Avis juridique important
|
61998C0465
Conclusions de l'avocat général Léger présentées le 20 janvier 2000. - Verein gegen Unwesen in Handel und Gewerbe Köln eV contre Adolf Darbo AG. - Demande de décision préjudicielle: Oberlandesgericht Köln - Allemagne. - Etiquetage et présentation de denrées alimentaires - Directive 79/112/CEE - Confiture de fraises - Risque de tromperie. - Affaire C-465/98.
Recueil de jurisprudence 2000 page I-02297
Conclusions de l'avocat général
1 La présente demande de décision préjudicielle porte sur la directive 79/112/CEE relative au rapprochement des législations des États membres concernant l'étiquetage et la présentation des denrées alimentaires destinées au consommateur final ainsi que la publicité faite à leur égard (1) (ci-après la «directive 79/112»).
L'Oberlandesgericht Köln (Allemagne) souhaite savoir si l'utilisation de la mention «purement naturelle» pour désigner une confiture qui contient du gélifiant pectine ainsi que des traces de plomb, de cadmium et de pesticides est de nature à induire l'acheteur en erreur sur les caractéristiques de la denrée alimentaire.
I - Le cadre juridique
La directive 79/112 (2)
2 La directive 79/112 édicte les règles générales relatives à l'étiquetage et à la présentation des denrées alimentaires destinées au consommateur final.
3 L'article 2, paragraphe 1, de ce texte dispose:
«L'étiquetage et les modalités selon lesquelles il est réalisé ne doivent pas:
a) être de nature à induire l'acheteur en erreur, notamment:
i) sur les caractéristiques de la denrée alimentaire et notamment sur la nature, l'identité, les qualités, la composition, la quantité, la durabilité, l'origine ou la provenance, le mode de fabrication ou d'obtention,
ii) en attribuant à la denrée alimentaire des effets ou propriétés qu'elle ne posséderait pas,
iii) en lui suggérant que la denrée alimentaire possède des caractéristiques particulières, alors que toutes les denrées alimentaires similaires possèdent ces mêmes caractéristiques;
...»
4 En vertu de l'article 3, paragraphe 1, de la directive 79/112:
«L'étiquetage des denrées alimentaires comporte, dans les conditions et sous réserve des dérogations prévues aux articles 4 à 14, les seules mentions obligatoires suivantes:
1) la dénomination de vente;
2) la liste des ingrédients;
...»
5 Aux termes de l'article 6, paragraphe 5, sous a), de la directive 79/112:
«La liste des ingrédients est constituée par l'énumération de tous les ingrédients de la denrée alimentaire, dans l'ordre décroissant de leur importance pondérale au moment de leur mise en oeuvre. Elle est précédée d'une mention appropriée comportant le mot `ingrédients'.»
6 L'article 15 de la directive 79/112 énonce:
«1. Les États membres ne peuvent interdire le commerce des denrées alimentaires conformes aux règles prévues dans la présente directive, par l'application de dispositions nationales non harmonisées qui règlent l'étiquetage et la présentation de certaines denrées alimentaires ou des denrées alimentaires en général.
2. Le paragraphe 1 n'est pas applicable aux dispositions nationales non harmonisées justifiées par des raisons:
...
- de répression des tromperies, à condition que ces dispositions ne soient pas de nature à entraver l'application des définitions et des règles prévues par la présente directive,
...»
La législation allemande
7 L'article 17 du Lebensmittel- und Bedarfsgegenständegesetz (loi allemande relative aux denrées alimentaires et aux produits de consommation courante, ci-après le «LMBG») contient des dispositions visant à protéger le consommateur contre les risques de tromperie.
8 L'article 17, paragraphe 1, point 4, de cette législation interdit:
«en commercialisant des denrées alimentaires qui ... contiennent des additifs ou des résidus de substances autorisés au sens des articles 14 et 15 ... d'utiliser des mentions ou autres indications suggérant qu'elles sont naturelles, purement naturelles (naturrein) ou exemptes de résidus ou de polluants» (3).
9 L'article 17, paragraphe 1, point 5, du LMBG interdit également «de vendre des denrées alimentaires sous des dénominations, indications ou présentations susceptibles d'induire en erreur...».
10 Par ailleurs, l'article 47 a, paragraphe 1, du LMBG dispose:
«les produits visés par la présente loi, qui sont régulièrement fabriqués et mis dans le commerce dans un autre État membre de la Communauté ... peuvent être introduits et être mis dans le commerce dans le pays, même s'ils ne satisfont pas aux dispositions en matière de droit des produits alimentaires de la République fédérale d'Allemagne. La première phrase ne s'applique pas aux produits qui
1. ne sont pas conformes aux interdictions des articles 8, 24 ou 30 ou
2. ne satisfont pas à d'autres dispositions juridiques adoptées à des fins de protection de la santé, dans la mesure où le caractère commercialisable des produits en République fédérale d'Allemagne n'a pas été reconnu ... par la publication d'une décision de portée générale du ministre fédéral dans le Bundesanzeiger.»
II - Les faits et la procédure au principal
11 La société Adolf Darbo AG (ci-après «Darbo») est établie en Autriche. Elle commercialise dans cet État ainsi qu'en Allemagne une confiture de fraises sous la marque «d'arbo naturrein» et sous la désignation plus précise de «Garten Erdbeer» (fraise de jardin).
12 L'étiquette figurant sur l'emballage de la confiture comporte les mentions suivantes:
« En 1879, la famille Darbo a commencé à fabriquer des confitures. Aujourd'hui encore, les confitures Darbo sont préparées d'après une recette tyrolienne transmise. Elles sont réchauffées et remuées prudemment. Ainsi des vitamines de grande valeur et l'arôme naturel des fruits sont conservés.
------------------- Darbo AG, 6135 Stans, Tyrol - Autriche
FRAISE DE JARDIN
Confiture extra
Fabriquée à partir d'au moins 50 g de fruits pour 100 g. Teneur totale en sucres 60 g pour 100 g. Conserver au frais après ouverture.
Ingrédients: fraises, sucre, concentré de jus de citron, gélifiant pectine.
--------------- 450 g »
13 La confiture de fraises produite par Darbo contient du gélifiant pectine. Il ressort de l'ordonnance de renvoi (4) que ce gélifiant est constitué d'«acides dilués, provenant principalement des parties internes d'écorces d'agrumes, de restes de fruits ou de cossettes de betteraves à sucre.»
14 En outre, la confiture litigieuse présente les traces de résidus suivants: << 0,01 mg/kg de plomb, 0,008 mg/kg de cadmium, 0,016 mg/kg de procymidone (pesticide) et 0,005 mg/kg de vinclozoline (pesticide).
15 En Autriche, l'apposition de la mention «naturrein» sur l'emballage de la confiture Darbo est autorisée par l'Österreichisches Lebensmittelbuch (code alimentaire autrichien). En effet, cette législation prévoit (5):
«Lorsqu'elles sont fabriquées sans sirop de glucose et en utilisant exclusivement, à la place des acides alimentaires et de leurs sels, du jus de citron frais ou conservé naturellement (concentré de jus de citron), les confitures extra et les confitures allégées peuvent se voir apposer la mention de mise en évidence `naturrein'. Quelle que soit la taille de leur conditionnement, ces produits ne sont pas conservés chimiquement».
16 En Allemagne, le Verein gegen Unwesen in Handel und Gewerbe Köln eV (association de lutte contre la concurrence déloyale, ci-après le «Verein») a intenté contre Darbo une action en cessation de l'utilisation de la mention «naturrein». Le Verein considère que cette mention est contraire aux dispositions de l'article 17, paragraphe 1, points 4 et 5, du LMBG pour trois raisons.
D'une part, le gélifiant pectine constituerait un additif que le consommateur ne s'attendrait pas à trouver dans la confiture litigieuse en raison de l'indication «naturrein». D'autre part, la mention «naturrein» serait de nature à induire le consommateur en erreur au motif que l'air et la terre - dont proviennent les fruits composant la confiture - sont chargés de polluants. Enfin, le produit litigieux ne saurait être qualifié de «naturrein» compte tenu de la présence de résidus de plomb, de
cadmium et de pesticides.
17 Devant le juge de renvoi, Darbo a contesté le caractère trompeur de la mention «naturrein».
Elle soutient que, compte tenu de la pollution de l'air et de la terre, le consommateur s'attend à la présence de substances toxiques dans les aliments. Par ailleurs, le consommateur saurait qu'il est impossible de faire de la confiture sans gélifiant, la pectine constituant à cet égard un gélifiant bien connu. En outre, Darbo estime qu'elle devrait être en mesure de commercialiser sa confiture en Allemagne, conformément à l'article 47 a, paragraphe 1, du LMBG ainsi qu'aux articles 30 et 36 du
traité CE (devenus, après modification, articles 28 et 30 CE), car son produit est légalement fabriqué et commercialisé en Autriche sous la marque «d'arbo naturrein».
III - La question préjudicielle
18 Ayant des doutes quant à la portée de l'article 2, paragraphe 1, sous a), i), de la directive 79/112, l'Oberlandesgericht Köln a décidé de surseoir à statuer et de vous soumettre la question suivante:
«Est-il contraire à la disposition précitée de la directive relative à l'étiquetage qu'une confiture fabriquée dans un État membre (l'Autriche) et vendue dans cet État ainsi que dans un autre État membre (la République fédérale d'Allemagne) sous l'indication `naturrein' (`purement naturelle') contienne le gélifiant pectine et << 0,01 mg/kg de plomb (AAS), 0,008 mg/kg de cadmium (AAS) ainsi que des pesticides, à savoir 0,016 mg/kg de procymidone et 0,005 mg/kg de vinclozoline?»
IV - Observations liminaires
19 Dans ses observations écrites (6), Darbo a fait valoir que la question soumise par l'Oberlandesgericht Köln était imprécise. Elle soutient que la présente affaire devrait être examinée au regard des dispositions de l'article 30 du traité. En conséquence, elle vous propose de reformuler la question préjudicielle en vue de déterminer si l'interdiction de commercialiser la confiture litigieuse en Allemagne sous la marque «d'arbo naturrein» - interdiction résultant de l'article 17, paragraphe 1,
points 4 et 5, du LMBG - constitue une mesure d'effet équivalent susceptible d'être justifiée par des exigences impératives tenant à la protection des consommateurs.
20 Sur ce point, nous formulerons trois observations.
21 Premièrement, la proposition avancée par Darbo nous paraît difficilement conciliable avec les constatations faites par le juge a quo.
Dans son ordonnance de renvoi (7), l'Oberlandesgericht Köln a constaté que l'utilisation de la mention «naturrein» était effectivement interdite par l'article 17, paragraphe 1, point 4, du LMBG. Toutefois, il a indiqué que, nonobstant l'interdiction relevée, la commercialisation de la confiture litigieuse devait être autorisée en Allemagne en vertu de l'article 47 a, paragraphe 1, du LMBG, dès lors que le produit était légalement fabriqué et commercialisé en Autriche. Par le présent renvoi
préjudiciel, l'Oberlandesgericht Köln entend vérifier le respect de cette condition: il souhaite s'assurer que l'article 2, paragraphe 1, sous a), i), de la directive 79/112 ne s'oppose pas à ce que la confiture litigieuse soit légalement fabriquée et commercialisée en Autriche sous la marque «naturrein». Il en résulte que le juge de renvoi ne s'interroge pas sur la compatibilité de la législation allemande avec l'article 30 du traité.
22 Deuxièmement, nous rappellerons que, en vertu d'une jurisprudence constante, il appartient au seul juge national d'apprécier, au regard des particularités de chaque affaire, tant la nécessité d'une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu'il pose à la Cour (8). L'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE) ne permet donc pas à votre Cour de censurer les motifs de l'ordonnance de renvoi (9).
23 Troisièmement, nous pensons que, en tout état de cause, la reformulation proposée par Darbo n'aurait guère d'incidence sur la réponse à apporter à la question préjudicielle.
En effet, dans le cadre des dispositions des articles 30 et 36 du traité, votre Cour examine de manière constante si l'objectif de protection des consommateurs, poursuivi par la réglementation nationale litigieuse, ne peut être atteint par une mesure moins restrictive pour la liberté des échanges que l'interdiction de la commercialisation de la denrée alimentaire concernée (10). À cet égard, votre Cour a dit pour droit que: «L'article 30 du traité CE s'oppose à une réglementation nationale qui
interdit la commercialisation de denrées alimentaires légalement fabriquées et commercialisées dans un autre État membre pour des raisons tenant à la protection des consommateurs, dès lors que celle-ci est assurée au moyen d'un tiquetage conforme aux dispositions de la directive 79/112/CEE...» (11).
Or, en l'espèce, la question soumise par l'Oberlandesgericht Köln a un objet similaire: elle porte précisément sur la conformité de l'étiquetage de la confiture litigieuse avec les dispositions de la directive 79/112.
24 En conséquence, nous estimons qu'il n'y a pas lieu de reformuler la question préjudicielle dans le sens proposé par Darbo.
V - La réponse à la question préjudicielle
25 Le juge de renvoi demande, en substance, si l'utilisation de la mention «purement naturelle» pour désigner une confiture de fraises qui contient du gélifiant pectine ainsi que des traces de résidus de plomb, de cadmium et de pesticides dans les teneurs indiquées dans la question préjudicielle est de nature à induire l'acheteur en erreur sur les caractéristiques de la denrée alimentaire au sens de l'article 2, paragraphe 1, sous a), i), de la directive 79/112.
26 À cet égard, il convient de rappeler que votre Cour a été amenée à s'interroger, à plusieurs reprises, sur le caractère éventuellement trompeur d'une dénomination, d'une marque ou d'une indication au regard des dispositions du traité ou du droit dérivé (12). Il ressort de votre jurisprudence que, pour déterminer si la dénomination, la marque ou l'indication en cause était ou non de nature à induire l'acheteur en erreur, votre Cour a pris en considération «l'attente présumée d'un consommateur
moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé...» (13).
27 C'est donc à la lumière de ce critère que nous examinerons si, compte tenu de la présence des substances litigieuses dans la confiture Darbo, l'utilisation de la mention «purement naturelle» est de nature à induire l'acheteur en erreur sur les caractéristiques de la denrée alimentaire.
Quant à la présence de pectine
28 La pectine est un «gélifiant» au sens des dispositions de la directive 95/2/CE concernant les additifs alimentaires autres que les colorants et les édulcorants (14). Il s'agit d'une substance qui, ajoutée à une denrée alimentaire, lui confère de la consistance par la formation d'un gel (15).
29 L'utilisation de la pectine dans les confitures «extra» est essentiellement régie par deux textes de droit communautaire: la directive 95/2, précitée, et la directive 79/693/CEE relative au rapprochement des législations des États membres concernant les confitures, gelées et marmelades de fruits ainsi que la crème de marrons (16).
Dans la directive 95/2, la pectine figure au nombre des substances qui peuvent être ajoutées aux confitures «extra» (17) sur la base du principe «quantum satis» (18). L'expression «quantum satis» signifie qu'aucune quantité maximale n'est spécifiée, mais que la substance concernée doit être employée conformément aux bonnes pratiques de fabrication (19).
Par ailleurs, la directive 79/693 autorise également l'utilisation de la pectine dans la fabrication des confitures «extra» (20).
30 La pectine peut se présenter sous une forme liquide ou solide. Il ressort des dispositions des directives 95/2 et 79/693 que la pectine solide constitue un additif (E 440) (21), alors que la pectine liquide est considérée comme un ingrédient de la denrée alimentaire (22).
31 En l'espèce, l'ordonnance de renvoi ne précise pas si la pectine utilisée par Darbo se présente sous la forme liquide ou solide. Toutefois, comme l'a souligné à juste titre la Commission, cette question n'est pas déterminante en vue d'apprécier la conformité de l'étiquetage litigieux avec les dispositions de la directive 79/112.
32 En effet, aux termes de l'article 6, paragraphe 4, sous a), de cette directive, «On entend par ingrédient toute substance, y compris les additifs, utilisée dans la fabrication ou la préparation d'une denrée alimentaire et encore présente dans le produit fini éventuellement sous une forme modifiée» (23).
33 Il en résulte que la pectine utilisée par Darbo, qu'elle se présente sous la forme liquide (ingrédient) ou sous la forme solide (additif), doit obligatoirement figurer sur la liste des ingrédients qui entrent dans la composition du produit.
34 Or, l'étiquetage de la confiture litigieuse répond à cette exigence. À la suite de la mention «Ingrédients», il fait clairement apparaître la présence de «fraises, sucre, concentré de jus de citron» et de «gélifiant pectine».
35 Cet étiquetage est donc conforme à l'article 3, paragraphe 1, point 2, ainsi qu'à l'article 6, paragraphe 4, sous a), et paragraphe 5, sous a), de la directive 79/112.
36 Il convient d'ajouter que, en plus des mentions obligatoires prévues par la directive 79/112, la directive 79/693 a édicté des règles spécifiques relatives à l'étiquetage des confitures (24). En vertu de cette réglementation, l'emballage des confitures «extra» doit comporter:
«la mention `préparé avec ... grammes de fruits pour 100 grammes', le chiffre indiqué représentant les quantités pour 100 grammes de produit fini pour lesquelles [a] été utilisé[e] ... la pulpe [de fruits]...» (25)
ainsi que
«la mention `teneur totale en sucres: ... grammes pour 100 grammes', le chiffre indiqué représentant la valeur réfractométrique du produit fini, déterminée à 20 degrés Celsius...» (26).
37 Or, l'étiquetage du produit litigieux répond également à ces deux exigences supplémentaires. Il indique que la confiture est «Fabriquée à partir d'au moins 50 g de fruits pour 100 g» et qu'elle présente une «Teneur totale en sucres [de] 60 g pour 100 g».
38 Dans ces conditions, nous pensons que la mention «purement naturelle» ne peut être de nature à induire l'acheteur en erreur sur la composition du produit litigieux.
39 En effet, dans un arrêt du 26 octobre 1995, votre Cour a reconnu que «... les consommateurs, dont la décision d'acheter est déterminée par la composition des produits en cause, lisent d'abord la liste des ingrédients dont la mention est obligatoire en application de ... la directive [79/112]» (27).
En l'espèce, un consommateur moyen, raisonnablement attentif et avisé, qui prend connaissance de la liste des ingrédients, est immédiatement informé de la présence de gélifiant pectine dans la confiture Darbo. L'étiquetage litigieux permet donc au consommateur de prendre sa décision d'achat en pleine connaissance de cause et, le cas échéant, d'apprécier la portée exacte de l'indication «purement naturelle».
40 En outre, nous rappellerons que votre Cour a jugé «qu'un État membre ne saurait prétendre qu'une liste d'ingrédients conforme à l'article 3 de la directive [79/112] constitue néanmoins une tromperie au sens de l'article 15, paragraphe 2, de la directive [79/112]...» (28).
41 Dans la mesure où la liste des ingrédients de la confiture litigieuse est conforme à l'article 3 de la directive 79/112 ainsi qu'aux dispositions de la directive 79/693, elle ne saurait être considérée comme étant de nature à induire l'acheteur en erreur.
Quant à la présence de résidus de plomb, de cadmium et de pesticides
42 Les autres griefs formulés par le Verein concernent les traces de résidus de plomb, de cadmium et de pesticides relevées dans la confiture Darbo.
43 Comme l'a souligné à juste titre la Commission, les résidus précités ne constituent pas des «ingrédients» de la denrée alimentaire au sens de l'article 6, paragraphe 4, de la directive 79/112. Ils ne figurent pas, non plus, sur la liste des mentions obligatoires énumérées par l'article 3, paragraphe 1, de ce texte. Leur mention sur l'emballage de la confiture litigieuse n'est donc pas prévue par la directive 79/112.
44 Il convient néanmoins d'examiner si, compte tenu de la présence des résidus précités, la mention «purement naturelle» n'est pas de nature à induire l'acheteur en erreur sur les caractéristiques de la denrée alimentaire au sens de l'article 2, paragraphe 1, sous a), i), de la directive 79/112 (29).
45 À cet égard, l'étiquetage de la confiture Darbo fournit quelques explications concernant le mode de fabrication du produit. Il précise que ce dernier est préparé selon une recette tyrolienne transmise au sein de la famille Darbo depuis 1879. D'après cette recette, la confiture est «réchauffée et remuée prudemment», de manière à conserver des vitamines de grande valeur ainsi que l'arôme naturel des fruits. En outre, l'emballage indique que la confiture est fabriquée à partir de «fraises de
jardin».
46 Eu égard à ces différentes informations, nous pensons que la mention «purement naturelle» ne saurait être de nature à induire l'acheteur en erreur sur le mode de production des fruits qui composent la denrée alimentaire. En particulier, ladite mention ne nous paraît pas susceptible de créer l'impression que la confiture litigieuse constitue un produit «biologique».
47 En effet, dans le commerce, les produits issus de l'agriculture biologique sont généralement présentés aux consommateurs sous la dénomination «bio» ou «biologique» (30). Ils peuvent également porter des indications qui, d'une manière ou d'une autre, se réfèrent à un mode de production biologique (31). Or, nous l'avons vu, l'étiquetage de la confiture Darbo ne comporte aucune indication de cette nature.
48 En revanche, la question qui se pose consiste à déterminer si un «consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé» peut s'attendre à la présence de traces de résidus de plomb, de cadmium et de pesticides dans une confiture «purement naturelle».
49 Dans ses observations écrites (32), la Commission a proposé à votre Cour de retenir un critère précis en vue de répondre à cette question. Elle expose que plusieurs textes de droit communautaire fixent des teneurs maximales pour les résidus de plomb, de cadmium et de pesticides dans les denrées alimentaires. En conséquence, elle suggère de procéder à une comparaison entre les valeurs indiquées par le juge de renvoi et les teneurs maximales fixées au niveau communautaire. La Commission estime que
la mention «purement naturelle» serait de nature à induire l'acheteur en erreur dans la seule hypothèse où les teneurs mesurées dans la confiture litigieuse dépasseraient largement les plafonds communautaires.
50 À l'inverse, le gouvernement finlandais (33) a contesté la pertinence d'un tel critère. Il souligne que l'ensemble des denrées alimentaires qui répondent aux normes de pureté établies par le droit communautaire doivent nécessairement être qualifiées de «pures». Dès lors, s'il apparaît que la confiture litigieuse répond à ces normes, la mention «purement naturelle» devrait être considérée comme contraire aux dispositions de l'article 2, paragraphe 1, sous a), iii), de la directive 79/112. En
effet, dans ce cas, la mention suggérerait «que la denrée alimentaire possède des caractéristiques particulières, alors que toutes les denrées alimentaires similaires possèdent ces mêmes caractéristiques».
51 En l'espèce, nous considérons que la mention «purement naturelle» pourrait être de nature à tromper le consommateur sur les caractéristiques de la denrée alimentaire dans deux hypothèses.
Premièrement, la mention «purement naturelle» serait de nature à induire l'acheteur en erreur si cette mention s'avérait incompatible avec la présence de traces de résidus de plomb, de cadmium et de pesticides dans la confiture litigieuse. En effet, dans ce cas, la denrée alimentaire contiendrait des substances toxiques ou polluantes qui, de toute évidence, s'opposeraient à l'utilisation de la mention «purement naturelle».
Deuxièmement, à supposer même que la confiture litigieuse puisse raisonnablement présenter des traces de résidus de plomb, de cadmium et de pesticides, la mention «purement naturelle» resterait de nature à induire l'acheteur en erreur si le taux de ces résidus s'avérait particulièrement élevé. En effet, dans ce cas, la denrée alimentaire présenterait une teneur telle en résidus de plomb, de cadmium et de pesticides qu'elle ne saurait manifestement plus être qualifiée de «naturelle». En outre, dans
pareille hypothèse, la circonstance que l'étiquetage de la confiture omette d'informer l'acheteur sur la présence des résidus précités constituerait une tromperie du consommateur au sens des dispositions de la directive 79/112.
52 La première hypothèse implique que l'on s'interroge sur la présence de plomb, de cadmium et de pesticides dans l'environnement naturel.
53 La seconde hypothèse rejoint le critère proposé par la Commission dans la mesure où elle suppose une comparaison des teneurs indiquées par le juge de renvoi avec les valeurs maximales fixées par le droit communautaire.
54 Avant d'examiner ces deux hypothèses, nous rappellerons - au travers de quelques arrêts - la nature du contrôle qu'exerce votre Cour lorsqu'elle se prononce sur le caractère éventuellement trompeur d'une dénomination, d'une marque ou d'une indication publicitaire.
55 L'affaire Pall, précitée, concernait l'utilisation du signe (R) - dérivé du mot anglais «registered» - apposée à côté d'une marque pour indiquer qu'il s'agit d'une marque déposée. En l'espèce, la législation allemande permettait d'obtenir l'interdiction de la commercialisation d'un produit portant le signe (R) lorsque la marque du produit n'était pas enregistrée dans cet État, mais était déposée dans un autre État membre. Il avait été soutenu qu'une telle interdiction était justifiée parce que le
signe (R) induisait les consommateurs en erreur si la marque n'était pas déposée dans le pays où les marchandises étaient commercialisées.
Votre Cour a écarté cette argumentation au motif que: «... supposer même que les consommateurs ou une partie d'entre eux puissent être induits en erreur sur ce point, un tel risque ne saurait justifier une entrave si caractérisée à la libre circulation des marchandises...» (34).
56 De même, l'affaire Mars, précitée, mettait en cause une législation allemande interdisant l'importation de barres glacées légalement commercialisées en France, dont l'emballage portait la mention « + 10 % » et dont la quantité avait été augmentée à l'occasion d'une campagne publicitaire. La juridiction nationale s'interrogeait sur le caractère éventuellement trompeur de la mention « + 10 % », notamment dans l'hypothèse où les commerçants auraient procédé à une augmentation corrélative du prix des
barres glacées.
Sur ce point, votre Cour a constaté que «... Mars n'a[vait] en réalité pas profité de l'opération de promotion pour augmenter ses prix de vente, et qu'aucun élément du dossier n'indiqu[ait] que les détaillants [avaient] eux-mêmes augmenté leurs prix» (35). Vous avez cependant ajouté que: «... en toute hypothèse ... le simple risque que les importateurs et détaillants augmentent le prix de la marchandise et que, par conséquent, les consommateurs puissent être trompés ne suffit pas pour justifier une
interdiction générale susceptible d'entraver le commerce intracommunautaire» (36).
57 Enfin, votre arrêt Commission/Allemagne, précité, concernait - entre autres produits - des sauces hollandaises et des sauces béarnaises. En Allemagne, la possibilité de commercialiser des sauces préparées à base de graisses végétales était subordonnée à la condition que l'étiquetage du produit contienne, en plus de la liste des ingrédients, une mention indiquant la présence de graisses végétales. Poursuivi pour manquement aux obligations de l'article 30 du traité, le gouvernement allemand avait
expliqué que l'exigence litigieuse visait à attirer l'attention de ses consommateurs sur la présence d'ingrédients auxquels ils ne s'attendaient pas: en effet, le mode de préparation des sauces concernées s'écartait de la recette traditionnellement suivie en Allemagne.
En l'espèce, votre Cour a considéré que l'information des consommateurs était garantie par la liste des ingrédients des produits. Elle a ajouté que: «Même si, dans certains cas, les consommateurs peuvent être induits en erreur, ce risque demeure minime et ne peut par conséquent justifier l'entrave à la libre circulation des marchandises engendrée par les exigences litigieuses» (37).
58 Il résulte de ces différents arrêts que, pour déterminer si une dénomination, une marque ou une indication publicitaire est ou non de nature à induire le consommateur en erreur, votre Cour applique une sorte de raisonnement de minimis (38). Elle ne conclut à l'existence d'une tromperie du consommateur que si elle considère que le risque de tromperie est suffisamment grave ou caractérisé.
59 D'ailleurs, dans l'arrêt du 26 novembre 1996, Graffione, votre Cour a jugé:
«... qu'un risque de tromperie des consommateurs ne peut primer les exigences de la libre circulation des marchandises et donc justifier des entraves aux échanges que pour autant qu'il est suffisamment grave...» (39).
60 L'exigence d'un «risque suffisamment grave» de tromperie du consommateur est donc un élément constant de votre jurisprudence.
61 Eu égard à cette exigence, nous pensons que votre Cour pourrait retenir, en l'espèce, un double critère afin d'apprécier si la mention «purement naturelle» est de nature à tromper le consommateur. Selon ce double critère:
a) la mention «purement naturelle» serait de nature à induire l'acheteur en erreur si l'utilisation de cette mention est manifestement incompatible avec la présence de traces de résidus de plomb, de cadmium et de pesticides dans la confiture litigieuse;
b) dans la négative, la mention «purement naturelle» resterait cependant de nature à induire l'acheteur en erreur si l'utilisation de cette mention est manifestement incompatible avec les résidus précités en raison de leur taux mesuré dans la confiture litigieuse.
62 Ce double critère rejoint les deux hypothèses de tromperie du consommateur que nous avons identifiées précédemment (40).
Sur le caractère manifestement incompatible de la mention «purement naturelle» avec la présence de traces de résidus de plomb, de cadmium et de pesticides dans la confiture litigieuse
63 Le plomb et le cadmium peuvent être décrits comme des «contaminants» au sens des dispositions du règlement (CEE) n_ 315/93 portant établissement des procédures communautaires relatives aux contaminants dans les denrées alimentaires (41). Il s'agit de «substance[s] qui n[e sont] pas intentionnellement ajoutée[s] à la denrée alimentaire, mais qui [sont] cependant présente[s] dans celle-ci comme un résidu de la production ... ou à la suite de la contamination par l'environnement» (42).
64 Le plomb et le cadmium constituent des métaux lourds que l'on trouve dans l'air ainsi qu'à la surface de la terre en raison de la pollution de l'environnement (43).
65 Au demeurant, plusieurs textes de droit communautaire attestent de la présence de ces deux substances dans notre milieu naturel.
S'agissant du plomb, la directive 82/884/CEE (44), par exemple, indique «que l'utilisation du plomb conduit actuellement à la pollution saturnine de nombreux milieux de l'environnement» (45). Dans cette directive, le Conseil a «fix[é] une valeur limite pour le plomb contenu dans l'atmosphère en vue de contribuer spécifiquement à la protection des êtres humains contre les effets du plomb dans l'environnement» (46).
Un autre exemple nous est donné par la directive 1999/30/CE du Conseil, du 22 avril 1999 (47). Tout comme la directive 82/884, cette réglementation a pour objectif «d'établir des valeurs limites ... pour les concentrations ... de plomb dans l'air ambiant...» (48).
Par ailleurs, la directive 80/778/CEE (49) indique que le milieu aquatique est également susceptible de contenir une telle substance. En effet, les dispositions de cette législation révèlent que les eaux destinées à la consommation humaine, qu'elles soient livrées à la consommation ou utilisées dans les entreprises alimentaires, présentent généralement certaines teneurs en plomb (50).
En ce qui concerne le cadmium, nous avons relevé plusieurs textes communautaires qui permettent d'attester de la présence de cette substance dans le milieu aquatique.
Ainsi, le préambule de la directive 83/513/CEE (51) expose:
«que, puisque la pollution due aux rejets de cadmium dans les eaux est provoquée par un grand nombre d'industries, il est nécessaire de fixer des valeurs limites spécifiques en fonction du type d'industrie et de fixer des objectifs de qualité pour le milieu aquatique dans lequel du cadmium est rejeté par ces industries» (52).
Dans cette directive, le Conseil a établi «les valeurs limites des normes d'émission du cadmium pour les rejets provenant d[e certains] établissements industriels...» (53) et a fixé «les objectifs de qualité en ce qui concerne le cadmium pour le milieu aquatique» (54).
En outre, les dispositions de la directive 80/778, confirment que les eaux destinées à la consommation humaine, qu'elles soient livrées à la consommation ou utilisées dans les entreprises alimentaires, sont également susceptibles de présenter certaines teneurs en cadmium (55).
66 Il résulte de l'ensemble de ces directives qu'un nombre considérable d'industries rejettent ou ont rejeté du plomb et du cadmium dans l'environnement. Pour regrettable qu'elle puisse être, la présence de ces deux substances dans notre milieu naturel constitue donc une réalité (56).
67 Or, dans la mesure où les fruits de jardin sont - par définition - cultivés dans un tel environnement, ils sont inévitablement exposés aux agents polluants qui l'affectent. Dans ces conditions, il n'est pas exceptionnel de trouver des traces de résidus de plomb et de cadmium sur des fraises de jardin cultivées de manière «naturelle».
68 Nous retiendrons donc que la mention «purement naturelle» n'est pas a priori incompatible avec la présence des résidus précités dans la confiture litigieuse.
69 En ce qui concerne les pesticides, il convient de se référer à la directive 90/642/CEE, du 27 novembre 1990 (57). En effet, le préambule de ce texte offre un aperçu assez pertinent des raisons qui conduisent à l'utilisation de pesticides. Il indique:
«considérant que la production végétale occupe une place très importante dans la Communauté;
considérant que le rendement de cette production est constamment affecté par des organismes nuisibles et des mauvaises herbes;
considérant que la protection des végétaux et des produits végétaux contre les effets de ces organismes est indispensable, non seulement pour éviter une diminution du rendement ou un préjudice aux produits récoltés, mais aussi pour accroître la productivité de l'agriculture;
considérant que l'utilisation de pesticides chimiques constitue un des moyens les plus importants pour protéger les végétaux et les produits végétaux des effets des organismes nuisibles; qu'il est cependant souhaitable de fixer les teneurs maximales obligatoires à un niveau aussi bas que le justifient les bonnes pratiques agricoles» (58).
70 Il résulte de ce texte que l'utilisation de pesticides constitue l'un des moyens les plus courants pour combattre la présence d'organismes nuisibles sur les produits végétaux et agricoles (59). D'ailleurs, les pesticides ne sont pas uniquement utilisés sur le plan «industriel» ou pour les cultures de grande envergure. En effet, les particuliers qui possèdent des plantes d'intérieur ou qui cultivent des fruits et légumes dans un jardin privatif sont également amenés à recourir à ce type de
substances en vue de protéger leurs végétaux.
71 Dès lors, la circonstance que des fraises de jardin soient cultivées de manière «naturelle» ne paraît pas de nature à exclure la présence de résidus de pesticides sur les fruits. Il est vrai que, pour les produits «biologiques», le règlement n_ 2092/91 a édicté des dispositions qui «impliqu[ent] des restrictions importantes en ce qui concerne l'utilisation de fertilisants ou de pesticides ... [ayant] pour résultat la présence de résidus...» (60). Toutefois, nous avons déjà constaté que la
confiture Darbo ne constituait pas un produit biologique au sens du règlement précité et qu'elle ne portait aucune indication laissant croire qu'elle avait été obtenue d'une manière biologique (61).
72 Dans ces conditions, la mention «purement naturelle» ne nous paraît pas a priori incompatible avec la présence de traces de résidus de pesticides dans la confiture litigieuse.
Sur le caractère manifestement incompatible de la mention «purement naturelle» avec le taux des résidus de plomb, de cadmium et de pesticides mesuré dans la confiture litigieuse
73 Il nous reste cependant à examiner les teneurs en résidus de plomb, de cadmium et de pesticides mesurées dans la confiture litigieuse. En effet, la mention «purement naturelle» pourrait néanmoins être de nature à tromper le consommateur si la denrée alimentaire devait présenter un taux particulièrement élevé de résidus de substances toxiques ou polluantes (62).
74 À cet effet, il convient de comparer les teneurs indiquées par le juge de renvoi aux teneurs maximales fixées par le droit communautaire.
75 En ce qui concerne le plomb et le cadmium, nous n'avons relevé aucun texte spécifique qui régit la présence de ces deux substances dans les fruits. Toutefois, la Commission a soumis à votre Cour des pièces qui révèlent que plusieurs études internationales et communautaires sont menées dans ce domaine.
Ainsi, en décembre 1998, la commission du Codex alimentarius de la FAO [Food and Agriculture Organization (of the United Nations)] et de l'Organisation mondiale de la santé (63) a adopté des documents recommandant l'adoption de limites internationales pour le plomb et le cadmium dans certains aliments. S'agissant des fruits, elle a proposé de retenir un seuil de 0,3 mg/kg pour les résidus de plomb et un seuil de 0,01 mg/kg pour les résidus de cadmium (64).
Par ailleurs, la direction générale «industrie» (DG III) de la Commission a procédé à un examen des législations des États membres fixant des teneurs maximales pour le plomb et le cadmium dans les denrées alimentaires. En février 1995, elle a établi un document intitulé «Compilation des tolérances pour les contaminants dans les denrées alimentaires dans la législation des États membres» (65). Il résulte de ce document que, pour les fruits et légumes, les États membres admettent des teneurs en plomb
qui varient de 0,1 mg/kg à 0,5 mg/kg et des teneurs en cadmium qui se situent entre 0,02 mg/kg et 0,2 mg/kg. En outre, il apparaît que la législation allemande tolère, dans la plupart des fruits, un taux de 0,5 mg/kg de plomb et un taux de 0,2 mg/kg de cadmium.
76 Or, dans sa question préjudicielle, l'Oberlandesgericht Köln indique que la confiture Darbo contient les traces suivantes: << 0,01 mg/kg de plomb et 0,008 mg/kg de cadmium.
77 Il en résulte que les résidus mesurés dans la confiture litigieuse sont nettement inférieurs à l'ensemble des valeurs nationales et internationales précédemment citées. En effet, le produit litigieux présente une teneur en plomb qui est 30 fois inférieure à la teneur recommandée - par exemple - par la commission du Codex alimentarius de la FAO et de l'Organisation mondiale de la santé. En outre, sa teneur en cadmium est 25 fois inférieure à la valeur maximale autorisée - pour prendre un autre
exemple - par la législation allemande.
78 En ce qui concerne les pesticides, il convient de se référer aux dispositions de la directive 90/642, du 27 novembre 1990. En effet, dans ce texte, le Conseil a expressément édicté les «teneurs maximales pour les résidus de pesticides dans certains produits d'origine végétale, y compris les fruits et légumes» (66).
Il ressort de l'annexe II de la directive 90/642 que la teneur maximale pour les résidus présents dans les fraises (autres que les fraises des bois) est fixée à 5 mg/kg tant pour le procymidone que pour le vinclozoline (67).
79 Or, dans sa question préjudicielle, le juge de renvoi indique que la confiture Darbo contient les traces suivantes: 0,016 mg/kg de procymidone et 0,005 mg/kg de vinclozoline.
80 Il en résulte que les quantités de pesticides mesurées dans la confiture litigieuse sont particulièrement faibles par rapport aux valeurs admises par le droit communautaire (68). En effet, la teneur en procymidone est plus de 300 fois inférieure à la teneur maximale autorisée par la directive 90/642. En outre, la teneur en vinclozoline est 1 000 fois inférieure à la valeur maximale communautaire.
81 Dans ces conditions, nous pensons que la mention «purement naturelle» ne saurait être de nature à induire le consommateur en erreur sur les caractéristiques de la confiture litigieuse et, notamment, sur ses qualités, sa composition ou son mode de fabrication. En particulier, il n'est nullement établi que, en raison des traces de résidus de plomb, de cadmium et de pesticides relevées dans la confiture Darbo, cette dernière ne puisse plus être qualifiée de «naturelle» ou porter la mention «purement
naturelle».
De plus, il convient de souligner que, compte tenu du niveau particulièrement faible des résidus précités par rapport aux valeurs admises par les autorités compétentes (nationales, communautaires ou internationales), la circonstance que l'acheteur ne soit pas informé de la présence desdits résidus par l'étiquetage du produit ne saurait constituer une tromperie du consommateur au sens des dispositions de la directive 79/112.
82 En conséquence, nous proposons à votre Cour de répondre à l'Oberlandesgericht Köln que l'utilisation de la mention «purement naturelle» pour désigner une confiture de fraises qui contient du gélifiant pectine ainsi que des traces de résidus de plomb, de cadmium et de pesticides dans les teneurs indiquées par l'ordonnance de renvoi n'est pas de nature à induire l'acheteur en erreur sur les caractéristiques de la denrée alimentaire au sens de l'article 2, paragraphe 1, sous a), i), de la directive
79/112.
Conclusion
83 Sur la base des considérations qui précèdent, nous vous proposons de dire pour droit:
«L'article 2, paragraphe 1, sous a), i), de la directive 79/112/CEE du Conseil, du 18 décembre 1978, relative au rapprochement des législations des États membres concernant l'étiquetage et la présentation des denrées alimentaires destinées au consommateur final ainsi que la publicité faite à leur égard, telle que modifiée par la directive 97/4/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 janvier 1997, doit être interprété en ce sens que l'utilisation de la mention `purement naturelle' pour désigner
une confiture de fraises telle que celle en cause dans l'espèce au principal n'est pas de nature à induire l'acheteur en erreur sur les caractéristiques de la denrée alimentaire.»
(1) - Directive du Conseil, du 18 décembre 1978 (JO 1979, L 33, p. 1), telle que modifiée en dernier lieu par la directive 1999/10/CE de la Commission, du 8 mars 1999, prévoyant des dérogations aux dispositions de l'article 7 de la directive 79/112 (JO L 69, p. 22).
(2) - Le dossier de la Cour ne contient aucune indication quant à la période à laquelle se sont déroulés les faits du litige au principal. En vue de déterminer la version de la directive 79/112 applicable en l'espèce, nous nous sommes donc référé à la date du prononcé de l'ordonnance de renvoi, à savoir le 2 décembre 1998. À cette date, la directive 79/112 était applicable dans sa version modifiée, en dernier lieu, par la directive 97/4/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 janvier 1997 (JO
L 43, p. 21).
(3) - L'article 14 du LMBG interdit la commercialisation de produits phytosanitaires, d'engrais ou de pesticides non autorisés. L'article 15 du LMBG interdit la commercialisation d'aliments pour animaux qui contiennent des substances pourvues d'un effet pharmacologique (point 11 des observations de la défenderesse au principal).
(4) - Page 3 de la traduction en français.
(5) - L'Österreichisches Lebensmittelbuch (ci-après l'«ÖMLB»), 3e édition, chapitre B 5 «confiture et autres produits à base de fruits», fixe les conditions auxquelles est subordonnée la commercialisation d'une «confiture extra» portant la mention «naturrein». La disposition citée est l'article 24 de l'ÖMLB (point 2 des observations du gouvernement autrichien et point 13 des observations de Darbo).
(6) - Point 9.
(7) - Pages 7 et 8 de la traduction en français.
(8) - Voir, notamment, les arrêts du 27 octobre 1993, Enderby (C-127/92, Rec. p. I-5535, point 10); du 3 mars 1994, Eurico Italia e.a. (C-332/92, C-333/92 et C-335/92, Rec. p. I-711, point 17); du 7 juillet 1994, McLachlan (C-146/93, Rec. p. I-3229, point 20), et du 16 juillet 1998, ICI (C-264/96, Rec. p. I-4695, point 15).
(9) - Voir, notamment, les arrêts du 19 décembre 1968, Salgoil (13/68, Rec. p. 661, 672), et du 26 novembre 1998, Bronner (C-7/97, Rec. p. I-7791, point 17).
(10) - Voir, par exemple, les arrêts du 10 novembre 1982, Rau (261/81, Rec. p. 3961, spécialement point 17), et du 12 mars 1987, Commission/Grèce (176/84, Rec. p. 1193, spécialement point 29).
(11) - Arrêt du 9 février 1999, Van der Laan (C-383/97, Rec. p. I-731, point 1 du dispositif, souligné par nous).
(12) - Voir, par exemple, les arrêts du 7 mars 1990, GB-Inno-BM (C-362/88, Rec. p. I-667); du 13 décembre 1990, Pall (C-238/89, Rec. p. I-4827); du 18 mai 1993, Yves Rocher (C-126/91, Rec. p. I-2361); du 2 février 1994, Verband Sozialer Wettbewerb, dit «Clinique» (C-315/92, Rec. p. I-317); du 29 juin 1995, Langguth (C-456/93, Rec. p. I-1737), et du 6 juillet 1995, Mars (C-470/93, Rec. p. I-1923).
(13) - Arrêt du 16 juillet 1998, Gut Springenheide et Tusky (C-210/96, Rec. p. I-4657, point 31). Voir également les arrêts Mars, précité, point 24, et du 28 janvier 1999, Sektkellerei Kessler (C-303/97, Rec. p. I-513, point 36).
(14) - Directive du Parlement européen et du Conseil, du 20 février 1995 (JO L 61, p. 1), telle que modifiée par la directive 96/85/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 décembre 1996 (JO 1997, L 86, p. 4), et par la directive 98/72/CE du Parlement européen et du Conseil, du 15 octobre 1998 (JO L 295, p. 18, ci-après la «directive 95/2»).
(15) - Article 1er, paragraphe 3, sous n), de la directive 95/2.
(16) - Directive du Conseil, du 24 juillet 1979 (JO L 205, p. 5), telle que modifiée par la directive 80/1276/CEE du Conseil, du 22 décembre 1980, modifiant, en raison de l'adhésion de la Grèce, les directives 76/893/CEE, 79/693/CEE et 80/777/CEE en ce qui concerne le quorum majoritaire des voix applicable dans le cadre de la procédure du comité permanent des denrées alimentaires (JO L 375, p. 77), et par la directive 88/593/CEE du Conseil, du 18 novembre 1988 (JO L 318, p. 44, ci-après la
«directive 79/693»).
(17) - La directive 79/693 définit la confiture «extra» comme «le mélange, porté à la consistance gélifiée appropriée, de sucres et de pulpe [de fruits]...» (annexe I, A, point 1).
(18) - Annexes I et II de la directive 95/2.
(19) - Article 2, paragraphe 8, de la directive 95/2.
(20) - Article 5, lu en combinaison avec les annexes I, A, point 1; III, A, point 1, dernier tiret, et III, B, de la directive 79/693.
(21) - Annexe III, B, de la directive 79/693 et annexes I et II de la directive 95/2.
(22) - Annexe III, A, point 1, dernier tiret, de la directive 79/693 et article 1er, paragraphe 5, sous b), de la directive 95/2.
(23) - Souligné par nous.
(24) - La directive 79/112 prévoit en effet que: «Les dispositions communautaires applicables à certaines denrées alimentaires déterminées ... peuvent prévoir d'autres mentions obligatoires en plus de celles énumérées à l'article 3» (article 4, paragraphe 2, premier alinéa).
(25) - Article 7, paragraphe 3, sous a), de la directive 79/693.
(26) - Article 7, paragraphe 3, sous b), de la directive 79/693.
(27) - Commission/Allemagne (C-51/94, Rec. p. I-3599, point 34, souligné par nous).
(28) - Arrêt Van der Laan, précité, point 37.
(29) - Voir, en ce sens, l'arrêt Van der Laan, précité, points 39 et 40.
(30) - Voir, à cet égard, l'article 2 du règlement (CEE) n_ 2092/91 du Conseil, du 24 juin 1991, concernant le mode de production biologique de produits agricoles et sa présentation sur les produits agricoles et les denrées alimentaires (JO L 198, p. 1).
(31) - Voir, à cet égard, le troisième considérant ainsi que l'article 1er, paragraphe 1, du règlement n_ 2092/91.
(32) - Pages 9 à 11 de la traduction en français.
(33) - Voir, notamment, le point 13 de ses observations écrites.
(34) - Arrêt Pall, précité, point 19 (souligné par nous).
(35) - Arrêt Mars, précité, point 19.
(36) - Arrêt Mars, précité, point 19 (souligné par nous). Votre Cour a, toutefois, précisé que: «Cette constatation n'exclut pas que les États membres puissent éventuellement, par des mesures appropriées, réagir contre des actes dûment prouvés qui auraient pour conséquence d'induire les consommateurs en erreur» (point 19).
(37) - Arrêt Commission/Allemagne, précité, point 34 (souligné par nous).
(38) - Voir également, en ce sens, les arrêts Clinique, précité, points 20 à 23, et Van der Laan, précité, points 41 et 42.
(39) - C-313/94, Rec. p. I-6039, point 24 (souligné par nous).
(40) - Voir le point 51 des présentes conclusions.
(41) - Règlement du Conseil, du 8 février 1993 (JO L 37, p. 1).
(42) - Article 1er, paragraphe 1, second alinéa, du règlement n_ 315/93.
(43) - La terre contient également du plomb et du cadmium à l'état naturel sous la forme de «sels».
(44) - Directive du Conseil, du 3 décembre 1982, concernant une valeur limite pour le plomb contenu dans l'atmosphère (JO L 378, p. 15).
(45) - Deuxième considérant de la directive 82/884 (souligné par nous).
(46) - Article 1er, paragraphe 1, de la directive 82/884 (souligné par nous).
(47) - Directive relative à la fixation de valeurs limites pour l'anhydride sulfureux, le dioxyde d'azote et les oxydes d'azote, les particules et le plomb dans l'air ambiant (JO L 163, p. 41).
(48) - Article 1er, premier tiret, de la directive 1999/30 (souligné par nous).
(49) - Directive du Conseil, du 15 juillet 1980, relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine (JO L 229, p. 11).
(50) - Voir, en particulier, les articles 2 et 3 ainsi que l'annexe I, D, point 51, de la directive 80/778.
(51) - Directive du Conseil, du 26 septembre 1983, concernant les valeurs limites et les objectifs de qualité pour les rejets de cadmium (JO L 291, p. 1).
(52) - Quatrième considérant de la directive 83/513 (souligné par nous).
(53) - Article 1er, paragraphe 1, premier tiret, de la directive 83/513.
(54) - Article 1er, paragraphe 1, deuxième tiret, de la directive 83/513 (souligné par nous).
(55) - Voir, en particulier, les articles 2 et 3 ainsi que l'annexe I, D, point 46, de la directive 80/778.
(56) - À cet égard, la pollution de l'air ambiant par le plomb n'est pas réellement surprenante. On se souviendra, en effet, que l'industrie automobile a longtemps rejeté cette substance dans l'atmosphère à l'époque où le carburant utilisé par les véhicules n'était pas encore «sans plomb».
(57) - Directive du Conseil concernant la fixation de teneurs maximales pour les résidus de pesticides sur ou dans certains produits d'origine végétale, y compris les fruits et légumes (JO L 350, p. 71), telle que modifiée en dernier lieu par la directive 1999/71/CE de la Commission, du 14 juillet 1999, modifiant les annexes des directives 86/362/CEE, 86/363/CEE et 90/642/CEE du Conseil (JO L 194, p. 36, ci-après la «directive 90/642»).
(58) - Premier à quatrième considérants de la directive 90/642 (souligné par nous).
(59) - Votre Cour a, d'ailleurs, constaté à plusieurs reprises que «les pesticides sont des substances ... nécessaires à l'agriculture...» (arrêts du 19 septembre 1984, Heijn, 94/83, Rec. p. 3263, point 15, et du 13 mars 1986, Mirepoix, 54/85, Rec. p. 1067, point 14).
(60) - Neuvième considérant du règlement n_ 2092/91.
(61) - Voir les points 45 à 47 des présentes conclusions.
(62) - À plus forte raison, la mention «purement naturelle» serait de nature à induire l'acheteur en erreur si, en raison du taux particulièrement élevé des résidus litigieux, la denrée alimentaire devait présenter un risque pour la santé du consommateur.
(63) - Il convient de souligner que votre Cour se réfère régulièrement aux travaux de la commission du Codex alimentarius de la FAO et de l'Organisation mondiale de la santé: voir, par exemple, les arrêts du 12 mars 1987, Commission/Allemagne, dit «Loi de pureté pour la bière» (178/84, Rec. p. 1227, point 44); du 13 décembre 1990, Bellon (C-42/90, Rec. p. I-4863, point 14), et du 4 juin 1992, Debus (C-13/91 et C-113/91, Rec. p. I-3617, point 17).
(64) - Annexe 1 des observations de la Commission (p. 8 et 5).
(65) - Annexe 2 des observations de la Commission.
(66) - Ainsi qu'il ressort du titre même de la directive 90/642.
(67) - En ce qui concerne le vinclozoline, voir l'annexe II, point 1, sous v), de la directive 90/642, telle que modifiée par l'article 2 de la directive 93/58/CEE du Conseil, du 29 juin 1993, modifiant l'annexe II de la directive 76/895/CEE ainsi que l'annexe de la directive 90/642/CEE (JO L 211, p. 6). En ce qui concerne le procymidone, voir l'annexe II, point 1, sous v), b), de la directive 90/642, telle que modifiée par l'article 3 de la directive 98/82/CE de la Commission, du 27 octobre 1998,
modifiant les annexes des directives 86/362/CEE, 86/363/CEE et 90/642/CEE du Conseil (JO L 290, p. 25).
(68) - À telle enseigne que la Commission a qualifié ces quantités d'«étonnamment faibles» (p. 11 de la traduction en français de ses observations).