Avis juridique important
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61999C0384
Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 15 juin 2000. - Commission des Communautés européennes contre Royaume de Belgique. - Manquement d'Etat - Télécommunications - Interconnexion des réseaux - Interopérabilité des services - Fourniture d'un service universel. - Affaire C-384/99.
Recueil de jurisprudence 2000 page I-10633
Conclusions de l'avocat général
1 Par le présent recours formé en vertu de l'article 226 CE, la Commission demande à la Cour de constater que le royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité CE en ne se conformant pas à l'article 5 de la directive 97/33/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 juin 1997, relative à l'interconnexion dans le secteur des télécommunications en vue d'assurer un service universel et l'interopérabilité par l'application des principes de fourniture d'un réseau
ouvert (ONP) (ci-après «la directive») (1), en liaison avec les annexes I et III de cette dernière.
2 En vertu de l'article 23, paragraphe 1, de la directive, «les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 31 décembre 1997. Ils en informent immédiatement la Commission».
3 Par courrier du 13 janvier 1998, le gouvernement belge a notifié à la Commission la loi du 19 décembre 1997 modifiant la loi du 21 mars 1991 à la lumière de la directive. Après avoir examiné les dispositions de ces lois, la Commission a estimé que le royaume de Belgique n'avait pas correctement transposé l'article 5 de la directive et le 24 août 1998, elle a mis le gouvernement belge en demeure de lui présenter ses observations dans un délai de deux mois. Dans sa réponse en date du 23 novembre
1998, le gouvernement belge a expliqué qu'il était sur le point d'adopter un certain nombre de mesures destinées à achever la transposition de la directive en droit belge. La Commission a jugé cette réponse insatisfaisante et a notifié au gouvernement belge un avis motivé le 9 mars 1999 l'invitant à prendre les mesures requises pour se conformer à cet avis dans un délai de deux mois. Étant donné que le gouvernement belge n'a pris aucune mesure dans le délai imparti, la Commission a formé le présent
recours en date du 8 octobre 1999.
4 Dans sa requête, la Commission fait valoir que le droit belge ne respectait pas la directive sur les trois points suivants:
i) Certains journaux et magazines, de même que l'agence de presse Belga, bénéficiaient de tarifs d'interconnexion préférentiels financés par les paiements versés par les autres utilisateurs à l'organisme fournissant les services universels de télécommunications en Belgique (Belgacom). Cela était contraire à l'article 5 et à l'annexe I de la directive selon lesquels «la fourniture de services dans des conditions particulières» ne peut être accordée qu'aux «personnes handicapées ou ayant des besoins
sociaux particuliers».
ii) La méthode de calcul des contributions des opérateurs de réseaux de télécommunications au financement du coût net de l'obligation de service universel (ce coût étant supporté par Belgacom) n'a pas satisfait à l'exigence de transparence prévue à l'article 5, paragraphe 1, de la directive. Plus précisément, le gouvernement belge n'a pas adopté, publié ou notifié à la Commission une mesure détaillant la méthode de calcul du coût net de l'obligation de service universel et celle de la base de
contribution des opérateurs.
iii) La méthode de calcul du coût net de l'obligation de service universel telle que décrite, dans des termes très généraux, dans la loi du 21 mars 1991, était incorrecte. Elle ne prenait notamment pas en compte, contrairement aux exigences de l'article 5, paragraphe 4, de la directive, les avantages que retire sur le marché un organisme offrant un service universel. En outre, elle n'a pas pris en compte l'ensemble des principes comptables exposés à l'annexe III de la directive.
5 Le gouvernement belge ne conteste pas qu'il n'a pas transposé la directive dans le délai imparti à l'article 23, paragraphe 1.
6 Le gouvernement belge fait toutefois valoir qu'en ce qui concerne le premier grief de la Commission, il a proposé, le 3 décembre 1999, un projet de loi qui prévoit en substance que les tarifs préférentiels accordés à certains journaux quotidiens, magazines et à l'agence Belga ne peuvent plus être financés par les contributions d'autres opérateurs. Les tarifs préférentiels relèveront désormais des missions d'intérêt général attribuées à l'opérateur de services universels (Belgacom) et financées par
des contributions versées par l'État belge.
7 En ce qui concerne les deuxième et troisième griefs, le gouvernement belge explique qu'il a adopté, le 23 décembre 1999, une mesure adaptant les articles 1er et 4 et l'annexe 2 de la loi du 21 mars 1991. Les dispositions amendées décrivent en détail la méthode de calcul du coût net de l'obligation de service universel en tenant compte des avantages dont peut bénéficier un opérateur de services universels ainsi que des critères énoncés à l'annexe III de la directive. Le gouvernement belge a
également adopté une circulaire administrative du 31 janvier 2000 qui spécifie la notion de chiffre d'affaires qui est utilisée pour calculer la contribution des opérateurs au coût net du service universel.
8 Dans une lettre adressée à la Cour le 3 avril 2000, la Commission a fait valoir que la législation belge respecte à présent la directive en ce qui concerne les deuxième et troisième griefs. Toutefois, pour ce qui est du premier grief, la Commission a expliqué qu'elle était toujours en train d'examiner la compatibilité des tarifs préférentiels, accordés à la presse belge en vertu de la nouvelle législation, avec les dispositions du traité relatives aux aides d'État.
9 La lettre de la Commission ne peut, à notre avis, être interprétée comme un désistement d'un quelconque des griefs exposés dans cette affaire. La Cour de justice doit dès lors se prononcer sur les trois griefs mentionnés ci-dessus.
10 Il est de jurisprudence constante que «l'existence d'un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l'État membre telle qu'elle se présentait au terme du délai fixé dans l'avis motivé et que les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour» (2).
11 Le fait que la Belgique ait adopté des mesures visant à se conformer à la directive après l'expiration du délai fixé dans l'avis motivé est dès lors sans intérêt en l'espèce.
12 Il convient dès lors d'accueillir le recours de la Commission.
13 Aux termes de l'article 69 du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens s'il est conclu en ce sens. La Commission a conclu au remboursement des dépens. Nous considérons dès lors que la Belgique devrait être condamnée aux dépens.
Conclusion
14 À la lumière des considérations qui précèdent, nous recommandons à la Cour:
1) de déclarer que, en ne transposant pas correctement l'article 5, en liaison avec l'annexe I, et en n'adoptant pas les mesures requises pour mettre en oeuvre l'article 5, en liaison avec les annexes I et III, de la directive 97/33/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 juin 1997, relative à l'interconnexion dans le secteur des télécommunications en vue d'assurer un service universel et l'interopérabilité par l'application des principes de fourniture d'un réseau ouvert (ONP), le royaume de
Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive et en vertu du traité CE;
2) de condamner le royaume de Belgique aux dépens.
(1) - JO 1999 L 199, p. 32.
(2) - Arrêt du 16 décembre 1997, Commission/Italie (C-316/96, Rec. p. I-7231, point 14).