Avis juridique important
|
61998C0214
Conclusions de l'avocat général Mischo présentées le 6 juin 2000. - Commission des Communautés européennes contre République hellénique. - Manquement d'Etat - Non-transposition de certaines dispositions de la directive 93/118/CE. - Affaire C-214/98.
Recueil de jurisprudence 2000 page I-09601
Conclusions de l'avocat général
1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 10 juin 1998, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 169 du traité CE (devenu article 226 CE), un recours visant à faire constater que la République hellénique, en n'ayant pas mis en oeuvre ou transposé correctement certaines dispositions de la directive 93/118/CE du Conseil, du 22 décembre 1993, modifiant la directive 85/73/CEE relative au financement des inspections et contrôles sanitaires des viandes fraîches et
des viandes de volaille (1), a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité CE et en particulier des dispositions du chapitre I, points 1, 2 et 5, de l'annexe de la directive.
Le cadre juridique
2 La directive 85/73/CEE du Conseil, du 29 janvier 1985 relative au financement des inspections et contrôles sanitaires des viandes fraîches et des viandes de volaille, telle que modifiée par la directive 93/118/CE (ci-après la «directive») (2) a pour objet d'harmoniser les règles relatives au financement des inspections et contrôles sanitaires dans les abattoirs, dans un souci d'assurer un fonctionnement efficace du régime de contrôle et d'éviter des distorsions de concurrence.
3 Son article 1er, paragraphe 1, impose aux États membres de prélever une redevance pour les frais occasionnés par les inspections et contrôles sanitaires des viandes visées par différentes directives communautaires.
4 Les montants forfaitaires à percevoir au titre de cette redevance sont fixés au chapitre I de l'annexe de la directive et varient, notamment, selon l'espèce de l'animal, son âge et son poids.
5 Les montants forfaitaires destinés à couvrir les frais d'inspection liés aux opérations d'abattage sont fixés au point 1 de ce chapitre, tandis que les montants à percevoir au titre des contrôles et inspections liés aux opérations de découpage sont fixés au point 2.
6 Le point 5 de ce même chapitre prévoit les hypothèses dans lesquelles un État peut fixer des redevances d'un montant inférieur au forfait.
7 En Grèce, la transposition de cette directive est assurée par le décret présidentiel n_ 34/94.
La procédure
8 La Commission estime que le décret présidentiel n_ 34/94 n'est pas conforme aux exigences de l'annexe de la directive, en ce que, contrairement aux dispositions figurant au chapitre I, points 1, 2 et 5, de ladite annexe:
- il omet de mentionner, s'agissant de la redevance perçue à l'occasion des opérations d'abattage, la catégorie correspondant aux solipèdes/équidés, alors que celle-ci figure expressément au chapitre I, point 1, sous b), de l'annexe de la directive;
- il fixe les montants des redevances à 50 % des montants communautaires forfaitaires, sans que cette réduction soit motivée, au regard des dispositions de l'annexe de la directive;
- enfin, il ne vise pas les volailles pour les besoins de l'application de la redevance de découpage, alors que cette catégorie de viande relève du champ d'application de la directive.
9 La République hellénique n'ayant ni répondu à la lettre de mise en demeure ni donné suite à l'avis motivé de la Commission, cette dernière a introduit, en vertu de l'article 169 du traité, un recours en manquement d'État pour défaut de mise en oeuvre ou transposition incorrecte des dispositions du chapitre I, points 1, 2 et 5, de l'annexe de la directive.
10 La République hellénique conclut à ce qu'il plaise à la Cour rejeter comme non fondé le recours introduit par la Commission.
11 J'examinerai successivement les griefs invoqués par la Commission.
L'absence de mention, parmi les viandes auxquelles s'appliquent les redevances prévues par la directive, de la catégorie des solipèdes/équidés
12 La Commission soutient que, en ce qui concerne les redevances à percevoir lors des inspections et contrôles sanitaires liés à l'abattage des animaux, le décret présidentiel n_ 34/94, en omettant de mentionner la catégorie correspondant aux solipèdes/équidés, n'assure pas une transposition correcte de la directive.
13 La République hellénique reconnaît que le décret présidentiel n_ 34/94 ne mentionne pas cette catégorie. Toutefois, en vertu des dispositions nationales et communautaires applicables, l'abattage des animaux ne pourrait s'effectuer que dans des abattoirs agréés. Or, en Grèce, aucun abattoir n'aurait été agréé à ce jour pour l'abattage des solipèdes/équidés et, par conséquent, il n'y aurait pas dans cet État membre d'abattage de ces animaux.
14 La Commission fait valoir que, en vertu de la jurisprudence de la Cour, les directives doivent être transposées de manière claire et transparente en vue de permettre aux particuliers de connaître leurs droits et obligations (3). En particulier, les États membres seraient tenus de prévoir un cadre légal précis dans le domaine visé par la directive en cause et le fait qu'une certaine activité n'existe pas dans un État membre ne saurait justifier l'absence de dispositions de mise en oeuvre. La
circonstance qu'aucun abattoir n'aurait été agréé en Grèce pour les solipèdes/équidés n'empêcherait pas qu'à l'avenir lesdits animaux soient susceptibles d'y être abattus. La pleine application de la directive ne saurait dépendre de la volonté des autorités nationales compétentes d'agréer ou non de tels abattoirs, si bien que l'existence d'une disposition interne contraignante visant les solipèdes/équidés serait indispensable.
15 Le gouvernement hellénique répond que le recours obligatoire aux abattoirs agréés serait suffisant et aboutirait au même résultat que celui recherché par la directive, si bien que l'argument de la Commission, tiré de l'éventualité d'un tel abattage dans le futur, serait dénué de pertinence. L'absence de mention de cette catégorie dans le décret présidentiel n_ 34/94 serait donc dépourvue de toute conséquence juridique.
16 En tout état de cause, dans la perspective de la mise en oeuvre imminente de la directive 96/43/CE du Conseil, du 26 juin 1996, modifiant et codifiant la directive 85/73/CEE pour assurer le financement des inspections et des contrôles vétérinaires des animaux vivants et de certains produits animaux, et modifiant les directives 90/675/CEE et 91/496/CEE (4), le décret présidentiel en voie de promulgation mentionnerait expressément la catégorie des solipèdes/équidés.
17 Le problème juridique à résoudre en l'espèce est celui de l'incidence, au regard du principe de l'obligation de transposition des directives, de l'inexistence, dans un État membre déterminé, d'une activité visée par une directive communautaire.
18 Ce problème juridique n'est pas inédit, la Cour ayant déjà été confrontée à une question similaire dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt du 15 mars 1990, Commission/Pays-Bas, précité, dans lequel était en cause la directive 79/409/CEE du Conseil, du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages (5).
19 Dans cette affaire, la directive en cause imposait notamment aux États membres d'interdire la chasse aux oiseaux à partir d'avions. Afin de justifier le défaut de mise en oeuvre de la disposition de la directive proscrivant une telle pratique, l'État membre défendeur soutenait qu'il n'était pas fait usage d'avions, sur son territoire, pour la poursuite du gibier et que, par conséquent, dans la mesure où les pratiques interdites n'existaient pas sur son territoire, il n'était pas nécessaire de
procéder à une transposition formelle.
20 Ainsi que le soulignait, à juste titre, l'avocat général Van Gerven dans ses conclusions sous l'affaire susmentionnée, un tel moyen de défense n'aurait pu être pris en considération que si le gouvernement néerlandais avait été en mesure de démontrer que la pratique interdite par la directive ne pouvait, en aucun cas, exister sur le territoire néerlandais, une preuve qui ne pouvait être fournie par le renvoi à la situation de fait existant à un moment donné, car celle-ci pouvait toujours se
modifier. En conséquence, l'existence d'un cadre légal précis susceptible de garantir en toutes circonstances la pleine application de la directive est toujours nécessaire afin de se prémunir contre de telles modifications.
21 La Cour a suivi l'avocat général Van Gerven, en jugeant que:
«Le fait qu'un certain nombre d'activités incompatibles avec les interdictions de la directive n'existent pas dans un État membre déterminé ne saurait justifier l'absence de dispositions légales en ce sens. En effet, afin de garantir la pleine application des directives, en droit et non seulement en fait, les États membres doivent prévoir un cadre légal précis dans le domaine concerné».
22 Cette jurisprudence est-elle transposable en l'espèce?
23 Selon moi, oui, bien que la directive en cause dans l'affaire qui nous occupe prescrive, non pas une interdiction, mais une obligation positive. En effet, le gouvernement hellénique se prévaut d'une situation purement factuelle. Même si, à l'heure actuelle, aucun abattoir n'a été agréé et que, de ce fait, il n'est procédé à aucun abattage de la catégorie des solipèdes/équidés, il n'est pas contesté que la situation actuelle est susceptible de faire l'objet de modifications. En effet, aucun
obstacle juridique ne s'oppose à la délivrance d'un agrément, le décret présidentiel n_ 410/94, produit en annexe du mémoire en défense, envisageant une telle possibilité. Le gouvernement hellénique reconnaît d'ailleurs lui-même que cette situation est provisoire. Il a, en effet, estimé utile de faire valoir pour sa défense que, «de toute façon, eu égard à la mise en oeuvre et à la transposition imminentes de la directive 96/43 par le décret présidentiel en voie d'être promulgué, il sera fait
mention explicitement de la catégorie des solipèdes/équidés de telle sorte qu'à l'avenir cette catégorie soit également prévue».
24 S'agissant de la valeur de ce dernier argument, il suffit de rappeler une jurisprudence constante de la Cour, selon laquelle «l'objet d'un recours introduit au titre de l'article 169 du traité est fixé par l'avis motivé de la Commission et que, même au cas où le manquement a été éliminé postérieurement au délai déterminé en vertu du deuxième alinéa dudit article, la poursuite de l'action conserve un intérêt en vue d'établir la base d'une responsabilité qu'un État membre peut être dans le cas
d'encourir, en conséquence de son manquement, à l'égard d'autres États membres, de la Communauté ou de particuliers» (6). Cette jurisprudence vaut a fortiori lorsqu'il est allégué que l'élimination du manquement est imminente.
25 Le premier grief invoqué par la Commission m'apparaît donc fondé.
La fixation du taux des redevances à 50 % des montants communautaires forfaitaires
26 Le décret présidentiel n_ 34/94 a fixé les montants des redevances à percevoir pour les contrôles sanitaires lors de l'abattage des animaux et lors des opérations de découpage à 50 % des montants communautaires forfaitaires.
27 La Commission prétend non pas que la réduction opérée par les autorités helléniques va au-delà de la limite tolérée par la réglementation communautaire, mais que le bien-fondé d'une telle réduction ne serait pas justifié, conformément au chapitre I, point 5, de l'annexe de la directive, lequel n'autorise les États membres à déroger à la baisse aux montants forfaitaires que pour autant que «les coûts salariaux, la structure des établissements et le rapport existant entre vétérinaires et
inspecteurs s'écartent de ceux de la moyenne communautaire retenue pour le calcul des montants forfaitaires fixés aux points 1 a) et 2 a)». Par conséquent, les autorités helléniques auraient dû communiquer à la Commission les éléments permettant le calcul des redevances réduites prévues par la réglementation nationale.
28 La République hellénique soutient, pour sa part, que la directive permet, dès lors que dans un État membre le coût de la vie et les coûts salariaux s'écartent de manière importante de la moyenne communautaire à partir de laquelle ont été fixés les montants forfaitaires, de déroger aux montants communautaires qu'elle a fixés, pour autant que ledit État membre ne prévoit pas de baisse supérieure à 55 % des montants inscrits dans la directive.
29 Par conséquent, dès lors que cette exigence est respectée, la fixation des redevances relèverait du pouvoir d'appréciation de l'État membre concerné, qui prendrait en compte une multitude d'éléments de fait, matériels et sociaux.
30 La Commission maintient que toute dérogation devrait être justifiée sur la base de données précises, eu égard à l'objectif de la directive, qui est d'assurer le bon fonctionnement du régime de contrôle et d'éviter les distorsions de concurrence.
31 Elle ajoute que cette exigence est corroborée par l'article 5 du traité CE (devenu article 10 CE), ainsi que par l'article 2, paragraphe 5, de la directive, selon lequel «Les États membres transmettent, pour la première fois deux ans après la mise en place du nouveau régime et ultérieurement à sa demande, à la Commission les données relatives à la répartition et à l'utilisation de ces redevances et doivent être en mesure de justifier leur mode de calcul».
32 Le gouvernement hellénique affirme que ni la directive ni aucune autre disposition communautaire n'imposerait aux États membres de communiquer à la Commission les éléments qui justifieraient le bien-fondé d'une telle réduction des redevances.
33 De toute façon, le fait que, en Grèce, le coût de la vie et les coûts salariaux sont sensiblement différents de ceux des autres États membres serait généralement reconnu et n'appellerait pas de justification, précisions ou preuves supplémentaires, les données fondamentales de l'économie de chacun des États membres étant bien connues et accessibles en particulier aux services de la Commission.
34 Selon la Commission, l'argument tiré du niveau de vie et des coûts salariaux en Grèce ne constituerait pas une justification satisfaisante de la réduction en cause, puisque les autorités helléniques auraient dû produire, à cet effet, les données relatives aux coûts salariaux et aux frais administratifs dans le domaine en question, à la structure et au coût de fonctionnement des établissements, au coût de la recherche de résidus qui sont inclus dans le montant de la redevance et au rapport
existant entre vétérinaires et inspecteurs, à partir desquelles il a été décidé de réduire le montant des redevances de 50 %.
35 L'argumentation de la Commission me semble pouvoir s'appuyer sur le texte du chapitre I, point 5, de l'annexe de la directive, puisque, aux termes de celui-ci, les États membres peuvent déroger à la baisse aux montants fixés par les points 1, sous a), et 2, sous a), «jusqu'à concurrence des coûts réels d'inspection», ce qui ne saurait signifier que, dès lors que sont remplies les conditions auxquelles est soumise la perception de montants inférieurs aux montants forfaitaires fixés au niveau
communautaire, l'ampleur de la baisse est laissée à l'entière discrétion des autorités nationales.
36 Cependant, comme le grief de la Commission ne porte pas sur le montant des redevances perçues en Grèce, mais sur l'absence de motivation par le gouvernement hellénique de ces montants, c'est au regard des obligations qu'impose aux États membres l'article 2, paragraphe 5, de la directive que la Cour doit examiner si un manquement peut être retenu à la charge de la République hellénique.
37 À mon avis, l'article 2, paragraphe 5, de la directive doit être interprété en ce sens que les États membres ont une obligation d'informer spontanément la Commission de la répartition et de l'utilisation des redevances, deux ans après la mise en place du nouveau régime et ultérieurement à sa demande. En revanche, s'agissant du mode de calcul des redevances, ladite disposition prévoit simplement que les États membres doivent tre en mesure de communiquer leur méthode de calcul. Cela implique que
les autorités nationales ne sont tenues de le faire que si la Commission en fait la demande. Il n'en irait autrement que si cette disposition avait précisé que les données relatives à la répartition et à l'utilisation des redevances doivent tre accompagnées des éléments permettant de justifier le mode de calcul de ces redevances.
38 Cette interprétation est corroborée par l'article 8, paragraphe 1, de la directive, qui autorise expressément la République hellénique à «déroger aux principes prévus par la présente directive lorsque, en raison des caractéristiques géographiques, les coûts de perception d'une redevance dans des régions souffrant d'éloignement géographique sont supérieures aux produits de la redevance». Dans ce cas spécifique, ladite disposition précise que: «Les autorités grecques informent la Commission de
[l'étendue] territoriale des dérogations accordées. Cette information est accompagnée des justifications nécessaires».
39 En dehors de cette dérogation particulière, l'obligation d'informer la Commission du mode de calcul des redevances est subordonnée à l'existence d'une demande préalable de celle-ci. Par conséquent, une infraction matérielle ne peut être constatée que pour autant que les autorités helléniques se sont abstenues ou ont refusé de répondre à une demande de la Commission.
40 Au cours de la procédure devant la Cour, la Commission a soutenu qu'elle aurait demandé à plusieurs reprises à la République hellénique de lui communiquer ces données, mais qu'elle n'aurait obtenu aucune réponse, pas même après l'envoi de la lettre de mise en demeure et de l'avis motivé dans la présente procédure.
41 Dans la lettre de mise en demeure, il a été indiqué que la réduction de 50 % opérée par les autorités helléniques pourrait être considérée comme conforme à la réglementation communautaire, mais qu'«il serait néanmoins nécessaire de justifier le bien-fondé de cette réduction par la communication des éléments qui ont permis le calcul des redevances». Cependant, il n'est fait aucune référence à une quelconque demande de communication des données antérieure à la lettre de mise en demeure. Or, il
incombe à la Commission d'établir l'existence du manquement allégué et celle-ci n'apporte pas la preuve de l'existence d'une demande préalable de justification quant au mode de calcul, que le gouvernement hellénique aurait omis ou refusé de lui transmettre. L'affirmation, dans le mémoire en réplique, selon laquelle une telle demande avait été, préalablement à l'envoi de la lettre de mise en demeure, présentée à diverses reprises ne saurait remédier à l'absence de cette preuve.
42 Conformément à la jurisprudence de la Cour en la matière, «dans la phase précontentieuse de la procédure en manquement, la lettre de mise en demeure a pour but de circonscrire l'objet du différend et d'indiquer à l'État membre, invité à présenter ses observations, les éléments nécessaires à la préparation de sa défense» (7).
43 La lettre de mise en demeure doit donc identifier sommairement une violation présumée du droit communautaire par un État membre et inviter celui-ci à faire valoir ses observations. La violation reprochée doit ainsi nécessairement préexister à la lettre de mise en demeure. En l'espèce, l'infraction matérielle imputée au gouvernement hellénique consiste en une omission de communiquer les éléments qui ont permis le calcul des redevances réduites. Or, la directive prévoit simplement que les États
membres doivent justifier leur mode de calcul à la demande de la Commission, non que ceux-ci sont tenus de le faire spontanément. Par conséquent, la Commission ne peut reprocher au gouvernement hellénique son inertie, alors qu'elle ne rapporte pas la preuve qu'elle a sollicité la communication des éléments de calcul avant l'ouverture de la phase officielle de la procédure précontentieuse.
44 En outre, la Commission ne peut reprocher aux autorités helléniques de n'avoir pas répondu à la lettre de mise en demeure et à l'avis motivé, dans la mesure où ces actes s'inscrivent «dans une procédure préliminaire qui ne comporte pas d'effet juridique contraignant à l'égard de son destinataire» (8).
45 Le deuxième grief retenu par la Commission doit donc être rejeté.
L'application de la redevance de découpage aux volailles
46 La Commission soutient qu'aucune redevance ne serait exigée en Grèce pour les contrôles et inspections sanitaires des opérations de découpage des viandes de volaille. En effet, l'article 3, paragraphe 2, du décret présidentiel n_ 34/94 omettrait d'indiquer, contrairement aux dispositions du chapitre I, point 2, sous a), de l'annexe de la directive, que le montant forfaitaire de la redevance de découpage s'ajoute aux montants visés au point 1 de ladite annexe, qui couvrent également la catégorie
des volailles.
47 La République hellénique réfute le grief de la Commission, au motif que les volailles ne sont pas exonérées de la redevance de découpage des viandes fraîches. En effet, l'article 3 dudit décret prévoirait clairement une telle redevance puisqu'il renverrait directement aux décrets présidentiels nos 599/85 et 959/81, remplacés entre-temps par les décrets nos 410/94 et 291/96, lesquels mentionneraient la redevance de découpage en ce qui concerne les volailles et seraient, dès lors, conformes aux
prescriptions de la directive.
48 La Commission souligne que la transposition d'une directive requiert cependant l'existence d'un cadre législatif garantissant sa pleine application de manière suffisamment transparente et claire. Par conséquent, ledit décret ne serait pas suffisamment précis et clair en ce qui concerne l'obligation de verser la redevance de découpage des volailles.
49 La République hellénique se prévaut, en outre, d'une pratique administrative régulièrement suivie et pleinement conforme aux dispositions de la directive, en ce que les redevances de découpage pour les volailles seraient versées sur la totalité du territoire grec. D'ailleurs, les justificatifs de versement desdites redevances, produits au cours de la procédure devant la Cour, confirmeraient totalement les affirmations de la République hellénique.
50 Disons tout de suite que ce dernier argument du gouvernement hellénique ne peut, en aucune manière, prospérer dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, ni de simples pratiques administratives ni même l'existence de situations de fait correspondant à ce qu'impose la directive ne sont de nature à remédier à l'absence d'introduction, dans la législation et la réglementation nationales, des règles contenues dans la directive devant être transposée. Certes, l'obligation de transposition
d'une directive n'implique pas «nécessairement une action législative dans chaque État membre» (9), voire «n'exige pas nécessairement une reprise formelle et textuelle de ses dispositions dans une disposition légale expresse et spécifique et peut se satisfaire d'un contexte juridique général, dès lors que celui-ci assure effectivement la pleine application de la directive d'une façon suffisamment claire et précise» (10).
51 Mais, précisément, venons-en à l'argumentation principale du gouvernement hellénique, selon laquelle la réglementation en vigueur en Grèce assure, dans le cas des volailles, la perception à la fois d'une redevance pour les contrôles liés aux opérations d'abattage et d'une redevance pour les contrôles liés aux opérations de découpage.
52 À cet égard, force est de constater que l'agencement de la réglementation hellénique ne permet pas de considérer qu'il est satisfait à cette exigence de clarté. En effet, il n'est pas contestable que, comme le fait remarquer la Commission, l'article 3, paragraphe 2, du décret présidentiel n_ 34/94 [qui dispose que «le montant mentionné au paragraphe 1 est ajouté aux sommes mentionnées à l'article 2, paragraphe 1, sous a), b) et c)»] ne fait pas mention des viandes de volaille, alors qu'il prévoit
très clairement que, pour les viandes bovine, ovine, porcine et caprine, le montant de la redevance liée au découpage s'ajoute à celui devant être acquitté pour les opérations d'abattage.
53 Cette omission crée en elle-même une ambiguïté en ce qui concerne les montants que doivent acquitter les opérateurs économiques, ceux-ci risquant d'interpréter l'absence de mention, à l'article 3, paragraphe 2, du décret présidentiel n_ 34/94, de la viande de volaille comme indiquant que les opérations de découpage de celle-ci ne donnent pas lieu à la perception d'une redevance dans les mêmes conditions que pour les autres viandes.
54 Pareille ambiguïté doit, à mon avis, conduire à considérer que la directive n'a pas été transposée correctement sur ce point.
55 C'est donc en vain que le gouvernement hellénique expose que, en réalité, si l'on prend en compte deux autres décrets présidentiels (à savoir les décrets présidentiels nos 599/85 et 959/81, remplacés entre-temps par les décrets présidentiels nos 410/94 et 291/96), on est amené à constater qu'une redevance est effectivement due spécifiquement pour les opérations de découpage des volailles. Il ne nous a d'ailleurs pas été expliqué pourquoi les autorités helléniques auraient choisi, pour la viande
de volaille, d'assurer la transposition de la directive par une combinaison de textes par définition moins transparente, pour les opérateurs économiques, qu'un texte unique, alors que, pour les autres viandes, l'ensemble de la réglementation assurant la transposition de la directive a été regroupé dans un seul texte, le décret présidentiel n_ 34/94.
56 Le troisième grief invoqué par la Commission m'apparaît donc fondé.
Sur les dépens
57 Compte tenu de ce que, sur les trois griefs invoqués par la Commission, deux m'apparaissent fondés, mais de ce que la Commission n'a pas conclu sur les dépens, il me semble que l'application de l'article 69, paragraphes 2 et 3, du règlement de procédure devrait conduire à ce que la Commission supporte, outre ses propres dépens, un tiers des dépens de la République hellénique, cette dernière supportant ses propres dépens.
Conclusion
58 Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de déclarer que:
«- En omettant de mentionner, s'agissant de la redevance perçue à l'occasion des opérations d'abattage, la catégorie des solipèdes/équidés et de viser expressément les volailles pour les besoins de l'application de la redevance de découpage, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du chapitre I, points 1, sous b), et 2, sous a), de l'annexe de la directive 93/118/CE du Conseil, du 22 décembre 1993, modifiant la directive 85/73/CEE relative au financement des
inspections et contrôles sanitaires des viandes fraîches et des viandes de volaille, et du traité CE.
- Le recours est rejeté pour le surplus.»
(1) - JO L 340, p. 15.
(2) - JO L 32, p. 14.
(3) - Arrêts du 15 mars 1990, Commission/Pays-Bas (C-339/87, Rec. p. I-851), et du 30 mai 1991, Commission/Allemagne (C-59/89, Rec. p. I-2607).
(4) - JO L 162, p. 1.
(5) - JO L 103, p. 1.
(6) - Arrêt du 30 mai 1991, Commission/Allemagne, précité, point 35.
(7) - Voir, notamment, arrêt du 17 septembre 1996, Commission/Italie (C-289/94, Rec. p. I-4405).
(8) - Arrêt du 22 avril 1999, Commission/Allemagne (C-272/97, Rec. p. I-2175).
(9) - Arrêt du 23 mai 1985, Commission/Allemagne (29/84, Rec. p. 1661).
(10) - Arrêt du 13 octobre 1987, Commission/Pays-Bas (236/85, Rec. p. 3989).