Avis juridique important
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61999C0094
Conclusions de l'avocat général Léger présentées le 15 juin 2000. - ARGE Gewässerschutz contre Bundesministerium für Land- und Forstwirtschaft. - Demande de décision préjudicielle: Bundesvergabeamt - Autriche. - Marchés publics de services - Directive 92/50/CEE - Procédure de passation des marchés publics - Egalité de traitement des soumissionnaires - Discrimination en raison de la nationalité - Libre prestation des services. - Affaire C-94/99.
Recueil de jurisprudence 2000 page I-11037
Conclusions de l'avocat général
1 En application de la législation nationale sur la qualité de l'eau, plusieurs autorités administratives autrichiennes ont organisé une procédure d'attribution de marchés publics de services en vue de faire procéder au prélèvement et à l'analyse d'échantillons d'eau provenant de lacs et de fleuves autrichiens.
2 La participation à la procédure d'adjudication d'entités bénéficiant de subventions, aux côtés de soumissionnaires purement privés, est à l'origine d'un litige qui a conduit le juge autrichien saisi de l'affaire au principal à vous poser différentes questions préjudicielles.
En substance, celles-ci ont trait à la régularité, au regard du droit communautaire, d'une procédure de passation de marchés publics de services à laquelle ont été autorisés à participer des organismes subventionnés, qui ont tous, de surcroît, la nationalité de l'État membre du pouvoir adjudicateur et leur siège sur le territoire de cet État membre.
3 Les interrogations suscitées par l'appel d'offres litigieux intéressent le principe d'égalité, d'un double point de vue.
Il s'agit de savoir si l'admission d'entités subventionnées à présenter des offres est de nature à porter atteinte au principe de non-discrimination en raison de la nationalité ou, tout au moins, à constituer une entrave à la liberté de circulation des services, dès lors que ces organismes sont tous autrichiens.
À supposer même qu'aucune restriction aux échanges ne puisse être identifiée, il importe de savoir si l'avantage sur les autres soumissionnaires que peuvent retirer ces entités des financements publics qui leur sont attribués est compatible avec l'objectif de défense d'une concurrence effective poursuivi par la directive 92/50/CEE (1).
I - La directive
4 Celle-ci vise à coordonner les procédures de passation des marchés publics de services. Par ce moyen, elle concourt à l'établissement progressif du marché intérieur, défini comme comportant un espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux est assurée (2).
5 En particulier, la directive tend à répondre au souci d'éviter des entraves à la libre circulation des services (3). Elle est justifiée par la nécessité d'améliorer l'accès des prestataires aux procédures de passation des marchés, afin d'éliminer les pratiques qui restreignent la concurrence en général et la participation aux marchés des ressortissants d'autres États membres en particulier (4).
6 Aux termes de l'article 3, paragraphes 1 et 2:
«1. Pour passer leurs marchés publics de services ou pour organiser un concours, les pouvoirs adjudicateurs appliquent des procédures adaptées aux dispositions de la présente directive.
2. Les pouvoirs adjudicateurs veillent à ce qu'il n'y ait pas de discrimination entre les différents prestataires de services.»
7 L'article 6 prévoit une exception à l'application de la directive. Il dispose:
«La présente directive ne s'applique pas aux marchés publics de services attribués à une entité qui est elle-même un pouvoir adjudicateur au sens de l'article 1er point b) sur la base d'un droit exclusif dont elle bénéficie en vertu de dispositions législatives, réglementaires ou administratives publiées, à condition que ces dispositions soient compatibles avec le traité.»
8 L'article 37 de la directive énonce certaines obligations auxquelles le pouvoir adjudicateur doit se soumettre lorsqu'il envisage de rejeter des offres anormalement basses. L'article 37, premier alinéa, est ainsi rédigé:
«Si, pour un marché donné, des offres apparaissent anormalement basses par rapport à la prestation, le pouvoir adjudicateur, avant de pouvoir rejeter ces offres, demande, par écrit, des précisions sur la composition de l'offre qu'il juge opportunes et vérifie cette composition en tenant compte des justifications fournies.»
II - Les faits et la procédure au principal
9 Agissant au titre des attributions qu'ils tiennent du système autrichien d'administration fédérale indirecte, les Ämter der Landesregierungen (offices des gouvernements) des Länder de Salzbourg, Basse-Autriche, Haute-Autriche, Styrie, Carinthie, Tyrol et Burgenland, ainsi que le Landeswasserbauamt (office des eaux) du Land de Vorarlberg ont organisé une procédure ouverte d'adjudication, en vue de faire procéder à des échantillonnages et analyses d'eau pour les exercices d'observation 1998/1999 et
1999/2000, en application de la Wassergüte-Erhebungsverordnung (5) (règlement d'enquête sur la qualité de l'eau).
10 ARGE Gewässerschutz (6), association d'entreprises et de techniciens civils, et d'autres entités, parmi lesquelles l'Österreichische Forschungszentrum Seibersdorf GmbH (7) et l'Österreichische Forschungs- und Prüfungszentrum Arsenal GmbH (8), ont soumissionné lors de cette procédure.
11 Estimant que les subventions dont bénéficient ces derniers soumissionnaires leur confèrent des avantages concurrentiels et créent une entrave aux échanges entre les États membres, ARGE a obtenu l'ouverture d'une procédure de conciliation devant la Bundes- Vergabekontrollkommission (commission fédérale de contrôle des adjudications), en application du Bundesvergabegesetz (loi fédérale sur la passation des marchés publics).
12 La commission fédérale de contrôle des adjudications a considéré que la loi fédérale ne s'opposait pas à la participation à une procédure d'adjudication, en même temps que des soumissionnaires purement privés, d'organismes soutenus par des fonds publics ou d'institutions de droit public, tels que des instituts de recherche ou des instituts universitaires.
13 ARGE a alors introduit un recours devant le Bundesvergabeamt.
III - Les questions préjudicielles
14 Estimant que la solution du litige dépend d'une interprétation du droit communautaire, ce dernier a décidé de soumettre à votre Cour les questions préjudicielles suivantes:
«1) La décision d'un pouvoir adjudicateur d'admettre à participer à une procédure de passation d'un marché des organismes qui reçoivent, de lui-même ou d'autres pouvoirs adjudicateurs, des subventions, quelle qu'en soit la nature, permettant à ces organismes de faire des offres, dans le cadre d'une procédure de passation, à des prix sensiblement inférieurs à ceux de leurs cosoumissionnaires ayant une activité commerciale, est-elle contraire au principe de l'égalité de traitement de tous les
candidats et soumissionnaires à une procédure de passation?
2) La décision d'un pouvoir adjudicateur d'admettre la participation de tels organismes à une procédure de passation constitue-t-elle une discrimination déguisée, dès lors que les organismes qui bénéficient de telles subventions ont sans exception la nationalité de l'État membre ou leur siège dans l'État membre dans lequel le pouvoir adjudicateur a également son siège?
3) Même en admettant qu'elle ne soit pas discriminatoire à l'égard des autres candidats et soumissionnaires, la décision d'un pouvoir adjudicateur d'admettre de tels organismes à participer à une procédure de passation constitue-t-elle une restriction de la libre circulation des services incompatible avec les dispositions du traité CE, en particulier ses articles 59 et suivants?
4) Le pouvoir adjudicateur peut-il conclure des contrats de prestation avec des organismes qui appartiennent exclusivement ou au moins principalement aux pouvoirs publics et qui exécutent leurs prestations exclusivement ou au moins principalement pour le pouvoir adjudicateur ou d'autres organismes de l'État, sans soumettre la prestation à une procédure de passation conforme à la directive 92/50/CEE en concurrence avec des candidats ayant une activité commerciale?»
IV - Observations liminaires
15 Les trois premières questions préjudicielles ont trait, nous l'avons dit, au principe d'égalité, sous le double aspect des discriminations en raison de la nationalité (deuxième et troisième questions) et des discriminations entre les soumissionnaires subventionnés et les autres (première question).
16 La quatrième question concerne le champ d'application personnel de la directive. Il s'agit de savoir si cette dernière est applicable aux contrats de prestations de services passés entre un pouvoir adjudicateur et un prestataire placé dans la dépendance étroite d'une autorité publique, en raison du fait que celle-ci en est à la fois le principal propriétaire et le principal destinataire des services qu'il fournit.
17 Il convient, d'abord, d'examiner ensemble les deuxième et troisième questions, dans la mesure où toutes deux se rapportent à des dispositions issues du traité, à savoir l'article 59 du traité CE (devenu, après modification, article 49 CE) et les articles suivants, relatifs au principe de la libre circulation des services.
18 Nous nous prononcerons ensuite sur la quatrième question préjudicielle, relative au champ d'application de la directive, puis sur la première question, consacrée au principe de l'égalité de traitement entre les soumissionnaires, tel qu'il est énoncé dans ce dernier texte.
V - Sur l'existence de restrictions à la libre circulation des services (deuxième et troisième questions préjudicielles)
19 Par ces questions, le Bundesvergabeamt demande si les articles 59 et suivants du traité doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à la décision prise par un pouvoir adjudicateur d'admettre la participation à une procédure de passation de marché public d'entités qui bénéficient de subventions d'origine publique leur permettant de présenter des offres à des prix sensiblement inférieurs aux prix offerts par les autres soumissionnaires, lorsque ces entités ont toutes la nationalité de
l'État membre dans lequel le pouvoir adjudicateur a son siège et leur siège sur le territoire de cet État membre (9).
20 L'article 59, premier alinéa, du traité prévoit que «... les restrictions à la libre prestation des services à l'intérieur de la Communauté sont progressivement supprimées au cours de la période de transition à l'égard des ressortissants des États membres établis dans un pays de la Communauté autre que celui du destinataire de la prestation».
21 Les impératifs de l'article 59, qui imposent la libre prestation des services, comportent l'élimination de toutes discriminations à l'encontre du prestataire en raison de sa nationalité (10) ou de la circonstance qu'il est établi dans un État membre autre que celui où la prestation doit être fournie (11).
22 Cette règle est réaffirmée à l'article 60, troisième alinéa, du traité CE (devenu article 50, troisième alinéa, CE). Appliquant le principe du traitement national à la libre circulation des services, celui-ci dispose que «... le prestataire peut, pour l'exécution de sa prestation, exercer, à titre temporaire, son activité dans le pays où la prestation est fournie, dans les mêmes conditions que celles que ce pays impose à ses propres ressortissants».
23 La mesure contestée est celle par laquelle des organismes tels que le centre Seibersdorf et l'institut Arsenal, qui se voient reprocher de bénéficier d'un avantage concurrentiel indu au motif qu'ils perçoivent des subventions, ont été admis à participer à la procédure de marché. L'un et l'autre ont un lien étroit avec l'État membre du pouvoir adjudicateur puisque tous deux ont leur siège sur le territoire autrichien et relèvent du droit autrichien (12).
24 Pour écarter toute ambiguïté susceptible d'affecter l'interprétation des questions posées, précisons que le critère discriminatoire visé dans la deuxième question préjudicielle ne se rapporte pas au fait que des entités subventionnées ont été admises à participer à la procédure de passation. Ce point fait l'objet de la première question, qui sera traitée par la suite. Nous l'avons dit, la difficulté tient à la circonstance que les entités aidées sont toutes autrichiennes, ce qui laisserait penser
que les opérateurs subventionnés provenant d'autres États membres n'étaient pas autorisés à soumissionner.
25 Le Bundesvergabeamt évoque à ce sujet l'hypothèse d'une discrimination déguisée.
26 On le sait, le principe d'égalité de traitement, dont l'article 59 est une expression particulière, prohibe non seulement les discriminations ostensibles, fondées sur la nationalité, mais encore toutes formes dissimulées de discrimination qui, par application d'autres critères de distinction, aboutissent en fait au même résultat (13).
27 Cette référence opérée par le juge de renvoi à l'éventualité d'une discrimination déguisée nous enseigne que ce dernier ne paraît pas éprouver de doute sur le fait que la mesure litigieuse ne comporte pas de discrimination ostensible, en ce sens qu'elle ne poserait pas de condition de nationalité ou de condition tenant au lieu d'établissement des entités, qu'elles soient ou non subventionnées.
En l'absence de condition de nationalité ou d'établissement dont dépendrait le droit de répondre à l'appel d'offres, les entités autrichiennes ou celles localisées sur le territoire autrichien resteraient favorisées, en revanche, si la mesure litigieuse opérait une différence de traitement entre les soumissionnaires, par l'application d'une condition tenant à ce que seules les entités subventionnées par les autorités autrichiennes sont admises à participer à la procédure de passation du marché.
28 Comme l'a justement indiqué le gouvernement autrichien (14), la règle nationale qui réserverait aux seules entités subventionnées par les autorités autrichiennes le droit de participer aux procédures de marchés publics risquerait fort de constituer une restriction à la libre circulation des services. Dans ce cas, ce critère dissimulerait une différence de traitement entre les entités établies, même à titre secondaire, sur le territoire autrichien, lesquelles pourraient seules prétendre obtenir
des aides de la part des autorités publiques, et les autres. Ceux des opérateurs étrangers qui bénéficient de subventions ne seraient pas en mesure de se servir de cet avantage pour concurrencer les opérateurs autrichiens placés dans la même situation et multiplier leurs chances d'obtenir des marchés auprès du pouvoir adjudicateur autrichien.
29 En tout état de cause, que la mesure litigieuse soit examinée sous l'angle d'une discrimination directe ou simplement d'une discrimination déguisée, une même réponse s'impose.
30 Il ne nous semble pas justifié de tirer du fait que toutes les entités subventionnées participant à une procédure de marchés publics sont de la même nationalité que celle du pouvoir adjudicateur l'idée que la régularité de la procédure en cause est nécessairement affectée par l'application de conditions discriminatoires.
31 Le principe de non-discrimination n'impose pas, en effet, qu'en toutes circonstances une pluralité d'opérateurs de nationalités différentes soit représentée. Il exige seulement qu'il ne soit pas fait obstacle à l'exercice de la liberté de circulation de ces opérateurs économiques, sans considération de leur origine au sein de la Communauté.
32 Nous considérons ainsi que la décision d'admettre la participation d'entités subventionnées de nationalité autrichienne ne suffit pas à révéler une discrimination en raison de la nationalité, du lieu d'établissement des soumissionnaires ou de l'origine des subventions perçues par ces derniers.
33 Pour que ce soit le cas, il conviendrait de démontrer que la procédure de passation du marché comporte, en droit ou en fait, une règle subordonnant à une condition de nationalité ou de localisation de leur siège social sur le territoire autrichien le droit des opérateurs économiques à participer à cette procédure.
34 De même, il devrait être établi que l'admission à soumissionner est conditionnée par le fait que les entités subventionnées perçoivent leurs subventions des autorités autrichiennes.
35 Or, même si, à aucun moment, il n'est fait référence à la participation d'un soumissionnaire d'une autre nationalité, ayant son siège sur le territoire d'un autre État membre ou bénéficiant d'aides de la part d'autres autorités que les autorités autrichiennes, il n'apparaît pas que la procédure en cause fixe des conditions autorisant à écarter ce type d'opérateurs.
36 En particulier, nous n'avons pas relevé d'élément laissant supposer que la mesure litigieuse comporte une condition tenant à l'attribution des aides perçues de la part des seules autorités autrichiennes. Sous réserve de la confirmation de ce point par le Bundesvergabeamt (15), la présence exclusive d'entités autrichiennes subventionnées doit être attribuée à des circonstances étrangères au droit et à la pratique applicables.
37 Il est clair que, si le juge de renvoi devait relever l'existence d'une disposition de cette nature, il devrait en tirer les conséquences sur le plan de la régularité de la procédure et écarter cette règle contraire au droit communautaire.
38 Ajoutons que, en l'absence de discrimination affectant la mesure litigieuse, il est difficile de voir dans la décision d'admission une restriction à la libre circulation des services puisque, en toute hypothèse, le ressortissant d'un autre État membre subventionné par celui-ci est en droit de soumissionner au même titre que les autres opérateurs.
39 Il y a donc lieu de conclure que les articles 59 et suivants du traité doivent être interprétés en ce sens qu'il ne s'opposent pas à une mesure telle que la décision en cause dans l'espèce au principal, par laquelle un pouvoir adjudicateur a admis la participation à une procédure de passation de marché public d'entités qui bénéficient de subventions d'origine publique leur permettant de présenter des offres à des prix sensiblement inférieurs aux prix offerts par les autres soumissionnaires, même
si ces entités ont toutes la nationalité de l'État membre dans lequel le pouvoir adjudicateur a son siège et leur siège sur le territoire de cet État membre, lorsqu'il n'a été fixé aucune condition tenant à la nationalité des opérateurs, au lieu de leur établissement ou à l'origine des subventions dont, le cas échéant, ils bénéficient.
VI - Sur le champ d'application de la directive: les contrats de services conclus entre un pouvoir adjudicateur et un prestataire dépendant de pouvoirs adjudicateurs (quatrième question préjudicielle)
40 Par la quatrième question préjudicielle, le juge de renvoi demande si la directive doit être interprétée en ce sens que relève de son champ d'application un contrat de services conclu entre un pouvoir adjudicateur et un prestataire de services, lorsque, d'une part, ce dernier appartient principalement à un pouvoir adjudicateur et, d'autre part, les services qu'il fournit sont principalement destinés à des pouvoirs adjudicateurs, dont celui auquel il appartient.
41 Le Bundesvergabeamt évoque la possibilité de ne pas soumettre aux exigences de la directive les relations contractuelles liant un pouvoir adjudicateur à des organismes qui lui appartiennent en totalité et qui lui consacrent l'intégralité de leur activité. Il considère cependant que ces conditions sont trop restrictives et que, d'un point de vue fonctionnel, un pouvoir adjudicateur et un prestataire de services peuvent être assimilés l'un à l'autre, même si le pouvoir adjudicateur n'a pas la
propriété exclusive du prestataire et que l'activité de ce dernier n'est pas en totalité tournée vers celui-ci. Dans ce cas aussi, la proximité entre le pouvoir adjudicateur et cette entité justifierait que leurs rapports contractuels échappent à la directive.
A - Sur la recevabilité
42 Ainsi que l'ont laissé entendre ARGE et le gouvernement autrichien dans leurs observations écrites, la recevabilité de cette question peut prêter à discussion. En effet, il ne résulte pas de la demande de décision préjudicielle que l'applicabilité de la directive à la procédure de passation du marché ait été remise en cause devant le juge autrichien.
43 Il appartient cependant au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d'apprécier, au regard des particularités de chaque affaire, tant la nécessité d'une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu'il pose à votre Cour. Celle-ci ne peut rejeter une demande formée par une juridiction nationale que lorsqu'il apparaît de manière manifeste que l'interprétation
d'une règle communautaire, demandée par cette juridiction, n'a aucun rapport avec la réalité ou l'objet du litige au principal, ou encore lorsque votre Cour ne dispose pas des éléments de fait ou de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions posées (16).
44 Or, on ne saurait prétendre que le champ d'application de la directive est sans rapport avec le litige au principal. S'il apparaissait que, par leurs caractéristiques, des entités telles que les deux soumissionnaires subventionnés échappent au champ d'application de la directive, rien ne permet d'exclure a priori que le juge de renvoi, en application et dans les limites de la procédure nationale applicable, ne puisse en tirer des conséquences susceptibles de concourir au règlement du contentieux,
par exemple en substituant d'office d'autres règles à celle émanant de la directive.
45 Par ailleurs, ainsi que nous le verrons, les éléments du dossier sont suffisamment précis pour permettre de définir les principes dont le juge de renvoi pourra s'inspirer en vue du règlement du litige au principal.
46 C'est pourquoi nous estimons nécessaire de répondre à la question posée, en l'état de ces éléments, sans tenir compte de la circonstance que, au vu du dossier, aucun argument ne paraît de nature à remettre en cause le cadre légal initialement arrêté pour le choix par le pouvoir adjudicateur d'un prestataire de services.
47 Il y a lieu, en conséquence, de déterminer si la directive est applicable en l'espèce.
B - Sur le fond
48 Selon le huitième considérant de la directive, «... la prestation de services n'est couverte par la présente directive que dans la mesure où elle est fondée sur des marchés...». Il résulte de son article 1er, sous a), que, aux fins de la directive et à l'exception de certains marchés, les marchés publics de services sont des contrats à titre onéreux, conclus par écrit entre un prestataire de services et un pouvoir adjudicateur.
49 Le rapport juridique de type contractuel unissant le prestataire de services et le destinataire du service suppose que soient mises en présence deux personnes juridiques investies, comme telles, de la capacité de s'engager par l'expression d'une volonté libre. Par suite, le prestataire de services doit présenter certaines caractéristiques témoignant de ce que, dans l'exercice de son activité économique, il agit de manière suffisamment autonome par rapport à l'autorité publique qui le sollicite.
En d'autres termes, ainsi que l'a clairement rappelé l'avocat général Cosmas dans ses conclusions dans l'affaire Teckal (17), il est nécessaire que le cocontractant du pouvoir adjudicateur ait effectivement la qualité de tiers par rapport à ce dernier, c'est-à-dire qu'il doit s'agir d'une personne distincte de lui. Le droit communautaire, ajoute-t-il, au sujet des marchés publics de fournitures (18), «... n'oblige pas les pouvoirs adjudicateurs à respecter la procédure assurant une concurrence
effective entre les intéressés dans le cas où les pouvoirs en question souhaitent se charger eux-mêmes de la fourniture des produits dont ils ont besoin».
50 De là vient que les prestations qualifiées de «in house», qui désignent les prestations fournies à une autorité publique par ses propres services ou par des services en position de dépendance, quoique organiquement distincts, ne relèvent pas du champ d'application de la directive (19).
51 Dans l'arrêt Teckal, précité, vous étiez appelés à dire si le fait, pour une collectivité territoriale, de confier la fourniture de produits à un groupement auquel elle participe doit donner lieu à une procédure d'appel d'offres prévue par la directive 93/36.
52 Outre l'examen de certaines conditions légales déterminant l'applicabilité de ce texte, telles que la possession de la qualité de pouvoir adjudicateur par la collectivité territoriale ou l'existence d'un contrat conclu à titre onéreux, vous avez procédé à l'analyse des relations entre le pouvoir adjudicateur et son cocontractant.
53 Comme la présente directive, la directive 93/36 s'applique lorsqu'un pouvoir adjudicateur envisage de conclure une convention avec un opérateur économique. Vérifiant le point de savoir s'il y a eu une convention entre deux personnes effectivement distinctes, vous avez précisé que «... il suffit, en principe, que le marché ait été conclu entre, d'une part, une collectivité territoriale et, d'autre part, une personne juridiquement distincte de cette dernière» (20). Cependant, vous avez précisé
qu'«Il ne peut en aller autrement que dans l'hypothèse où, à la fois, la collectivité territoriale exerce sur la personne en cause un contrôle analogue à celui qu'elle exerce sur ses propres services et où cette personne réalise l'essentiel de son activité avec la ou les collectivités qui la détiennent» (21).
54 Les critères fondamentaux ainsi dégagés sont fondés sur l'idée d'une autonomie effective de l'entité avec laquelle le pouvoir adjudicateur conclut le marché. Il ressort de l'arrêt Teckal, précité, qu'elle doit être distincte de lui sur le plan formel et autonome par rapport à lui sur le plan décisionnel, pour que la directive soit applicable (22).
55 On pourra regretter le manque de précision dont souffrent ces critères. L'existence d'une entité distincte est aisée à concevoir et à identifier, puisqu'il suffit de constater que l'opérateur économique est constitué sous une forme juridique différente de celle du pouvoir adjudicateur. La mesure du degré d'autonomie dont l'entité dispose, en revanche, n'est pas simple à réaliser. La nature du contrôle exercé par une collectivité sur un organisme juridiquement distinct ou le niveau à partir duquel
on est en droit de considérer que celui-ci réalise l'essentiel de son activité avec l'autorité publique dont elle dépend, en particulier, peuvent susciter de sérieuses hésitations.
56 Il faut cependant garder à l'esprit qu'un grand nombre de paramètres permettent de déterminer le caractère effectivement autonome d'une entité. Or, dans la mesure où le juge national est seul à disposer de l'ensemble des éléments factuels et juridiques utiles à la solution du litige dont il est saisi et où c'est à lui qu'il revient d'appliquer le droit communautaire à ce litige, il est le mieux placé pour se prononcer avec toute la précision voulue sur la liberté d'action dont dispose tel
opérateur par rapport au pouvoir adjudicateur.
57 En tout état de cause, les relations étroites qui lient le centre Seibersdorf et l'institut Arsenal aux autorités publiques autrichiennes doivent être analysées à la lumière de ces principes. Il sera ainsi possible d'établir si elles traduisent une situation de dépendance justifiant que les prestations de services d'échantillonnage et d'analyse de la qualité de l'eau leur soient confiées sans qu'il soit nécessaire d'observer les prescriptions de la directive.
1. Sur le contrôle du pouvoir adjudicateur
58 Nous l'avons dit, pour qu'un contrat échappe au régime de la directive, il convient d'établir que la collectivité territoriale exerce sur la personne en cause un contrôle analogue à celui qu'elle exerce sur ses propres services (23).
59 Dès lors que le pouvoir adjudicateur jouit, à l'égard d'un opérateur, d'un pouvoir de contrôle analogue à celui qu'il exerce sur ses propres services, les missions qu'il est susceptible de lui confier ne seront pas traitées autrement que si elles avaient été simplement déléguées en son sein. La capacité de la collectivité à peser sur le fonctionnement du prestataire et l'absence d'autonomie qui en découle pour ce dernier dénient toute réalité au contrat passé entre la collectivité et le
prestataire de services.
60 Selon le Bundesvergabeamt, les organismes de recherche en cause sont détenus majoritairement par l'État autrichien ou par un Land. Leurs organes dirigeants sont désignés par la collectivité publique qui en est propriétaire ou soumis au contrôle de l'une de ces collectivités (24). ARGE, en revanche, n'a pas mentionné la propriété d'un Land. Elle a indiqué que le centre Seibersdorf est détenu par la république d'Autriche à concurrence de 50,5 % des parts sociales, les 49,5 % qui restent appartenant
à des entreprises privées. Quant à l'institut Arsenal, la république d'Autriche en serait propriétaire à 100 % (25).
Il appartiendra au juge de renvoi d'examiner précisément les éléments de preuve dont il dispose. Pour notre part, nous nous plaçons dans l'hypothèse commune, selon laquelle l'État est, au minimum, propriétaire majoritaire, tout en tenant compte des données supplémentaires produites par ARGE.
61 S'agissant de l'institut Arsenal, nous reprendrons à notre compte, pour la transposer à la présente espèce, l'analyse de l'avocat général Alber dans ses conclusions dans l'affaire RI.SAN., précitée, selon laquelle «La participation à 100 % de l'État italien dans cette société permet ... de conclure, même sans être au courant de tous les détails concernant l'organisation interne de [celle-ci], que la société en cause est à cet égard une partie de l'État italien» (26).
62 La situation du centre Seibersdorf est moins claire. Il importe d'évaluer le degré d'autonomie que cet organisme, en dépit d'une participation publique qui reste majoritaire, est susceptible de conserver à l'égard de l'État.
63 Pour ce faire, le juge de renvoi appréciera le bien-fondé de la déclaration de ARGE selon laquelle, en dépit de la participation majoritaire de l'autorité publique, l'action de cet opérateur est déterminée par ses propriétaires privés (27). Il lui revient en effet de vérifier le nombre et la nature des postes détenus par des représentants d'opérateurs privés dans les organes de décision de cet organisme et de dire dans quelle mesure les pouvoirs ainsi répartis ont, selon le droit national
applicable, une incidence sur les orientations économiques prises par le centre.
64 Encore cette démarche n'est-elle nécessaire que si, en application de son droit national, le juge de renvoi considère que la circonstance que ces «... organismes ... appartiennent exclusivement ou au moins principalement aux pouvoirs publics» (28), selon ses propres termes, ne suffit pas à garantir le caractère effectif du contrôle opéré par ces derniers sur les entités qu'ils détiennent.
65 En tout état de cause, la démonstration d'une origine publique des entités ne saurait suffire. En effet, il est déterminant, en vue de donner une réponse utile au Bundesvergabeamt, de s'assurer que l'autorité publique qui exerce son contrôle sur les organismes de recherche dans l'affaire au principal et le pouvoir adjudicateur sont une seule et même personne.
66 La réserve exprimée dans l'arrêt Teckal, précité, est fondée sur le principe selon lequel l'absence d'autonomie d'une entité économique par rapport à la collectivité qui en détient la propriété rend impossible ou illusoire l'existence d'un contrat entre ces deux personnes, pourtant juridiquement distinctes. L'hypothèse d'un rapport juridique échappant au champ d'application de la directive suppose donc que le pouvoir adjudicateur qui sollicite de l'opérateur la réalisation de différents services
soit précisément la collectivité qui exerce sur lui un contrôle étroit et non une autre autorité.
67 Au contraire, une relation contractuelle entre une autorité publique et un prestataire de services sans lien de subordination à son égard, fût-il la propriété d'une autre collectivité publique, entre dans le champ d'application de la directive.
68 En l'état des éléments du dossier, il apparaît que le propriétaire majoritaire des deux organismes de recherche est la république d'Autriche, alors que le pouvoir adjudicateur est composé de Länder et d'une administration locale spécialisée (le Landeswasserbauamt du Land de Vorarlberg).
Dans ces conditions, il appartient au Bundesvergabeamt de dire si, bien que ces collectivités publiques soient distinctes, le centre de Seibersdorf et l'institut Arsenal ne peuvent pas néanmoins être soumis, de la part des collectivités composant le pouvoir adjudicateur, en vertu du droit national, à un contrôle analogue à celui que ces dernières exercent sur leurs propres services.
69 La directive est applicable si les constatations du juge de renvoi le conduisent à déclarer que les relations entre les organismes de recherche et le pouvoir adjudicateur ne révèlent l'exercice d'aucun pouvoir de contrôle de ce dernier, au sens de l'arrêt Teckal, précité.
70 S'il apparaît que le pouvoir adjudicateur exerce un contrôle effectif, d'autres constatations doivent être opérées. Car la qualification de prestations «in house» qui peut être conférée à l'activité des entités en cause n'est pas uniquement conditionnée par cet élément. Le seul constat d'une dépendance structurelle à l'égard de la collectivité publique qui entreprend de passer un marché public ne suffit pas à faire des services qu'elles fournissent des prestations comparables à celles dont
disposeraient ces autorités en recourant à leurs propres ressources internes.
71 C'est pourquoi il convient également de prendre en considération le destinataire de l'activité économique exercée par ces entités, conformément à votre arrêt Teckal, précité.
2. Sur le destinataire de l'activité du prestataire de services
72 Il ressort de l'arrêt Teckal, précité, qu'une convention ne peut être considérée comme ayant été conclue entre des personnes distinctes lorsque l'opérateur réalise l'essentiel de son activité avec la ou les collectivités qui le détiennent (29).
73 Nous l'avons dit, le principe énoncé dans cet arrêt est fondé sur le critère de l'autonomie de l'opérateur. Une entité n'est pas nécessairement privée de liberté d'action du seul fait que les décisions la concernant sont prises par la collectivité qui la détient, si elle peut encore exercer une partie importante de son activité économique auprès d'autres opérateurs.
74 En revanche, elle doit être considérée comme totalement liée à son autorité de tutelle lorsque le rapport organique qui l'unit à elle se double d'une quasi-exclusivité, au profit de cette dernière, des services qu'elle fournit. Cette situation témoigne d'une volonté de la collectivité non seulement d'utiliser les prestations à des fins publiques, mais également de les destiner principalement à son profit.
75 C'est seulement dans cette hypothèse que l'on peut défendre l'idée d'un prolongement administratif de la collectivité publique, qui la dispense d'observer les règles de concurrence prescrites par la directive dans la mesure où elle choisit de réaliser elle-même les opérations économiques dont elle a besoin.
76 Lorsqu'un organisme agit pour l'essentiel auprès de l'autorité publique qui le contrôle, le rapport de propriété qui lie les deux entités légitime les prestations de services que l'une fournit à l'autre, à l'image d'un service interne agissant pour son institution. De ce fait, il apparaît justifié qu'il échappe aux contraintes de la directive, celles-ci étant dictées par le souci de préserver une concurrence qui n'a, en ce cas, plus lieu d'être.
77 Il est moins compréhensible, en revanche, que, pourvu d'une aide publique, cet organisme propose des services à d'autres opérateurs ou collectivités sans être justiciable des règles du droit des marchés publics, alors qu'il agit dans des conditions comparables à celles d'un opérateur économique traditionnel. Son origine et sa nature publiques ne suffisent pas à le distinguer des autres prestataires de services, dès lors qu'il propose le même type de services dans une perspective commerciale
comparable.
78 La diversification des activités, chez un tel opérateur économique, témoigne de la singularité de son statut par rapport aux services internes de sa collectivité de rattachement, statut qui ne se résume pas à une simple spécificité organique.
79 Dès lors, les motifs de protection de la concurrence, qui justifient les règles communautaires de passation des marchés publics valent tout autant à son égard qu'à l'égard des autres prestataires de services.
80 De la même manière, un prestataire de services qui envisage de contracter auprès d'une autre collectivité que la sienne ne se distingue pas d'un autre opérateur, tant du point de vue de ses concurrents que de la collectivité publique à l'origine du marché. Cet organisme ne constituant pas, par hypothèse, un démembrement du pouvoir adjudicateur, les prestations qu'il lui propose sont pour ce dernier celles d'un tiers.
81 On le voit, si le contrôle du prestataire de services par l'autorité publique qui envisage de conclure un marché est une condition nécessaire pour que celui-ci soit considéré comme fournissant des prestations «in house», elle est loin d'être suffisante. L'activité du prestataire doit en grande partie être consacrée à sa collectivité de rattachement. En conséquence, s'il exerce des activités commerciales, la directive redevient applicable, à moins que celles-ci n'occupent une place marginale dans
l'ensemble de son activité.
82 En l'espèce, selon ARGE, le centre Seibersdorf tout comme l'institut Arsenal exercent sur le marché un grand nombre d'activités commerciales (30).
83 Pour décider de l'applicabilité de la directive, le juge de renvoi devra vérifier ce point, même s'il semble acquis à ses yeux que l'activité des organismes litigieux est exclusivement ou, tout au moins, principalement réalisée auprès de collectivités publiques, ainsi que le laisse penser la formulation de la quatrième question. Il devra surtout déterminer si les organismes en cause réalisent la plus grande partie de leur activité avec le pouvoir adjudicateur, au contrôle duquel, dans l'hypothèse
où nous nous sommes placé (31), ils sont soumis.
84 Au cas où la directive serait déclarée applicable au litige au principal, il y aurait tout de même lieu de vérifier si, en vertu de son article 6, le marché en cause ne serait pas au nombre de ceux qui peuvent y déroger.
3. Sur l'application de l'article 6 de la directive
85 Rappelons que l'article 6 exclut de son champ d'application les marchés attribués à une entité qui est elle-même un pouvoir adjudicateur sur la base d'un droit exclusif dont elle bénéficie en vertu d'une réglementation nationale régulièrement publiée, à condition que celle-ci soit compatible avec le traité.
86 Cette disposition fait écho au dix-huitième considérant de la directive, aux termes duquel «... les marchés pour lesquels il n'existe qu'une source d'approvisionnement unique désignée peuvent, sous certaines conditions, être exemptés en totalité ou en partie de l'application de la présente directive».
87 En réservant ce type de contrats, la directive tient compte des services qui ne peuvent être fournis aux autorités publiques, dans certains États membres, que par certains organismes publics déterminés, à l'exclusion de tout autre prestataire. L'exclusion des autres entités est opérée indépendamment de leur nationalité (32).
88 L'application de la directive dépend donc, en premier lieu, du type de prestataires de services concernés. En l'espèce, on peut d'ores et déjà affirmer que les organismes subventionnés remplissent les trois critères fixés par la directive pour définir les «organismes de droit public», expression utilisée pour désigner les pouvoirs adjudicateurs autres que l'État, les collectivités territoriales et les associations formées par une ou plusieurs de ces collectivités (33).
89 Il est constant que ces organismes ont été créés pour satisfaire des besoins d'intérêt général ayant un caractère autre qu'industriel ou commercial, qu'ils sont dotés de la personnalité juridique et sont dirigés, contrôlés ou financés majoritairement par un autre pouvoir adjudicateur (34).
90 Étant ainsi eux-mêmes des pouvoirs adjudicateurs, il reste à démontrer que l'un et l'autre bénéficient d'un droit exclusif, au sens de l'article 6 de la directive, en vertu de dispositions législatives, réglementaires ou administratives publiées.
91 Aucun des éléments évoqués par le juge de renvoi ou par les parties intervenantes ne laisse supposer que l'un des deux organismes de recherche détenait, au moment de l'appel d'offres, un droit lui réservant l'exclusivité de la fourniture de services du type de ceux qui faisaient l'objet de cette procédure. L'article 6 et la logique d'exclusivité qui le sous-tend ne sont pas même évoqués dans la demande de décision préjudicielle, ce qui accrédite l'idée que les deux soumissionnaires mis en cause
par ARGE ne disposaient d'aucun droit exclusif.
92 Au demeurant, si tel était le cas, on ne voit pas pour quelle raison une procédure d'adjudication aurait été organisée en vertu de la directive, dont l'article 6 prévoit précisément qu'un tel marché peut échapper à ses dispositions.
93 Nous concluons donc que la directive est applicable lorsqu'un pouvoir adjudicateur envisage de conclure un contrat avec une entité distincte de lui sur le plan formel et que celle-ci appartient principalement à d'autres collectivités que celles qui composent le pouvoir adjudicateur.
Si l'entité, bien que distincte du pouvoir adjudicateur sur le plan formel, appartient principalement à ce dernier, la directive est applicable lorsque cette entité réalise l'essentiel de son activité avec d'autres opérateurs ou d'autres collectivités que celles qui composent ce pouvoir adjudicateur.
Dans l'un et l'autre cas, la directive n'est pas applicable lorsque le contrat relève du champ d'application de l'article 6 de la directive.
VII - Sur l'existence de discriminations au cours de la procédure de passation de marchés publics de services (première question)
94 Par la première question préjudicielle, le Bundesvergabeamt demande si l'article 3, paragraphe 2, de la directive doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à la décision par laquelle un pouvoir adjudicateur autorise la participation à une procédure de passation de marché public d'entités qui perçoivent des subventions de pouvoirs adjudicateurs leur permettant de présenter des offres à un prix sensiblement inférieurs au prix proposé par les autres soumissionnaires.
95 Le principe d'égalité de traitement des soumissionnaires énoncé dans ce texte n'est pas seulement destiné à interdire les discriminations qui pourraient être pratiquées à l'égard d'opérateurs économiques ressortissant d'autres États membres. Comme d'autres dispositions de la même directive ou provenant de directives relatives à d'autres types de marchés publics (35), il ne contient aucune condition de nationalité.
96 La violation de la directive n'est donc pas nécessairement liée à une rupture d'égalité entre soumissionnaires d'États membres différents.
97 La même philosophie inspire d'ailleurs la législation nationale pertinente. L'article 16, paragraphe 1, du Bundesvergabegesetz dispose ainsi que «Les marchés portant sur des prestations en vertu d'une procédure prévue dans la présente loi doivent être attribués, conformément aux principes de la concurrence libre et loyale et de l'égalité de traitement de tous les candidats et soumissionnaires, à des entreprises habilitées, performantes et fiables - ce qui s'apprécie au plus tard à la date de
l'ouverture de l'appel d'offres - à des prix raisonnables».
98 La circonstance que les opérateurs qui bénéficient de subventions sont tous, en l'espèce, des entités autrichiennes n'est donc pas pertinente en vue de répondre à la présente question préjudicielle.
99 Il convient, d'abord, de dire si le principe même du versement de subventions au profit d'opérateurs économiques interdit à ces derniers de concourir dans des procédures de marché public, avant d'examiner le point de savoir, dans la négative, si cette réponse vaut également lorsque les subventions en cause sont illégales.
100 Le Bundesvergabeamt indique que les subventions versées aux soumissionnaires constituent des aides au sens de l'article 92 du traité CE (devenu, après modification, article 87 CE) ou des «avantages particuliers en termes de coûts» (36). Il précise que «L'avantage concurrentiel sous forme de moindres coûts...» dont ils bénéficient «... est le résultat de subventions comparables à des aides qui peuvent consister soit dans le versement direct de fonds soit dans la mise à disposition de personnel,
de locaux ou d'appareils techniques, ou encore dans la combinaison des deux possibilités». Le juge de renvoi ajoute que la subvention est fournie par la collectivité à laquelle appartient l'organisme en question, soit l'État soit un Land (37).
101 Rappelons que «La notion d'aide recouvre ... non seulement des prestations positives telles que des subventions, mais également des interventions qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui grèvent normalement le budget d'une entreprise et qui, par là, sans être des subventions au sens strict du mot, sont de même nature et ont des effets identiques» (38). Dans la mesure où la mise à disposition de personnes ou de biens de la part des collectivités publiques autrichiennes est réalisée
sans contrepartie ou à des conditions préférentielles (39), il y a lieu de considérer que les avantages ainsi consentis constituent une aide d'État au sens de l'article 92 du traité.
102 Toutefois, on le sait, l'interdiction de principe des aides d'État n'est ni absolue ni inconditionnelle puisque non seulement certaines aides sont compatibles de plein droit avec le marché commun, conformément à l'article 92, paragraphe 2, mais l'article 92, paragraphe 3, accorde à la Commission un large pouvoir d'appréciation en vue d'admettre des aides par dérogation à l'interdiction du paragraphe 1 (40).
103 Si le droit communautaire admet la légalité de certaines aides d'État, c'est, selons nous, qu'il reconnaît aux opérateurs qui en bénéficient le droit d'exercer leur activité au même titre que les autres. À quoi servirait, en effet, que des entreprises soient aidées de manière licite si, dans le même temps, il leur était interdit d'accéder à une activité économique normale ou même simplement à certains contrats sous le prétexte que ceux-ci sont réglementés. Une telle lecture serait, au demeurant,
peu compatible avec la logique de compensation qui légitime certaines aides, puisque l'aide constituée par une subvention ou par une assistance logistique serait rapidement éliminée par les restrictions d'activités endurées.
104 La possible légalité des aides d'État a donc pour conséquence de ne pas s'opposer à ce que les entités économiques qui bénéficient d'aides licites participent pleinement à la vie du marché. Comme celle-ci n'est pas limitée aux relations contractuelles non réglementées mais comprend aussi les marchés publics, il n'existe pas de raison pour que de tels opérateurs soient exclus des procédures de passation des marchés publics.
105 Selon la Commission, qui doit être approuvée sur ce point, une aide notifiée et déclarée compatible avec le marché commun ne peut affecter la décision du pouvoir adjudicateur relative à l'admission d'un soumissionnaire et à l'appréciation de l'offre présentée par ce dernier.
106 Ajoutons que, comme le font observer les gouvernements autrichien et français (41), l'exclusion du champ d'application de la directive de certains contrats conclus entre deux pouvoirs adjudicateurs, conformément à son article 6, lorsque le marché public de services est attribué sur la base d'un droit exclusif, confirme l'idée selon laquelle la directive peut s'appliquer à des organismes bénéficiant d'aides d'État, en l'absence d'un tel droit. La définition du pouvoir adjudicateur donnée par la
directive couvre, on le sait, les organismes de droit public, définis comme pouvant être financés majoritairement par des collectivités publiques (42). Il suffit donc qu'un prestataire de services réponde à la définition du pouvoir adjudicateur, ce qui témoigne la plupart du temps de l'existence d'un financement public, sans être lié par un droit exclusif au pouvoir adjudicateur à qui il fournit des services, pour que la directive trouve à s'appliquer. Le principe d'une participation d'un organisme
subventionné à une procédure de passation de marché de services n'est en conséquence pas exclu par la directive.
107 Dans ces conditions, celle-ci ne s'oppose pas à la participation d'entités telles que les organismes de l'affaire au principal à la procédure de passation de marché public litigieuse.
108 La réponse à la question de savoir quel comportement doit adopter un pouvoir adjudicateur confronté à un soumissionnaire bénéficiant d'aides d'État illégales n'est pas, en revanche, aussi claire (43).
109 Il est naturel que les opérateurs évincés ou dont les chances d'emporter un marché sont réduites en raison de la concurrence d'entités disposant d'avantages concurrentiels de cette nature contestent le droit du pouvoir adjudicateur d'admettre la participation de ces derniers à soumissionner, sans être tenu de procéder à un contrôle minimal de la régularité des aides.
110 L'illégalité d'une aide devrait conduire à interdire toute participation de l'opérateur subventionné à une procédure de passation de marché public, quelle qu'elle soit. Même si elle n'est pas directement affectée à des éléments, tels que le prix proposé lors de la procédure d'appel d'offres, qui pèsent d'un poids important dans l'orientation de la décision finale du pouvoir adjudicateur, l'aide illicitement attribuée à un opérateur économique ne peut qu'alléger les charges qui diminuent son
niveau de compétitivité économique.
111 Toutefois, si fondée qu'elle soit, cette opinion ne résout pas le problème, de nature essentiellement juridique et procédurale, auquel est confronté le juge de renvoi dans l'affaire au principal. En effet, il s'agit pour lui de savoir si le principe d'égalité de traitement des soumissionnaires, tel qu'il est énoncé à l'article 3, paragraphe 2, de la directive, comprend le droit pour le pouvoir adjudicateur d'interdire la participation des soumissionnaires illégalement subventionnés, voire de
rechercher si les subventions qu'ils perçoivent sont susceptibles d'être déclarées illégales.
112 Dans son titre VI, la directive énonce les caractéristiques que doivent présenter les soumissionnaires, les offres qu'ils présentent et les justifications correspondantes, dont dépendent la participation de ces opérateurs à la procédure et l'attribution définitive du marché.
113 Parmi ces données se trouvent les éléments qui confèrent au pouvoir adjudicateur le droit de refuser à tel prestataire de services de participer à un marché. Plusieurs dispositions ont trait aux obligations légales liant le prestataire. Elles autorisent le pouvoir adjudicateur à écarter un soumissionnaire en situation illégale, par exemple du point de vue fiscal ou social (44).
Cependant, la directive est muette sur les conséquences qu'il pourrait tirer de la constatation de l'existence d'aides non notifiées, frappées d'une suspicion d'illégalité ou même manifestement illégales.
114 La Commission a retracé l'historique de la directive, sous cet aspect. Elle a rappelé que, dans sa proposition initiale (45), figurait une disposition identique à l'article 34, paragraphe 5, dernier alinéa, de la directive 93/38/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications (46). Aux termes de ce texte, «Les entités adjudicatrices ne peuvent rejeter les offres qui
sont anormalement basses du fait de l'obtention d'une aide d'État que si elles ont consulté le soumissionnaire et si celui-ci n'a pas été en mesure de démontrer que l'aide en question a été notifiée à la Commission en vertu de l'article 93 paragraphe 3 du traité ou a été autorisée par celle-ci. Les entités adjudicatrices qui rejettent une offre dans ces conditions en informent la Commission».
115 Selon la Commission, le Conseil a retiré cette disposition de sa proposition de directive, au cours de la procédure législative (47). En réponse, la Commission a formulé une déclaration dans sa communication au Parlement européen selon laquelle, en modifiant ainsi la proposition de directive, le Conseil exprimait «... son souci d'éviter toute discrimination entre soumissionnaires privés et publics». Dans la même déclaration, elle rappelait «... que le traité lui donne le pouvoir d'empêcher le
recours abusif à des aides d'État susceptibles de fausser la concurrence [de sorte qu'elle pouvait] donc accepter ces modifications».
116 Cette évolution du texte est instructive à un double titre.
117 Il apparaît d'abord que, au jour de l'adoption de la directive, le législateur n'ignorait pas la difficulté liée à l'existence d'opérateurs économiques favorisés par la perception d'aides d'État dans les procédures de marchés publics. Le choix de la Commission de limiter l'encadrement légal de ce type de situations aux seules aides non notifiées ou non autorisées confirme, au demeurant, que le principe a été admis de la participation d'entités bénéficiant d'aides d'État légalement attribuées à
des procédures de passation de marchés de services. Les développements consacrés précédemment à cet aspect du sujet trouvent donc ici une confirmation, fondée sur l'intention du législateur communautaire (48).
118 Un autre enseignement vient de ce que ce dernier a également pris position de manière non équivoque sur l'étendue du pouvoir d'agir reconnu au pouvoir adjudicateur en matière de marchés publics de services. Dans sa version définitive, l'article 37, premier alinéa, de la directive porte notamment sur le droit du pouvoir adjudicateur de rejeter des offres manifestement basses par rapport à la prestation. Il prévoit, à la charge de ce dernier, l'obligation de demander préalablement des précisions
sur la composition de l'offre, ainsi que d'en vérifier la réalité sur la base des justifications fournies, avant de la rejeter.
Toutefois, faute de disposition précise comparable à celle de l'article 34 de la directive 93/38, la directive ne donne pas au pouvoir adjudicateur le droit de rejeter une offre présentée par un soumissionnaire aidé de manière illégale ou bénéficiant d'une aide non notifiée à la Commission. On peut regretter ce choix, d'autant plus que la raison d'une différence de régime juridique entre la directive 93/38 et la directive 92/50 n'apparaît pas clairement.
119 Il demeure que le silence de la directive sur ce point a une origine dont il convient de tenir compte dans l'interprétation de ce texte.
120 La modification apportée par le Conseil à la proposition de la Commission, comme d'ailleurs la déclaration faite par cette dernière pour exprimer son approbation, révèlent la conception que se fait le législateur communautaire du mécanisme de contrôle des aides d'État illégales, lequel repose principalement sur la Commission.
121 Selon le gouvernement français et la Commission, le silence de la directive sur la faculté, pour le pouvoir adjudicateur, de rejeter l'offre d'un soumissionnaire subventionné de manière illégale ne signifie pas nécessairement que le pouvoir adjudicateur ne puisse tirer des conséquences de l'existence de ce type d'aide.
122 Le gouvernement français considère que la directive n'oblige ni ne permet expressément au pouvoir adjudicateur d'écarter une offre émanant d'un organisme subventionné. Mais il souligne l'existence du risque que lui fait courir l'attribution d'un marché à un soumissionnaire bénéficiant d'une aide illégale. Le gouvernement français fait valoir que, si un pouvoir adjudicateur devait constater qu'une offre anormalement basse est financée au moyen d'une aide illégale, il serait en droit de la
rejeter. Le risque de devoir rembourser l'aide indûment perçue menacerait en effet le soumissionnaire ainsi que la réalisation complète du marché.
123 La Commission estime que la prise en compte d'une aide illégale peut avoir lieu au stade de la sélection des entreprises, c'est-à-dire au moment où le pouvoir adjudicateur porte une appréciation sur la capacité financière et économique du prestataire de services. Comme le gouvernement français, la Commission tire argument de ce que, en application de votre jurisprudence, les aides d'État non compatibles avec le marché commun, ou simplement non notifiées, peuvent faire l'objet d'une récupération.
Elle fait valoir qu'il ne pourrait être reproché à un pouvoir adjudicateur de se protéger contre le risque de conclure un marché avec un opérateur économique bénéficiant d'aides dont la légalité serait douteuse, en écartant celui-ci au titre de la vérification de sa capacité financière et économique. La Commission propose de dire, en conséquence, que le droit communautaire ne s'oppose pas à ce qu'un pouvoir adjudicateur, conformément à son droit national, prenne en considération, au stade de la
sélection, le fait qu'un soumissionnaire a reçu une aide illégale, donc susceptible d'être récupérée, pour déterminer sa capacité financière.
124 Quels que soient les mérites respectifs de ces arguments, ils ne doivent être examinés, selon nous, que dans la mesure où ils contribuent à la solution du litige dans l'affaire au principal. Or, nous l'avons dit, telle qu'elle est formulée et telle qu'elle doit être interprétée, à la lumière de la demande de décision préjudicielle, la première question porte sur la régularité de la décision par laquelle un pouvoir adjudicateur a admis la participation d'entités subventionnées à une procédure de
passation du marché.
125 Il ne s'agit donc pas, en l'espèce, d'éclairer le juge de renvoi sur l'existence du droit d'un pouvoir adjudicateur d'exclure un soumissionnaire ou de rejeter son offre pour des motifs tenant à la légalité de l'aide. Il est, au contraire, question de l'informer sur l'existence d'une obligation à la charge du pouvoir adjudicateur de procéder de cette manière en présence d'une aide d'État, le cas échéant, si celle-ci est illégale.
En l'état actuel du droit communautaire, nous devons considérer qu'un pouvoir adjudicateur est en droit de ne tirer aucune conséquence, quant à la participation d'une entité subventionnée, de l'existence d'aides non notifiées ou illégales. Ajoutons qu'il n'en serait pas allé différemment si le texte initial de l'article 37 n'avait pas été modifié. Ce dernier n'accordait, en effet, au profit du pouvoir adjudicateur, qu'une simple faculté de rejeter l'offre anormalement basse du fait de l'obtention
d'une aide indûment perçue ou non notifiée.
126 Le gouvernement autrichien, enfin, invoque les dispositions contraignantes du traité en matière de concurrence et l'application de l'article 37 de la directive, lorsqu'il apparaît qu'une offre est anormalement basse par rapport à la prestation. En application de ce texte, il préconise l'examen approfondi des différents coûts composant l'offre litigieuse. Si la recomposition des coûts révèle que l'offre est contraire à la concurrence, du fait de subventions non autorisées, il suggère qu'elle soit
impérativement rejetée.
127 La thèse défendue par le gouvernement autrichien est fondée à la fois sur la procédure actuellement prévue par la directive en cas d'offre anormalement basse et sur le droit communautaire de la concurrence. Là encore, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur son bien-fondé, il suffit de relever que, par son argumentation, la république d'Autriche se place dans l'hypothèse, postérieure à la décision d'admission litigieuse, où le pouvoir adjudicateur, constatant le niveau anormalement bas de
l'offre, manifesterait l'intention de rejeter l'offre. Elle excède donc, par son contenu, l'objet de la première question préjudicielle, limité à la procédure d'admission.
128 En conséquence de ce qui précède, nous concluons que le principe d'égalité de traitement des soumissionnaires prévu à l'article 3, paragraphe 2, de la directive ne s'oppose pas à la décision par laquelle un pouvoir adjudicateur autorise la participation à une procédure de passation de marché public d'entités qui perçoivent des aides de pouvoirs adjudicateurs leur permettant de présenter des offres à un prix sensiblement inférieur à celui proposé par les autres soumissionnaires.
Conclusion
129 Au regard de ces considérations, nous vous proposons de répondre de la façon suivante aux questions préjudicielles posées par le Bundesvergabeamt:
«1) L'article 59 du traité CE (devenu, après modification, article 49 CE) et les articles suivants doivent être interprétés en ce sens qu'ils ne s'opposent pas à une mesure telle que la décision en cause dans l'espèce au principal, par laquelle un pouvoir adjudicateur admet la participation à une procédure de passation de marché public d'entités qui bénéficient de subventions d'origine publique leur permettant de présenter des offres à des prix sensiblement inférieurs aux prix offerts par les autres
soumissionnaires, même si ces entités ont toutes la nationalité de l'État membre dans lequel le pouvoir adjudicateur a son siège et leur siège sur le territoire de cet État membre, lorsque la décision n'est subordonnée à aucune condition tenant à la nationalité des opérateurs, au lieu de leur établissement ou à l'origine des subventions dont, le cas échéant, ils bénéficient.
2) La directive 92/50/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services, est applicable lorsqu'un pouvoir adjudicateur envisage de conclure un contrat avec une entité distincte de lui sur le plan formel et que celle-ci appartient principalement à d'autres collectivités que celles qui composent le pouvoir adjudicateur.
Si l'entité, bien que distincte du pouvoir adjudicateur sur le plan formel, appartient principalement à ce dernier, la directive 92/50 est applicable lorsque cette entité réalise l'essentiel de son activité avec d'autres opérateurs ou d'autres collectivités que celles qui composent le pouvoir adjudicateur.
Dans l'un et l'autre cas, la directive 92/50 n'est pas applicable lorsque le contrat relève du champ d'application de l'article 6 de ladite directive.
3) Le principe d'égalité de traitement des soumissionnaires prévu à l'article 3, paragraphe 2, de la directive 92/50 ne s'oppose pas à la décision par laquelle un pouvoir adjudicateur autorise la participation à une procédure de passation de marché public d'entités qui perçoivent des aides de la part de pouvoirs adjudicateurs leur permettant de présenter des offres à un prix sensiblement inférieur à celui proposé par les autres soumissionnaires.»
(1) - Directive du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services (JO L 209, p. 1, ci-après la «directive»).
(2) - Premier et deuxième considérants.
(3) - Sixième considérant.
(4) - Vingtième considérant.
(5) - BGBl. 1991, p. 338.
(6) - Ci-après dénommée «ARGE».
(7) - Centre de recherche Seibersdorf, ci-après le «centre Seibersdorf».
(8) - Institut de recherche Arsenal, ci-après l'«institut Arsenal».
(9) - Bien que la deuxième question se réfère aux organismes qui ont la nationalité de l'État membre ou qui ont leur siège dans l'État membre dans lequel le pouvoir adjudicateur a lui-même son siège, les motifs de la demande de décision préjudicielle font apparaître que ces caractéristiques sont, en l'espèce, cumulées et non alternées (page 13 de la traduction en français de la demande de décision préjudicielle).
(10) - L'attribution d'une «nationalité» aux personnes morales, qui rend possible l'éventualité de leur discrimination en raison de la nationalité, résulte du traité. En vertu de l'article 58, premier alinéa, du traité CE (devenu article 48, premier alinéa, CE), applicable aux services conformément à l'article 66 du traité CE (devenu article 55 CE), «Les sociétés constituées en conformité de la législation d'un État membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur
principal établissement à l'intérieur de la Communauté sont assimilées, pour l'application des dispositions du présent chapitre, aux personnes physiques ressortissantes des États membres». La localisation de leur siège statutaire, de leur administration centrale ou de leur principal établissement sert à déterminer, à l'instar de la nationalité des personnes physiques, leur rattachement à l'ordre juridique d'un État membre (voir, notamment, arrêt du 9 mars 1999, Centros, C-212/97, Rec. p. I-1459,
point 20).
(11) - Arrêt du 18 janvier 1979, Van Wesemael e.a. (110/78 et 111/78, Rec. p. 35, point 27).
(12) - Page 13 de la traduction en français de la demande de décision préjudicielle.
(13) - Voir, par exemple, arrêt du 3 juin 1992, Commission/Italie (C-360/89, Rec. p. I-3401, point 11).
(14) - Page 11 de la traduction en français de ses observations écrites.
(15) - Relevons que, selon le Bundesvergabeamt, «Il est certes tout à fait envisageable qu'il existe également dans d'autres États membres des organismes, financés par des subventions comparables de leur État membre, qui pourraient participer à la procédure litigieuse...» (page 17 de la traduction en français de la demande de décision préjudicielle). Cette éventualité d'une participation d'opérateurs étrangers également subventionnés par les autorités compétentes de leur État membre d'origine ne
suffit toutefois pas, aux yeux du juge de renvoi, pour écarter l'hypothèse d'une discrimination en raison de la nationalité, du lieu d'établissement des soumissionnaires ou de l'origine des subventions dont ils bénéficient. Il explique ainsi, dans la même phrase, que «... les prestataires de services à caractère commercial d'autres États membres ne peuvent ou ne doivent pas s'attendre à rencontrer, dans le cadre d'une procédure de passation, des soumissionnaires autrichiens ayant, par rapport à eux,
une avance concurrentielle considérable grâce aux subventions des collectivités territoriales autrichiennes...». Ce faisant, il semble que le Bundesvergabeamt écarte un argument propre à établir une absence de restriction à la libre circulation des services - la faculté pour des entreprises étrangères subventionnées de répondre à l'appel d'offres au même titre que les entreprises nationales subventionnées - en recourant à des motifs fondés sur des considérations étrangères à cette problématique - la
violation du principe d'égalité de traitement entre opérateurs, indépendamment de leur origine nationale, du fait de la participation d'entreprises subventionnées. Nous examinerons cet argument dans les développements que nous consacrerons à la première question.
(16) - Arrêt du 18 novembre 1999, Unitron Scandinavia et 3-S (C-275/98, non encore publié au Recueil, point 18).
(17) - Arrêt du 18 novembre 1999, C-107/98, non encore publié au Recueil, points 53 et suiv.
(18) - Directive 93/36/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de fournitures (JO L 199, p. 1).
(19) - Voir, également, les conclusions de l'avocat général Alber, dans l'affaire RI.SAN. (arrêt du 9 septembre 1999, C-108/98, Rec. p. I-5219, points 46 et suiv.).
(20) - Arrêt Teckal, précité, point 50.
(21) - Ibidem, souligné par nous.
(22) - Ibidem, point 51.
(23) - Ibidem, point 50.
(24) - Page 13 de la traduction en français de la demande de décision préjudicielle.
(25) - Page 9 de la traduction en français de ses observations écrites.
(26) - Point 53.
(27) - ARGE affirme en effet que, «En possédant un nombre important de postes au sein du conseil d'administration ou du comité consultatif, ce sont en tout état de cause les entreprises privées participantes qui dominent» (page 9 de la traduction en français de ses observations écrites).
(28) - Quatrième question préjudicielle.
(29) - Point 50.
(30) - Pages 9 et 10 de la traduction en français de ses observations écrites.
(31) - Voir point 70 des présentes conclusions.
(32) - Voir Flamme, P., Flamme, M.-A., «Les marchés publics de services et la coordination de leurs procédures de passation», Revue du marché commun et de l'Union européenne, n_ 365, février 1993, p. 150 et suiv., paragraphe 9, point 10).
(33) - Aux termes de l'article 1er, sous b), de la directive, «sont considérés comme `pouvoirs adjudicateurs', l'État, les collectivités territoriales, les organismes de droit public, les associations formées par une ou plusieurs de ces collectivités ou de ces organismes de droit public. Par `organisme de droit public', on entend tout organisme:
- créé pour satisfaire spécifiquement des besoins d'intérêt général ayant un caractère autre qu'industriel ou commercial et - ayant la personnalité juridique et - dont, soit l'activité est financée majoritairement par l'État, les collectivités territoriales ou d'autres organismes de droit public, soit la gestion est soumise à un contrôle par ces derniers, soit l'organe d'administration, de direction ou de surveillance est composé de membres dont plus de la moitié est désignée par l'État, les
collectivités territoriales ou d'autres organismes de droit public». Dans l'arrêt du 15 janvier 1998, Mannesmann Anlagenbau Austria e.a. (C-44/96, Rec. p. I-73, point 21), votre Cour a interprété ces conditions, telles qu'elles sont également prévues à l'article 1er, sous b), deuxième alinéa, de la directive 93/37/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux (JO L 199, p. 54), comme ayant un caractère cumulatif. Cette solution peut
être transposée au présent article, en tout point identique à ce dernier texte.
(34) - Page 13 de la traduction en français de la demande de décision préjudicielle.
(35) - L'article 3, paragraphe 1, de la directive, par exemple, prévoit que, pour passer leurs marchés publics de services ou pour organiser un concours, les pouvoirs adjudicateurs appliquent des procédures adaptées aux dispositions de cette directive. Votre Cour avait clairement relevé, au sujet d'un texte comparable - l'article 4, paragraphe 1, de la directive 90/531/CEE du Conseil, du 17 septembre 1990, relative aux procédures de passation des marchés dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des
transports et des télécommunications (JO L 297, p. 1), qui prescrit l'application de la directive 90/351 lorsque les entités adjudicatrices passent leurs marchés de fournitures, est libellé de la manière identique -, qu'il n'existait aucune condition relative à la nationalité ou au lieu d'établissement des soumissionnaires (arrêt du 25 avril 1996, Commission/Belgique, C-87/94, Rec. p. I-2043, point 32). Par ailleurs, il ressort du vingtième considérant de la directive que l'élimination des pratiques
qui restreignent la concurrence n'est pas limitée à celles qui gênent la participation aux marchés des ressortissants d'autres États membres. De la même manière, vous aviez relevé, dans votre arrêt du 22 juin 1993, Commission/Danemark (C-243/89, Rec. p. I-3353, point 33), au sujet de la directive 71/305/CEE du Conseil, du 26 juillet 1971, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux (JO L 185, p. 5), que, même si cette dernière ne faisait pas expressément mention
du principe d'égalité de traitement des soumissionnaires, l'obligation de respecter ce principe correspond à l'essence même de la directive en cause, conformément à l'un de ses considérants, relatif au développement d'une concurrence effective dans le domaine des marchés publics et aux critères de sélection et d'attribution du marché tendant à garantir une telle concurrence. Or, il s'agissait pour votre Cour de se prononcer sur un grief tiré de la violation de la directive 71/305 indépendamment de
la nationalité du soumissionnaire auquel le marché avait été attribué. L'objectif de défense de la concurrence poursuivi par les directives sur les marchés publics doit être atteint par une application du principe d'égalité de traitement qui ne soit pas systématiquement réservée aux discriminations en raison de la nationalité. Il y a, selon nous, autonomie du principe de libre concurrence par rapport à celui de la libre circulation des services, sur lequel est fondée la directive, même si les
rapports entre les deux principes sont étroits, le premier concourant à l'effectivité du second.
(36) - Pages 8 et 9 de la traduction en français de la demande de décision préjudicielle.
(37) - Ibidem, page 14.
(38) - Arrêt du 11 juillet 1996, SFEI e.a. (C-39/94, Rec. p. I-3547, point 58).
(39) - Ibidem, point 59.
(40) - Ibidem, point 36.
(41) - Pages 8 et 9 de la traduction en français des observations écrites du gouvernement autrichien et points 16 à 18 des observations écrites du gouvernement français.
(42) - Voir note en bas de page n_ 33 des présentes conclusions.
(43) - Précisons que, bien qu'il en ait été fréquemment question dans les observations écrites des parties intervenantes et lors de l'audience, la question du régime applicable aux aides d'État illégales est purement hypothétique en l'espèce, nul ne prétendant que les aides dont bénéficient les organismes de recherche méritent d'être ainsi qualifiées.
(44) - Un prestataire qui n'a pas rempli ses obligations relatives au paiement de ses impôts et taxes selon les dispositions légales du pays du pouvoir adjudicateur, par exemple, peut être empêché, selon l'article 29, sous f), de la directive, de participer à un marché.
(45) - JO 1991, C 23, p. 1.
(46) - JO L 199, p. 84.
(47) - Point 22 des observations écrites de la Commission.
(48) - Voir points 99 à 106 des présentes conclusions.