Avis juridique important
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61998J0082
Arrêt de la Cour (quatrième chambre) du 25 mai 2000. - Max Kögler contre Cour de justice des Communautés européennes. - Pourvoi - Recours de fonctionnaire - Coefficient correcteur applicable à la pension de retraite. - Affaire C-82/98 P.
Recueil de jurisprudence 2000 page I-03855
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
Parties
Dans l'affaire C-82/98 P,
Max Kögler, ancien fonctionnaire de la Cour de justice des Communautés européennes, demeurant à Konz (Allemagne), représenté par Me T. Baltes, avocat à Trèves, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me R. Weber, 3, rue de la Loge,
partie requérante,
ayant pour objet un pourvoi formé contre l'ordonnance du Tribunal de première instance des Communautés européennes (troisième chambre) du 20 janvier 1998, Kögler/Cour de justice (T-160/96, RecFP p. I-A-15 et II-35), et tendant à l'annulation de cette ordonnance,
les autres parties à la procédure étant:
Cour de justice des Communautés européennes, représentée par M. T. Millett, conseiller juridique pour les affaires administratives, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de la Cour de justice, Kirchberg,
partie défenderesse en première instance,
et
Conseil de l'Union européenne, représenté par MM. M. Bauer et D. Canga Fano, membres du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. A. Morbilli, directeur général de la direction des affaires juridiques de la Banque européenne d'investissement, 100, boulevard Konrad Adenauer,
partie intervenante en première instance,
LA COUR
(quatrième chambre),
composée de MM. D. A. O. Edward, président de chambre, A. La Pergola et H. Ragnemalm (rapporteur), juges,
avocat général: M. J. Mischo,
greffier: M. H. von Holstein, greffier adjoint, puis M. R. Grass, greffier,
vu le rapport d'audience,
ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l'audience du 24 juin 1999, au cours de laquelle M. Kögler était représenté par Me T. Baltes, la Cour de justice par M. B. Zimmermann, traducteur, en qualité d'agent, et le Conseil par M. M. Bauer,
vu l'ordonnance de réouverture de la procédure orale du 25 octobre 1999,
vu le rapport d'audience,
vu la renonciation par les parties à une nouvelle audience,
ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 3 février 2000,
rend le présent
Arrêt
Motifs de l'arrêt
1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 26 mars 1998, M. Kögler a, en vertu de l'article 49 du statut CE de la Cour de justice, formé un pourvoi contre l'ordonnance du Tribunal de première instance du 20 janvier 1998, Kögler/Cour de justice (T-160/96, RecFP p. I-A-15 et II-35, ci-après l'«ordonnance attaquée»), par laquelle celui-ci a déclaré manifestement irrecevable son recours tendant, notamment, à l'annulation de la décision du comité chargé des réclamations de la Cour de justice du 1er
juillet 1996, portant rejet de la réclamation du requérant visant à obtenir l'application des coefficients correcteurs fondés sur le coût de la vie à Berlin pour le recalcul et la fixation définitive de sa pension pour la période du 1er juillet 1991 au 30 juin 1994.
Le cadre juridique et les faits du litige
2 Le cadre juridique et les faits qui sont à l'origine du pourvoi sont exposés dans l'ordonnance attaquée dans les termes suivants:
«1 Le requérant est un ancien directeur de la direction de la traduction de la Cour de justice des Communautés européennes. Il a été admis à la retraite à compter du 1er décembre 1987. En tant que fonctionnaire retraité, il a toujours résidé à Konz, en Allemagne.
2 En application de l'article 82, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après `statut'), les pensions des anciens fonctionnaires sont affectées d'un coefficient correcteur fixé pour le pays où le titulaire de la pension justifie avoir sa résidence.
3 À la suite de la réunification de l'Allemagne, Berlin est devenue, en octobre 1990, la capitale de cet État membre.
4 Dans ses arrêts du 27 octobre 1994, Benzler/Commission (T-536/93, RecFP p. II-777), et Chavane de Dalmassy e.a./Commission (T-64/92, RecFP p. II-723), le Tribunal a déclaré que les articles 6, paragraphe 2, d'une part, du règlement (CECA, CEE, Euratom) n_ 3834/91 du Conseil, du 19 décembre 1991, adaptant à compter du 1er juillet 1991 les rémunérations et les pensions des fonctionnaires et autres agents des Communautés européennes ainsi que les coefficients correcteurs dont sont affectées ces
rémunérations et pensions (JO L 361, p. 13, ci-après `règlement n_ 3834/91'), et, d'autre part, du règlement (CEE, Euratom, CECA) n_ 3761/92 du Conseil, du 21 décembre 1992, adaptant, à compter du 1er juillet 1992, les rémunérations et les pensions des fonctionnaires et autres agents des Communautés européennes ainsi que les coefficients correcteurs dont sont affectées ces rémunérations et pensions (JO L 383, p. 1, ci-après `règlement n_ 3761/92'), pour autant qu'ils fixaient un coefficient
correcteur provisoire pour l'Allemagne sur la base du coût de la vie à Bonn, violaient le principe, énoncé à l'annexe XI du statut, selon lequel le coefficient correcteur d'un État membre doit être fixé par référence au coût de la vie dans la capitale, dès lors que Berlin était devenue la capitale de l'Allemagne depuis le 3 octobre 1990. Le Tribunal a, en conséquence, respectivement annulé les bulletins de rémunération et de pension des requérants dans ces affaires tels qu'établis sur le fondement
des règlements précités.
5 Il est, par ailleurs, constant que les coefficients correcteurs, qualifiés en note infrapaginale dans les règlements précités de `chiffre provisoire', ou dont il était précisé qu'ils étaient appliqués `sans préjudice des décisions que le Conseil est appelé à prendre suite à la proposition de la Commission', n'ont pas été modifiés ultérieurement.
6 À la suite des arrêts mentionnés ci-dessus, plusieurs réunions se sont tenues au sein du Conseil pour déterminer les mesures que devrait comporter l'exécution des arrêts précités. Le Conseil a, ensuite, adopté, le 19 décembre 1994, le règlement (CECA, CE, Euratom) n_ 3161/94, adaptant, à partir du 1er juillet 1994, les rémunérations et les pensions des fonctionnaires et autres agents des Communautés européennes ainsi que les coefficients correcteurs dont sont affectées ces rémunérations et
pensions (JO L 335, p. 1, ci-après `règlement n_ 3161/94'). L'article 6, paragraphe 1, de ce règlement prévoit, avec effet au 1er juillet 1994, un coefficient correcteur général pour l'Allemagne fondé pour la première fois sur Berlin, ainsi que des coefficients correcteurs spécifiques pour Bonn, Karlsruhe et Munich.
7 Par la suite, le règlement (CE, Euratom, CECA) n_ 2963/95 du Conseil, du 18 décembre 1995, adaptant les rémunérations et les pensions des fonctionnaires et autres agents des Communautés européennes ainsi que les coefficients correcteurs dont sont affectées ces rémunérations et pensions (JO L 310, p. 1), a confirmé la fixation d'un coefficient correcteur général pour l'Allemagne fondé sur le coût de la vie à Berlin, avec effet rétroactif au 1er juillet 1995.
8 Or, le requérant est d'avis que la Cour aurait dû appliquer à ses bulletins de pension, pour la période courant du 1er juillet 1991 au 30 juin 1994, les coefficients correcteurs fondés sur le coût de la vie à Berlin, au lieu de les établir sur la base du coût de la vie à Bonn. En conséquence, le requérant a, par lettre du 29 janvier 1996, introduit une demande au titre de l'article 90, paragraphe 1, du statut, en vue d'une nouvelle fixation rétroactive de sa pension.
9 La demande du requérant a été rejetée par décision du Greffier de la Cour agissant en tant qu'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après `AIPN') du 12 mars 1996.
10 Le 10 mai 1996, le requérant a introduit auprès du Comité chargé des réclamations de la Cour (ci-après `Comité'), une réclamation tendant au même but que la demande, en ajoutant qu'il demandait que l'institution indique une date rapprochée à laquelle le calcul désiré serait réalisé.
11 Cette réclamation a été rejetée le 1er juillet 1996, au motif que celle-ci avait été introduite hors délai et qu'elle était dès lors irrecevable. En effet, `les actes faisant grief' au sens de l'article 90, paragraphe 2, du statut seraient, en l'occurrence, les bulletins de pension respectifs de la période en cause. Par conséquent, le requérant aurait laissé écouler les délais de recours statutaires.»
L'ordonnance attaquée
3 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 octobre 1996, le requérant a demandé l'annulation de la décision du comité du 1er juillet 1996 ainsi que, à titre principal, le recalcul et la fixation définitive de sa pension pour la période du 1er juillet 1991 au 30 juin 1994 sur la base des coefficients correcteurs fondés sur le coût de la vie à Berlin fixés annuellement par le Conseil et, à titre subsidiaire, la fixation d'une date rapprochée à laquelle ce recalcul et cette fixation définitive
devraient intervenir.
4 La Cour de justice a conclu à l'irrecevabilité du recours au motif que la réclamation du requérant était elle-même irrecevable pour cause de tardiveté.
5 Il ressort du point 33 de l'ordonnance attaquée que le requérant a avancé deux arguments afin de combattre cette exception d'irrecevabilité. Il a fait valoir, d'une part, en substance, que le Conseil s'était «fermement engagé» à fixer définitivement les coefficients correcteurs qualifiés de «provisoires» dans les notes infrapaginales des règlements nos 3834/91 et 3761/92 et des règlements suivants et que, dans ces circonstances, le principe de la protection de la confiance légitime s'opposait à la
thèse selon laquelle il aurait dû attaquer ses bulletins de pension à un stade antérieur. D'autre part, il a soutenu que son recours ne visait pas un acte de l'AIPN, mais une carence de celle-ci.
6 S'agissant du premier argument, le Tribunal a souligné, au point 34 de l'ordonnance attaquée, qu'il est de jurisprudence constante qu'un fonctionnaire ne saurait invoquer une violation du principe de la protection de la confiance légitime en l'absence d'assurances précises que lui aurait fournies l'administration.
7 Or, le Tribunal a considéré, aux points 35 à 37 de l'ordonnance attaquée, que, par les notes infrapaginales des règlements nos 3834/91 et 3761/92 et des règlements suivants, le Conseil s'était uniquement réservé la possibilité de modifier les coefficients correcteurs pour l'Allemagne, sans s'imposer l'obligation de revenir rétroactivement sur la fixation de ceux-ci.
8 Le Tribunal en a conclu, au point 38 de l'ordonnance attaquée, que l'on ne saurait dire que le Conseil avait donné au requérant des «assurances précises», comme l'exigerait la jurisprudence relative au principe de la protection de la confiance légitime. Par conséquent, le Tribunal a estimé que «le requérant ne saurait prétendre que le Conseil a créé dans son chef une `confiance légitime' lui permettant d'espérer qu'il pouvait échapper à l'application des délais statutaires susmentionnés».
9 S'agissant du second argument du requérant, le Tribunal a jugé, au point 39 de l'ordonnance attaquée, que les bulletins de pension mensuels qui ont été notifiés au requérant entre le 1er juillet 1991 et le 30 juin 1994 constituent manifestement des actes faisant grief à celui-ci, dans la mesure où ils fixent chaque fois le montant de sa pension. Selon le Tribunal, dans la mesure où ces bulletins ont été notifiés individuellement au requérant, celui-ci aurait dû introduire chaque fois une
réclamation dans les trois mois suivants, respectant ainsi le délai prévu à l'article 90 du statut. Or, le Tribunal a relevé que le requérant avait introduit sa réclamation le 10 mai 1996, c'est-à-dire près de deux ans après l'expiration du délai légal courant à compter de la réception du dernier bulletin de juin 1994. Le Tribunal a donc déclaré le recours irrecevable en raison de l'introduction tardive de la réclamation du requérant.
10 Le Tribunal a rappelé, par ailleurs, au point 41 de l'ordonnance attaquée, qu'un fonctionnaire qui a omis d'intenter, dans les délais prévus aux articles 90 et 91 du statut, un recours en annulation d'un acte lui faisant grief ne saurait, par le biais d'une demande d'indemnisation du préjudice causé par cet acte, réparer cette omission et se ménager ainsi de nouveaux délais de recours.
11 Or, selon le Tribunal, au point 42 de l'ordonnance attaquée, le recours du requérant, fondé prétendument sur une carence du Conseil, devait être considéré comme visant à contourner les délais prévus aux articles 90 et 91 du statut en ce qu'il avait pour objet, d'une part, l'annulation d'une décision du comité qui ne faisait que confirmer une irrecevabilité préexistante et, d'autre part, l'obtention, par un recours de type indemnitaire, du montant additionnel qu'il aurait reçu s'il s'était vu
appliquer le coefficient correcteur fondé sur le coût de la vie à Berlin dès 1991.
12 Le Tribunal a donc rejeté le recours comme manifestement irrecevable.
Le pourvoi
13 Par son pourvoi, le requérant demande qu'il plaise à la Cour:
- annuler l'ordonnance attaquée,
- annuler la décision du comité du 1er juillet 1996,
- déclarer que les pensions du requérant doivent être recalculées et fixées définitivement sur la base du coefficient correcteur fondé sur le coût de la vie à Berlin fixé annuellement par le Conseil ou, subsidiairement, fixer une date proche à laquelle un tel recalcul et une telle fixation devront intervenir,
- condamner la Cour de justice et le Conseil aux dépens.
14 Le requérant soulève trois moyens au soutien de son pourvoi, fondés, premièrement, sur le fait que le Tribunal aurait mal interprété les règlements nos 3834/91 et 3761/92 et le règlement (Euratom, CECA, CE) n_ 3608/93 du Conseil, du 20 décembre 1993, adaptant, à partir du 1er juillet 1993, les rémunérations et les pensions des fonctionnaires et autres agents des Communautés européennes ainsi que les coefficients correcteurs dont sont affectées ces rémunérations et pensions (JO L 328, p. 1), en
jugeant que le Conseil ne s'était pas engagé, par ces règlements, à adopter un coefficient correcteur définitif pour l'Allemagne, deuxièmement, sur le fait que le Tribunal n'aurait pas examiné les arguments du requérant fondés sur le principe de bonne foi ou les aurait dénaturés et, troisièmement, sur le fait que le Tribunal aurait modifié l'objet du litige en prétendant que sa demande était dirigée contre ses bulletins de pension alors qu'elle visait la carence de l'AIPN à fixer sa pension de façon
définitive.
15 La Cour de justice conclut au rejet du pourvoi et à la condamnation du requérant aux dépens.
16 Le Conseil conclut au rejet du pourvoi comme manifestement irrecevable, subsidiairement comme non fondé, et à la condamnation du requérant aux dépens.
Appréciation de la Cour
Sur la recevabilité
17 Le Conseil soutient que le pourvoi est manifestement irrecevable pour deux motifs.
18 Le Conseil fait valoir, en premier lieu, que le requérant n'indique pas avec précision les éléments attaqués de l'ordonnance dont l'annulation est demandée ainsi que les moyens juridiques spécifiques à l'appui de cette demande. Le requérant se bornerait à répéter ou à reproduire littéralement les moyens et arguments formulés devant le Tribunal et viserait ainsi à obtenir un simple réexamen de la requête présentée en première instance, au mépris des termes de l'article 49, premier alinéa, du
statut CE de la Cour de justice.
19 À cet égard, il convient de rappeler, à titre liminaire, que, selon une jurisprudence constante de la Cour, il résulte des articles 168 A du traité CE (devenu article 225 CE) et 51, premier alinéa, du statut CE de la Cour de justice que le pourvoi ne peut s'appuyer que sur des moyens portant sur la violation de règles de droit, à l'exclusion de toute appréciation des faits (voir, notamment, arrêt du 28 mai 1998, New Holland Ford/Commission, C-8/95 P, Rec. p. I-3175, point 25).
20 En outre, aux termes de l'article 112, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure de la Cour, le pourvoi doit contenir les moyens et arguments de droit invoqués.
21 Il résulte de ces dispositions qu'un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l'arrêt dont l'annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande (voir, notamment, arrêt New Holland Ford/Commission, précité, point 23).
22 En l'espèce, il ressort de la requête déposée devant la Cour que le requérant a pris position sur les éléments attaqués de l'ordonnance dont l'annulation est demandée, de sorte que son pourvoi comporte l'explication des erreurs de droit prétendument commises par le Tribunal ainsi que l'exposé des moyens de droit invoqués par le requérant.
23 Il convient d'observer ensuite qu'un pourvoi peut s'appuyer sur une argumentation déjà présentée en première instance afin de démontrer que le Tribunal a violé le droit communautaire en rejetant les moyens et arguments que le requérant lui a présentés.
24 Dans le cas d'espèce, il ressort de la requête déposée devant la Cour que le pourvoi ne constitue pas une simple reproduction textuelle des moyens et arguments présentés dans la requête en première instance.
25 Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter le premier argument du Conseil.
26 Le Conseil soutient, en second lieu, que l'appréciation par le Tribunal des conclusions que le requérant devait tirer de la formulation des règlements nos 3834/91 et 3761/92 ainsi que des réponses du Conseil aux questions posées par le Tribunal dans l'affaire Benzler/Commission, précitée, est une appréciation de fait qui échappe au contrôle de la Cour.
27 À cet égard, il suffit de constater que l'interprétation des règlements applicables est une question de droit susceptible de faire l'objet d'un pourvoi.
28 Il s'ensuit que le second argument du Conseil ne saurait être accueilli et que, dès lors, il y a lieu d'examiner le pourvoi sur le fond.
Sur le fond
29 Le requérant soulève trois moyens à l'appui de son pourvoi.
30 En premier lieu, le requérant considère que, en affirmant, au point 35 de l'ordonnance attaquée, que le coefficient correcteur doit être considéré comme définitif, le Tribunal a adopté une interprétation des règlements nos 3834/91, 3761/92 et 3608/93 contraire à leur libellé ainsi qu'au point 18 de l'arrêt Benzler/Commission, précité. Il considère que le Tribunal a donc rejeté à tort son argument tiré du principe de la protection de la confiance légitime.
31 Selon le requérant, le caractère provisoire de la fixation du coefficient correcteur découle clairement de l'expression «décisions que le Conseil est appelé à prendre» employée par le Conseil dans les notes infrapaginales des règlements nos 3761/92 et 3608/93 dans leurs versions française et allemande. Cette conclusion résulterait également du règlement n_ 3834/91, qui qualifie les coefficients correcteurs fixés pour l'Allemagne de «chiffre provisoire» et qui, en outre, dans son dernier
considérant, justifie expressément le caractère provisoire de la fixation desdits coefficients.
32 Par ailleurs, le Conseil lui-même, dans ses réponses aux questions que lui a posées le Tribunal dans les affaires Benzler/Commission et Chavane de Dalmassy e.a./Commission, précitées, aurait exprimé clairement sa volonté de remplacer, à une date encore indéterminée et avec effet rétroactif, les coefficients correcteurs provisoires par des coefficients définitifs. Dans ces circonstances, le principe de la protection de la confiance légitime s'opposerait à la thèse selon laquelle le requérant
aurait dû attaquer ses bulletins de pension à un stade antérieur.
33 À cet égard, il convient de souligner que c'est à bon droit que le Tribunal, au point 34 de l'ordonnance attaquée, a rappelé qu'un fonctionnaire ne saurait invoquer une violation du principe de la protection de la confiance légitime en l'absence d'assurances précises que lui aurait fournies l'administration.
34 Or, ainsi que le Tribunal l'a relevé aux points 35 et 36 de l'ordonnance attaquée, l'interprétation proposée par le requérant ne constitue que l'une des significations possibles des dispositions litigieuses. En ce qui concerne l'expression «sans préjudice des décisions que le Conseil est appelé à prendre», il ressort d'une comparaison des différentes versions linguistiques que le Conseil se réserve la possibilité de modifier les coefficients correcteurs.
35 Il s'ensuit donc que, si les règlements nos 3834/91, 3761/92 et 3608/93 n'excluent pas la possibilité que le Conseil adopte de nouveaux coefficients correcteurs avec effet rétroactif, ils ne permettent nullement de considérer une telle hypothèse comme certaine.
36 Dans ces circonstances, il ne saurait être considéré que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant, au point 38 de l'ordonnance attaquée, que le Conseil n'a pas créé, dans le chef du requérant, une confiance légitime lui permettant d'espérer qu'il pouvait échapper à l'application des délais statutaires pour former une réclamation.
37 Le premier moyen doit donc être rejeté.
38 Le requérant fait valoir, en deuxième lieu, que, en interprétant des dispositions des règlements précités, le Tribunal a omis d'examiner les arguments que le requérant tire du principe de bonne foi ou les a dénaturés en jugeant que le Conseil ne lui avait pas donné de motif d'espérer qu'il se verrait appliquer un coefficient fondé sur le coût de la vie à Berlin, alors que le requérant soutient seulement qu'il était en droit d'attendre la fixation d'un coefficient définitif, quel qu'il soit.
39 Le Conseil, en adoptant la version allemande des règlements nos 3834/91, 3761/92 et 3608/93, aurait fait croire au requérant que, au moment voulu, un régime définitif aux modalités encore inconnues serait adopté avec effet rétroactif, qui remédierait aux éventuelles carences du régime provisoire et contre lequel, en cas de besoin, il pourrait agir au moyen des voies de recours statutaires. Les coefficients correcteurs applicables à la pension du requérant n'auraient pas été fixés de manière
définitive dans les trois règlements applicables, mais uniquement de manière provisoire, faisant ainsi naître chez le requérant l'espoir d'une fixation ultérieure définitive avec effet rétroactif.
40 Ainsi que M. l'avocat général l'a relevé aux points 44 et 45 de ses conclusions, le deuxième moyen du requérant n'est pas dissociable du premier dans la mesure où il n'y aurait, en l'espèce, violation du principe de bonne foi que si les attentes du requérant quant à l'attitude future du Conseil étaient justifiées.
41 Ainsi qu'il ressort des points 34 à 36 du présent arrêt, le Tribunal a jugé à bon droit que le Conseil n'avait pas fait naître, dans le chef du requérant, des espérances fondées lui permettant de croire qu'il adopterait un nouveau règlement concernant les coefficients correcteurs pour l'Allemagne fixés dans les règlements nos 3834/91, 3761/92 et 3608/93. Aussi le Conseil n'a-t-il pu manquer au principe de bonne foi.
42 À supposer même que le requérant ait prétendu devant le Tribunal qu'il avait des motifs d'espérer non pas l'application rétroactive d'un coefficient fondé sur le coût de la vie à Berlin, mais seulement la fixation d'un coefficient définitif, quel qu'il soit, une telle circonstance serait sans incidence dès lors que cette seconde espérance n'était elle-même pas fondée.
43 En troisième lieu, le requérant reproche au Tribunal d'avoir, aux points 39 à 42 de l'ordonnance attaquée, modifié l'objet du litige afin de pouvoir déclarer le recours irrecevable. Sa demande adressée à l'AIPN ainsi que son recours devant le Tribunal n'auraient pas été dirigés contre les bulletins provisoires qui lui ont été remis, mais contre le fait que, de manière indue, le règlement définitif et les bulletins envisagés dans les règlements du Conseil se sont fait longtemps attendre.
44 Ce n'est que vers la fin de l'année 1995 que le requérant aurait acquis la conviction que, désormais, seule l'absence de volonté du Conseil empêchait ce dernier de fixer également le coefficient correcteur définitif pour la période du 1er juillet 1991 au 30 juin 1994. Selon lui, l'absence de fixation d'un coefficient correcteur définitif pouvait donc être admise tant que les incertitudes liées à la situation imprévisible provoquée par la surprenante réunification de l'Allemagne perdureraient.
45 Le requérant soutient que, à la différence de ce que le Tribunal a allégué au point 42 de l'ordonnance attaquée, il ne cherche qu'à faire constater que le caractère provisoire de cette situation, créé par ces dispositions, ne peut plus perdurer. Il veut faire valoir son droit à ce que les bulletins de pension provisoires qui lui ont été remis pour la période du 1er juillet 1991 au 30 juin 1994 soient remplacés par des bulletins définitifs.
46 Le requérant ajoute que le principe d'égalité de traitement interdit de se fonder, afin de fixer de manière définitive un coefficient correcteur pour l'Allemagne pour la période du 1er juillet 1991 au 30 juin 1994, sur un autre coût de la vie que celui de Berlin.
47 S'agissant, d'abord, de l'argument du requérant selon lequel son recours serait dirigé contre la carence de l'AIPN, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence de la Cour, le bulletin de rémunération constitue un acte faisant grief au sens de l'article 90, paragraphe 2, du statut, susceptible de faire l'objet d'une réclamation et éventuellement d'un recours (voir, notamment, arrêt du 4 juillet 1985, Delhez e.a./Commission, 264/83, Rec. p. 2179, point 20). Par conséquent, les
bulletins de pension mensuels pour la période du 1er juillet 1991 au 30 juin 1994 ayant été notifiés individuellement au requérant et lui faisant grief, la possibilité d'introduire une réclamation était ouverte à celui-ci contre chacun d'entre eux dans les trois mois suivant leur notification, conformément à l'article 90 du statut.
48 Il en résulte que c'est à bon droit que le Tribunal a conclu qu'il n'y avait pas carence de l'AIPN, celle-ci ayant adressé au requérant des actes faisant grief et donc susceptibles de recours.
49 S'agissant, ensuite, de l'argument du requérant selon lequel ses bulletins de pension, s'ils peuvent être considérés comme des décisions définitives sous l'angle de la recevabilité d'un recours formé contre eux, n'en sont pas moins des bulletins provisoires puisqu'ils ont pour fondement des dispositions provisoires, de sorte qu'ils ne règlent pas sa situation de manière définitive et que ni la nécessité d'assurer la sécurité des situations juridiques ni, par conséquent, les délais de recours ne
peuvent être opposés au requérant, il convient de rappeler que, bien que les règlements nos 3834/91, 3761/92 et 3608/93, sur lesquels sont fondés les bulletins de pension du requérant pour la période du 1er juillet 1991 au 30 juin 1994, aient fixé de manière provisoire le coefficient correcteur pour l'Allemagne, il ne peut être revenu sur les actes que constituent ces bulletins aussi longtemps que le Conseil n'a pas modifié, avec effet rétroactif, lesdits règlements. Aussi, chacun des bulletins de
pension, qui établit les droits individuels du requérant pour la période concernée, constitue un acte définitif et faisant grief, au sens des articles 90 et 91 du statut, que l'intéressé aurait dû contester dans le délai statutaire de trois mois.
50 S'agissant, enfin, de l'argument du requérant selon lequel le Tribunal a également modifié l'objet du recours en considérant, au point 42 de l'ordonnance attaquée, que le recours visait à obtenir l'attribution, pour la période du 1er juillet 1991 au 30 juin 1994, d'une pension calculée en fonction du coût de la vie à Berlin, il suffit de constater que cet élément n'est pas essentiel pour la validité du raisonnement du Tribunal. Le Tribunal s'étant prononcé sur les recours ouverts au requérant et
ayant déclaré le seul recours à sa disposition irrecevable comme tardif, l'objectif en vue duquel il a intenté ce recours est indifférent.
51 Dans ces circonstances, l'argument du requérant tiré du principe d'égalité de traitement doit être considéré comme inopérant.
52 Il résulte des considérations qui précèdent qu'il y a lieu de rejeter le pourvoi.
Décisions sur les dépenses
Sur les dépens
53 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l'article 118, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. L'article 69, paragraphe 4, du règlement de procédure dispose que les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. La Cour de justice ayant conclu à la condamnation du requérant aux dépens et celui-ci ayant succombé en ses moyens,
il y a lieu de le condamner aux dépens de la présente instance. Le Conseil supportera ses propres dépens.
Dispositif
Par ces motifs,
LA COUR
(quatrième chambre)
déclare et arrête:
54 Le pourvoi est rejeté.
55 M. Kögler est condamné aux dépens.
56 Le Conseil de l'Union européenne supportera ses propres dépens.