Avis juridique important
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61999C0036
Conclusions de l'avocat général Cosmas présentées le 11 mai 2000. - Idéal tourisme SA contre Etat belge. - Demande de décision préjudicielle: Tribunal de première instance de Liège - Belgique. - TVA - Sixième directive 77/388/CEE - Dispositions transitoires - Maintien de l'exonération des transports aériens internationaux de personnes - Non-exonération des transports internationaux de personnes par autocar - Discrimination - Aide d'Etat. - Affaire C-36/99.
Recueil de jurisprudence 2000 page I-06049
Conclusions de l'avocat général
I -- Introduction
1 Dans l'affaire que nous examinons, le Tribunal de première instance de Liège (septième chambre) invite la Cour à répondre à des questions préjudicielles portant sur l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la "TVA") dont bénéficient les entreprises de transport aérien international de personnes et l'absence d'exonération des activités de transport de personnes par autocar. Ces questions portent plus spécialement sur le point de savoir dans quelle mesure la taxation de ces dernières
entreprises viole le principe d'égalité de traitement et de non-discrimination et dans quelle mesure l'exonération des sociétés de transport aérien constitue une aide d'État en faveur de ces dernières, interdite par l'article 92 du traité CE (devenu, après modification, article 87 CE).
II -- Le cadre juridique
A -- Le cadre juridique communautaire
2 La directive 77/388 (1) (ci-après la "sixième directive") tend, "dans la perspective d'une neutralité de l'impôt au plan de la concurrence", à soumettre à la TVA toute opération imposable ne faisant pas l'objet d'une exonération au titre d'une autre disposition dérogatoire de cette même directive (2). Conformément à l'article 2, premier alinéa, sont soumises à la TVA les livraisons de biens et les prestations de services, effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. Les
exonérations de la TVA qui sont prévues (article 13 et suivants de la sixième directive) constituent des dérogations à ce principe général (3). C'est que les principes de généralité et de neutralité de l'impôt, qui sous-tendent la directive, représentent la clé de lecture essentielle des dispositions de nature dérogatoire (4).
3 Dans le titre XVI, l'article 28 établit certaines dispositions transitoires autorisant la persistance d'exonérations, par les États membres, maintenues dans la perspective de l'objectif final de leur abolition. C'est ainsi que l'article 28, paragraphe 3, sous b), dispose que, au cours de la période transitoire visée au paragraphe 4, les États membres (5) peuvent "continuer à exonérer les opérations énumérées à l'annexe F dans les conditions existantes dans l'État membre". En d'autres termes, cette
disposition permet le maintien d'un régime antérieur à la sixième directive si les États membres le souhaitent (6).
4 Aux termes de l'article 28, paragraphe 4, "la période transitoire est initialement fixée à une durée de cinq ans à compter du 1er janvier 1978. Au plus tard six mois avant la fin de cette période, et ultérieurement en tant que de besoin, le Conseil, sur la base d'un rapport de la Commission, réexaminera la situation en ce qui concerne les dérogations énumérées au paragraphe 3 et statuera à l'unanimité, sur proposition de la Commission, sur la suppression éventuelle de certaines ou de toutes ces
dérogations".
5 En outre, l'annexe F à la sixième directive qui, conformément à son titre, comporte la liste des opérations visées à l'article 28, paragraphe 3, sous b), mentionne, au point 17, "les transports de personnes" et précise: "les transports de biens, tels que les bagages et les voitures automobiles, accompagnés des voyageurs ou les prestations de services liées au transport de personnes ne sont exonérés que dans la mesure où les transports de ces personnes sont exonérés" (7).
Le cadre juridique national
6 En Belgique, c'est le code de la TVA (ci-après le "code TVA") qui met en oeuvre dans l'ordre juridique interne les dispositions de la sixième directive.
7 L'article 1er, 1_, de l'arrêté royal n_ 20, du 20 juillet 1970, fixant les taux de la taxe sur la valeur ajoutée et déterminant la répartition des biens et des services selon ces taux dispose que la taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 6 % pour les biens et services désignés au tableau A de l'annexe du même arrêté.
8 Au tableau A, à la rubrique XXV, intitulée «Transports», figurent:
«Les transports de personnes ainsi que des bagages non enregistrés et des animaux accompagnant les voyageurs.»
9 L'article 41, paragraphe 1, 1_, du code de la TVA dispose que sont exemptés de la TVA les transports maritimes de personnes; les transports aériens internationaux de personnes; les transports de bagages et de voitures automobiles, accompagnés de voyageurs dans le cas des transports visés à ce même 1_.
III -- Les faits
10 La société anonyme Idéal tourisme (ci-après «Idéal tourisme»), partie demanderesse au principal, dont le siège est à Liège (Belgique), est une société effectuant des opérations de transport international de personnes par autocar.
11 Dans une lettre adressée le 11 juillet 1997 à l'autorité fiscale belge, Idéal Tourisme, faisant référence à sa déclaration (mensuelle) à la TVA relative aux opérations du mois de juin 1997, a exposé qu'elle considérait comme soumises à un taux de 0 % les parties effectuées en Belgique des opérations de transport international de personnes par autocar qu'elle avait effectuées.
12 Dans cette lettre, Idéal Tourisme soutient que la législation belge, selon laquelle la partie belge des transports de personnes par autocar est soumise à la TVA au taux de 6 %. (8), alors que les transports aériens de personnes sont exonérés de la TVA, entraîne, du point de vue de la TVA, une discrimination contraire au principe général d'égalité au détriment des propriétaires d'autocars touristiques par rapport aux compagnies aériennes. En outre, Idéal Tourisme considère que le régime TVA, qui
avantage le secteur du transport aérien de personnes, constitue une aide d'État incompatible avec le marché commun, au sens des articles 92 et suivants du traité CE.
13 Le 10 octobre 1997, le bureau de contrôle TVA de Liège a adressé à Idéal Tourisme un relevé de régularisation en matière de TVA et lui a porté en compte les sommes de 554 845 BEF à titre de TVA et de 55 000 BEF à titre d'amende.
14 Par courrier du 27 octobre 1997, Idéal Tourisme a autorisé le bureau de contrôle à prélever les montants par débit de son compte courant TVA, en marquant cependant son désaccord sur cette régularisation et en mettant le bureau de contrôle en demeure de lui restituer les fonds perçus.
15 L'administration fiscale n'ayant pas procédé à la restitution réclamée, Idéal Tourisme a formé un recours, dirigé contre ce refus, le 16 janvier 1998.
16 Le 26 janvier 1998, le bureau de contrôle TVA a fait savoir à Idéal Tourisme que les sommes litigieuses lui avaient été restituées.
17 Le 18 février 1998, contrainte a été décernée à Idéal Tourisme pour ces mêmes montants.
18 Idéal Tourisme a introduit, le 22 avril 1998, une action en opposition à contrainte, fondée sur les mêmes arguments que l'action en restitution introduite en janvier 1998.
19 À l'appui de sa demande, Idéal Tourisme fait valoir deux arguments de droit communautaire, tirés de la violation du principe d'égalité et de la violation des dispositions du traité CE en matière d'aides d'État.
Les questions préjudicielles
20 Pour trancher le litige dont elle a à connaître, la juridiction nationale soumet à la Cour les deux questions préjudicielles suivantes:
«1) La directive 77/388/CEE du Conseil, en particulier en ses articles 12, paragraphe 3, et 28, paragraphe 3 b), autorise-t-elle les États membres à instaurer, au détriment des entreprises de transport de personnes par autocar, une discrimination contraire au principe d'égalité de traitement et de non-discrimination portés par le droit communautaire?
2) Un régime TVA favorable à un secteur d'activités économiques déterminé, comme celui en cause dans le cas d'espèce, peut-il constituer une aide d'État au sens de l'article 92 du Traité de Rome, alors même qu'il ne protège pas exclusivement l'industrie nationale?»
V -- Réponses aux questions préjudicielles
A -- Sur la recevabilité des questions préjudicielles
21 Le gouvernement belge exprime des doutes quant au caractère réel du litige. En effet, les questions qu'Idéal tourisme a suggéré au juge national de formuler, sans être purement hypothétiques, auraient néanmoins pour seul but d'obtenir un résultat qui n'a pas encore pu être atteint par la voie législative (9).
22 Idéal tourisme souligne que le litige au principal n'a rien d'artificiel. En effet, il serait évident que les parties sont en désaccord sur un certain nombre de points importants et qu'il résulte clairement du dossier qu'Idéal tourisme ne s'est pas mise d'accord avec l'État belge pour poser une question préjudicielle à la Cour.
23 Enfin, selon la juridiction nationale, la position d'Idéal Tourisme est défendable et elle ne peut pas être soupçonnée d'avoir créé ce litige de toutes pièces, afin de pouvoir poser différentes questions à la Cour de justice, lesquelles restent à l'appréciation du magistrat national tant en ce qui concerne leur opportunité que leur formulation.
24 Comme le montre clairement l'ordonnance de renvoi, le recours formé par Idéal Tourisme vise la restitution du montant de TVA qu'elle a versée, et donc le bénéfice pour elle-même d'une exonération de la TVA.
25 S'agissant de la première question préjudicielle, nous pensons que certains éléments d'interprétation du droit communautaire peuvent être donnés à la juridiction nationale, eu égard à l'ensemble des éléments qu'elle fournit, et notamment de la motivation de l'acte portant renvoi (10). La réponse aux questions d'interprétation posées correspond à une nécessité objective, inhérente à la solution du litige soulevé devant la juridiction nationale (11).
26 Eu égard néanmoins à l'objet du litige soumis à la juridiction nationale, nous pensons qu'il n'est pas utile de répondre à la deuxième question: en effet, en formant son recours, Idéal Tourisme vise à obtenir la restitution des montants de TVA versés et non à ordonner à l'administration fiscale belge de cesser d'accorder des aides sous la forme d'exonérations de la TVA aux sociétés de transport aérien ou à ordonner aux sociétés de transport aérien avantagées de rembourser au fisc les aides
litigieuses, accordées en violation de l'article 93, paragraphe 3, du traité CE (devenu l'article 88 CE), auquel cas la formulation de cette question serait justifiée et la réponse de la Cour utile à la solution du litige au principal (12). Telle est la conclusion à laquelle nous aboutissons, sans avoir à nous prononcer sur la qualification d'aide d'État de l'exonération de la TVA des compagnies aériennes, que, pour ledit motif, nous n'avons pas à examiner.
27 Il en résulte que, pour la Cour, répondre à la seconde question formulée par la juridiction nationale impliquerait un renversement manifeste de sa jurisprudence, dans la mesure où elle déclarerait ainsi recevable des questions préjudicielles, et y répondrait, même lorsque ces questions sont sans rapport avec la solution d'un litige en instance, comme nous l'avons précédemment exposé, et sont posées l'occasion d'un tel litige (en instance) et soulèvent un problème plus ou moins débattu dans la
doctrine ou dans la pratique, sans en tout cas que sa solution serve à résoudre le litige en instance.
B -- Sur la première question
28 Par la première question posée, la juridiction nationale voudrait s'entendre dire si la sixième directive et en particulier son article 28, paragraphe 3, sous b), autorise les États membres à introduire une inégalité de traitement au détriment des entreprises de transport de personnes par autocars et si cette discrimination est contraire aux principes d'égalité de traitement et de non-discrimination qui font partie intégrante du droit communautaire.
29 Il résulte des éléments du litige au principal que la réponse à cette question ne servirait à la solution du litige au principal que dans la mesure où a été résolue la question de savoir s'il est possible d'étendre l'exonération aux entreprises de transport de personnes par autocar. Or, nous pensons que la solution de cette question découle de l'interprétation de l'article 28, paragraphe 3, sous b), de la sixième directive sans qu'il soit besoin d'examiner la question posée par la juridiction
nationale.
30 Le texte de l'article 28, paragraphe 3, sous b), est clair. Cette disposition autorise les États membres à continuer à appliquer dans les mêmes conditions les exonérations de la TVA prévues dans leur législation avant l'entrée en vigueur de la sixième directive et non à introduire un nouveau régime d'exonération (13). Toutefois, il n'en est ainsi que dans la mesure où sont réunies, cumulativement, les deux conditions dont dépend la compatibilité d'une législation nationale avec la sixième
directive: l'antériorité et le maintien de la législation litigieuse dans l'état qui était sien lors de l'entrée en vigueur de la sixième directive, soit l'absence de modification de cette législation d'une manière incompatible avec l'exception instaurée par l'article 28, paragraphe 3: ainsi, il n'est pas possible d'étendre les exonérations applicables le jour de l'entrée en vigueur de la sixième directive ni d'instaurer de nouvelles exonérations, postérieures à l'entrée en vigueur de cette
directive (14), pas plus qu'il n'est possible de réintroduire des exonérations existant avant l'assujettissement à la TVA de certaines prestations de service en vertu de la sixième directive (15).
31 Nous croyons en outre que les dispositions combinées de l'article 28, paragraphe 3, sous b), et de l'annexe F, point 17, de la sixième directive, ne sont pas contraires au principe d'égalité de traitement et de non-discrimination. S'il s'avérait que l'application ou le maintien, par les États membres, de certaines dispositions existantes comportait des éléments de discrimination, cela ne saurait être imputé à la directive et il ne serait nullement possible de procéder à une extension des
exonérations existantes.
32 Eu égard aux éléments qui précèdent, notre point de vue est le suivant: si le régime d'exonération de la TVA en vigueur pour les transports de personnes par des compagnies aériennes avait été étendu après l'entrée en vigueur de sixième directive aux sociétés de transport par autocar, cette extension aurait été contraire à l'article 28, paragraphe 3, sous b), créant ainsi des distorsions au détriment de certains États membres (16) qui, conformément à cette disposition transitoire, ont laissé leur
législation telle qu'elle existait lors de l'entrée en vigueur de la sixième directive et n'ont plus étendu les exonérations de la TVA qui existaient à ce moment-là. En dernière analyse, cette conséquence serait contraire à l'impératif d'application uniforme des dispositions de la sixième directive (17), portant préjudice à l'objectif de réalisation d'un marché caractérisé par une concurrence saine.
33 Ainsi, en l'occurrence, l'article 28, paragraphe 3, sous b), de la sixième directive ne permet-il en aucun cas à un État membre, tel que le royaume de Belgique, après l'entrée en vigueur de la sixième directive, d'étendre aux sociétés de transport par autocar l'exonération prévue en faveur des compagnies aériennes.
34 La Cour n'est dès lors pas tenue d'examiner la question de savoir s'il y a traitement favorable des compagnies aériennes au détriment des entreprises de transport par autocar car, de toute façon, la réponse qui serait donnée ne servirait pas à la solution du litige en instance, ainsi que nous l'avons précédemment exposé.
VI -- Conclusion
35 Eu égard aux éléments qui précèdent, nous proposons à la Cour de répondre aux questions préjudicielles posées par le Tribunal de première instance de Liège (septième chambre) dans les termes suivants:
"Il convient d'interpréter les dispositions combinées de l'article 28, paragraphe 3, sous b), et de l'annexe F, point 17, de la sixième directive du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, en ce sens qu'elles n'autorisent pas les États membres à étendre, après l'entrée en vigueur de ladite directive, le régime d'exonérations de la TVA prévu en faveur de
certaines activités de transport de personnes."
(1) - Directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1).
(2) - Voir l'arrêt de la Cour du 8 juillet 1986, Kerrutt/Finanzamt Mönchengladbach-Mitte (73/85, Rec. p. 2219, points 14 et 17).
(3) - Faisant exception au principe général, ces dérogations sont d'interprétation stricte: voir notamment les arrêts de la Cour du 15 juin 1989, Stichting Uitvoering Financiële Acties/Staatssecretaris van Financiën (348/87, Rec. p. 1737, point 13), et du 11 août 1995, Bulthuis-Griffioen (C-453/93, Rec. p. I-2341, point 19).
(4) - Voir le point 5 des conclusions de l'avocat général M. Tesauro sous l'arrêt de la Cour du 17 octobre 1991, Commission/Espagne (C-35/90, Rec. p. I-5073).
(5) - L'article 28 de la directive a été itérativement interprété par la Cour: celle-ci a clairement établi que l'échéance du délai prévu au paragraphe 4 de cet article n'entraîne pas ipso facto la suppression de la faculté de maintenir les exonérations existantes; voir, à titre indicatif, les arrêts du 17 octobre 1991, Commission/Espagne, précité à la note 4, point 9; du 27 octobre 1992, Commission/Allemagne (C-74/91, Rec. p. I-5437, point 3), et arrêt de la Cour du 23 mai 1996, Commission/Grèce
(C-331/94, Rec. p. I-2675, point 14).
(6) - Voir l'arrêt du 11 novembre 1997, Eurotunnel (C-408/95, Rec. p. I-6315, point 57).
(7) - Le 5 novembre 1992, la Commission a soumis au Conseil une proposition de directive modifiant le régime TVA applicable aux transports de personnes [COM (92) 416 final, JO C 307, p. 11] qui n'a pas abouti et qui a finalement été retirée attendu que, puisque le Conseil ne s'était pas prononcé, la proposition ne revêtait plus un caractère d'actualité, ainsi que la Commission l'a elle-même exposé (JO C 2 du 4 janvier 1997, p. 2).
(8) - La partie du trajet effectuée dans les autres pays de l'Union européenne est soumise à un taux de TVA propre au pays concerné.
(9) - Le gouvernement belge se pose en outre la question de savoir si la Cour peut, dans le cadre d'une question préjudicielle qui dépend fortement des circonstances de fait et de droit à l'origine du litige au principal, se prononcer sur une interprétation de certaines dispositions de droit communautaire qui aurait pour conséquence de limiter, voir exclure, la compétence du législateur communautaire de légiférer dans ce domaine.
(10) - Voir notamment les arrêts de la Cour du 20 mars 1986, Procureur de la République/Tissier (35/85, Rec. p. 1207, point 9), et du 1er avril 1993, Hewlett Packard France (C-250/91, Rec. p. I-1819, point 9).
(11) - En fait, la Cour a souligné à diverses reprises [voir notamment l'arrêt de la Cour du 16 décembre 1981, Foglia/Novello (244/80, Rec. p. 3045, points 18 à 21)] que l'article 177 donne mission à la Cour non de formuler des opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques, mais de contribuer à l'administration de la justice dans les États membres. Ainsi, en se fondant sur la présentation du cadre (factuel et juridique) donné et de l'analyse des problèmes qui se posent à la
juridiction nationale dans le cadre du litige au principal, la Cour examine-t-elle s'il existe un besoin réel d'interprétation de dispositions de droit communautaire et si l'interprétation demandée est utile à la solution du litige porté devant la juridiction nationale ou si lesdites questions sont soulevées dans le cadre d'un litige provoqué par les parties en vue d'amener la Cour à prendre position sur certaines questions de droit communautaire, qui ne répondent pas à une nécessité objective
inhérente à la solution du litige [Voir les arrêts Foglia, précité ci-dessus (point 18), du 8 novembre 1990, Gmurzynska-Bscher, C-231/89, Rec. p. I-4003, point 23), et du 9 mars 2000, Evangelischer Krankenhausverein Wien (C-437/97, Rec. p. I-0000, point 52). C'est uniquement dans des cas exceptionnels que la Cour a eu recours à la faculté de refuser de répondre, lorsqu'il était manifeste que la disposition de droit communautaire qu'elle était invitée à interpréter ou dont elle était invitée à
apprécier la validité n'avait aucun rapport avec l'objet du litige au principal [voir notamment les arrêts de la Cour du 16 juin 1981, Salonia/Poidomani e Giglio (126/80, Rec. p. 1563, point 6), et du 11 juillet 1991, Crispoltoni (C-368/89, Rec. p. I-3695, point 11)].
(12) - Nous rappellerons que, dans l'arrêt Evangelischer Krankenhausverein Wien, précité à la note 11 (au point 53), la Cour a considéré qu'il n'y avait pas lieu de répondre à la question de savoir si l'exonération du paiement de la taxe sur les boissons pour la vente de vin directement sur le lieu de production constitue une aide d'État incompatible avec le droit communautaire. En effet, dans cet arrêt, la Cour a constaté que la question posée était dénuée de pertinence pour la solution des litiges
au principal, qui concernaient l'obligation pour un certain nombre de sociétés, de payer la taxe sur les boissons à raison des opérations de livraison à titre onéreux de boissons et de glaces et non le point de savoir si l'exonération du paiement d'une telle taxe pour la vente de vin directement sur le lieu de production constituait une aide d'État incompatible avec le traité.$
(13) - Voir le point 17 de l'arrêt Kerrutt, précité à la note 2, ainsi que le point 4 des conclusions de l'avocat général M. Tesauro sous l'arrêt Commission/Espagne, précité à la note 4.
Par ailleurs, la Cour a reconnu que l'autorisation accordée aux États membres de maintenir leur législation existante en matière d'exclusion du droit à déduction de la TVA vaut jusqu'à ce que le Conseil arrête les dispositions prévues à cet article; voir notamment les arrêts du 5 octobre 1999, Royscot Leasing Ltd. e.a. (C-305/97, Rec. p. I-0000, points 29 et 30), et du 18 juin 1998, Commission/France (C-43/96, Rec. p. I-3903, points 16 à 19), ainsi que les points 20 et 21 des conclusions de l'avocat
général M. Jacobs sous ce dernier arrêt, de même que les points 24 et suivants de nos conclusions dans les affaires Ampafrance SA (C-177/99 et C-181/99), actuellement en délibéré.
(14) - Voir notamment l'arrêt Kerrutt, précité à la note 2, point 17, ainsi que les arrêts de la Cour du 29 avril 1999 Norbury Developments (C-136/97, Rec. p. I-2491, points 19 et 20), dans lesquels la Cour a toutefois souligné que cette disposition ne faisait pas obstacle à la réduction des exonérations existant à la date de l'entrée en vigueur de la sixième directive, en vue de l'application uniforme de celle-ci (point 20), ainsi que l'arrêt de la Cour du 27 octobre 1992, Commission/Allemagne
(C-74/91, Rec. p. I-5437, point 15).
(15) - Voir les arrêts Commission/Espagne, précité à la note 4 (points 6 à 9), et Commission/Allemagne, précité à la note 5 (point 15).
(16) - Voir l'arrêt Commission/Allemagne, précité à la note 5 (points 25 et 26).
(17) - Voir l'arrêt Norbury Developments, précité à la note 14 (point 20).