoie «aux illégalités et fautes existant dans le chef de l'AIPN relevées dans le présent recours». Après avoir
décrit les affections dont il est atteint, il affirme, notamment, qu'«il ne peut donc être réfuté qu'un pourcentage de 5 % est irréaliste. Vu l'état de gravité de la maladie mortelle et les séquelles physiques résultant de cette maladie et réduisant [sa] qualité de vie complètement, un pourcentage d'invalidité permanente partielle conforme à la gravité de la maladie doit être accordé». Le requérant se réfère aussi à sa réclamation dans laquelle il a également contesté, comme manifestement erroné, le
taux d'IPP de 5 % qui lui a été accordé dans la décision attaquée.
37 En outre, le requérant soutient, dans la requête, que la décision attaquée est entachée d'irrégularités de procédure. Il reproche notamment à la Commission d'avoir omis, dans cette décision, de fixer la majoration du taux d'invalidité en application de l'article 14 de la réglementation, alors que la commission médicale s'était déclarée incompétente pour se prononcer sur l'indemnité prévue par cet article et que le statut ne prévoit pas une seconde consultation de cette commission.
38 A cet égard, la question de savoir si ces prétendues irrégularités de procédure, invoquées par le requérant, peuvent conduire à l'annulation de cette décision, notamment en ce qu'elle définit le degré d'invalidité du requérant, relève du fond. Il en va de même pour ce qui est du caractère prétendument préparatoire de la décision attaquée concernant l'application de l'article 14 de la réglementation de couverture en ce que la question relève, en réalité, du respect de la procédure employée.
39 Dans ces conditions, les arguments de l'institution défenderesse visant à démontrer l'irrecevabilité du recours doivent être rejetés.
Sur le fond
40 Le requérant invoque deux moyens, tirés, respectivement, d'irrégularités de procédure et de l'irrégularité de l'avis émis par la commission médicale.
41 Il convient de rappeler, liminairement, que, selon une jurisprudence constante, les appréciations médicales proprement dites doivent être considérées comme définitives lorsqu'elles ont été émises dans des conditions régulières. Le juge est uniquement habilité à vérifier, d'une part, si la commission médicale a été constituée et a fonctionné régulièrement et, d'autre part, si son avis est régulier, notamment s'il contient une motivation permettant d'apprécier les considérations sur lesquelles il
est fondé et s'il établit, entre les constatations médicales et les conclusions qu'il comporte, un lien compréhensible (voir, notamment, arrêts de la Cour du 24 octobre 1996, Commission/Royale belge, C-76/95, Rec. p. I-5501, point 67, et du Tribunal du 15 juillet 1997, R/Commission, T-187/95, RecFP p. II-729, point 35).
Sur le premier moyen, tiré d'irrégularités de procédure
- Arguments des parties
42 Ce moyen s'articule en deux branches. Dans la première branche, le requérant soutient que la procédure de consultation de la commission médicale est entachée d'irrégularité au motif que cette commission a émis son avis après qu'il a révoqué le Dr Joppart.
43 A cet égard, il allègue qu'il était en droit de révoquer le médecin désigné par ses soins au sein de la commission médicale, jusqu'à la signature de l'avis, même si celui-ci avait déjà été élaboré. En l'espèce, tant l'élaboration que la signature de cet avis seraient intervenus après la révocation du Dr Joppart, le 9 décembre 1996.
44 Lors de la procédure orale, le requérant a fait valoir que cette révocation avait été motivée par la rupture du lien de confiance entre lui-même et son médecin, à la suite, notamment, du refus du Dr Joppart de se faire accompagner par le requérant lors de la réunion de la commission médicale du 11 octobre 1996.
45 Dans la seconde branche de ce premier moyen, le requérant soutient que l'institution défenderesse a, en violation des règles statutaires, saisi une nouvelle fois la commission médicale de la question de l'application de l'article 14 de la réglementation, alors que cet organe avait déjà pris position sur ce point. En effet, en se déclarant incompétente pour se prononcer sur l'application de cet article, la commission médicale aurait pris position de manière claire et définitive, dans son avis, sur
l'application de cette disposition. La Commission aurait ainsi été tenue de définir la majoration du taux d'invalidité du requérant, en application de l'article 14 de la réglementation. Son abstention, dans l'attente d'un nouvel avis de la commission médicale, serait donc irrégulière.
46 Selon la Commission, la révocation du Dr Joppart par le requérant ne peut pas être admise, dans la mesure où elle serait intervenue après l'adoption, lors de la séance du 11 octobre 1996, de l'avis daté du 6 janvier 1997.
47 Par ailleurs, l'article 14 de la réglementation subordonnerait l'octroi de l'indemnité qu'il prévoit à la consultation préalable des médecins-conseils ou de la commission médicale. La Commission ne serait donc pas habilitée à prendre une décision concernant cette indemnité sans avoir recueilli au préalable l'avis de la commission médicale.
Appréciation du Tribunal
48 En ce qui concerne la première branche du moyen, la réunion au cours de laquelle la commission médicale est parvenue à ses conclusions a eu lieu le 11 octobre 1996. Il ressort de la lettre du requérant du 9 décembre 1996 que ce dernier avait déjà pris connaissance de ces conclusions, au moins dans leurs grandes lignes.
49 Le droit du fonctionnaire de révoquer le médecin désigné par ses soins au sein de la commission médicale, après qu'il a pris connaissance des conclusions de cette dernière, ne peut être admis que s'il est objectivement justifié par un motif grave.
50 Or, le requérant n'a pas établi l'existence d'un tel motif. En particulier, une simple divergence de vues sur l'analyse des questions soumises à l'appréciation de la commission médicale ne saurait constituer un motif grave de révocation.
51 Le refus allégué du Dr Joppart de se faire accompagner par le requérant lors de la réunion de la commission médicale, invoqué pour la première fois à l'audience, ne saurait être considéré comme une faute grave imputable à ce médecin, dans la mesure où la décision concernant la convocation du requérant relevait, en toute hypothèse, de la compétence collégiale de la commission médicale, laquelle avait d'ailleurs renoncé, dès sa constitution, à convoquer l'intéressé, ainsi qu'il ressort de la lettre
du Pr Hirsch à la Commission, en date du 4 octobre 1996.
52 Dans ces conditions, la première branche du moyen doit être rejetée.
53 S'agissant de la seconde branche du moyen, relative à l'application de l'article 14 de la réglementation, il convient de rappeler que toutes les appréciations médicales nécessaires à l'adoption d'une décision par l'institution concernée relèvent, dans le système du statut, de la compétence exclusive des médecins désignés par l'institution et, si l'intéressé sollicite sa saisine, de la commission médicale (arrêt S/Cour de justice, précité, points 38 à 42). Par ailleurs, si celle-ci omet, dans un
premier avis, de remplir complètement son mandat, elle peut être invitée par l'institution en cause à compléter ou à préciser ses conclusions dans un nouvel avis.
54 En l'occurrence, en se déclarant incompétente pour l'application de l'article 14 de la réglementation, la commission médicale s'est abstenue de prendre position sur les questions d'ordre médical sous-jacentes à l'application de cette disposition, alors qu'elle y était expressément invitée dans son mandat.
55 Il en résulte que, contrairement aux allégations du requérant, l'institution défenderesse a estimé à bon droit qu'elle n'était pas habilitée à se substituer à la commission médicale en adoptant, à défaut d'avis de cette dernière sur ce point, une décision définitive sur l'application de l'article 14 de la réglementation.
56 Il s'ensuit que le premier moyen doit être rejeté comme non fondé.
Sur le second moyen, tiré de l'irrégularité de l'avis de la commission médicale
- Arguments des parties
57 Selon le requérant, l'asbestose dont il souffre entraîne une fibrose non guérissable et mortelle, de graves problèmes respiratoires, d'asthme, des crampes et des douleurs permanentes, surtout dorsales, la diminution constante des capacités physiques, la diminution de la tolérance aux efforts et des troubles du sommeil. De plus, le requérant souffrirait d'anxiété et de l'angoisse constante de développer un cancer et de mourir. Dans ces circonstances, le taux d'IPP de 5 % retenu par la commission
médicale serait manifestement insuffisant pour assurer la pleine réparation du préjudice subi.
58 A l'appui de sa thèse, le requérant a plus spécialement dénoncé, lors de l'audience, les modalités de l'examen effectué par la commission médicale et les contradictions ainsi que les lacunes contenues dans son avis.
59 Le requérant relève, tout d'abord, que la commission médicale n'a pas établi de rapport médical proprement dit, mais un simple compte rendu de réunion contenant un débat rapide et des conclusions.
60 En outre, dans cet avis, elle n'aurait pas examiné l'ensemble des troubles invoqués par le requérant dans sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle et mis en évidence dans les rapports médicaux portés à sa connaissance, tels que les troubles respiratoires, les crampes, les douleurs dorsales permanentes, les troubles du sommeil et l'anxiété.
61 Par ailleurs, l'avis de la commission médicale renfermerait des contradictions. Il définirait, en particulier, le taux d'IPP du requérant, tout en affirmant qu'«il n'est pas possible, vu la nature évolutive de la maladie, de poser une date de consolidation».
62 De plus, cet avis s'écarterait, de manière incompréhensible, des constatations effectuées dans une série de rapports antérieurs documentés, établis sur la base de nombreux examens, tant en ce qui concerne la date de consolidation des lésions, le taux d'invalidité retenu, que la nature des lésions pleurales et pulmonaires du requérant. En effet, d'après le rapport du Dr Dalem du 22 février 1996, la date de consolidation pourrait être fixée au 1er mai 1991 et, selon le rapport du Dr Joppart du 4
juillet 1995, au 22 juillet 1991. Quant au taux d'invalidité, il aurait été évalué par le Dr Marchandise, dans son rapport du 29 avril 1994, à 20 % pour les troubles respiratoires et, dans le rapport susmentionné du Dr Joppart, à 100 % «en raison de la gravité de la maladie». En outre, ce dernier médecin aurait proposé de majorer de 25 % le taux d'incapacité au titre de l'article 14 de la réglementation, eu égard au préjudice porté aux relations sociales du requérant (quintes de toux répétées,
insomnies, troubles psychologiques graves, etc.). Enfin, le requérant soutient que, d'après le rapport du Pr Boutin du 6 septembre 1996, produit par la Commission en réponse aux questions du Tribunal, il serait atteint d'une fibrose interstitielle diffuse, alors que la commission médicale a uniquement constaté l'existence de plaques pleurales localisées.
63 Lors de l'audience, la Commission a reconnu que l'avis de la commission médicale renfermait des contradictions, notamment en ce qu'il fait état d'une impossibilité de fixer la date de consolidation. Il s'agirait d'une maladresse d'expression de la part de la commission médicale, laquelle visait en réalité la possibilité d'une aggravation ultérieure. L'important serait, en l'occurrence, que cette commission a constaté un taux d'invalidité de 5 %.
64 Par ailleurs, le défaut de convocation du requérant et l'absence de demande d'examens complémentaires par la commission médicale s'expliqueraient par le fait que cette dernière disposait déjà d'un dossier important, comportant, notamment, le rapport très complet du Pr Bartsch du 16 janvier 1996 (voir ci-dessus point 7).
65 Quant aux prétendues divergences entre l'avis de la commission médicale et les rapports antérieurs invoqués par le requérant, la Commission soutient qu'il n'y a pas de contradiction entre le rapport du Dr Boutin du 6 septembre 1996 et celui du Pr Bartsch, susvisé, dans la mesure où ils concluraient tous deux à l'existence de plaques pleurales localisées.
66 Enfin, la commission médicale aurait examiné l'ensemble des affections respiratoires dont se plaignait le requérant, pour conclure à l'incidence négligeable de l'«asbestose» sur la fonction respiratoire en général, notamment sur la maladie asthmatique et l'hyperactivité bronchique antérieures du requérant.
67 De même, elle aurait pris en considération l'anxiété et l'angoisse à l'origine de troubles du sommeil. En toute hypothèse, ces affections pourraient s'analyser comme un préjudice d'agrément ou fonctionnel indemnisable au titre de l'article 14 de la réglementation, dans la mesure où une souffrance tant physique que morale excessive est de nature à causer un préjudice réel dans le cadre des relations sociales.
- Appréciation du Tribunal
68 Le requérant fait grief à la commission médicale de s'être abstenue d'examiner de manière adéquate les troubles qui lui étaient soumis et d'avoir omis de justifier, dans son avis, l'existence de divergences essentielles entre ses conclusions et plusieurs rapports médicaux antérieurs.
69 A cet égard, il convient de rappeler que la commission médicale est compétente pour régler les modalités de son fonctionnement. Dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, elle décide notamment s'il y a lieu de convoquer l'intéressé (arrêts de la Cour du 19 janvier 1988, Biedermann/Cour des comptes, 2/87, Rec. p. 143, et du Tribunal du 12 juillet 1990, Vidrányi/Commission, T-154/89, Rec. p. II-445, point 42).
70 Toutefois, il appartient, en toute hypothèse, à la commission médicale de s'assurer qu'elle dispose de toutes les données nécessaires aux fins de l'accomplissement de sa mission. Lorsqu'il apparaît que, eu égard, notamment, à la complexité particulière des questions médicales qui lui sont soumises, ces données ne figurent pas, de manière claire et concordante, dans le dossier qui lui est présenté, il incombe à la commission médicale de recueillir tous les éléments d'information utiles à son
appréciation, y compris, le cas échéant, en convoquant le fonctionnaire concerné.
71 En l'espèce, la commission médicale était appelée à se prononcer sur un trouble complexe, en relation avec l'exposition à l'amiante. Dans sa demande initiale, complétée par la demande de saisine de la commission médicale et étayée par plusieurs rapports médicaux détaillés, communiqués à la commission médicale (voir ci-dessus point 11), le requérant invoquait en effet, notamment, une «asbestose», de graves problèmes respiratoires, de l'asthme, des crampes et des douleurs dorsales permanentes, une
diminution de la tolérance à l'effort, des troubles du sommeil, de l'anxiété et de l'angoisse.
72 En outre, le mandat de la commission médicale portait également sur l'application de l'article 14 de la réglementation qui implique, notamment, la prise en considération de toute atteinte physique ou psychique - liée, par exemple, à des troubles éventuellement générés par les risques d'évolution de la maladie professionnelle - et de tout préjudice causés par cette maladie, qui, tout en n'étant pas de nature à ouvrir droit à la perception d'un capital au titre de l'article 12 de la réglementation,
sont cependant susceptibles de représenter un préjudice réel aux relations sociales de l'intéressé.
73 Or, il est constant que, dans ce contexte, la commission médicale n'a cependant pas estimé utile de convoquer le requérant, notamment afin de s'assurer qu'elle disposait bien de l'ensemble des rapports médicaux antérieurs et de tous les éléments d'information utiles à son appréciation.
74 De plus, elle s'est abstenue d'exposer, dans son avis, ne serait-ce que de manière succincte, l'historique des affections du requérant. De surcroît, elle a omis de faire état, de manière précise et circonstanciée, des avis médicaux antérieurs sur lesquels elle fondait ses conclusions, se limitant à mentionner de manière très vague et générale, dans le cadre du résumé de ses débats, un rapport du Pr Boutin dont la date n'est pas identifiée, constatant, l'existence de plaques pleurales et faisant
mention des épreuves fonctionnelles réalisées par le Pr Bartsch.
75 Or, il ressort d'un second rapport du Pr Boutin, produit par la Commission devant le Tribunal, daté du 6 septembre 1996, soit un mois avant la réunion de la commission médicale, que la maladie du requérant avait évolué de façon importante depuis son premier rapport de mars 1995 sur lequel la commission médicale s'est apparemment fondée (voir points 81 à 83, ci-après).
76 Au vu de l'ensemble de ces circonstances, force est de constater que la procédure suivie en l'espèce par la commission médicale ne permet pas d'affirmer qu'elle a été en mesure d'effectuer un examen suffisamment rigoureux et approfondi des troubles du requérant, eu égard à la nature et à la complexité des questions d'ordre médical qui étaient soumises à son appréciation.
77 En outre, en ce qui concerne les divergences essentielles alléguées entre l'avis de la commission médicale et certains rapports médicaux antérieurs, il convient de rappeler que le pouvoir d'appréciation de la commission médicale s'accompagne d'une obligation de motivation permettant d'apprécier les considérations sur lesquelles sont basées les conclusions contenues dans son avis et de vérifier si ce dernier établit un lien compréhensible entre les constatations médicales qu'il comporte et les
conclusions auxquelles il parvient (arrêts Commission/Royale belge, précité, point 67, et S/Cour de justice, précité, point 54).
78 En particulier, lorsque la commission médicale est saisie de questions d'ordre médical complexes se rapportant à un diagnostic difficile, au lien de causalité entre les affections dont est atteint l'intéressé et l'exercice de son activité professionnelle auprès d'une institution communautaire, ou à l'application de l'article 14 de la réglementation, il lui appartient, notamment, d'indiquer, dans son avis, les éléments du dossier sur lesquels elle s'appuie et de préciser, en cas de divergence
significative, les raisons pour lesquelles elle s'écarte de certains rapports médicaux, antérieurs et pertinents, plus favorables à l'intéressé.
79 En l'espèce, force est de constater que l'avis de la commission médicale ne répond pas à ces exigences.
80 Comme le relève le requérant, outre ses lacunes déjà mises en évidence (voir ci-dessus points 74 et 75), l'avis de la commission médicale diverge très nettement, en ce qui concerne la fixation du taux d'invalidité, des conclusions figurant dans un certain nombre de rapports antérieurs en possession de la commission médicale, sans fournir, à cet égard, la moindre explication. La commission médicale a, en effet, fixé un taux d'invalidité de 5 % pour l'«asbestose», alors que le Dr Marchandise, dans
son rapport du 29 avril 1994, avait évalué ce taux à 20 % pour les troubles respiratoires, et le Dr Joppart, dans son rapport du 22 juillet 1991, à 100 % pour l'«asbestose», «vu la gravité de la maladie».
81 En outre, il ne ressort pas de l'avis que la commission médicale a examiné les douleurs dorsales, l'asthme, les troubles respiratoires et les troubles du sommeil que le requérant invoquait dans sa demande de saisine (voir ci-dessus, point 10). Ces allégations du requérant étaient confortées par certains rapports médicaux, mentionnés par le Pr Bartsch dans son rapport du 16 janvier 1996, dont le rapport du Dr de Jonghe du 22 juillet 1991 - décrivant, notamment, une dyspnée paroxystique et un
asthme avec obstruction assez sévère et hyperactivité bronchique - le rapport de séjour à l'unité du sommeil de l'hôpital Érasme, en date du 24 mars 1992 - concluant à l'existence de troubles majeurs du sommeil - le rapport du Dr Marchandise du 29 avril 1994 - faisant état d'une insuffisance respiratoire et d'une hyperactivité bronchique - et par le second rapport du Pr Boutin du 6 septembre 1996.
82 A cet égard, il convient de relever que la commission médicale s'est essentiellement fondée, comme l'a fait valoir la Commission lors de l'audience, sur le rapport susvisé du Pr Bartsch, qui faisait notamment référence au rapport du Pr Boutin établi, d'après les éléments du dossier, au mois de mars 1995. Le rapport du Pr Bartsch évoquait la présence de «plaques pleurales hyperphasiques mésothéliales avec fibrohyalinose massive», ainsi qu'une «discrète fibrose pleurale et des septa
interalvéolaires». Toutefois, le second rapport du Pr Boutin du 6 septembre 1996, postérieur à ce rapport du Pr Bartsch, produit par la Commission en réponse aux questions du Tribunal, n'a pas simplement confirmé le diagnostic précédent. Il a, en outre, constaté l'existence de «douleurs pleurales bilatérales très nettes». De plus, ce rapport fait état, notamment, d'un stress très important, d'un état d'anxiété et de nervosité, d'une toux sèche, d'une dyspnée à l'effort, d'une prise de poids et d'une
asthénie non négligeable. Le Pr Boutin en a conclu que «nous sommes en présence d'un patient qui a une pathologie complexe aussi bien pleuro-pulmonaire et bronchique que vertébrale, cutanée, digestive, voire générale, avec un syndrome anxieux et peut-être dépressif réactionnel dû à l'ensemble des problèmes médicaux qu'il pose» et que «il existe des plaques pleurales asbestosiques avec des douleurs pleurales et une symptomatologie à l'effort qui, sans être strictement reliée à la spirométrie peut
être néanmoins rapportée à l'asbestose et peut-être aussi au syndrome général que présente ce malade».
83 Il en résulte que le rapport du Pr Boutin du 6 septembre 1996 contient, à première vue, des éléments d'appréciation pertinents, apparemment non pris en compte dans l'avis du 6 janvier 1997.
84 Or, en l'absence de toute indication contraire, il est permis de présumer que ce second rapport du Pr Boutin se trouvait en temps utile aux fins de l'adoption de l'avis à la disposition du Pr Bartsch, dans la mesure où, d'après les indications fournies par la Commission, le Pr Bartsch lui a communiqué ce rapport à la suite de la demande du Tribunal tendant à la production du rapport du Pr Boutin visé dans l'avis de la commission médicale. Il apparaît ainsi que soit ce rapport n'a pas été
communiqué à l'ensemble des membres de la commission médicale par le médecin désigné par l'institution, soit l'avis de cette commission ne permet pas de conclure qu'elle l'a pris en considération.
85 Pour l'ensemble de ces raisons, l'avis de la commission médicale doit être considéré comme incomplet et insuffisamment motivé.
86 Il s'ensuit que le second moyen doit être accueilli.
87 Il y a lieu, dès lors, d'annuler la décision attaquée.
Sur le recours en indemnité
88 Le recours en indemnité vise, en premier lieu, à la réparation du préjudice moral qui résulterait de la maladie professionnelle du requérant et, en second lieu, à l'allocation d'intérêts compensatoires sur le capital auquel il aurait droit au titre de l'article 73 du statut, durant la période comprise entre le 1er août 1997, date du rejet de sa réclamation, et la date du versement intégral de ce capital.
Sur la demande de réparation du préjudice moral
Arguments des parties
89 Le requérant soutient que, pour engager la responsabilité de l'institution, il suffit, en l'occurrence, de prouver que, comme dans le cadre de l'article 73 du statut, le fonctionnaire concerné a été exposé au risque de contracter l'une des maladies mentionnées sur la liste des maladies professionnelles ou que la maladie trouve son origine dans l'exercice de ses fonctions.
90 En tout état de cause, la Commission aurait manqué, à son devoir de diligence et commis une faute grave et inexcusable en s'abstenant, d'une part, de prendre toutes les mesures de précaution utiles afin d'éviter, en l'occurrence, la contamination de ses fonctionnaires et agents et, d'autre part, de les informer des risques encourus.
91 La Commission conteste, pour sa part, l'existence d'un lien entre le recours en annulation et le recours en indemnité, et excipe de l'irrecevabilité de ce dernier, au motif qu'il n'aurait pas été précédé d'une réclamation, dans le délai de trois mois défini par l'article 90, paragraphe 2, du statut, contre la décision portant rejet de la demande d'indemnisation du 11 mai 1997, formulée par le requérant en application du paragraphe 1 de cet article.
92 Sur le fond, la Commission objecte qu'elle a consulté la commission médicale sur l'application de l'article 14 de la réglementation prévoyant l'indemnisation de toute lésion permanente.
93 Elle écarte ensuite toute responsabilité dans la maladie professionnelle du requérant. Aucune disposition du statut ni aucun principe général de droit ne permettrait de consacrer une responsabilité sans faute pour tous les dommages subis par les fonctionnaires.
Appréciation du Tribunal
94 Selon une jurisprudence bien établie, le fonctionnaire victime d'une maladie professionnelle est uniquement en droit de demander une indemnisation complémentaire selon le droit commun, lorsque le régime statutaire instauré par l'article 73 du statut ne permet pas une indemnisation appropriée (arrêts du Tribunal du 14 mai 1998, Lucaccioni/Commission, T-165/95, RecFP p. II-627, point 74, et de la Cour du 9 septembre 1999, Lucaccioni/Commission, C-257/98 P, non encore publié au Recueil, points 22,
23, 28 et 29).
95 En l'espèce, la demande en indemnisation du préjudice moral causé par la maladie professionnelle du requérant liée à l'exposition à l'amiante est donc prématurée dans la mesure où il n'est pas possible, à ce stade, d'apprécier le caractère approprié de l'indemnisation statutaire à laquelle le requérant peut prétendre.
Sur la demande tendant à l'allocation d'intérêts compensatoires
Arguments des parties
96 Le requérant sollicite le versement d'intérêts compensatoires sur le capital auquel il aurait eu droit à compter du 1er août 1997, date à laquelle il estime que la Commission aurait raisonnablement dû être en mesure d'adopter la décision reconnaissant sa maladie professionnelle et fixant son taux d'invalidité.
97 En effet, la durée de l'enquête prétendument conduite par la Commission, du 28 octobre 1994, date de la présentation de sa demande initiale, au 20 novembre 1995, date à laquelle il a été examiné par le Pr Bartsch à la demande du médecin désigné par l'institution, ne présenterait pas un caractère raisonnable. Grâce aux enquêtes effectuées précédemment par cette institution à la suite de nombreuses demandes de reconnaissance de l'origine professionnelle de maladies dues à l'exposition à l'amiante,
présentées par d'autres fonctionnaires, la Commission aurait disposé, dans son cas, de tous les éléments pour prendre une décision immédiate, sans procéder à une enquête. En outre, elle n'aurait pas prouvé qu'elle a mené, pendant cette période, une enquête spécifique le concernant.
98 D'après la Commission, l'enquête prévue par l'article 17, paragraphe 2, de la réglementation s'est déroulée dans un délai raisonnable, eu égard à la complexité de l'affaire.
Appréciation du Tribunal
99 En cas d'adoption tardive de la décision reconnaissant l'origine professionnelle de la maladie d'un fonctionnaire et fixant son taux d'invalidité, due à des irrégularités ou à des négligences imputables à l'institution en cause, le fonctionnaire concerné peut prétendre, à titre de réparation selon le régime commun de la responsabilité extracontractuelle applicable dans le cadre de l'article 179 du traité CE (devenu article 236 CE), au versement d'intérêts compensatoires sur le capital auquel il a
droit au titre de l'article 73 du statut, durant la période comprise entre la date à laquelle l'institution aurait raisonnablement dû être en mesure d'adopter la décision reconnaissant sa maladie professionnelle, si elle avait procédé avec toute la diligence souhaitable, et la date du versement de ce capital (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal, Lucaccioni/Commission, précité, points 127 à 161).
100 Toutefois, l'indemnité statutaire n'étant due qu'à partir de la date à laquelle le taux d'invalidité a été fixé de manière définitive (arrêts de la Cour du 2 octobre 1979, B/Commission, 152/77, Rec. p. 2819, point 21, et du Tribunal du 12 mars 1996, Weir/Commission, T-361/94, RecFP p. II-381, point 54), la présente demande d'intérêts compensatoires doit être considérée comme prématurée aussi longtemps que la Commission n'a pas adopté de nouvelle décision à la suite de l'annulation par le
Tribunal de la décision attaquée.
101 Le recours en indemnité doit, dès lors, être rejeté dans son intégralité comme prématuré.
Décisions sur les dépenses
Sur les dépens
102 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Le requérant ayant conclu à la condamnation de la défenderesse aux dépens et celle-ci ayant pour l'essentiel succombé en ses conclusions, il y a lieu de la condamner aux dépens.
Dispositif
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL
(deuxième chambre)
déclare et arrête:
1) La décision de la Commission du 11 février 1997 relative à la demande de reconnaissance de la maladie professionnelle du requérant est annulée.
2) Le recours est rejeté pour le surplus.
3) La Commission est condamnée aux dépens.